Sérénité. Calme. Bonheur. [Libre]

Ombre parmi les ombres, le puissant entier marchait sous le couvert des arbres, alors que sur sa robe de cuivre clairs et obscurs alternaient, faisant ressortir ses puissants muscles qui se tendaient puis se détendaient. Il semblait être au sommet de sa forme, alors que sa peau, par moment, tressaillait, faisant vibrer son corps musculeux aux chaudes et précieuses couleurs. Que faisait-il ici, lui chef damné ? Cherchait-il dans cette forêt milles enchantements qui lui rappelleraient le visage tant chéri ? Oh non, Zénith avait passé l'âge de l'espoir interdit. Il savait ce qui était, et il ne souhaitait plus se mentir. Il avait passé bien trop de temps à espérer, à attendre, alors qu'il avait un jour laissé son fils seul. Son si tendre et doux fils qui était aujourd'hui devenu un étalon à la beauté et à la force prodigieuses. Il s'était remis de son abandon, et il avait même fait bien plus que cela, puisqu'aujourd'hui, il régnait en chef légitime du Crépuscule.

Zénith avait laissé ses sabots le guider, ses yeux bruns brillants d'émerveillement. Il respirait doucement, alors que son corps était détendu, sans tension apparente. Ses muscles élastiques et puissants roulaient sous sa peau, alors que la longue cicatrice qui lui barrait la croupe se tordait à chacune de ses foulées. Le père de Zanzibar était un animal solide et haut : il était, de par sa carrure, impressionnant. Et un jour, il en avait joué, sans le vouloir vraiment. Mais cet attribut, aussi bien dans sa vie de roi que de chef, l'avait aidé. Et dans ses premiers jeux amoureux, aussi ... Il avait fermé les yeux, alors qu'il se voyait encore jeune, la queue portée en bannière et le col roué, alors que sa maigre crinière blanche à l'époque habillait élégamment son encolure. Oh, qu'il s'était appliqué à danser, à séduire cette étrangère à la robe de cendres et de neige ! Oh, qu'il l'avait aimée !

Et sans faire attention, il avait continué sa route, alors qu'enfin, il ouvrait à nouveau les yeux, arrivant non loin d'un lac qui s'étendait au pied d'une cascade.

Droit sur ses aplombs, l'entier de cuivre s'était mis à dévisager l'inconnue qui l'observait. Elle était élégante, faite de finesse et de charmes, sa robe d'or détonnant dans toute cette verdure. Elle semblait tranquille, comme si elle s'était attendue à le voir arriver de nulle part, comme s'il était normal qu'il se trouvât là, devant elle, à poser sur son corps de jeune enfant encore ses yeux d'étalon d'âge mûr. Un sourire étira ses lèvres, éclairant faiblement son visage, et déjà, il répondait, avec les formes et les coutumes.

" Bonjour, Leaf, si là est votre préférence. Je me nomme Zénith, et autrefois, j'ai appartenu au clan du Crépuscule. J'en porte d'ailleurs encore l'odeur sur moi. "

Il n'y avait ni joie ni peine dans sa voix, seulement des accents graves et rauques qui pouvaient rappeler ceux du jeune roi. Si l'étalon semblait vif et en pleine possession de ses moyens, il n'y avait dans son regard cette étincelle de joie, cette étincelle de vie. Il vivait, oui, il était bien présent, habillé de son manteau sombre et coiffé de sa pâle crinière. Il était là, aussi bien par le corps que par l'esprit, mais il semblait évident que les choses qui savaient séduire son âme n'étaient plus.

Mais il n'avait jamais été du genre à se répandre, surtout auprès d'inconnus, et pour rien au monde, il n'aurait prononcé les mots tant chéris des siens, des siens disparus et perdus à jamais, des siens qui s'en étaient allés, lui tournant doucement le dos pour s'évanouir dans l'ombre insondable d'une nuit féroce et sans aube.