Secrets du crépuscule (Zanzi')

Le soleil orangé se reflétait dans l'eau aux doux mouvements souples et lisses. Une légère brise soufflait doucement, soulevaient ses crins d'ivoire pour les faire monter vers le ciel. Dans cette brise voyageait un onctueux parfum, sucré et salé à la fois, peu être un lointain mélange de fleurs et de l'enivrante odeur de la mer. En cette soirée tout était parfait. L'eau douce léchait ses sabots; venait s'étaler sur les galets d'argent. Seuls les oiseaux s'étaient arrêtés de chanter. Le calme était parfait. Il ne manquait plus que lui. Car c'était pour lui que la belle s'était déplacée ici. Et elle espérait tant le revoir, bel étalon aux reflets dansant, rien que pour pouvoir galoper avec lui une nouvelle, fois, voir ses yeux pétillants et son allure pleine de légèreté.

Katanka ressortit de l'eau. Son beau pelage roux ruisselait de tous les cotés.
Elle avait toujours aimé nager. Son bonheur était de sentir l'eau douce envelopper son corps frêle, l'accompagner dans ses mouvements de grâce, lui donnant tant de force, de puissance. Tout ce qu'elle ne possédait pas en réalité.
Cet émerveillement qui n'était pas partagé par la jument avec laquelle elle s'était liée. Car Antéa n'aimait pas nager. Pas à cause de la sensation que cela lui procurait. Elle avait seulement l'impression de polluer cette eau claire et cristalline, la troubler.

La jeune renarde s'ébroua, rendant son pelage touffu et humide. Quelques gouttelette perlèrent sur les membres d'Antéa, qui vint plonger ses naseaux dans son pelage humide. Il ne manquait plus que lui...

Comme un grondement de tonerre, le son de ses sabots sur le sol faisait trembler la terre, alors qu'il avançait, aussi rapide que l'aigle royal qui fond sur sa proie. Somptueux dans sa robe de flammes, le fils maudit de Zénith errait, comme à sa grande habitude, sur les terres du Crépuscule qu'il chérissait tant. Chaque millimètre carré qui faisait partie des terres, Zanzibar en avait connaissance. Là, par exemple, à quelques foulées de son corps léger, il y avait une fourmilière, plus à gauche, sur les branches basses, il y avait mille et une chenille, qui, bientôt, s'envolerait vers la mort sous la forme de magnifiques papillons. Et là, en face, à une bonne dizaine de mètres, il y avait, sur les rivages chers du Lac, un caillou blanc, poli et repoli par l'allée-venue de l'onde si paisible qui avait, avec le temps et l'érosion, pris la forme d'un coeur. Du moins, c'est ce que le jeune adulte voulait avoir le droit de continuer de penser. Pris par le coeur et les souvenirs, l'étalon accéléra l'allure, cherchant en ces vastes lieux une promesse, afin de découvrir le vrai visage de la bonté. Oui, il pensait à elle, elle, elle encore et toujours. Se pouvait-il qu'elle y soit, près de ce doux Lac aux milles reflets?

Il l'imaginait, sa douce crinière humide, collée contre son encolure si gracieuse, qui formerait un bel arc de cercle, débouchant sur un nez rond et soyeux. Le bas de ses membres serait plus sombre que le haut, puisque mouillé par l'eau claire. Son regard, lui, pétillerait de vitalité, et de malice aussi. Elle serait juste là, frissonnante dès qu'un coup de vent soufflerait; forte et fragile à la fois.... Tel était son rêve.

Il ne se trouvait qu'à cinq mètres du point d'eau, quand le vent lui apporta une douce fragrance. Oui, le rêve devenait réalité! Antéa était là! Il accéléra encore, déboulant des arbres rangés en troncs serrés, se jetant dans l'eau avec une incroyable vigueur, si bien que son corps de flammes pris une teinte plus suombre, alors que le soleil se jouait encore de ses reflets. Ses yeux d'ors luisaient d'un bien étrange éclat, alors qu'à mesure qu'il s'approchait d'Antéa et de Katanka, il ralentissait, prenant bientôt le trot, avant de repasser au pas pour finalement s'arrêter, alors que l'onde ne lui arrivait plus qu'au genou. Royal dans sa stature et son sang, il laissa couler sa voix chaude:

"Demoiselles. Quelle joie de vous revoir!"

Antéa surssauta, se retournant vivement vers la douce voix derrière elle. Il était là, lui, Zanzibar et ses reflets de flamme rougeoyants sur sa belle robe brune, dansants tels des âmes joyeuses, épousants parfaitement son corps aux formes rondes, comme si c'était lui que ces flammes enbrasaient.
A présent tout était bien trop parfait. De ce doux soleil couchant à ce magnifique étalon devant elle. Cet étalon, lui, pourrait-il être une ombre, un mirage? Une belle image directement sortie des plus belles de ses pensées?
Non, il était bel et bien réel. Et si beau.
La jument chercha néanmoins à cacher sa joie, même si elle rayonnait au fond de son coeur, la soulevant tel un brusque coup de tonnerre. Elle ne pût néanmoins chasser un immense sourire qui parvint malgré elle à se dessiner sur son visage. Respirant un grand coup, elle prit la parole à son tour.

-Moi de même Zanzibar! Je suis si heureuse... De voir que vous vous portez bien!

La jument avait été coupée dans son élan. Il était si étrange que, après avoir tellement pensé à lui, elle parvenait à ne plus trouver ses mots devant l'étalon. Elle éprouvait une sensation si... bizzarre. Elle ne sût pas mettre de mot dessus.
Elle plongea de nouveau ses yeux dans les siens, ces beaux yeux où brillait un bel éclat doré. Quelques gouttelettes perçaient sur sa robe brune, et le soleil couchant lui donnait de belles couleurs orangées.

Un large sourire avait étiré les lèvres de l'entier de flammes, alors que son regard perçant était allé chercher celui plus doux de la belle jument. L'eau claire du lac lui arrivait aux genoux, mouillant de reflets sombres sa robe chatoyante, alors qu'il commençait à piaffer. Quelque chose, depuis la dernière fois, avait changé en lui. Plus fort peut-être? Ou plus grave? Mais en tout cas, heureux de la voir devant ses yeux, heureux de lui voir un sourire aux lèvres. C'était donc cela, la joie, le bonheur... Ô, jeunesse imortelle et rayonnante! Ils étaient encore là, réunis par le plus puissant des sortilèges, à s'enivrer et à s'enhardir de la présence de l'autre. Elle était belle, belle dans sa robe blanche aux délicates truitures sombres. Elle était comme une muse, ainsi luisante de goutelettes.

"Remercions notre bonne étoile de nous avoir réunis!"

Majestueux, le jeune étalon se leva, tranchant l'air frais de ses sabots, alors qu'il poussait un hennissement rauque et profond. Enfin, il se laissa retomber, invitant des ridules sur l'onde. Puis, fauve, il fit un pas rapide vers Antéa. Attrappe-moi!

Un sourire se dessina sur ses lèvres alors qu'elle le regardait d'un air joueur. Elle l'avait enfin retrouvé. A présent tout était parfait. Absolument tout. Et à cet instant, elle souhaita que tout dure une éternité.
Le regardant pleine de tendresse et d'adoration devant sa somptueuse allure, elle se leva puis retombit lourdement dans l'eau, la frappant du plat de ses antérieurs, éclaboussant son ami devant elle. Puis elle s'éloigna, éclatant de rire, feignant de craindre les représailles de l'étalon. Arrivée à quelques mètres, elle se retourna.
Il lui semblait si beau. Tout en lui rayonnait, tout en lui lui semblait... parfait. Oui, c'était cela. Tout en li, ses traits, ses formes enflammées, son magnifique sourire, oui, tout était parfait. Sûrement trop parfait pour elle, se dit-elle, éttouffant un soupir. Mais elle était heureuse, et pensait qu'il l'était aussi, n'était-ce pas tout ce qui comptait?

Farouche, Antéa lui apparaissait comme une délicate biche, alors qu'elle mimait la fuite, un large sourire accroché à ses lèvres. Quel plaisir de la voir ainsi heureuse! Alors, léger, Zanzibar s'élança à sa suite, s'échappant du lac et touchant la terre, plein d'énergie, la foulée bondissante et les muscles tendus. Il deviendrait un guerrier, un véritable. Certes, sans doute n'égelerait-il jamais le niveau de Shiki, mais sans doute en aurait-il à revendre. Rapide, il se détachait du sol avec aisance, se rapprochant toujours un peu plus de la jument truitée. Enfin à sa hauteur, il étendit vers elle son encolure, lui attrappant quelques mèches rebelles, et freinant ensuite des quatre fers, alors qu'il lâchait progressivement sa prise. Son regard noisette pailleté d'or s'embrasa de malice, alors qu'il faisait demi-tour sur lui-même, jouant de la puissance de ses postérieurs. Enfin, il usa de sa puissante détente pour s'éloigner de la belle,alors qu'il poussait un hennissement rauque, invitation à le rejoindre.

Heureux, tout simplement, de partager un tel jeu avec elle, heureux de la voir sourire aussi. Etait-elle heureuse, cette belle jument aux allures farouches et au regard si doux? Il l'espérait, il le souhaitait de tout son coeur et de toute son âme!

Antéa était à présent si heureuse... Elle ne désirait à présent rien d'autre de ce qu'elle possédait déjà. A côté de cet étalon son passé lui paraissait si flou, ses souvenirs si distraits. Lorsqu'elle le parcourait des yeux, Lui, tête haute, sourire aux lèvres, regard joueur, avec son air si joyeux, elle pensait que rien d'autre au monde ne pourrait la rendre si heureuse. Mais il restait toujours une question sans réponse : était-ce le cas de l'étalon également?

Dans le feu de l'action, elle galopa vers lui dans un éclat de rire, l'eau s'agitant à son passage, éclaboussant sa robe truitée. Arrivée à ses côtés, ruisselante, elle ferma les yeux et colla ses naseaux ronflants contre son encolure. Une immense chaleur l'envahit. Elle se sentait si bien, à cet instant... Au point qu'elle désirait que ce moment dure une éternité.
C'est là que l'inquiétude lui revint.
Elle demanda alors d'une petite voix douce et hésitante :

-Zanzibar... Etes-vous heureux, à ce moment précis?

Puis, scilencieuse, immobile, elle attendit sa réponse.

Le jeune étalon filait, aussi prompt que le vent, alors qu'Antéa courait sur ses pas. Sa crinière de flammes dansait sur son col puissant de guerrier, tandis que ses membres noueux battaient la cadence, invitant la Solitaire à l'imiter, alors que dans ses veines coulait plus la joie que le sang. Heureux, tout simplement. Il vrillait, sautait, repartant toujours plus vite, alors que de temps à autre, il lançait une ruade sur le côté pour manifester son euphorie débordante. Rien ne semblait pouvoir nuire à cet intense sentiment, et Zanzibar se posait une fois de plus en roi, alors qu'il courait sur ses terres, celles qui avaient fait son enfance et sa douleur, celle qui faisaient sa fierté et son orgueil. Tout son être semblait crier qu'il appartenait à ces terres, et que pour rien au monde il ne renierait son sang.

Alors, la délicate jument déboula à sa hauteur, alors qu'il errait dans le lac, l'eau claire embrassant ses jarrets. Il allait repartir quand il sentit le contact brûlant des naseaux de la belle sur son col. L'effet fut immédiat: il se figea sur place, respirant bruyamment à cause de l'effort fourni, et posant ses grands yeux clairs dans ceux de la Solitaire. Et c'était avec la plus grande délicatesse que le mâle lui rendit sa brûlante caresse, effleurant son encolure ainsi que son garrot de ses doux naseaux. Il souriait, et bientôt, sa voix suave et rauque perça de nouveau le silence.

"En ce moment même, je suis le plus heureux de ces terres. Et vous Antéa, êtes-vous heureuse d'être là, en ce moment?"

La jeune jument se figea à son tour, les yeux pétillants de bonheur, coupant sa respiration. ELle frissona lorsque Zanzibar effleura son col. Il demandait si elle était heureuse, elle? Oh oui, oui, plus que tout! Un grand sourire se dessina sur son visage.

-Je suis plus heureuse que je ne l'ai jamais été.

En ce moment si parfait, alors qu'Antéa plongeait encore une fois, qui lui semblait être la millième, ses grands yeux dans ceux du bel étalon aux flammes dansantes, elle ressentit soudain quelque chose. Quelque chose qu'elle n'avait pas ressentit depuis longtemps. Elle espéra s'être trompé.
Baissant les yeux, elle plongea son regrad dans cette eau translucide dans laquelle ils erraient tous deux, qui était à présent brouillée par leur furieuse galopade. Serait-il possible... ?

(désolé, c'est un peu court mais j'y arrive plus ><)

Comme figé dans l'air du temps, Zanzibar ne bougeait plus. Par moment, son corps tremblait, ses muscles qui devenaient de plus en plus saillants à mesure que le temps passait s'agitant sous sa peau de velours. Il semblait paisible, loin des problèmes de chef, loin des problèmes liés à sa naissance. S'il était l'héritier du Crépuscule, il aurait été, sur une autre terre, l'héritier d'un royaume entier, comme il était fils de Roi. Pourtant, il rejetait avec force l'idée de quitter le Crépuscule. Il savait que c'était ici chez lui, et nulle part ailleurs, qu'il soit roi ou non.

Un silence s'installa entre eux, alors qu'Antéa avait baissé ses yeux, les posant sur l'onde brouillée. A quoi pensait la belle dame? Le jeune étalon la regardait avec insistance, comme s'il attendait quelque chose d'elle.

[court aussi, dsl ><]

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