Une proposition alléchante [Shiki]

La neige d'automne noyait la toundra sous un manteau de blancheur.
Dans les replis de ce drapé immaculé, ici et là, se devinait quelque brin d'herbe, quelque mousse perdue et survivante du bel été trop tôt achevé. Vêtue d'un millier de diamants, la neige scintillait encore dans le jour polaire et le paysage, éclatant, aurait brûlé la rétine d'un cheval non accoutumé à ces immensités arctiques. Bientôt, la terre s'affadirait, bientôt, le crépuscule bleu des grands froids viendrait et noierait la mer de neige dans son flot bleu de nuit, jusqu'à ce que survienne, toujours au rendez-vous de l'hiver, la longue nuit polaire.
Mais pour l'heure, le soleil brillait et réchauffait agréablement le dos de ceux qui cheminaient, malgré une bise glaciale qui vous glaçait jusqu'à la moelle sitôt que vous y étiez exposé. Elle faisait haleter, rendant l'inspiration ardue, un défi pour les muqueuses respiratoires quand vous tentiez un galop, et c'était précisément ce que faisait Shiki. Le jeune Thar du Clan de Glace, plein d'énergie, s'était lancé dans une course folle. Tout plein du désir de se dépenser et de fouler à grandes enjambées cette terre molle et point encore gelée, qui accueillait si bien le pied, si moelleuse, le jeune étalon gris sombre portait la tête haute et l'oeil vif. Ses naseaux largement évasés aspiraient l'air dans un bruit sourd et ses côtes puissantes le chassaient au rythme de ses pas, tandis que le vent glacé fouettait sa courte crinière noir corbeau et son toupet, plus long et tout aussi luisant, les rabattant en arrière avec sa queue portée haut.

Il aimait courir. Il avait besoin de ces moments de solitude absolue, en être seul face à l'immensité d'une nature plus puissante que lui mais qu'il avait appris à aimer et estimer, avec laquelle il savait désormais composer. Cette terre arctique, aride, arrogante, exigeante et écarlate du sang de ceux qui avaient échoué qui était sienne, et qui coulait dans ses veines comme n'importe quel fluide vital. Il était d'ici, et c'était comme une évidence. Ses ancêtres étaient nés ici, ils avaient vécu leur vie de Thar, en tête du Clan de Glace et étaient morts comme ils avaient vécu : pour la plupart de mort violente.
Le dernier Thar en date n'avait pas fait exception...
Pour chasser le souvenir qui raidissait soudain son échine, Shiki abaissa l'encolure, allongea sa ligne de dos en même temps que ses foulées et utilisa tout, puissance, force et souplesse pour accélérer encore et encore, lançant ses antérieurs loin devant lui, les yeux rivés sur un horizon inaccessible mais qui lui paraissait à sa portée. Il allait un train d'enfer, sans se soucier de s'épuiser, désireux simplement d'une ivresse simple et vite obtenue, de dévorer le terrain au grand galop.

Quand soudain il aperçut une silhouette connue, l'étalon gris ralentit assez son galop pour arquer l'encolure et lancer, légèrement essoufflé, le cri rauque de l'étalon, un cri de salut à son interlocuteur du jour. Reprenant le trot, les genoux dansant haut dans la neige d'une immaculé blancheur, l'étalon gris roua son encolure et laissa son toupet épais recouvrir ses yeux anthracite tandis qu'il rejoignait ce membre honorable de son Clan. Le jeune Tino, élevé sur les Terres de Glace, impliqué, volontaire et à qui, après moult réflexions, il avait décidé de s'adresser afin de l'évaluer.
Face à lui, Shiki s'arrêta et sourit quand Tino lui envoya un coup de museau. Comme bien des jeunes étalons, cet animal, presque de son âge, aimait à se montrer tactile et le Thar ne souhaitait pas spécialement le réprimander pour cela. Plus sociable que la moyenne des chevaux du nord, Shiki demeurait réservé mais éprouvait envers Tino, qu'il avait vu grandir avec ses yeux de poulain d'à peine un an plus âgé, une certaine affection.

"Bonjour, Tino. Navré, je ne pensais pas que la première neige de la saison tomberait si tôt...marchons un peu pour ne pas avoir froid !
Comment vas-tu ?"

"Bonjour Tino. Navré, je ne pensais pas que la première neige de la saison tomberait si tôt... marchons un peu pour ne pas avoir froid !
Comment vas-tu ?"
demanda le Thar du clan,
"Il est vrai que j'ai un peu froid, mais après cet été étouffant, j'avoue que ce n'est pas de refus !"
Et tout deux se mirent en route dans le neige, une brise froide s'installa et ébouriffa les crinières des deux étalons, l'une, celle de Shiki, noire et courte laissait courir le vent entre chacun des crins, l'autre, celle de Tino, longue et blanche se soulevait au gré du vent.
Les deux animaux marchèrent sans un mot, tout deux plongé dans leur pensée. A vrai dire, surtout Shiki, mais Tino s'avait que son Thar aimait ses moments de pur liberté, il s'abstint donc de posait la question qu'il avait depuis le début sur le bout des lèvres : *De quoi voulez-vous me parler ?*.
Tino était hyper-actif et ne supportait le fait de marcher dans le froid glacial, surtout que la brise faisait s'élevaient des particules de neige et bientôt, la robe pie du cheval devint totalement blanche.
Mais rien ne pouvait déconcentrer Shiki, le bel étalon gris fermait les yeux et savourait ce qui, pour Tino, n'était pas une partie de plaisir.
Soudain, le Thar s'arrêta au pied d'un des seuls arbres de La Toundra, couvert de neige qui menaçait à tout moment de s'écrouler au sol.

[attention, quand tu dis "Mais rien ne pouvait déconcentrer Shiki, le bel étalon gris fermait les yeux et savourait ce qui, pour Tino, n'était pas une partie de plaisir.
Soudain, le Thar s'arrêta au pied d'un des seuls arbres de La Toundra, couvert de neige qui menaçait à tout moment de s'écrouler au sol.", c'est déjà du power-Gaming. C'est-à-dire que tu joues Shiki à ma place. Tu peux dire que Shiki semblait apprécier la neige, pas qu'il fermait les yeux...pareil, Tino peut s'arrêter au pied de l'arbre et moi je ferai sûrement s'arrêter Shiki à côté, parce qu'on est en RP et qu'il faut que les persos interagissent, mais c'est à moi de décider ce que fait mon perso ]

Shiki esquissa un sourire.
Oui, l'été avait été chaud et même humide, chose rare dans les contrées du Grand Nord où chaleur rimait avec températures clémentes et raisonnables, comme une accalmie entre les violentes chutes de neige du printemps et de l'automne. Mais cette année, fort étrangement, le soleil avait tapé dur et réchauffé les corps, non les coeurs. Une chaleur étouffante car chargée de l'eau de la fonte était montée du sol élastique de la toundra délivrée de son carcan de neige, lourde de la riche odeur d'humus et de terre dégelée. Le permafrost en profondeur avait beau conserver sa dureté de gel, il était plus profond que d'ordinaire et la végétation, les lichens avaient été, cette belle année, plus exubérants que de coutume.

Proches de la limite arctique, ils cheminaient non loin de la taïga et de ses pinèdes enneigées, si bien que quelques arbres épars croisaient parfois leur route, au loin, silhouettes dressées dans le ciel d'un blanc de plomb, plombé de neige en devenir. Les bras des sapins s'étendaient, encore chargés de leurs longues manches d'aiguilles qu'enveloppaient déjà une écharpe de neige, et, en gardiens fidèles, ils se tenaient droits et rangés au long de la plaine blanchie.
Un isolé, un original dormait au coeur des lichens. Par quel miracle avait-il pu naître ? Comment la graine déposée un jour de grand vent avait-elle su tirer sa subsistance de cette terre ingrate, gelée à coeur les trois quarts de l'année et dont seule la surface perdait parfois sa froideur de glace au gré de l'été ? Comment peut-on pousser, grandir dans de telles conditions ? Et pourtant...il était là, éclatant de santé et verdoyant, chargé d'une neige qui ne le faisait pas ployer, sous les yeux des deux étalons, et Shiki se fit la réflexion qu'il connaissait bien des chevaux qui, à l'instar de ce sapin, tentaient de se tenir droit sous une lourde avalanche. Bien des chevaux qui parvenaient, par miracle semblait-il, à pousser droit malgré l'adversité...
Quelle force que celle du vivant !

L'arbre inspirait le jeune chef, qui stoppa à son pied en imitant en ceci Tino et tourna autour de l'épaisse ramure pour s'abriter du vent, sachant que son compagnon, non natif des terres de l'hiver éternel, était plus frileux que lui. Là, protégé des hululements lugubres et de l'air qui s'engouffrait dans ses oreilles et sa crinière, Shiki se tourna vers Tino avec le sourire.

"Alors dis-moi, que penses-tu de la décision du Clan de ne pas fuir le Fléau ? "

Pensif, l'étalon gris hochait la tête, image inverse de l'exubérance de Tino qui s'était campé quand Shiki l'avait interrogé. Il semblait fier de pouvoir donner son avis et son Thar se garda bien de l'interrompre, attentif quant au discours du jeune mâle et à son émotion, qui paraissait sincère. Quand l'étalon pie eut fini son discours, l'étalon gris fumée gratta la neige de la pointe du sabot et répondit lentement, mais d'un ton convaincu :

"Oui, c'est là la force des chevaux du Grand Nord : notre union. Nous sommes souvent de même lignée et, quoique parfois d'horizons différents, d'avoir été élevés ensembles et en bonne camaraderie avec les léopards géants fait que nous sommes un...un et un seul coeur, une seule terre."

Il sourit en se remémorant le jour où, tout jeune poulain, il avait vu Tina annoncer à Stelmaria sa décision de garder avec elle le jeune poulain pie qu'elle avait déniché. La Maudite s'était bien gardée de protester, appliquant à la lettre le vieil adage qui voulait que chacun vive sa vie à sa guise et en assume toutes les conséquences, le Clan ne fournissant la protection que quand elle participait de celle du groupe.
Le poulain pie avait si bien grandi que, sur ces terres hostiles parmi les hostiles, il survécut à sa mère et devint membre respecté du Clan de Glace...membre auquel Shiki, ce jour-là, s'adressait quand il l'interrogea avec une curiosité non feinte :

"Toi qui n'es pas né parmi nous, n'as-tu jamais craint les léopards géants ? J'ai grandi avec eux, mais je sais que ce n'est pas le cas de tous et ils sont impressionnants, même plus grands que des chevaux..."

Devant la question de son Thar, le jeune étalon pie resta un moment pensif, cela faisait presque quatre ans qu'il vivait avec ceux du clan et il n'avait jamais pensé aux léopards géants, que ferait-il face à l'un d'entre eux ? Serait-il comme Shiki, brave et téméraire, comme un vrai cheval sauvage, comme Tina ?!
Ou serait-il lâche et prendrait la fuite laissant derrière lui des félins sauvages et assoiffés de sang ? Pour l'étalon, la réponse était vite vue, comme cela, face à son chef, il serait un courageux cheval ! Mais était-ce vrai ? Une seule façon de le savoir... Tomber sur un léopard.
Mais bon après tout, pour Tino, il avait toujours était un cheval sauvage, il ne connaissait pas ses parents, ne se souvenait plus de sa vie avant le clan de la Glace. Il n'y avait pas de raisons qu'il fuit face à ce qui n'effrayait point l'étalon gris qui avait pratiquement le même âge que lui et dont il avait fais son éducation avec ! Alors, remplit d'ambition, il lâcha avec haine ces mots :
"Je ne suis pas né ici, mais c'est comme ci ! J'ai appris les mêmes choses que vous et en mêmes temps que vous ! Je ne connais pas mes parents biologiques et me considère comme un étalon qui a toujours était ..."
Mais il se stoppa, il se sentait bête, pourquoi crier comme cela, après tout, Shiki avait juste voulu connaître son point de vue et pas lui dire qu'il n'était pas des leurs.
"Excuse moi... Je ne voulais pas dire cela..."
Se rattrapa l'étalon pie.

Shiki n'était pas outré par la réaction assez vive du jeune étalon. Après tout, il avait lui-même été assez cavalier et peu délicat dans ses mots, il n'était que justice que Tino réagisse avec vigueur. Grattant la neige de la pointe du sabot en un geste machinal tandis qu'il réfléchissait aux termes à employer pour ne pas attiser la colère de son alter ego qui déjà s'apaisait, Shiki ouvrit la bouche pour parler.
Il n'en eut pas le temps.

"Seigneur, jeunes gens, que de bruit sur la Toundra !"

Souffla une voix grave et amusée derrière eux. A ses inflexions rauques, Shiki, qui se retourna lentement, avait reconnu le timbre d'un vieil être cher. il n'avait même pas détaillé l'immense silhouette qui se tenait derrière lui que le jeune Thar souriait en rejetant sa crinière en arrière et lâchait :

"Bien le bonjour, Griffe d'Abîme!"

Le vétéran inclina la tête tandis qu'un grondement vibrant jaillissait de sa poitrine enveloppée d'une épaisse fourrure d'une couleur bien inhabituelle dans sa race. Tout drapé d'ombre et de nuit, le grand mâle arborait un magnifique pelage couleur de fumée et de suie, encore marbré de sombres ocelles. Pareille fourrure, dans la blancheur immaculée de la banquise qu'il arpentait depuis son plus jeune âge, aurait dû vouer l'infortuné à la mort affreuse, impitoyable, dans les affres de la faim. Mais Griffe d'Abîme n'avait pas que son pelage d'exceptionnel...
Têtu, battant comme jamais, il avait été légende dès sa venue au monde, dès que ses griffes noires jaillirent au froid soleil du jour polaire. Griffe d'Abîme avait grandi dans la chaleur et l'insouciance du Clan, mais comme poussent les réprouvés : noir de poil, parmi les autres innocents vêtus d'argent, il lui avait fallu apprendre très vite le goût amer de la différence. Pourtant, il avait survécu...déterminé à devenir le meilleur en tout, exceptionnel de force et de santé, le jeune mâle était vite devenu combattant de légende avant de se faire conseiller du Thar d'alors.
Et c'est tout naturellement qu'il devint le mentor du jeune Tharaman quand le grand mâle accéda au trône.
Mais ce soir, une tristesse insondable noyait les prunelles aigue-marine du vieux mâle, tandis qu'il répondait au salut du jeune chef aussi gris que lui, car une fois encore, le destin s'était joué de lui. Une fois encore, Griffe d'Abîme survivait à son chef. Tharaman n'était plus, Edelweiss seule restait, l'ombre d'elle-même, perdue comme un chaton dans la tempête et lui, une fois encore, devait juguler sa peine pour demeurer le roc sur lequel s'adossait tout le Clan des léopards Géants.
Immense pour un léopard géant, toisant plus de trois mètres au garrot, le puissant vieux mâle nettoya une de ses pattes, léchant les griffes d'un noir parfait, avant de reprendre la parole :

"Vous feriez fuir jusqu'aux orques jusqu'au confins de la mer de glace...Edelweiss m'envoie aux nouvelles, et je suis heureux de constater que vous êtes toujours ici et déterminés à le rester. Que les chatons du Sud prennent la fuite, nous sommes d'une autre trempe, nous les arctiques, pas vrai ?
Jamais, jamais je n'ai vu les léopards s'enfuir, ni même les chevaux leurs alliés...je suis heureux que vous ne soyez pas les premiers. Mais, au fait, à qui ai-je l'honneur ?"

Les mots grondaient étrangement dans sa gueule garnie de crocs dont un seul aurait pu épingler les chevaux à l'arbre comme deux papillons brisés, mais son ton demeurait aimable tandis que l'immense créature se tournait vers Tino pour s'enquérir de son identité.

[Griffe d'Abîme est un personnage pantin. Ca veut dire que tu peux retrouver sa fiche dans la partie "personnages pantins" et que tu peux le faire agir comme tu veux, toi aussi, tant que tu respectes son caractère]

D'abord surprit par l'arrivée du grand léopard puis rassuré de voir qu'il n'avait pas peur, Tino restait émerveillé devant la splendeur mais aussi la taille de Griffe d'Abîme. Ses yeux brillait devant l'animal dont la fourrure spectaculaire rayonnée sous le chaud soleil qui avait à nouveau prit le droit sur les nuages.

Mais sous la question de celui-ci, le jeune étalon pie sortit de ses pensées et une boule s'installa dans sa gorge,

"Je... je m'appelle Tino"


balbutia le pie, sa gorge se serra mais il ne savais pas pourquoi ! Il tremblait de tous mes membres, son postérieur gauche frappait nerveusement le sol neigeux et son œil clignait sans qu'il y puisse quelque chose. Cela l’étonnait même, lui dont le caractère calme, serein et blagueur ne l'avait jamais fais stressé ! Mais le sourire de son interlocuteur le fit se détendre.

"Alors c'est toi le fameux protégé de Tina ? Je ne doutais point que je finirais par te rencontrais. "

Dit le léopard en adressant un regard rieur à Shiki.

[pas de souci^^]

Griffe d'Abîme était impressionnant, il fallait bien le reconnaître et il avait beau adopter une posture détendue, toilettant soigneusement les griffes de sa patte avant gauche en écoutant la réponse de Tino, même Shiki ne pouvait s'empêcher de penser que l'animal était immense et qu'un seul de ses crocs perforerait sa jugulaire avec plus de certitude encore que les bêtes de guerre qu'étaient les Maudits. Le jeune Thar soupira et recula d'un pas pour laisser toute latitude aux deux protagonistes de cet étrange dialogue d'alliés inter-espèces, admirant le contraste entre la robe sombre du grand fauve et la clarté grisâtre de la Toundra triomphale de soleil.
Il avait grandi à leurs côtés, comme tout futur Thar. Shiki avait très tôt été initié aux rites et aux chasses des Léopards Géants, grâce à Tharaman, le daemon de sa grand-mère Stelmaria. Il se souvenait encore de ses courses-poursuites avec les petits de ces grands félins, qui apprenaient ainsi à leur âge le plus tendre la leçon qu'il leur fallait imprimer en lettres de feu dans leur esprit de chasseur : cheval n'est pas proie. Chevaux de Glace et Léopards Géants avaient conclu un pacte des siècles auparavant, pour mettre fin à la guerre meurtrière qui décimait leurs rangs. A cette époque, les fauves n'étaient point si grands, les chevaux point si résistants au froid et pourtant, la bravoure de l'un n'avait d'égale que celle de l'autre. Les champs de bataille jonchés de cadavres, la neige trempée de sang avaient inspiré à deux jeunes êtres, l'étalon Hymlya et le fauve Coeur Astral, l'alliance qui désormais trempait de sa Malédiction le sang des Thars de Glace et assurait force et protection aux deux parties.
Il avait grandi avec eux, il avait chassé avec eux, il les avait suivis sur la banquise où dérapaient ses sabots trop tendres encore, et son poil s'était épaissi à s'abriter contre eux du blizzard des hautes latitudes. Les léopards étaient pour Shiki un prolongement de sa propre race, de son sang, chassant de concert avec lui et comme lui, appartenant de cette terre merveilleuse qu'était celle du Nord.
Shiki esquissa un sourire pour intervenir dans la discussion :

"Il est vrai que nous n'avons pas joint nos Clans depuis longtemps...nous nous voyons, nous nous côtoyons mais je crois que certains commencent à oublier à quel point nous sommes du même sang. Je suis de ceux qui ont grandi aux côtés de vos jeunes, mais les autres chevaux de ma génération ne l'ont pas tous vécu...n'est-ce pas, Tino ?
Que penseriez-vous, tous deux, d'un rassemblement de nos deux Clans, une réunion, un jour de réjouissances avant que ne tombe la nuit polaire ? Léopards et chevaux, de concert, pour des jeux, des défis, peut-être des chasses..."

Griffe d'Abîme, songeur, ferma les yeux :

"En des temps anciens, je me souviens de telles fêtes. Tharaman n'en a plus jamais organisé depuis la mort de sa première compagne sous les sabots de Stelmaria, mais je crois que le coeur y était. Simplement, les Thars étaient aussi liés par la relation de coeur du daemon et de son cheval, et ils n'avaient nul besoin de tels instants de jeu pour nouer leurs Clans étroitement.
Mais il serait bon que nous rappelions à tous les nôtres que si les Maudits sont Maudits, c'est aussi parce que les léopards et les chevaux sont amis...je pense que tu as eu une bonne idée, Shiki. Qu'en penses-tu, toi, Tino de Tina ?"

L'étalon pie avait reprit de son légendaire bien-être avec les paroles enthousiastes de son Thar. Il répondu à ces deux aînés :

"Je suis tout à fait d'accord avec vous, je pense que ce rassemblement sera un très bon moyen de rapprocher voir de sceller nos deux clans. D'autant plus dans cette phase de l'histoire importante pour les terres de glaces !"


Il finit ces mots par un hennissement de joie accompagné d'un petit levé sur les pattes arrières. 

Tino était tout enthousiaste par cette proposition, connaître mieux le clan qui vivait sur les même terres était une aubaine pour lui ainsi que pour tous les petits. 

"Je suis bien heureux que nos deux clans se rapprochent à nouveau mon jeune Shiki, merci de ta proposition et de ton implication. Tu feras un remarquable Thar."


Dis le grand fauve à l'étalon gris.

Shiki esquissa un petit sourire :

"Nos deux Clans sont déjà plus que scellés, sais-tu ! Tu l'apprendras au fil du temps et des années que tu passeras ici, car c'est un concept quelque peu contre-nature même pour les plus jeunes d'entre nous, mais les Léopards géants et les chevaux de Glace sont alliés, non seulement par choix mais aussi en vertu d'un très ancien pacte à la magie puissante.
Mais fut un temps où nos petits grandissaient tous ensembles...depuis, les choses ont changé."

Griffe d'Abîme s'interrompit et, de sa basse voix de gorge, donna la réplique au jeune Thar :


"Nous n'avons rien oublié du vieux pacte. Nous sommes autant vos alliés que vous les nôtres mais le fait est que les loups arctiques nous donnent du fil à retorde, même sans Kaja à leur tête. Nous devons défendre nos proies, notre territoire et notre pitance et je dois reconnaître que parfois, nos contacts se font de ce fait plus rares.
Et force est de constater qu'il nous faudra du temps pour nous habituer aux nouvelles configurations des Clans..."

Shiki avisa soudain la pitié das les grands yeux aux prunelles fendues et faillit coucher les oreilles en arrière, tant à cause du violent chagrin que ravivaient les mots du vétéran que pour cette compassion qu'il estimait ô combien malvenue. Le jeune Thar ne voulait pas, surtout pas, qu'on le plaigne. Car alors, il ne pourrait plus oublier combien il était seul et souffrant.
Mais l'étalon gris se calma avant même de s'être réellement énervé, se souvenant que le vieux mâle ne pensait pas à mal et que le Clan des Léopards, lui aussi, était orphelin. Si la Glace portait le deuil de Stelmaria, et Shiki celui de nombreux autres de sa lignée, les fauves - et notamment Edelweiss - vivaient dans le triste souvenir du précédent Thar, le grand Tharaman.

Tino n'avait jamais connu de gros mal si ce n'est la mort de Stelmaria et bien sûr de sa mère adoptive, Tina. Son enfance avait été doucement bercée par celle-ci qui avait voulu le protégé de toutes les menaces et tristesses du monde. Mais maintenant il comprenait un peu plus l'histoire de ces deux grands clans, de leur liaison, de leur tristesse, de leur bonheur, de leur désespoir. Ils étaient fortement soudés comme deux maillons d'une chaîne, et malgré ces derniers temps plus difficile, ils étaient toujours là l'un pour l'autre. Après tout, ce dit l'étalon, c'est cela la plus grande force des terres de glaces : la fraternité et seul les chevaux de glace et les léopards l'avaient compris !

Cela dit les têtes piteuses, tristes et désespérés des deux grands mâles rendirent le jeune étalon pour le moins mal à l'aise, par ces mots maladroits il essaya de détendre comme il pouvait l'atmosphère :

"Si nous marchions un peu, cela nous réchauffera sans doute un peu ?"

Shiki hocha la tête en souriant et se mit en marche avec ardeur, foulant aux pieds la neige nouvelle et tendre dans laquelle la jambe s'enfonçait jusqu'au pâturon et dont la couche supérieure, déjà gelée, craquait comme la croûte d'un gâteau savoureux. Allant vers le sud et la Taïga, ses étendues de pins sylvestres rachitiques et ses larges rivières en crevant la surface, l'étalon gris songeait à la beauté sauvage de ces terres immenses qu'il avait appris, très vite, à aimer.
Peut-être était-ce d'être né ici, peut-être était-ce son sang qui lui dictait cet amour, cet attachement viscéral aux choses et aux êtres des glaces ? Shiki avait vu les aurores boréales avant d'avoir l'âge d'en prononcer le nom, et vécu la morsure du blizzard avant même celle de ses compagnons de jeu. Odyssée lui avait appris le nom des arbres et les chemins secrets qui sillonnent les forêts enneigées - et les autres - en même temps que le goût de la liberté, et Stelmaria lui avait montré ce qu'était un Clan soudé au plus fort de l'hiver. Il avait gémi, pleuré, grelotté mais il était là, vivant et en pleine santé, au plus fort de son développement et de sa vigueur de jeune mâle.

Griffe d'Abîme sourit, et prit congé en arguant du fait qu'il devait aller patrouiller pour le compte de son Clan et chasser pour celui de son estomac. De plus, il lui fallait informer Edelweiss de l'idée des deux chevaux, au plus tôt afin que la rencontre puisse avoir lieu...le grand mâle partit donc de son trot balancé, sa queue rythmant le pas en allant de droite et de gauche, effaçant les traces de ses larges soles plantaires.

Shiki laissa passer quelques minutes de silence, avant de reprendre la parole :


"C'est une bonne idée, cette réunion. Tu paraissais assez impliqué tout à l'heure, cela te dirait de m'aider à l'organiser ?

Je ne sais pas...est-ce que tu penses avoir les épaules pour cela ou tu penses que ça fera trop ? A aimer tant le Clan des Glaces, je crois parfois que tous sont aussi passionnés que moi..."

Tino sourit, son cœur se remplit de joie, bien sûr qu'il adorait son clan et participer à la préparation de cette cérémonie l'enchanté plus que tout ! 

"Bien sûr, je serais ravi de t'aider !"


Avec ceci, il donna deux petit "coup de cul" avant de partir dans un galop de joie. Il fit un cercle et rejoint son Thar.

Le jeune étalon pie était, et cela tout le monde le savait, très émotif. Est-ce à cause de son enfance difficile ? En tout cas, lors de la mort de Tina, il était tombé dans une dépression aiguë qui avait engendrer deux semaines où le poulain était resté seul dans les plaines enneigées à se glacé le sang, nourrit par les autres membres du clan. La malheureuse était morte trop... Tombée dans un lac gelée, elle s'était noyée dans l'eau gelée.

Mais alors que l'étalon marchait à pas réguliers et rapides, il s'arrêta, la tête haute, les oreilles pointées vers le haut, les naseaux dilatés. Il avait sentit quelque chose, un animal.

"Tu as senti ?"


Dit-il en se retournant vers l'étalon gris.

D'aucuns l'auraient trouvé trop émotif pour appartenir au Clan de Glace, dont les membres se distinguaient par leur dureté de pierre et leur froideur de neige, souvent nécessaires pour survivre sur des terres si hostiles qu'elles auraient pu en paraître inhospitalières. Bien que tous aimassent leur territoire, ils vivaient leur vie, allaient leur chemin avec autant d'indépendance et de liberté dans le coeur que les chevaux de l'Ombre, mais au sein d'un Clan infiniment plus soudé, comme scellé par la glace et la mort, par la certitude de leur lien du sang et de cet amour qu'ils partageaient, tous, pour les étendues blanches.
Tino avait failli se laisser mourir et, à l'époque, on avait jasé au sein du Clan. En souvenir de Tina, les membres du Clan, surtout les juments, avaient continué de nourrir "son" orphelin tandis que d'autres soulignaient que la mort faisait partie de la vie arctique et qu'elle était souvent, bien trop souvent sale et inattendue, brutale, fauchant les jeunes et les forts. Pour eux, c'était là une composante de l'existence qu'il fallait accepter sans sourciller devant sa brutalité. Et pour eux, Tino était trop sensible...
Mais, comme l'avait en son temps souligné Odyssée, solitaire et mère de Shiki, qui avait connu l'abandon et avait souffert d'être délaissée par sa mère, il s'agissait là d'un point de vue de poulains gâtés, choyés et heureux dans leurs jeunes années...

Noyé dans ses pensées et ses interrogations, plein d'expectative à propos du tournant décisif qui se faisait jour dans l'esprit de Shiki au sujet de son Clan, le jeune étalon réagit avec un temps de retard quand Tino s'immobilisa net, aux aguets. A son tour, le Thar étendit l'encolure et dilata ses naseaux ourlés de noir pour humer les senteurs humides de la neige et de ceux qui y évoluaient. 

"Je connais cette odeur, mais pas moyen de retrouver à qui elle appartient..."


[je te laisse décider qui ou quoi approche^^ si ce n'est pas un perso précis, tu n'es pas obligé d'utiliser un perso pantin. Par exemple, une patrouille de loups arctiques peut être jouée sans pantins...mais on peut aussi jouer un perso pantin avec un groupe d'autres persos "inventés sur le coup" et anonymes. Ca permet par exemple de massacrer impunément, parfois^^]

De sa taille importante, le jeune Tino humait l'air froid qui glaçait ses narines. Cette odeur si connue et pourtant si étrangère, il l'avait déjà senti mais où ? Mais quand ? L'étalon ferma ses doux yeux clairs, il se concentrait sur l'origine du parfum, et, malgré l'odeur de Shiki et des conifères voisins, il parvint a reconnaître cette odeur si distincte, si dangereuse. Non ce n'était pas ces maudits loups ! C'était familier au jeune étalon pie. 

Il rouvrit les yeux sans grandes convictions mais à son plus grand étonnement, il était là, celui qui parfumait toute la Toundra. Devant les deux étalons, à quelques mètres, un cheval, mais il n'était pas seul. Sur son dos, un humain, Evan Goltar, si reconnaissable à ce vieux et grand chapeau qui, dans le nord, sert plus à ce protéger de la neige et du vent qu'au soleil. Tino l'a rencontré une petite dizaine fois, mais à part quelques sourires du jeune humain, rien de plus. 
Celui-ci, ainsi que son cheval, s’arrêtèrent face aux deux chevaux. Tino ne sais pas ce qu'il fait là, surement il cherche une nouvelle merveille du monde ?
L'humain baragouinait quelques mots incompréhensibles et sourit aux chevaux sauvages.

[Tu me dis si l'idée ne convient pas, je peux refaire avec un autre personnage ]

[je réponds vite car je dois réviser un partiel mais je ne veux pas te laisser en plan. Ca va être un poil court^^]

Cette odeur, douceâtre...cette silhouette d'un cheval trapu, massif, porteur, à la crinière alezane coupée en brosse et à la face mangée par une épaisse liste blanche...ce chapeau surmontant l'étrange assemblage de deux êtres, Shiki les connaissait. Sans jamais avoir conversé avec le cheval, qu'il savait s'appeler Orfèvre, le jeune étalon avait parfois aperçu les compères sillonnant les territoires, avec ou sans une autre silhouette bien mieux connue et amicale.


C'était le bonheur. Il était revenu, l'Homme, le Maître, avec l'ami Cheval. Le trio était enfin réuni. Il était arrivé un soir, comme il faisait à chaque fois que la lune se levait coupée en deux dans le ciel. Il avait ramené l'ami Orfèvre, et il l'avait installé dans le box qu'il avait réparé à la force de ses mains pour le sécher et l'abreuver puis, ressorti, il était allé chercher la nourriture. Il l'avait offerte et ensuite, ça avait été la fête, le folie des retrouvailles heureuses.
Il était heureux de revoir le Maître. Follement heureux, et c'était pourquoi, délaissant pour une fois son rôle de gardien, Sam avait suivi son Humain au gré de sa randonnée sur le dos d'Orfèvre. Le grand berger hollandais, truffe au vent, allait de son long trot de chien de troupeau, attentif et d'excellente humeur. Que le Maître soit de retour suffisait à son bonheur...
Et voilà qu'une autre connaissance revenait se présenter à ses yeux ! Sam battit de la queue avec tant d'enthousiasme que sa croupe remua au même rythme, faisant onduler sa colonne vertébrale jusqu'au garrot. Gueule ouverte, haletant d'excitation, le grand chien bringé se mit à japper avant de courir vers Shiki et de sauter autour de lui en de longs aboiements entrecoupés de gémissements de plaisir.


"Shiki ! Sam est heureux de revoir l'alpha du Clan de Glace ! Vois, le Maître est là, et Shiki aussi, et l'ami Orfèvre...Sam est content !"


Puis, queue battante et brusque dans sa béatitude de chien, il se rua vers Tino pour flairer l'inconnu en aboyant de sa voix grave :


"Un autre cheval ! Shiki est ton alpha, cheval ?"


De son côté, Orfèvre inclina sa grosse tête alezane en mâchonnant son mors, qui lui faisait une voix légèrement voilée tandis qu'il s'adressait aux deux compères :


"Salutations, amis sauvages. Cela fait longtemps que nous n'avions pas foulé ces terres...vous connaissez donc déjà Sam ?"

[pour info, Orfèvre est un hongre alezan très trapu et très porteur, type cheval de demi-sang, et Sam est un berger hollandais brun avec un masque noir assez marqué. Orfèvre est un cheval normal, très satisfait de sa condition et Sam est un chien qui voue une vraie vénération à son maître, mais un peu bêta.
Leurs fiches sont dispo dans les personnages pantins !]

L'étalon pie baissa la tête pour qu'elle soit à la même hauteur que le berger hollandais qui, lui, devait levé la tête.

"Oui, Shiki est mon Thar, il est un merveilleux Thar d'ailleurs ! Je suis Tino !"


Evan, appréciait le spectacle que lui offraient les animaux. Le grand cheval penché sur le chien et qui avait l'air de discutait avec celui-ci. Ses naseaux fort dilaté reniflait Sam, ses oreilles dirigé vers lui et ses yeux clignant doucement. Il rigolait, après tout c'était cela qu'il aimait, la nature et les animaux comme ils le sont réellement.


Sam secoua la tête et recula d'un pas quand le souffle chaud de l'étalon disparu. Il contracta ses joue qui fit apparaître comme un petit sourire. 


"Blablabla... Tu m'aurais dis oui ça aurait suffi ! Sam est ravi de te rencontrait Tino !


Tino releva la tête, il ferma les yeux et huma un moment l'air frais et pur du Nord. Mêlé à cette douce odeur, les senteurs des visiteurs. Il donnait un nom à chacune des odeurs afin de les reconnaître une prochaine fois. La plus proche - celle de Sam -  était forte et ressemblait un peu à celle des léopards géants. Ensuite, l'odeur la plus proche de celle du clan mais tout de même différente, c'était celle de Orfèvre. Enfin, et la plus étrange, il pouvait sentir une odeur comme parfumé, celle d'Evan. Puis, son regard se posa sur le grand et trapu cheval, ses yeux étaient doux et fins perdus dans le pelage alezan.


Orfèvre cligna des yeux. Il était fort musclé et trapu, rien ne pouvait le déséquilibrer avec ses pieds larges. Ceux-ci étaient recouvert de petit fanons. Il fit un pas en avant qui surpris son cavalier.


"Alors mes amis, que faites vous seuls dans cet endroit ? Une balade de santé ?

Shiki sourit à Orfèvre. Cette monture fidèle avait la mine alerte et sage toute à la fois des vieux chevaux à qui l'on n'en remontre plus, ceux qui ont tout vu, tout entendu et parfois même tout vécu au gré de leurs pérégrinations mais n'en tirent aucune fierté personnelle. Trapu, massif, l'animal n'avait rien du type dominant sur ces terres de chevaux sauvages et chevaux de sang, où les canons de beauté vantaient plutôt la finesse des attaches et l'arc des encolures que la rassurante robustesse d'un dos large et d'un pas sûr. Mais les hommes étaient de bien curieuses créatures et Orfèvre n'avait pas été choisi par son maître pour sa beauté, mais pour sa force et sa constance.
L'étalon gris répondit néanmoins sans ostentation à ce cousin éloigné et de bonne volonté :


"Pas tout à fait, il s'agissait de discuter au sujet du devenir du Clan - les temps sont troublés, Orfèvre, prends garde à toi et à ne pas tomber malade - et d'inspecter un tant soit peu nos territoires frontaliers. Mais toi, que fais-tu là ? Il est rare de croiser les humains hors du ranch...
- C'est que mon maître, à force de reconstruire les écuries, a commencé à s'en sentir responsable et même propriétaire. Tu le sais peut-être, ou peut-être pas, mais les hommes sont ainsi...et donc, en homme normal, il arpente les terrains pour voir si tout va bien, si les chevaux vivent aussi bien que les autres proies et si les prédateurs ne pullulent ni ne disparaissent. Comme s'il pouvait agir dessus !"


Un rire chevalin secoua les naseaux d'Orfèvre qui brusquement s'ébroua tout entier, en une ondulation de sa courte crinière à sa longue queue. L'homme sur son dos encaissa la secousse dans un mouvement souple de rein, ses genoux claquant brièvement contre le cuir de la selle et ses pieds fermement plantés dans ses étriers, puis flatta l'encolure de son partenaire en riant dans une langue incompréhensible.
Sam, entendant la voix du Maître, tourna vers lui des yeux brillants puis se reprit et revint à Tino :


"Un bon alpha, c'est comme du bonheur ! Moi aussi j'ai un alpha, il est juste là avec l'ami Orfèvre. Tu as peut-être cru que c'était une seule personne mais non ! C'est le Maître et Orfèvre !"

Tino eu un petit rire discret et sans méchanceté, évidemment qu'il avait discerné l'hongre alezan et l'humain qui le montait. Il regardait ces deux-là, Orfèvre lui fit d'ailleurs un signe de la tête accueillant et chaleureux à quoi l'étalon du clan de la glace répondit pas un léger penché de l'encolure en guise de remerciement. Sur les flancs de l'alezan grimpaient deux pattes bien étranges, celles du maître de Sam. Il y avait aussi sa tête qui l'intriquait, sans un poil si ce n'est en haut de la tête et quelques'un autour de la bouche. Pourtant elle lui était familière, il savait qu'il était né parmi eux, c'est d'ailleurs ce qu'il en conclut mais cela faisait si longtemps, il n'en gardait aucun souvenir !
Toujours troublé par le visage de cet être si étrange, il se décida tout de même à répondre à la question du chien dont le regard ne quittait celui du pie.

"Oui, j'avais remarqué ton maître sur le dos de Orfèvre. Tant mieux s'il est un bon maître !
- Oh oui !"


Dit le berger d'un grand grand "oui" de la tête brutal. La fumée sortant de son museau gelé s'éloignait en formant de petites vagues dans l'atmosphère.


Evan frotta de ses talons les flancs de l'équidé qui se décolla de la neige d'un pas lourd et repartit dans la neige froide dont on entendait le craquement à chaque pas de celui-ci.


"Au revoir, à une prochaine fois !"


Leur adressa l'hongre avant de prendre un pas plus rythmé et d'entendre un charabia de son cavalier. Sam jeta un regard aux deux personnages qui s'en allaient puis il se mit au petit trot afin de les rattrapés. Tino entendit au loin les cris de Sam :


"Au revoir Tino, au revoir Shiki, gentil alpha de Tino."


Suivis d'un rire de la part de Orfèvre.


Tino les regardait partir dans la brume alors que le soleil commençait à tombait, que la lumière diminuait et que le froid encore plus rude s'installait. 


"Ils sont gentils n'est-ce pas ?"

Shiki hocha la tête en riant :


"Sam est simplet mais il est adorable. Je l'ai rencontré pour la première fois en visitant le Ranch, enfin, ce qu'il en reste...c'est l'homme que tu as vu, Erwan je crois, qui le répare quand il revient...il passe deux fois par lune environ, avec Orfèvre. On m'avait parlé d'eux mais je ne les avais jamais vus en chair et en os.
Mais Sam a raison...son humain a l'air d'être un bon chef pour lui, et de le combler en tous points. Tant mieux ! C'est un esprit simple et doux qui mérite un tel compagnon de route. Sam se laisserait mourir pour lui !"

Comme si l'idée venait de lui traverser l'esprit alors qu'en vérité il ruminait la question depuis de longues minutes sous ses dehors badins, l'étalon gris redressa soudain la tête pour regarder Tino bien en face, le questionnant avec un sérieux qui tranchait avec la légèreté de son précédent discours :


"Certains sont ainsi de nature et de naissance, des suiveurs plutôt que des leaders, et ils se trouvent comblés dans l'obéissance et surtout l'ombre d'un chef, d'un maître ou d'un Thar. D'autres désirent plus, désirent parfois pour de mauvaises raisons et parfois ont simplement envie de s'impliquer davantage dans la vie des leurs, se sentent les épaules de prendre de l'importance au sein de leur tribu et de se rendre utile comme décideur plutôt que comme suiveur...
On m'a éduqué pour ce rôle, dès ma naissance, et je dois dire que cela me convient. Je me sens à ma place.
Et toi Tino, jusqu'où irais-tu dans ce Clan ?"

Les yeux brillants, regardant l'autre étalon parler, adorant ses phrases et quand la question lui fut posée, comme une évidence, il répondit avec sincérité et entrain :

"Oh Shiki, si tu savais ! J'irais partout pour le clan de la Glace, je ferais tout pour le clan de la Glace je lui dois tant de chose ! Le clan de la Glace m'a sauvé tant de fois, depuis le jour où, petit, Tina m'a sauvé et m'a adopté. Jusqu'à il y a quelques lunes quand le fléau est apparu et que les autres chevaux l'ont fuis alors que nous, nous sommes restés soudés, forts. Alors je ferais quoi que ce soit pour ce clan ! Qu'on m'envoie au front, seul, pour repousser ses sauvages, je le ferais ! Alors voilà, voilà ce que je ferais, où j'irais pour le clan et pourtant j'ai l'impression que c'est si peu par rapport à ce qu'il a fait pour moi !"


Il reprenait sa respiration perdue dans ce discours long. Ses yeux, eux, brillaient de plus belle. Puis l'étalon se tourna vers son chef comme pour attendre une réplique.

Shiki écoutait sans mot dire et, cette fois-ci, le sourire sur ses lèvres était automatique, politique. Concentré comme il l'avait rarement été, l'étalon gris analysait chaque mot, chaque mimique et chaque exclamation de Tino qui s'enflammait corps et âme pour son Clan de coeur et d'adoption. Un souvenir se dessinait dans l'esprit du jeune Thar...

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"Je suis sûre qu'elle t'a parlé des liens du sang, pas vrai ?
- Oui ! Stelmy m'a dit que c'était la force de notre Clan, le fait que les Thars sont de même lignée, qu'ils sont fils et filles, que les chevaux naissent et meurent sur les terres gelées.
- Elle n'a pas tort, fils. Les liens du sang...sont ce qui offre la plus grande force. Mais parfois... - le regard d'Odyssée se fit lointain, vers un horizon que Shiki ne pouvait deviner -parfois ils faillissent. Parfois, on quitte son Clan pour un autre.
- Et ?
- Les implications sont énormes. Le Clan devient une famille pour remplacer celle qu'on a quitté...et les transfuges, Shiki, sont une arme à double tranchant. Ils n'arrivent pas toujours à oublier leur loyauté envers leur ancien monde et ne sont alors pas fiables au combat mais...quand ils y parviennent...tu n'auras jamais de plus fidèle allié."
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Qui de plus fidèle qu'un transfuge aimant son nouveau Clan ?
L'image de Stelmaria dansait dans l'esprit de Shiki tandis qu'il se tournait soudain vers Tino. La Jument Rouge et son souvenir emplissaient le coeur du jeune étalon si brutalement propulsé au sommet du piédestal qu'elle avait si longtemps occupé, avant sa chute fracassante, des vivants aux morts. Stelmaria, la Maudite, qui avait tué son propre frère pour gouverner seule avec pour aide, parfois, son fils Aglow Star, et parfois son compagnon Equinox, fils de Devil. Stelmaria, Thar née de Thars, trahie par ses frères et les ayant abattus sans états d'âme sinon la rage et la rancoeur, Stelmaria, pouliche gris souris devenue rouge sang et sans famille aucune puisque reniée et abandonnée par les siens...
Le plus grand Thar depuis des lustres...
Et quel fardeau laissé sur les épaules de son petit-fils !
Shiki se sentait au bord d'un abîme, et sa seule réponse déterminerait les décennies à venir. En quelques mots, il sauterait d'une falaise intangible. En quelques mots, il scellait le destin à court terme de son Clan et peut-être à long terme.
Personne n'est plus fidèle qu'un transfuge...

"Tino, veux-tu être Second du Clan de Glace ?"

Une multitude d'émotions traversèrent  Tino. Il était partagé entre la fierté, la joie, l'honneur et entre la peur de ne pas être au niveau des exigences du Thar, mais après tout, c'était lui qui lui avait proposé... Tino était tout de même de nature stressée et timide, cela pourrait jouer sur le lourd rôle qui reposerait sur ses épaules. Pour la première fois depuis si longtemps il était face à une vraie question qui demande de la réflexion ! Depuis tout petit son stresse et son envie de faire simple lui avaient faire que des choix faciles mais aujourd'hui il était face à un vrai problème, et si c'était ces défauts qui l’empêchaient d’accepter cette proposition si alléchante...?
Les minutes s'écoulaient vite... Si vite... Que dire ? 
Il ferma les yeux : 


L'étalon était dans la neige froide qui sillonnait son clan adoptif. Ce souvenir, Tino le connaissait par cœur, il était encore un jeune poulain - ce devrait être sa première période froide au Clan de la Glace - et il trottinait dans la neige faisant des virages tous plus aigus les uns que les autres. Il s’arrêtait fréquemment pour gratter la neige et dénicher quelques brins d'herbe peu appétissants, mous et d'un vert mort. Le jeune pie mangeait ces brins bien durement mais il en était obligé étant donné que Tina n'ayant pas de poulains ne produisait pas de lait.
Celle-ci rejoignit le jeune poulain qui partirent tous les deux dans un galop joyeux. La jument le dépassa et, après une bonne trotte dans la poudreuse, elle franchit gracieusement un petit cours d'eau gelé. Le poulain s’arrêta, glissant sur quelques mètres, il regarda ensuite sa mère adoptive :

"Je ne peux pas !
-Bock, (c'est ainsi qu'il s'appelait avant la mort de Tina) je te l'ai déjà dis, crois en...
-En tes rêves, crois en toi... Blablabla tu me le dis sans arrêts !
-Souviens en toi, un jour cela te servira."


Tino prit une impulsion et sauta la fine rivière sans encombres. 




L'étalon rouvrit ses paupières fermées maintenant depuis un moment. Crois en tes rêves, crois en toi, Tina lui avait dit tant de fois et tant de fois il en avait rit, il n'aurait jamais cru que aujourd'hui ces doux mots de sa mère adoptive lui serviraient. Aujourd'hui, et car celle qui l'avait sauvé et qui s'était toujours battue pour que le clan le prenne pour l'un des leurs, il allait croire en ses rêves, croire en lui et de son langage des plus soutenus, il répondit :

"Oui, j'accepte de devenir ton Second et donc Le Second du Clan de la Glace en te promettant fidélité et bravoure."