Like a King [PV-Antéa]

Like a King

"Sur ce sentiment inconnu, dont l'ennui, la douceur
m'obsèdent, j'hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse."
F.Sagan

Sur ce sentiment inconnu qu'il cotoyait depuis presque deux ans et demi maintenant, sur ce sentiment qui lui était devenu doux, il savait que le mot tristesse devait s'y apposer. Mais il était détruit, le pauvre animal. Et son image, quand il regardait en lui, lui devenait horripilante, répugnante. On l'avait abandonné plus d'une fois, et qu'avait-il fait pour celà?! Il savait, il pensait savoir que tout était de sa faute, que rien n'aurait jamais dût se dérouler comme celà s'il avait été autrement... Mais comment aurait-il fallut qu'il soit? Tellement jeune, et pourtant, dans sa bouche, les propos d'un adulte matûr. Mais où étaient les bêtises et les craintes des jeunots? Chassées. Loin. Il n'en avait plus, le jeune adulte, le vieux yearling. Trois ans de vie malheureuse, trois ans à s'accabler des pires mots, à traîner son âme transpercée. Mais qui aurait pu savoir? Il était beau, le poil brillant, le regard pétillant et vif, l'allure dansante, avenante. Qui aurait pu croire qu'il allait si mal? Oh, comme son grand-père... La même robe de feu aux reflets fauves, les même yaux noisettes... Tant de points communs dont il ne se doutait pas, étant donné qu'il n'avait jamais vu son grand-père. Et qu'il était mal, ce doux être pensif...
Ardeur et vigueur modelait ses muscles élastiques, qui tressaillaient dans la lumière déclinante du soir. Alors, comme las de l'existence, il céda dans un galop lent mais rythmé, comme si le temps s'arrêtait, comme si la Nuit ne viendrait pas, comme si le jour ne finirait pas... Entre ciel et terre, à jouer de ces quelques secondes d'immortalité, à goûter à cette étrange sensation d'Apocalypse. Apaisement factice, au goût âpre, qui le quitterait dès qu'il réaliserait que son devoir était de demeurer là, sur terre, droit sur ses membres, à se battre pour l'honneur de son Clan. Mais pour l'heure, il était libre. Plus rien, sinon le vent qui lui cinglait le visage, et l'herbe fraîche qui se détachait sous sa puissante détante...

Au pied d'une grande pierre grise se dressait un renard. Un tout petit renard, comparé à cette pierre si imposante. Cette pierre qui, plantée dans ce sol recouvert d'herbe fine, semblait le dominer. Comme si elle voulait s'imposer en cet animal aux longs poils roux. Comme si elle voulait lui montrer qui était le maître de ces lieux. Cet animal si petit, si frêle, pensait se protéger en se mettant dans l'ombre de cette pierre. Il pensait se trouver en sécurité, comme si cette imposante roche allait pouvoir le protéger. Mais il s'était trompé, et il en était sûr. Cette pierre était un piège. Comme si elle attirait les animaux, qui eux pensaient se mettre en sécurité son pied, pour les tuer une fois qu'ils se seraient approchés d'elle. Le renard la regarda avec horreur avant de détaler du côté opposé. Il courut le plus vite qu'il le put, l'air frais raflant sa robe de feu. Puis, apeuré, essoufflé, il se laissa tomber dans l'herbe.

Je regarde partout autour de moi, mais tourne la tête si rapidement que je n'y voit rien. Je ferme les yeux. J'ai peur. Mais où est elle? Que fait-elle? Le regard apeuré, une boule au ventre, je ferme les yeux. Je transpire. J'ai peur.

Une belle jument blanche tachetée e brun trottait, les oreilles dressées en avant, l'oeil vif. Son but? Trouver Kantaka. Elle s'était absentée pendant seulement quelques heures, mais se douta que sa daemon devait être morte de trouille. Depuis déjà six mois, elles avaient jurés de ne pas se quitter toutes les deux. Promesse bien difficile à tenir. C'est alors qu'elle l'aperçut. Une petite renarde au pelage de feu, couchée dans l'herbe verte, les yeux fermés. Antéa galopa joyeusement vers elle pour venir fourrer ses naseaux dans ses poils fins. Surprise, l'animale sursauta, puis, lorsqu'elle vit la jument, dessina un sourire sur son museau fin puis poussa un soupir de soulagement. Décidément, les séparer n'était vraiment pas une expérience à refaire. Lorsque l'équidé leva la tête, la petite renarde sauta sur son dos, flairant l'odeur d'un autre cheval qui arrivait vers eux à une allure moyenne. Un étalon. Katanka plaqua les oreilles contre son crâne, espérant ne pas tomber sur une mauvaise surprise. La jument quand à elle, s'avança vers l'odeur d'un air doux, mais déterminé. Décidément, elles étaient vraiment le contraire l'une de l'autre.

"Quand on s'abandonne, on ne souffre pas. Quand on
s'abandonne même à la tristesse, on ne souffre plus."
A. de Saint-Exupéry

Fallait-il qu'il s'abandonne, le jeune étalon? Qu'il se laisse aller à la tristesse, qu'il abandonne toutes pensées de voir revivre le Crépuscule, et qu'il ne reconaisse plus que ce sentiment douloureux comme maison, comme écrin pour ce Prince d'un Autre Monde? Que lui restait-il, sinon ce goût âpre de vengeance? Il n'aimait plus. Aucun de ses congénères ne possédaient de place dans sa part aimante. Quelques traces de respect, envers Dancing, par exemple. Mais pas, où plus, d'amour dans son sens propre, plus de sentiment puissant, plus de liens... Il était son mentor, et en tirait son respect. Tout se terminait ici. Aimer faisait bien trop mal... Oh, qu'aurait-il donné pour partir? Pour s'en aller, pour quitter ce bas monde, et pour voir les étoiles de plus près... ô, qu'aurait-il offert? Il aurait bien volontier abandonné son âme au diable, juste pour se sentir plus léger, juste pour pouvoir s'envoler... Rien qu'une fois, oh, rien qu'une! Pourquoi, pourquoi lui n'avait pas le droit de sourire, de rire, de pleurer, de crier...? pourquoi... Oh Colère! Tourbillon d'amertume dans son être si délicat! Il ne voulait plus de cette vie, plus de ce monde! Et pourtant, il était bien celà: Zanzibar, le fils de Zénith, le fils de l'ex chef, et il n'hésiterait sans doute pas à donner sa vie pour le Crépuscule... Pourtant, qu'elle tristesse dans son coeur... Et que lui restait-il, maintenant que tous étaient partis? Un désert.
Il aperçut alors une silhouette équine, accompagnée d'une douce effluve féminine. Il redressa la tête, le regard vif et brillant, le poil soyeux, l'ardeur lui parcourant le corps.

Voyant que le jeune étalon, néanmoins légèrement plus vieux que lui, l'avait regardé d'un œil vif et brillant, la jument tachetée de brun s'avança vers lui en souriant d'un air adorable. Ses pas légers écrasaient l'herbe fine d'un son feutré et agréable. Arrivé à la hauteur du jeune cheval, elle s'arrêta, puis ordonna Katanka à descendre de son dos d'une simple expression du visage. La renarde s'exécuta, une moue boudeuse sur la figure. Décidément, elle ne changeras jamais! La jolie jument se retourna vers l'inconnu, effectua une belle révérence, puis sortit joyeusement :

-Bonjour! Je m'appelle Antéa, et voici Katanka! Et toi?

Elle avait lâché ceci d'un air légèrement insouciant, et le regretta lorsqu'elle observa la mine du cheval. Prenant un air désolé, les oreilles légèrements en arrière, elle sortit :

-Qu'est ce qu'il ne va pas?

Je suis en colère. Je regarde Antéa, qui me domine de toute sa hauteur. Comment faire entendre son sa voix alors qu'on est si petit? Je devais paraitre si inintéressante... Mais surtout... Antéa est vraiment inconsciente! Cet étalon pourrait être un tueur! Mais je me contenta de plaquer mes oreilles noires sur mon petit crâne, regardant l'inconnu avec méfiance.

"L'âme résiste bien plus aisément aux vives douleurs qu'à la tristesse prolongée."
J-J Rousseau.

Et de quoi souffrait-il, lui? Tristesse prolongée. Le verdict était sans appel, sans détour; ne demeurait la question que de savoir si son âme y résisterait encore. Trop parlé, trop couru; trop aimé peut-être... Trois jeunes années seulement, et pourtant... Usé, déjà. Mais, face à cette jeune jument, il ne pouvait que se montrer avenant, que cacher ses blessures, que cacher son visage mortifié par la douleur d'un trop grand manque d'amour. Et s'il fallait me cacher pour anéantir les maux de l'Univers, je me cacherai... On ne choisit pas la famille dans laquelle on vit. Proverbe qui ne prenait que trop d'importance à ses oreilles, proverbe qui ne cessait de l'assaillir, alors qu'il rêvait de gloire et de pouvoir pour son Clan, pour ce groupe qu'il chérissait plus que tout, pour ce groupe qui faisait partie de lui, ce groupe auquel il s'était offert, naissant dans la lumière sanglante du Crépuscule. Destin céleste, chemin tout droit tracé qui, pour le moment, le menait plus à sa perte qu'à autre chose, mais jeune et vigoureux, s'imposer son dur mode de vie ne l'effrayait pas. S'il fallait un homme de l'ombre pour les "sales besognes" du Crépuscule, il se trouverait là, et s'il fallait un honnête guerrier, il se présenterait encore. Il ne demandait, il ne voulait qu'une chose: la Gloire pour son Clan.
Droit, sa fine encolure formait un arc de cercle, sur lequel dansaient ses crins de feu. Et, dans la lumière du couchant, sa robe semblait léchée par des langues de feu, tellement ses reflets fauves étaient intenses. Derechef, il plongea son regard noisette et jeune dans les yeux de la jument appaloosa.
"Alors enchanté, mesdames. Je me nomme Zanzibar, Second du Crépuscule."
Un maigre sourire passa sur ses lèvres, alors qu'il prononçait les mots tant chéris. Sa voix légère était apparue comme murmure cristallin, tandis qu'il posait à présent son regard sur la petite renarde, la dominant de toute sa hauteur. Oh, Antéa avait vite mis un doigt sur sa douleur, chose qui le glaça et qui le fit se raidir. Personne n'avait jamais rien vu, jamais rien décelé; et tout devait rester ainsi!
"Tout va pour le mieux du Monde... je crois."

Antéa resta perplexe sur les paroles de l'étalon. Malgré son air faussement joyeux, la jument tachetée de brun décelait de la tristesse dans ces mots. Elle avait ce "don" là depuis qu'elle s'était enfuie de son clan. Personne ne pouvait plus lui mentir, lui faire croire des choses. Aucun mensonge ne pouvait lui échapper. La jument regarda au fond des yeux noisettes de l'étalon, plongeant dans ses pupilles sombres perçants de douleur. Elle avait beaucoup de peine pour lui et se sentait prête à tout entendre. De toute façon, rien de pourrait être pire de ce qu'elle avait vécu.

-Écoutez... Je vois très bien que c'est faux. Alors confessez vous à moi, allez y. Je ne vous connaît pas, mais je suis prête à entendre vos problèmes et si je le peux vous aider... Si vous le désirez, bien sûr. Je ne vous l'oblige en rien.

Elle le regarda de ses yeux doux d'un air triste. Ses crins blancs et noirs qui ondulaient au gré du vent semblaient vouloir s'envoler vers le ciel que surplombait le soleil.

Je regarde Antéa puis Zanzibar d'un air méfiant. Elle était décidément trop gentille. A tout moment cet étalon pourrait se servir d'elle, et moi, petite renarde que je suis, ne pourrais rien faire contre. Je me contenta donc le plaquer mes oreilles contre mon crâne et de le regarder d'un air méchant, où se reflétait ma peur.

Devenu soudainement froid, on aurait pu croire que son corps vigoureux tendait à reculer, à imposer une distance entre lui, yearling au discours d'adulte, et elle, qui parvenait à voir en lui avec une telle transparence qu'elle lui en devenait effroyable. Zanzibar ne l'avait jamais croisée, et en à peine une phrase, elle avait décelé ce que jamais personne d'autre n'avait vu. Perplexe, il laissa glisser ses yeux noisettes pailletés d'or sur le corps souple de sa protagoniste; y nottant l'élégance de ses truitures; multitudes de taches d'encre sur une robe immaculée; et notant également la grâce et l'harmonie de son ensemble. Il était Second du Crépuscule, et véhiculait donc l'image de son groupe: il lui était impératif de se resaisir. Le poulain se redressa, arquant légèrement son col, de sorte à avoir ses naseaux pointés vers le sol, et le regardbien en face de celui d'Antéa. Là, il regroupa ses membres noueux sous sa légère masse, alors que de somptueux reflets l'imbibaient encore.
"Ne vous inquiétez pas pour moi, je survis. Depuis mes tendres heures, il s'en est toujours résulté de la sorte; alors, je crois pouvoir affirmer que je continuerai ainsi. Mais parlez-moi plutôt de vous, et de votre daemon qui éprouve bien plus de méfiance envers moi que vous même."
Son ton, vers la fin de sa réplique, prit un accent plus éthéré, et un sourire se dessina sur ses lèvres, alors qu'il fixait la jument. Oui, il voulait d'abord voir de quelle façon ils allaient s'entendre, et, si nécessaire, il déballerait ses problèmes.

La jument tachetée se perdit dans les reflets fauves qui semblaient danser sur la robe brune de l'étalon. Il était jeune - quoi que plus vieux qu'elle - et parlait déjà comme un cheval noble et expérimenté. Il paraissait néanmoins surprit que la jument ai pu décelé ainsi ses problèmes. Mais elle était comme ça. Rien ne lui échappait. Même le meilleur menteur que la terre n'ai jamais connu ne pourrait rien contre cette jument blanche tachetée de brun. Et encore moins ce bel étalon brun dont la tristesse torride qui logeait dans son cœur, cette tristesse qui semblait le dévorer de l'intérieur avait maintenant pénétré l'âme de la jument, provoquant une douleur certaine mais mille fois inférieure à celle de l'étalon. Oui, son caractère faisait qu'elle était obligée de s'en faire pour tous le monde, même ceux qu'elle ne connaissait pas. Elle avait pitié pour eux et ferait n'importe quoi pour les aider. Chose qui, sans Katanka, aurait conduit à sa perte.

Néanmoins, elle se laissa aller, se disant que le reste viendrait par la suite. Elle sourit de bon cœur, espérant que sa joie ne touche ne serait-ce qu'un peu le cœur du jeune cheval se trouvant devant elle.

-Je viens d'arriver sur ces terres. Je n'ai que deux ans et demie mais des malheurs récents dans mon passé font que je ne veux en aucun cas intégrer de clan. Je suis donc solitaire et parcours joyeusement les terres de Wild Horses en rencontrant des gens ici et là. Et excusez Katanka, mais elle s'en fait parfois un peu trop pour moi.

Elle plongea ses yeux dans ceux de l'étalon tachetés d'une couleur brillante et dorée. Cette tristesse, cette grande douleur qui s'y lisait la fit frissonner. Mais elle ne pouvait faire que sourire bêtement, espérant que sa présence pourrait lui apporter un peu de baume au cœur. C'était sûrement cela qui l'énervait le plus. Son air se gravit un peu, restant néanmoins gentil et consentant. Dans ses yeux brillaient une flamme d'intelligence et de générosité. Elle sortit alors d'une voix douce et posée, qui sonnait comme des milliers de carillons d'argent :

- Maintenant que je vous ai raconté ma vie, j'estime avoir le droit de connaître la votre.

Elle voulait l'aider. Elle voulait que les maux tortueux qui logeaient dans son cœur se transforment en une étincelle de vie, une flamme de joie. Regardant l'étalon de ses yeux doux, elle lui sourit, lui jurant par la pensée qu'elle parviendrait à ses fins.

La queue entre les patte, je me faufile entre les membres d'Antéa. Mon corps entier est recouvert de son ombre. Seul mon museau fin est illuminé par le soleil, qui se reflétait sur mes crocs découverts. Aller, un peu de courage! Je m'avance lentement, très lentement vers l'inconnu, un grognement s'échappant de ma gorge si frêle. Je le regarde si méchamment qu'il serait déjà mort si un regard pouvait tuer. Jusqu'à ce que le vent doux mouve sa queue soyeuse, la faisant onduler au grès de l'air tiède. Je me précipite alors dans les jambes de la jument, tremblant de tout mon corps. Pitoyable.

Concentré, il luttait contre ses souvenirs qui l'assaillaient, diffusant dans son esprit les images qui avaient rythmé son enfance. Il s'arrêta notamment sur celle où sa mère, belle nymphe d'acier aux pommelures claires, se retournait, légère et divinement souple; une ondulation éthérée dans ses crins blancs et soyeux, le temps de commencer à avancer, en compagnie de sa daemon, la petite lycaon malicieuse. Et ce fût pour Zanzibar une des dernières fois où il put voir un sourire sur le visage fatigué de sa jeune mère. Il s'ébroua, son toupet secoué venant dissimuer son oeil gauche, cachant la couleur si particulière qui lui conférait une certains charme. Non, il ne devait pas se laisser envahir par ses souvenirs: c'était comme ouvrir la porte au tueur qui à un contrat où votre nom est inscrit en lettres majuscules. Regarder de l'avant devenait sa seule solution, son dernier échappatoire, le point de lumière au milieu de l'ombre noire. Mais que voyait-il, sinon son clan dépérir un peu plus chaque seconde... ? Rien d'autre, sinon quelques reste de néant ci et là, et du sang, trop de sang versé du côté de ses guerriers. Et dans tous ça, où était son père d'adoption? Son mentor, le Chef? Où se trouvait Dancing Flame, alors que le Crépuscule avait enfin une maigre chance de se relever? Il n'était pas là lui non plus. Il n'y avait que lui, le jeune poulain aux rêves de gloire, aux idées d'adultes, que lui et deux ou tois guerriers, qui semblaient eux aussi voguer l'âme en peine. Le Créûscule n'était plus qu'un amas de soldats abatus, trop las de vivre... L'âge d'or était-il seulement encore possible? Pourquoi ne choisissait-il tout simplement pas la mort? Il pouvait très bien sauter d'une falaise, pour voir son corps se faire déchiqueter sur les rocs abruptes avant de gagner les mers agîtées. Non, mourir ainsi, il ne pouvait s'y résigner. Bien trop fièr et trop fou, il voulait croire à ses rêves qui s'éloignaient déjà, puisque trop accablés par la souffrance; il voulait croire qu'il fuyait la tristesse, alors que c'était lui qu'il fuyait, ne faisant qu'y sombrer un peu plus. Mais il se rappelait également qu'il était second, et que son devoir était de véhiculer -notamment- une bonne image de son clan.
Il tandit ensuite l'oreille aux propos d'Antéa, l'écoutant posément, comme si la voix douce et chaude de la jument l'apaisait. Il ronfla des naseaux, clignant tout doucement des yeux, comme compatissant des malheurs qu'elle avait fuit, comme pour flatter son choix. Et puis, il la vit se perdre s'attarder sur sa robe, sur son regard; et, sans vraiment réfléchir, il s'autorisa à faire la même chose, détaillant ses yeux comme sa robe, ses crins comme ses sabots. Elle était belle et avait sa part de charme, il devait bien l'admettre, et celà n'était pas pour lui déplaire. Il ne sortit de ses pensées qu'à la seconde réplique de la belle, son oeil calme ranimé par une étincelle flamnboyante. Elle voulait connaître son histoire, alors soit, qu'elle écoute si celà lui plaisait.
"Je suis né de l'union de Zénith et de Gaïa, couple dominant du Crépuscule. Ils sont partis alors que j'étais poulain, et une jument m'a recueillie, avant de m'abandonner elle aussi. Puis Dancing Flame, qui est devenu chef après le départ de mes parents, m'a adopté, me faisant second après m'avoir entraîné. Et aujourd'hui je suis là, en face de vous."
Court et concis, c'était là la façon dont il parlait de sa vie, évitant de s'étioler en détails qui ne seraient bon qu'à le faire soufrir un peu plus, ranimant des plaies qu'il croyait refermées. Il sembla alors s'égarer de nouveau dans une vague de calme, alors que la renarde essayait de se montrer menaçante, les crocs découverts, avant de finalement quérir la sécurité des membres de la jument. Un sourire amusé passa sur les lèvres de l'étalon, alors qu'il suivait du regard le manège de Katanka.

Antéa regarda le bel étalon d'un œil doux, gentil tandis que ses yeux à lui étaient pensifs, souffrants. Et elle, petite jument blanche recouvertes de pois bruns, devait le réconfortait. Et ce n'était pas seulement le fait qu'elle le voulait, mais il en avait besoin. Elle lui sourit. Mais son sourire, aussi charmant soit il, ne suffirait pas. Elle le savait plus que bien.
Son esprit plongé dans les souffrances de cet étalon aux reflets bruns, le cœur déchiré, elle souriait. Elle souriait encore, cachant les révélations que l'âme déchue du cheval lui avait révélé.

-Eh bien, enchanté, Zanzibar. Heureuse de vous connaître. Et... Hum... Dites m'en un peu plus. Vous savez, j'ai appris depuis peu que lâcher ce que l'on a sur le cœur peut rendre la vie mille fois plus facile. Je saurait écouter votre douleur, je pourrais vous comprendre. Allez y, n'en ayez pas peur. Il n'y a rien de pire que garder les pires choses pour soi-même.

Elle baissa la tête, honteuse. Cet étalon n'avait surement pas envie de déballer toute sa vie à une inconnue. Mais bon, après tout, elle avait plus que l'habitude de se faire chasser. Même si, pour une fois, elle aurait aimé se faire un bon ami...

La honte... Un sentiment hideux. Un sentiment qui me rongeait depuis quelques secondes. Je me coucha entre les jambes d'Antéa, priant pour qu'elle ne fasse pas de bêtise.

Ô, tout semblait si simple, si facile à révéler, alors que la jeune jument dardait son regard si doux sur lui, sur son corps brun aux reflets fauves qui irradiat la vigueur et la jeunesse. Il lui suffisait d'ouvrir la bouche, pour que tout ce qu'il avait gardé au fond de lui toutes ces années passées sorte, en long débit fluide, et qu'il se libère enfin de ses chaînes, de ses maux. Mais comment croire à cette illusion, comment oser penser que, pour lui, tout pourrait un jour devenir simple. Et avec ça, le bruit du retour de son père, en tant que Chef, sur les terres du Crépuscule qui se rapprochait de lui, de plus en plus rapidement, comme une menace opressante contre laquelle il ne pouvait rien. Et qu'arriverait-il, s'ils venaient à se croiser? Devait-il le détester, le haïr de l'avoir abandonné, ou lui pardonner, grâce aux liens du sang? Il n'en savait rien, et ne voulait se résoudre à imaginer cette possibilité. Ce cas de figure éait bien trop douloureux pour son âme devenue fragile, son âme qui s'étiolait au fur et à mesure. Non, ce ne serait pas si simple de tout dévoiler à cette belle pouliche.
Alors qu'il avait détourné son regard d'elle, il l'y replanta, pour la dévisager, avec plus d'insistance encore, mais un sourire plus franc encré aux lèvres. Il voulait avant tout la rassurer, il ne devait y avoir des équidés capables de supporter les souffrances des autres en se taisant. Il frissonna, sa peau tendue sur ses muscles nerveux secouée par de violents acoups.
"Certaines souffrances sont mieux gérées muettes... Et je pense que vous n'avez besoin de mes problèmes, d'après les ennuis que vous avez choisit de fuir. Mais peut-être que de me dire vos souffrances pourrait vous aider? Soyez sûr de mes bons sentiments, je ne vous voudrai en aucun cas du mal, nos terres en son déjà bien assez pleine..."
Il ne voulait en aucun cas lui faire peur, ni à elle, ni à sa daemon d'ailleurs. Il adressa à cette dernière un large sourire, tentant désespérément de la mettre en confiance. Il avait toujours eu un bon feeling avec les daemon, mais à croire que là encore, ses certitudes lui faisaient défauts.

La jument regardait l'étalon de ses yeux doux, ses beaux yeux noisettes si profonds, que l'on regardait comme si on plongeait dans un gouffre sans fin, nageant vers sa pupille noire d'encre. Elle lui sourit de son air doux, soufflant doucement de ses naseaux fins, si fins qu'ils semblaient avoir été taillés dans le marbre.

-Je comprends que cela peut être difficile pour vous de tout me dévoiler.

Sa souffrance, sa grande souffrance qui rongeait son cœur petit à petit lui était insupportable. Antéa le sentait. Sa souffrance déteignait sur son âme blanche, qui la pressait de l'intérieur. Et malgré ses efforts pour que la jument ne s'inquiète pas de lui, elle ne put pas s'en empêcher. Mais elle tentait, cependant, de lui cacher ses émotions, de ne pas lui montrer son inquiétude. Elle n'avait pas envie qu'il s'inquiète pour elle. Mais elle lui sortit cependant son histoire. Un faible sourire aux lèvres.

-Eh bien, tout ça c'est à cause des hommes. Ils m'ont arrachés à ma mère dès que je su marcher. Ils m'ont fait monter dans ce... Drôle d'engin... Quelque chose d'immense qui vole dans... le ciel...

Sa voix, habituellement douce et posée devint légèrement rauque. Un frisson la parcourut de son échine, la parcourant jusqu'à la nuque dans une sensation désagréable.

-Après... Je ne... Me souvient plus.

Mensonge! Les nuages de coton qui volaient là haut dans le ciel semblaient le hurler au bel étalon aux reflets de flamme.

Tout défila dans sa tête à la vitesse de la lumière.Son clan... Silver Stone... Ce doux Silver... Elle l'avais toujours ai... ai...
Des larmes cristallines lui montèrent aux yeux. Elle se retourna alors brusquement, tournant le dos au bel étalon. Elle secoua la tête, comme pour chasser ses pensées. La douce goutte salée s'envola dans le ciel bleu pour venir retomber sans bruit sur un de ces brins d'herbe d'un vert sombre qui tapissait la plaine que surplombaient ces hautes pierres grises et si froides.
Elle se retourna alors vers lui, affichant un immense sourire. Et dire qu'elle ne voulait pas qu'il s'inquiète pour elle...

J'en était sûre. Parler de ça allait la faire pleurer. Je me contenta de coller mon nez froid contre sa jambe tachetée. Que pouvais-je faire d'autre?

Il aurait tant aimé, à cet instant précis, pouvoir tout lui dire. Sa vie était un secret, une chose qui lui semblait devenir malsaine et qu'il prenait comme un mensonge, comme un blasphème ou une infamie. Il n'était rien, sinon le Second du Crépuscule, le fils du Chef si longtemps parti, le fils de l'étalon Fantôme, le fils de Zénith. Et marqué par un "Z" qui lui devenait de moins en moins suportable. Qu'aurait-il fait pour, à cet instant, s'en libérer? Peut-être... Peut-être qu'au fond, la Mort serait son seul repos? Vivre une étrnité sans souffrances, en se sentant léger, sans plus avoir à craindre une quelconque chose. Tout pouvait devenir si simple, mais, pourtant, l'étalon aux reflets flammes se doutait bien qu'il avait des devoirs, des obligations, et qu'il n'avait pas le droit de décevoir son clan, ni les siens, ni ses amis, s'il en avait...
"Ne pensez pas que celà est contre vous."
Ne devenait-il pas pathétique dans ses tentatives pour la rassurer? Il le sentait bien qu'elle n'y croyait pas, qu'elle le voyait faible et misérable, comme il l'était vraiment. Mais comment était-il possible qu'il lui soit si aisé de lire en lui? Zanzibar ne l'avait jamais croisée avant, il n'avait jamais entendu rien que son nom... Alors comment se faisait-il qu'il fusse si sensible à ses alarmes? Et alors qu'un faible sourire se dessinait sur les lèvres de la jeune pouliche, l'étalon pu deviner de ce qui allait suivre: elle allait lui raconter ses douleurs, ses blessures, comme on le fait entre amis. Avec quelqu'un de confiance. Il l'écouta, silencieux, attentif, comme conscient de ce qu'elle avait pu ressentir, en étant ainsi séparé des siens... Pourtant, quand elle s'interrompit, il lui sembla qu'elle lui cachait la suite, lui dissimulant un point des plus importants de son histoire. Le bel animal alezan sentit son coeur se serrer à mesure que la voix de la jument devenait rauque, perdant de se légèreté et de sa fluidité. Elle se retourna alors. Sans grand mal, il devina les larmes et les sanglots étouffés; non, il ne connaissait que trop ce domaine, et il regrettait de l'avoir incitée à s'ouvrir, d'avoir donner une possibilité à ses souvenirs de la blesser, encore. Il eut alors un élan vif, et vint se placer à ses côtés, son corps brûlant contre celui plus tiède de la jument. Et qu'elle tristesse s'abbati sur lui, tendis qu'il posait ses yeux noisettes dans ceux de la belle. Sans trop réfléchir à comment, il frotta doucement son front contre la joue d'Antéa, essuyant une larme qui coulait sur ses poils lustrés.
"Je suis désolé, je ne voulais pas..."

Le contact chaud et si soudain de son corps chaud contre le sien la fit légèrement frissonner. Elle ne sut soudainement plus comment réagir, d'un côté rongé par ses souvenirs infernaux, de l'autre touchée par la gentillesse de l'étalon à la robe reflétée par le soleil chaud. Un étrange sentiment lui parvint. Pas vraiment de la tristesse, ni de la honte... De la gêne? Peut-être. Tout ce dont elle était sûre c'était que jamais on ne l'avais traitée de la sorte. A part Katanka, petite renarde au pelage de flamme, jamais personne n'avait eu de tels élans de gentillesse avec elle. Ou du moins sans intérêts. Car elle se rappelait clairement de la triste époque où l'on s'était servit d'elle... Mais pourquoi? Pourquoi ça fait si mal? Ce ne sont que des souvenirs! Pourquoi ne pas passer à autre chose? Oh, elle aurait aimé que tous ces souvenirs s'échappent de sa mémoire pour s'envoler tout là haut, dans le ciel bleu.

Il avait réussi à lui arracher un sourire, ce bel étalon brun aux reflets de flamme. Oui, un petit sourire s'était dessiné sur les lèvres d'Antéa, cette belle jument immaculée tachetée de brun. Elle planta son regard brun dans le sien, un léger éclat de lumière brillant dans ses douces prunelles.

-Ce n'est rien. Ne pensez en rien que la faute vous revient. C'est totalement faux. Chacun de nous a ses peines, certainement plus ou moins fortes. Chacun a son propre passé, aussi horrible soit-il. Mais il est temps de vivre dans le présent, non? Ou du moins, le mieux à faire serait d'essayer.

Son sourire s'était déjà effacé. Mais comment vouliez vous que ça dure? C'était déjà un miracle que cet étalon avait réussi à lui en arracher un.
Elle pressa légèrement ses naseaux contre son encolure, d'un geste très doux, comme pour le remercier. Se détachant lentement de lui, elle ferma les yeux, appréciant la chaleur du soleil sur ses paupières closes. Pourrait-elle trouver sa part de bonheur? Pourrait-elle, un jour, être aussi heureuse que ces deux papillons qui virevoltaient, tournoyant ensemble dans une valse gracieuse, volant dans l'air tiède grâce à leur ailes si fines, si fragiles qu'elles semblaient pouvoir se rompre d'un instant à un autre. Au fond, ces deux chevaux étaient comme eux. Frêles et fragiles.

-C'est facile à dire... N'est-ce pas?

A ce moment là, un léger courant d'air chaud vint faire s'envoler leur crins, les faisant tournoyer au dessus de leur encolure, les faisant danser gracieusement, pour se reposer sur leur pelage fin.

-Puis... Je ne pense pas du tout que cela est contre moi. Vous n'allez sûrement pas me croire mais... Je vous comprends...

Une sérénité paisible et douce, soudainement, comme un voile léger et transparant qui venait pour les englober, pour associer leurs esprits l'espace d'un court instant. Secondes éphémères où leur chaleurs se mêlèrent, ne formant plus qu'une boule d'énergie flamboyante, à la fois forte et fragile. D'ailleurs, elle se rompit, presque aussi simplement qu'elle s'était formée, laissant cependant une vague impression de vide à l'étalon alezan. Quelle douceur il avait pût ressentir en elle, dans son regard humide mais si profond! Un instant, il regretta son caractère entêté, s'il ne lui avait pas demandé de lui raconter son passé, jamais elle n'aurait eu à revivre ces époques douloureuses. Oh, il savait bien, le bel étalon à la robe de flammes, comment le passé ressurgissait. Souvent, ils s'agissaient de flash rapides, mais si détaillés! A d'autres moments, on parvenait même à se voir, sachant pertinament ce qui allait se passer, mais incapable de changer quoi que ce soit! Et lui, s'il avait su, jamais il n'aurait laissé sa mère, si gracieuse et fine, se retourner pour le quitter, l'abandonnant aux soins de Nymphe. Il aurait tout fait, absolument tout, juste pour la garder auprès de lui, qu'elle ne croise pas Zénith, qu'ils ne partent pas... Mais jamais plus il ne la retrouverait, il en était convaincu, apeuré et atteré. Jamais plus, cela faisait tellement mal! Mais aujourd'hui, ce n'était plus "qu'un souvenir", c'était bel et bien la réalité, l'affreuse vérité du Monde dans lequel il se trouvait, Ange Déchu prisonnier de ses origines et de ses fantômes, comme dans son pire cauchemar.

Que son sourire était beau, calme et grave. Oh, il ne voulait plus que cela pour elle: des sourires et de la joie à perpétuité. Prisonnière du bonheur, presque le plus grand des luxes, mais si loin en même temps! Comme habillée d'un halot de lumière, Anthéa semblait capter le moindre rayon de soleil, sa robe blanche éclatante, alors que ses truitures adoptaient un reflet légèrement pourpre. Et quelle beauté, quelle grâce! Mais quelle tristesse, aussi. Zanzibar baissa la tête, scrutant le sol poussiéreux, tant de fois il avait été foulé. Que dire, que faire? Pour rien au Monde il ne voulait briser ce divin enchantement. Pourtant, il savait pertinament que son silence serait plus grave encore.

"Vous êtes tellement forte! Ce serait la meilleure chose, oui, mais où puiser la force pour y parvenir? Même le Monde qui nous environne est corrompu, que nous reste-t-il pour nous accrocher, sinon nos semblables? Ceux qui nous comprennent? J'aimerai vous dire que, moi, je serai là pour vous; je voudrais que vous en soyez sûre."

Oui, c'était exactement cela: il voulait être là pour elle, disponible, à son écoute, une épaule forte et douce sur laquelle elle pourrait se reposer quand les violences et les douleurs du reste de l'Univers seraient trop dures. Une promesse, sous-entendue, certes, mais une promesse tout de même. Et jamais, oh grand jamais il ne la trahirait: une promesse est sacrée. Loyal, jusqu'à la fin de sa vie, il voulait l'être.
Un instant, il suivit lui aussi la danse des papillons, si fragiles mais beaux dans leur inteminable ascension vers l'âstre brûlant. Pourtant, on disait qu'il était bien simple de se brûler les ailes, de passion pour l'autre, par exemple. Mais il n'avait jamais eu à brûler de ces feux, trop solitaire et trop grave pour son jeune âge qui l'appelait pourtant à être un jolicoeur.

"Rien n'est jamais facile."

Sauf de mentir et de trahïr. En revanche, rien de ce qui touchait à la vérité n'était simple. Et quel courage elle avait de penser de cette façon, si blessée. Penser si juste et rationnel, avec leurs douleurs, était chose dure et complexe mais qu'elle s'attribuait avec facilité.

"Je vous crois, n'en doutez plus; et je pense la même chose que vous. Je crois que, comme moi, vous cernez ces douleurs muettes pour les autres, mais tellement vives pour nous..."

La jeune jument observa ce bel étalon de flamme. Oui, de flamme; sa robe, ses yeux, tout son être semblait flamboyer sous ce soleil chaud. Il devenait si agréable de le regarder, plonger, ses yeux dans les siens, se voir vêtu de bonheur, un court instant, mais un instant tout de même; comme si les flammes qui semblaient englober son être pénétraient dans son âme, pure mais si meurtrie, la réchauffant, lui donnant cet éphémère éclat doré, luisant. Brillant. Magnifique.
Elle sentait cette culpabilité si tenaillante au fond de lui, ce pincement de coeur qui troublait ce bel instant. A cause d'elle? Sûrement. Un malaise la pénétra soudainement. Elle en voulait pas que en plus de tous ses malheurs il s'inquiète pour elle, jeune jument blanche sans intérêts. Oh, oui, elle pensait cela d'elle même, mais elle savait que ce bel étalon de feu l'appréciait. Elle avait sentit cette générosité, cette amitié qu'il éprouvait pour elle, comme s'il était prêt à l'épauler, la soutenir en toute circonstance. Elle ressentait la même chose pour lui. Oui, elle avait envie de l'aider à faire oublier ses soucis, lui redonner le goût de vivre!
Elle plongea de nouveau ses yeux doux dans les siens, le regardant de son air doux. Ses yeux si profonds, si doux, où régnait cette éternelle tristesse. Elle se perdit dans ces yeux bruns, ces beaux yeux bruns...
Elle baissa soudainement la tête.

-Vous savez, on dit souvent que la vie est magique, heureuse, et faite de moments de joie et de bonheur. Je pense qu'il faut savoir trouver ce bonheur au fond de soi, en oublier le reste... Et puis... Vous savez, je ne suis pas si forte que ça. A force d'encaisser, on fini par éclater.

Elle le regarda une nouvelle fois, de son regard doux et gentil. Elle avait envie de devenir son ami, de toujours être là pour l'aider et affronter ses problèmes.

-Moi aussi je serais toujours là pour vous, pour vous soutenir, vous aider. Vous pouvez compter sur moi. Soyez en sûr. Et... Merci beaucoup.

Elle s'avança lentement pour venir coller délicatement son front sur son encolure.

Leur échange verbal lui semblait de plus en plus doux: ponctué de silences, ils osaient plonger leur regard dans celui de l'autre, sans avoir peur d'être jugé. Zanzibar avait, pour la deuxième fois, placé sa confiance en quelqun. Aujourd'hui, il se sentait moins seul, il lui semblait même pouvoir être compris, et soutenu par deux de ses semblables. Soudain, il tressaillit: quand Antéa s'éloignerait, après cette longue et enrichissante discussion, serait-il sûr de pouvoir la retrouver? Elle était Solitaire et avait le droit d'aller n'importe ou, sans avoir à craindre pour sa vie, mais son cas à lui n'était pas le même: Second du Crépuscule, il se devait de respecter certaines frontières, pour ne pas renforcer la Haine des ennemis. Aurait-il un jour le loisir de la retrouver, de plonger encore son regard noisette dans le sien? D'admirer le soleil jouer sur sa robe, allumant mille étincelles sur ses fines truitures? A cette seule pensée, il se sentit pénétré par une vive douleur. Mais comment pouvait-il lui dire ce qu'il ressentait? Après tout, ils ne se connaissaient que depuis peu, et Katanka demeurait méfiante envers lui. Comment Zanzibar pouvait-il dire à Antéa qu'il avait peur de la perdre, sans qu'elle le prenne pour un animal étrange et fou?

"Vous avez raison, Antéa... Mais comment oser respirer quand tout ce qui nous entoure tente de nous étouffer? Merci, nous veillerons donc l'un sur l'autre..."

Quand elle colla sa tête sur son encolure, il tressaillit, soufflant sur l'encolure fine et délicate de la jument.

Antéa sentit soudain q'une vague d'inquiétude avait submergé l'étalon de flamme. Elle en fronça les sourcils, inquiète. C'est lentement qu'elle se décolla de l'étalon pour enfouir ses naseaux dans le pelage roux de Katanka, essayant de lui transmettre l'amitié qu'elle éprouvait pour le bel étalon aux reflets de flamme. Elles se connaissaient si bien, toutes les deux. Comme si une part de la jument se logeait quelque part, dans l'esprit de la petite renarde. Elles se comprenaient mutuellement. Antéa osa espérer que sa deamon ait comprit ceci. Elle baissa les yeux.
-Il faut trouver sa place dans ce monde, aussi terrible et horripilant soit-il. Personne n'est né pour rien, Zanzibar. Chaque vie mérite place et intérêt. J'en suis sûre.
Elle lui sourit faiblement puis replongea ses yeux dans les siens.
-Qu'est-ce qui ne va pas?

Rien qu'en regardant Zanzibar, Antéa arrivait à deviner tout ce qui se tramait en lui, devinant la moindre de ses pensées, ou, du moins, analysant la détresse qui pulsait en lui. Oui, l'étalon de flammes en était sûr: se retrouver serait bien compliqué, une fois que la belle aurait tourné le dos pour continuer sa route. Comment pourrait faire le fils de Zénith pour la retrouver? Il devrait vivre en paria, en reclus des siens; se cacher pour pouvoir s'échapper, se fondre dans les ombres quelle que soit les terres qu'il foulerait. Pourtant, quelque chose le poussait à accepter ces risques, à accepter de cotoyer le danger et la menace des autres clans, qui voyaient encore en Dancin un ennemi public, et qui ne rêvaient que d'une chose: le voir mourir. Cependant, il était maintenant impossible à Zanzibar de cacher la crainte qu'il avait de ne jamais la retrouver. Alors, il prit une profonde inspiration, rassemblant son courage et soupira, alors que le corps tiède d'Antéa s'était écarté:

"J'ai peur de ne jamais vous retrouver..."

(désolé pour le retard, j'ai eu quelques problèmes récemment ^^' je reprend le cours normal des RPs)

Un pincement prit le petit coeur d'Antéa, comme s'il voualit s'enfuir de son corps frêle. Elle regarda l'étalon de flamme de ses yeux doux, inquiets. Elle n'aurait pû penser qu'il s'agissait de cela. Courbant doucement l'encolure, elle soupira tristement. Ce qu'il disait était vrai. Malheureusement, il serait bien compliqué de se retrouver. Aucune chance, même, à part en se croisant par mégarde, si le harsard jouait bien les choses. Ils n'étaient pas dans le même clan... Il n'y avait cependant qu'une solution, mais... En valait-elle la peine? La jeune jument murmura donc, un peu pour elle-même :

-Si... si je rejoignait le Crépuscule...

Ce serait trop dûr. Elle ne se sentait pas physiquement capable de revivre ce qu'elle avait déjà vécu. Elle s'écroulerait sûrement, au fin fond de la panique, de la guerre, des conflits. Et Katanka, cette belle petite renarde? Il lui serait impossible de se défendre. Et Antéa ne pourrait pas constemment la protéger.

[T'inquiètes, je comprends]

L'étalon à la robe de feu dardait son regard noisette pailleté d'or sur la belle jument truitée, incapable de s'en détacher, tant son coeur battait vite, tant les secondes s'allongeaient. Dans chacun des gestes d'Antéa, il lu la peur, la crainte et la menace de la douleur. Zanzibar savait ce qui se jouait en elle, il connaissait les closes du dilemme qui s'imposaient à son esprit encore fragile et amoureux de la liberté pleine. Le fils de Zénith savait aussi qu'il n'avait aucunement le droit de la forcer, et que lui mettre des chaînes ne la renderait que plus malheureuse encore. Même si la Solitaire s'était écartée de lui, il se rapprocha, frôlant son encolure baissée de ses naseaux bouillants, comme pour lui dire que tout irait bien. De sa voix grave et rassurante, il articula, faisant gronder sa gorge:

"Non, Antéa. Vous avez trop besoin de votre liberté... Mais peut-être que, tout en restant Solitaire, vous pourriez demeurer ici, sur les terres du Clan, sans pour autant vous soumettre à son autorité...?"

Le jeune entier souria, peut-être était-ce la un espoir pour eux.

Une vague d'espoir la souleva. La vie était décidemment faite de tant de rebondissements qu'il en était impossible pour cette petite jument tachetée de tout suivre. Elle pensa alors à ce qui allait arriver après. Lorsqu'elle ne sera plus de ce monde, tout disparaitra, aussi simplement que tout était apparût, succesivement, en alternance entre le bien et le mal, la joie et la peur, le malheur et l'amour. Alors qpourquoi s'entêter à vouloir tout reconstruire, tout recommencer? Pourquoi tout ça, alors que dans peu de temps cela n'existera plus? Pourquoi vouloir constemment vivre sa vie dans le bonheur, que cela changera-il de l'univers, de l'espace, des étoiles?

Le coeur serré, la jument colla ses naseaux contre ceux de Zanzibar, ce bel étalon de flamme. Eux deux, ils se comprenaient. Ils ressentaient tous deux la même chose. Les mêmes peines. Les mêmes souffrances. Et même la mort, triste et impitoyable ne pourra rien y changer. Dans sa tristesse, elle regarda elle aussi Zanzibar dans les yeux, lui sourit, et murmura :

-Katanka et moi resterons sur les terres du Clan du Crépuscle, c'est promis.

Ils mourraient tous. Peut-être demain, peut-être ce soir... La vie était un grand échequier, où chaque faux pas était suceptible de vous coûter la vie. Chacun naissait simple pion, et le but était de plier les rois, tout en aimant les reines... Ô, misérable pion qu'il était!! Qu'il se haïssait quand il résonnait ainsi! N'était-il que bon à détester son père? Zanzibar secoua énergiquement la tête, chassant ses idées noires. Au milieu de ces pierres, sous ce crépuscule charmant, il n'y avait qu'eux. Elle, si belle, fragile et forte à la fois. Et lui, si fou et plein d'espoir. Que demander de plus? Il avait devant les yeux une étoile, que chercher de plus beau? Toute la tendresse, la douceur et l'amour du monde étaient réunis en elle. Le fils du chef disparu ne voyait que cela. C'était comme un rêve éveillé, plus ennivrant encore!
Antéa, alors, colla ses naseaux contre les siens, et il tressaillit. Tout devenait bon, simple et envisageable. Pourtant, il avait peur de voir dans les propos de la belle une soumission.

"Antéa. Je ne veux pas que vous vous sentiez obligée de rester ici. Le monde est grand, et l'espoir de le croire encore beau peut exister. Je préfère avoir mal de votre abscence mais que vous soyez heureuse, que mal de votre douleur... Vous êtes belle et intelligente, et je suis sûr que vous voulez trouver un prince charmant digne de vous...! Vivez pour vous et vôtre bonheur, et quand vous aurez trop mal, venez me trouver, je serai votre soutien!"

(>.< désolé pour le retard, mais j'avais écrit une réponse puis j'ai fait une fausse manip et elle s'est effacée!

)

Soudain, son coeur lui sembla peser une tonne. Elle refoula quelques larmes qui lui montèrent aux yeux, brouillant encore plus sa vision qu'elle ne l'était déjà. Elle ferma alors un peu les yeux, jouant avec les derniers rayons de ce soleil couchant qui traversait ses long cils blancs. Elle balaya une nouvelle fois l'étalon du regard, ses yeux doux, son chanfrein droit, ses courbes, sa si belle robe brune où dansaient éternellement quelques reflets d'une belle couleur flamme.
Quelsétaient les propabilités que ces deux êtres se rencontrent encore une fois si elle s'échappait de ces terres? Peut être un pourcent. Et la belle jument tachetée ne voulait pas que tout cela se termine. Elle n'avait rien, rien que Katanka et lui, ce bel étalon, Zanzibar. Et aujourd'hui, ils étaient là, tous les deux, ensembles, liés. Oh, ce qu'elle aurait voulu, c'était que cet instant dure une éternité, que ces deux êtres n'aient plus jamais à se quitter. Plus jamais. Mais il fallait à présent prendre compte de la réalité.

- Zanzibar. Ce choix n'est en rien un sacrifice. Je ne possède rien en soi, et ne désire rien de plus. Et comprenez que mon seul bonheur est devant mes yeux. Mon seul bonheur serait de rester non loin de vous. La vie ne me fera pas perdre une fois de plus.

Tous paraissait à présent si simple, si clair. Antéa sourit, encore une fois, et de nouveau malgré elle.

-Rien ne me semblerait meilleur au monde que de rester sur les terres du crépuscules. Je ne m'en soumet en rien.

(tkt)

Et cette éternité qu'Antéa désirait, Zanzibar la lui promettait. Avec insistance, il la fixait, comme pour sonder son âme endolorie par la cruauté du monde autour d'eux, comme pour communiquer de façon plus exact et plus sûre, comme pour lui assurer que le courant passé, qu'ils se comprenaient. L'étalon à la robe de feu était incapable de penser en cet instant à autre chose qu'à elle. Antéa était belle et douce, fragile aussi. A cela près, elle lui rappelait la sagesse du visage de sa mère. Oh, sa mère...! Le doux fils du Crépuscule ne voulait plus voir ses amis partirent, il ne voulait plus être abandonné de ceux qu'il aimait. Qu'il aimait? Etait-il, lui, le fils de Zénith, amoureux de cette figure divinement douce et compréhensive? Eprouvait-il ce délectable pincement au coeur que l'on ressent face à l'âme-soeur? Un instant, ses rapides pensées s'embruèrent, mais il parvint tout de même à savourer l'approbation de la belle, et à lui répondre de sa voix chaleureuse.

"Ne partez plus, et je resterai la. Vous posséderez tout, tout ce dont vous aurez besoin pour rire et être heureuse. Restons à deux pour affronter le monde, et rire de ces rires d'enfants que nous sommes encores, et que nous serons encore une fois vieux... Je..."

Son élan se brisa, sa voix mourue, il était de plus en plus dans le vague, se tuant à tenter de répondre à la question qu'il se posait.

» La vie continue (Privé Antéa)
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