Je t'ai dit que ce serait moi qui te trouverait. [Pv Black Hole, Sun Star et Liberty]

J'ai toujours tenu parole. Pourtant, à mes yeux, tu n'es rien qu'un Shikaku. Tiendras-tu parole ou veux-tu plus enfoncer nos Clans? Black Hole, je te tiens à l'oeil et je te surveillerai toujours. La confiance n'est pas ma qualité première.

La nuit était complète. On ne distingait plus cette ombre noire qu'au bruit de ses sabots nus sur le sol de pierre. Pourtant, je peux vous dire que cet étalon-là cherchait qualque chose, l'encolure dressée, la tête levée, ces grandes oreilles pivotantes et ses naseaux ouverts frémissant. Il avait une promesse à tenir.

Il avait parcouru un bon bout de chemin, déjà. Son corps auparavant noir et luisant virait au blanc mousseux. Son poitrail puissant laissé entrevoir des marques d'un combat rescent. Ce cheval d'encre, déjà bien adulte, n'était pourtant pas un guerrier, pas un assassin. Certains, à première vue et de loin, l'auraient pris pour un autre, avec cette écume rougeâtre étalée au niveau de son avant-main puissante. Pourtant, il était la part de Soleil de l'Ombre.

C'était Renji, le second de Sun Star. Il avait un travail à accomplir. Trouver Black Hole et le mener aux chefs, telle était sa mission. Et l'étalon de nuit le faisait de son plein gré. Il avait juste donné rendez-vous à Sun Star et Liberty, une semaine après la bataille de la Clairière Enchantée. Une rencontre de nuit, aux Hautes Pierres, ce qui avait étonné au plus au point les deux meneurs. Mais l'arabo-frison ne voulut pas les éclairer, il ne voulait pas leur dire qu'ils y rencontreraient un Shikaku. Il savait pertinament qu'ils auraient cru qu'il était passé à l'adversaire et l'auraient chassé. Pourtant, il était resté le plus loyal.

Ren' était donc à la recherche de celui qu'il devait mener. Car lui ne savait ni quand, ni où il devrait aller. L'étalon du Soleil devait le trouver. Alors il galopait depuis le matin. A bout de forces, à bout de souffle, il trouva le grand noir grâce à son odeur forte musquée aux relents de sang. Renji, ex-membre du Clan de Black, gratta le sol à quelques mètres derrière Black Hole, avant de dire, le plus simplement du monde:

-Je suis venu.

Il s'avança vers le guerrier sans méfiance. Le port fier, il salua celui qui était un adversaire, un ennemi, sans la moindre animosité. Il reprenait en même temps sa respiration. Ces lourds flancs se soulevaient à un rythme éffrené alors que ses naseaux ronflaient pour qu'il respire. Il oublia un instant sa condition physique pour regarder l'ennemi à travers la nuit.

-J'espère que tu es prêt. Ils t'attendent.

Il attendit une réponse de celui a qui il venait de parler avant de se mettre au pas vers le lieu de la rencontre.

Aujourd'hui, tout a changé. Je ne suis plus ce même Shikaku, glorieux combattant de ces belles années dispensées à faire souffrir. Et je ne bafouerai pas ta confiance, toi qui, en m'aidant de la sorte; me permet de vivre, encore un peu...

Oh, que la nuit était belle ce soir! L'Univers tout entier était plongé dans les Ténèbres. Qu'il aimait la Nuit cet animal fou! Pourtant, ces derniers temps, plus rien ne lui plaisait. Ni le voile d'obscurité, ni l'orage qui éclate... Rien. Et il avançait, le pas las, l'encolure basse, le regard voilé... Et sur ses flancs, le sillon de ses côtes apparaissait. Depuis combien de temps n'avait-il pas mangé? Tout cela lui importait bien peu aujourd'hui. Il avait perdu tout ce qu'il possédait. Alors, il errait, pensant à Renji, ce fière arabo-frison, second du Soleil. Cet étalon d'encre qu'il n'avait rencontré que récemment, mais qu'il avait tout de suite apprécié. Il marchait, espérant le voir apparaître devant lui, avec cette flamme d'assurance dans les yeux, cette ardeur qui lui allait si bien. Et pour survivre, il n'espérait que lui.

Seul au milieu du paysage nocturne, il semblait tellement fragile! Toute son aura de guerrier avait disparu, ne demeurait que le doux parfum de la Mort aux ralents musqués, et, peut-être, cette petite flamme qui brillait au fond de son regard. Cette flamme qui le liait indubitablement aux Enfers. Alors, il allait, l'allure traînante. Et sur son corps fatigué, les marques, encore, d'un combat qu'il avait mené il y a peu. Alors que les Chefs se retrouvaient encerclé par ses alliés, les Shikaku qui l'avaient proclamé Chef, au même titre que Si Beau. Si Beau... Cet entier baie qui était avec lui un parfait manipulateur, et qui, aujourd'hui, s'approchait d'un peu trop près de sa fille, Bliss; comme il l'avait fait avec Pépite d'Or. Mais jamais, oh grand jamais, il ne pourrait l'avoir! L'étalon noir s'en était fait la promesse. Alors, il vivrait, jusqu'à ce quelle puisse se déffendre seule. Qu'elle lui ressembait cette petite pouliche! Mis à part sa robe, elle était son portrait-craché. Les mêmes yeux, le même corps! Les mêmes traits aussi, ceux qui définissent les Shikakus... Mais il ne voulait en aucun cas qu'elle en devienne une. D'abord, cela ferait mal à sa compagne, et puis, elle serait haïe par le reste du Monde, et elle se rapprocherait de Si Beau.

Soudainement, le son d'un martèlement de sabots lui fit redresser la tête. Et, déjà, apparaissait celui qu'il quêtait. Un sourire indescriptible se dessina sur son visage, et il accueillit l'étalon d'encre par un hennissement rauque et bas, comme l'aurait fait un guerrier saluant un vieil ami.
"Oui, tu es venu..."
Il s'ébroua, dispersant l'odeur de sang séché dans l'air. Sa robe était d'ailleurs maculée de ce liquide rouge.
"Je l'espère aussi... De toute évidence, il le faut!"
Il ne savait pas ou se trouvaient exactement les Chefs, mais peu lui importait, Renji était là maintenant. Il ne lui resterait plus qu'à trouver les mots pour s'expliquer, mais surtout, ne pas faire de vagues, ne pas paraître hautain ou agressif. Être lui, comme il était maintenant.

Renji sentit bien vite l'odeur de sang du Shikaku. Il y chercha une explication, qui coula de source. Il s'était battu... Un sourire éclaira le visage du croisé frison. Il mit un coup d'épaule amical à Black Hole avant de rire.

-Allez, viens. Il faut que tu reprennes un peu de fierté, non?

Le puissant entier prit le pas, tranquille, en reprenant son souffle. Il n'était pas d'humeur à se laisser aller à l'anxiété, aussi préférait-il entretenir une bonne entente avec le Shikaku tout le long du trajet. Et il avait une raison valable de s'inquiéter de lui.

-Un jour, tu tomberas sur plus fort que toi. Que fera Pépite? Et Bliss, tu y as pensé? Quand à Thief... Il aura besoin de quelqu'un pour lui apprendre à être fort. Et ce quelqu'un, c'est toi.

Il disait cela le plus naturellement du monde, tout en marchant d'un pas long et souple. Un sourire étirait ses lèvres satinées et noires. Il pensait, tout en menant Black Hole. Il pensait qu'il avait fait une promesse à l'étalon, mais que, pourtant, il ne voulait pas avoir à s'occuper des poulains de l'étalon noir. Il voudrait plutôt qu'il s'en occupe lui-même. Alors il voulait surtout lui faire comprendre qu'il devrait peut-être prendre un peu de plomb dans la cervelle.

Tous deux marchaient depuis un bout de temps. Pourtant, la nuit, maitresse du temps, n'était qu'à sa naissance lorsque les lieux du rendez-vous se profilèrent. Renji s'arrêta alors et tourna son regard expressif vers Black Hole.

-Nous y sommes. Passe devant.

Désormais, tout changeait entre eux deux. Renji n'était plus un ami, mais bien le second d'un Clan sous le joug cruel des Shikaku. Il se redressa et hennit en se cabrant avec une fougue incroyable. Il poussa l'autre cheval de nuit au galop devant lui pour le lancer au galop vers les deux chevaux, qui déjà devaient savoir que Renji était là.

Et déjà, l'étalon noir s'était approché de lui, lui donnant un amical coup d'épaule; ce qui lui arracha un sourire. Malgré la gravité de la situation, le Second du Soleil parvenait à le faire sourire...
"C'est bien vrai... Il faut au moins que je sois convaincant!"
Il laissa échapper un rire décontracté de sa gorge. Mais quelle détresse se rire révélait-il en réalité! La situation devait être bien critique pour qu'il se laisse aller ainsi. Ou bien, peut-être que Renji parvenait vraiment à le faire rire. Personne ne pouvait mieux savoir que lui, lui, l'indéchiffrable et énigmatique étalon.
Il se mit en marche aux côtés de l'arabo-frison, redressant la tête, et promenant son regard étrange sur l'horizon morne qui se faisait baiser par la bouche sombre de la Nuit.
"Un jour, oui... Peut-être demain, ou dans un an. La vie est incertaine, plus encore pour un Shikaku. Pépite? Je ne supporterai pas de la faire souffrir, encore. Mais elle me déteste aujourd'hui! Mais j'ai espoir, encore, un peu... Bliss, ma petite Bliss, quelle belle enfant! Pourtant, j'en suis rendu à me dire qu'elle serait peut-être mieux sans moi... Et Thief, je sais qu'il s'en sortira, avec ou sans moi..."
Depuis déjà longtemps, il aurait du arrêter de se battre, de provoquer des étalons à la carrure bien supérieure à la sienne, de jouer avec la Mort en donnant tout à chaque fois, de se faire entailler le corps et de perdre tant de sang... Un jour, il ne parviendrait pas à se relever, et il le savait. Mais le Combat était sa dernière drogue, il lui permettait de survivre, de donner une autre dimension à l'espoir qu'il nourrissait de retrouver sa famille.
"Bien. Merci..."
Il glissa ces dernières paroles à l'étalon noir dans un murmure étouffé, comme un secret que lui seul devait savoir. Et il passa devant, redressant la tête, le regard fixe; l'allure vivifiée.

Le Clan, brisé. Les chevaux, opprimés...peut-être tes amis Shikaku ne comprendront-ils jamais cela, mais quand les chevaux de mon Clan ont peur, ont mal, je souffre avec eux. Parce que mon être, ma vie, mon coeur leur appartiennent plus qu'à moi-même; parce que je suis leur chef, je prends les coups avec la même force qu'eux.

Sun Star se tenait immobile, le col arqué, l'oeil vif. Renji avait réussi à contacter le chef qui, traqué comme une bête, avait choisi de s'écarter de son Clan dans l'espoir de ne pas mettre en danger sa tribu; il avait déjà vu les Shikaku s'en prendre à ses membres, et espérait ne pas les mettre davantage en danger. Lui, traqué de la sorte...son ego s'en trouvait heurté, et son ressentiment envers les Shikaku bien ancré. L'étalon doré redressa soudain la tête, altier, en voyant débouler son second et Black Hole. Il coucha une seconde les oreilles, puis se rasséréna, car il avait toute confiance en Renji, qui s'était révélé apte à gérer le Clan en ces heures troublées.
C'est pourquoi il s'approcha de son bras droit et le salua avec le respect qu'on doit à un égal:

"Renji..."

Puis se tourna vers Black Hole, et inclina sèchement la tête, sans un mot, le regard droit. Il se tenait immobile, parfaitement immobile, son col arqué présentant ce port de tête royal et surtout, caractéristique de la lignée de CannonBall.

Non loin de lui, Liberty réagit avec moins de noblesse; elle n'avait pas le sang froid de Sun Star, et darda sur l'étalon noir un regard d'acier:

"Bonsoir, Black Hole."

Sa voix était sèche, en aucun cas amicale. La soeur adoptive de Sun Star n'avait jamais réussi à faire preuve d'autant de fierté que ses deux frères d'adoption; elle se débattait tant bien que mal dans un combat dont elle n'avait pas voulu, face au ressentiment des deux étalons, prisonnière de leurs désaccords passés.

Renji vit bientôt les deux chefs. Il passa devant Black Hole, fier, et salua Sun Star avec une bonne humeur non dissimulée, pourtant malvenue en cet instant où tout aurait pu basculer pour un rien. Il se tourna ensuite vers Liberty, la saluant d'une gracieuse révérence. Sa voix coula, grave et sereine, dans l'air nuptial alors que les dominants regardaient avec animosité l'étalon de nuit:

-Je suis désolé d'avoir eu à me jouer de vous pour vous attirer ici. Je n'ai pas rejoint l'ennemi, si c'est ce que vous pensez. En tout cas... Il a quelque chose à vous dire. C'est la seule raison pour laquelle il est venu.

Renji secoua la tête dans l'ombre de la nuit, laissant ses longs crins voleter. Il ferma les yeux quelques secondes avant de les rouvrir. Il darda ses prunelles sombres sur chaque cheval, un petit moment. Il espérait que tout se passerait bien, que cela ne finirait pas en bataille entre le Shikaku sombre et le dominant doré. Il savait pertinement que Black Hole n'aurait aucune chance. Il serat au moins à deux contre lui, Renji et Sun Star. Liberty la douce ne prendrait certainement pas part au combat, mais si elle y prenait part, le Shikaku serait attaqué de partout...

Il s'arrêta, posant son regard sur les deux chefs, aucune expression ne passant sur son visage aux traits si particuliers qui font le charme des Shikakus. L'étalon à la robe nuit était calme, posé. Il s'approcha des équidés, et fit un bref hochement de tête à l'intention de Sun Star, se doutant qu'un cabré n'était pas une habile intention en cette nuit électrique. De sa voix enjôleuse et prédatrice, il susurra, sur un ton suave et charmeur:
"Bonsoir Sun Star..."
Il obliqua légèrement, se positionnant face à Liberty. Là, il la salue, effectuant une révérence. Il se redressa, droit et immobile, seules ses lèvres bougèrent:
"Liberty."
Ensuite, il posa son regard sur le puissant arabo-frison, respectant le silence lourd qui s'était installé. Oh non, il ne se rebellerait pas, il n'en avait ni la force -vu l'état dans lequel il était- mais surtout, pas la volonté. Sa raison de vivre s'en était allée quand sa douce compagne avait pris la décision de le quitter, de lui arracher ses enfants par la même occasion. Laissant passer quelques secondes encore, il prit la parole, pour renchérir les propos de Renji:
"Je ne peux que dire merci au Second du Soleil de m'avoir conduit à vous..."
Il marqua une pose. Ce qu'il s'apprêtait à dire serait un tournant dans le dénouement de la prise du contrôle des terres de Wild Horses par les Shikakus, mais surtout, sa position n'en deviendrait que plus délicate. Il resta ainsi, immobile; ses crins corbeaux agîtés par la brise fraîche de la nuit. Il reprit, en fixant droit dans les yeux Sun Star puis Liberty:
"Je sais que vous me tenez pour en partie responsable de l'horreur qui s'est emparée de Wild Horses, et vous n'avez pas tort... Je ne suis pas venu ici dans l'espoir de me déffendre, car je sais que je suis indéffendable. Pourtant, je regrette..."
Il esquissa un pas, adoptant une démarche lente et féline.
"Je regrette énormément de choses, notamment la grossierté des actions menées par les Shikakus. Mais si je suis ici ce soir, ce n'est point pour discuter du passé, mais de l'avenir. Oui, je ne veux pas de ce Monde là pour mes enfants, pour ma compagne, pour mes amis comme pour mes ennemis. Je viens donc vers vous, surtout vers Liberty; pour vous rendre votre place au sein des Etoiles. J'ai déjà trop fait souffrir, et je ne désire rien de plus que de réparer, de reconstruire ce que je veins de détruire. Et j'aimerai vous aider à retirer les Shikakus du pouvoir."
Il s'arrêta, encore, posant son regard sombre dans celui de la jument blanche. Sa proposition était son dernier espoir.

Indécise quand à l’allégeance de l’étalon baroque noir, Liberty le regarda venir vers elle et finit par le saluer avec une courtoisie minimale, mais sans froideur inutile. Puis, tout comme Sun Star, elle accorda l’ensemble de son attention à Black Hole. L’étalon noir commença par s’excuser, comme se lamentant sur son sort, et la jument blanche souleva une oreille. C’était avant, avant de commettre ces atrocités, qu’il aurait fallu y réfléchir…en fait, cela avait probablement un rapport avec Pépite d’Or. La petit cremello, amie de Liberty, n’avait-elle pas dit qu’elle était pleine de l’étalon noir ? Si c’était le cas, oh, qu’elle avait dû être déçue des actes des Shikaku, elle qui les avait défendus bec et ongles lors de la dernière réunion, celle qui avait viré à la débandade !
Les excuses de Black Hole, sa façon de s’auto-flageller, agacèrent Sun Star qui se contint cependant. Il se souvenait, également, d’une discussion avec ce même étalon qui aujourd’hui avait l’air d’une bête aux abois jouant sa dernière carte. Une discussion à propos de la mort et du combat, qui avait fait naître en lui, non seulement une sorte d’intérêt mais aussi une constatation troublante : ces chevaux étaient certes logiques, intelligents, mais leur postulat de départ était une erreur. Ils étaient fous, des fous logiques. En attendant, que l’amour ait changé à ce point l’étalon…Sun Star pouvait l’imaginer, lui qui avait tant changé pour Stella.
Liberty ne quittait plus des yeux le cheval noir. Elle laissa passer plusieurs secondes, dans un lourd silence, plus froid qu’une nuit d’hiver, et enfin éleva la voix et répondit à l’étalon tueur, d’un ton plus que circonspect :

« Je vois. Je suppose que Pépite a un grand rôle à jouer dans ce changement…maintenant, Black Hole, comment pouvons-nous te faire confiance ? Après tout, qui me dit que tu ne me rends pas la tête du Clan des Etoiles dans un but plus ou moins obscur, mais qui servirait les intérêts des Shikaku ? Et puis, j’ai rencontré certains d’entre vous et ai constaté qu’ils étaient, en quelque sorte, fous. Une forme étrange de folie, certes, maintenant…c’est un coup de poker. Pouvons-nous vraiment te faire confiance ? »

Elle secoua la tête, sans méchanceté, simplement prudente et méfiante :

« Qui nous dit que tes belles décisions, tes bons sentiments du jour ne changeront pas demain, même si ce soir tu es sincère ? Et si les Shikaku chutent de leur piédestal…Black Hole, tu aimes le combat, le sang, la mort, n’est ce pas ? Comment pourras-tu t’adapter à un lieu d’où ces trois maux sont plus ou réprouvés voire bannis ? »

Sun Star prit alors la parole, le regard vif et sévère :

« Liberty, sur ce point je dois te reprendre. Black, lui aussi, a connu cela, et vois, aujourd’hui, ce n’est pas un assassin sanguinaire ; tu ne peux le nier quelles que soient nos divergences d’opinion. L’amour du combat n’est pas incompatible avec une vie tranquille même s’il ne l’est pas avec tes idéaux. »

Il tourna paisiblement les yeux vers sa sœur, calme. La décision était celle de Liberty, et elle semblait un peu difficile à convaincre. Peut-être Black Hole ferait-il bien d’argumenter un tant soit peu.

Tout roulait plus ou moins bien sans lui. Renji, le beau Renji, fit un pas en arrière, laissant les chefs et Black Hole discuter. Il ne servait que de médiateur, il ne prendrait guère part aux décisions qui seraient éventuellement prises. Sauf si Sun Star lui demandait son avis. C'est pourquoi, bien qu'il ne s'invite pas dans le débat, il l'écoutait avec attention.

Tous d'abord, les paroles de Black Hole. Il avait tant perdu de cet air supérieur qu'il avait toujours arboré! On aurait dit une proie blessée, aux aboies, acculées et attendant que son heure arrive, sans plus de combativité. Renji comprit son abattement. Il jouait sa dernière carte à ce moment-là. Il perdait espoir, petit à petit et, face à la réaction de Liberty, il n'y avait rien d'étonnant. Chacune de ses paroles était une arme qui pourrait lacérer le coeur du Shikaku, fut-il présent dans sa carapace noire.

Le second du soleil ne put néanmoinsque comprendre ce que disait la dominante. Sa méfiance était toute naturelle, face à cet étalon atteint de la plus dangereuse folie et de la plus étrange passion. Mais il trouvait qu'elle mettait tous les adorateurs du sang dans le même lot. Il faillit intervenir, lorsque Sun Star le fit. Il n'avait rien à ajouter à ce que son Chef avait dit. L'étalon de nuit fit alors quelques pas de plus. Le son de la conversation diminuait un peu, bien qu'il entendit toujours les paroles. Il observait les alentours, garde de cette réunion qui aurait dû être prohibée.

Ren' n'était pas d'utilité, en ce crépuscule. Il aurait pu partir, mais son instinct et surtout sa mentalité le poussaient à rester. C'est lui qui avait attiré les Chefs jusque là et si cela virait mal, ce serait de sa faute. On le prendrait pour un traitre. On le prenait déjà pour un traitre parce qu'il avait quitté l'Ombre pour rejoindre le Soleil, mais il avait été loyal au Clan qui allait avec son esprit. Et il le serait toujours.

Il était comme le Joueur qui abbat sa dernière carte, celle qu'il garde depuis le début du Jeu dans sa main devenue moite, entre ses doigts qui se crispent à mesure qu'il se voit perdre et dépérir. Et le Jeu possède alors un tel enjeu que tout devient plus ardent, et que sa mise est bien plus folle que celle du Joueur de Poker qui mise sa voiture de collection avant de proposer sa Villa.Il en était donc là. A jouer sa dernière carte, celle qui clôturerait le Jeu.Et ce duel qui s'imposait à lui mais également -et surtout- en lui était bien plus haut que toute logique ou toute follie. C'était simplement l'avenir, le destin... Destin que lui et les autres Shikakus avaient comme corrompu. Oh, qu'il s'en voulait aujourd'hui de s'être joué ainsi de la vie de tant d'équidés, d'avoir innondé leur maison d'essence avant d'avoir gratté l'allumette pour la laisser tomber à terre... Il s'en voulait, mais il refusait qu'on le pleigne pour tout ce qu'il avait fait. Pourrait-il seulement réparer ce qu'il avait brisé, en si peu de temps, avec si peu de paroles? Oh, il avait déjà bien servis le mal et les Démons, il avait déjà répondu présent aux appels de la Mort et des enfers... Il avait déjà bien vécu, l'Animal du Diable... Et d'ailleurs, il avait dit au si valeureux Second du Soleil, quand cas d'échec, il se renderait et accepterait de subir les décisions des Clans sans protester. Il avait écouté les deux équidés parler tour à tour, se retenant de prendre la parole maintes fois. Il laissa passer quelques secondes, avant de se planter face à la jument blanche, sans aucune marque d'agressivité. Il reprit ensuite la parole:"Celà ne me servirait à rien de vous cacher, Liberty, que Pépite d'Or et mes poulains y sont pour beaucoup. Je comprends cette méfiance que vous avez envers moi: après tout, pourquoi m'arrêterai-je en si bon chemin de chaos pour Wild Horses? Et je sais que jurer ne servirait à rien. Pourtant, je peux vous dire que les promesses font partie des rares choses que nous respectons. Et ce chemin que je fais vers vous est dédié à me racheter. A payer ma dette auprès des personnes qui comptent le plus pour moi, ces personnes qui sont ma Vie, les battements de mon coeur.Oui, les Shikakus possèdent une Follie qui leur est propre, pourtant, chacun apprend à la contenir. Et au Combat, elle devient arme, et elle est le plus qui permet à notre force de se déchaîner, en concervant une traître part de lucidité qui nous permet de calculer nos coups...Je sais que ce changement peut paraître suspect. Mais pour ma famille, j'ai la volonté de changer. Je ne veux pas que mes enfants grandissent ainsi, dans un Monde parsemé de Morts et de trahisons. Je ne veux pas que Pépite est à souffrir des plaies béantes de Wild Horses. La Mort, j'y renoncerai; et comme la fait remaquer vôtre frère, le Chef du Soleil, un Monde ou le Combat persiste est possible...Et je vous aiderai, si vous le voulez bien, à vous débarrasser des Shikakus. Si j'échoue, je vous promet de m'en remettre aux décisions de vos Clans."De tout son monologue, il n'avait bougé; il avait juste détourné quelques secondes son regard pour le braquer sur l'étalon doré quand il avait mentionné son nom. Et de tout le reste, il n'avait regardé que Liberty, de cet étrange regard imperceptible et insondable.

Sun Star sonda longuement Black Hole du regard. Etait-il sincère? L'étalon doré ne lâchait pas son ancien ennemi des yeux, et puis, il jeta un regard vers Renji et choisit de se conformer au choix et à l'opinion de son ami, en qui il avait toute confiance. Renji avait toujours fait preuve d'une intuition sans faille, et dans certaines situations, Sun Star aurait même mieux fait de l'écouter plus attentivement...et la sincérité perçait dans les mots du Shikaku. Pour ses deux fils, Sun Star avait tant changé! Il pouvait bien comprendre que Black Hole renonçât à la Mort afin d'aimer une jument...L'étalon doré finit par prendre sa décision. Il inclina la tête puis se cabra, saluant le Shikaku comme on salue un guerrier:

"Ta décision t'honore, Black Hole. Je prendrai ta défense auprès des chefs, si nous parvenons à renverser les Shikaku...sache cependant qu'il est fort probable que tu doives payer pour tes actes, même si ton sort sera meilleur que celui de tes anciens frères d'armes. Et je te donne ma parole que ni tes petits, ni ta compagne ne pâtiront de ce que tu fus et n'es plus."

Liberty tourna une oreille vers son frère d'adoption. Lui aussi, il se laissait envoûter par les belles paroles de Black Hole? La jument blanche secoua nerveusement la queue, dansant d'un pied sur l'autre...non, elle n'avait pas confiance. Et puis l'image de Pépite se dessina dans son esprit, et Liberty se résigna, tout en exprimant clairement ses intentions au cheval noir:

"J'accepte ton offre. Mais sois sûr que c'est pour Pépite d'Or et pour les poulains que je l'accepte. Non pour toi...je ne t'accorde pas ma confiance, mais je t'accepte comme allié et reprends la tête du Clan des Etoiles, puisque tu le souhaites. Quand à pépite et ses petits, ils sont de mon Clan et ils y sont donc chez eux, quelle que soit leur ascendance."

Sun Star rejoignit Renji au petit trot avec un léger sourire, et s'ébroua en contemplant la scène; la suite concernait les deux chefs et la transmission de pouvoir n'était pas la sienne. L'oeil attentif, il confia à Renji:

"Décidément, tu bénéficies d'une certaine intuition, surtout en matière de diplomatie...nous verrons bien ce qui va découler de tout ça, mais j'ai bien envie de faire confiance à ce cheval."

Une certaine intuition? Il était un diplomate, un excellent diplomate, son lieutenant. Et cela n'était pas plus mal, car Sun Star maîtrisait les concepts d'honneur, de politesse, mais moins ces échanges policés de mots d'apparence anodine, que sont les négociations. Renji était son parfait complément, prudent là où il était actif, rusé là où Sun Star était trop franc, et lui, l'étalon doré, bénéficiait d'un sens politique et d'une faculté de prévision que n'avait pas son ami, ainsi que d'un charisme notable. Renji ferait un bon chef, si je venais à mourir, songea l'étalon.

Le sombre étalon resta en retrait, redressant tout de même les oreilles lorsque Sun Star le regarda briévement. Il hocha même le tête au choix du Chef, avant de reculer un peu plus, les yeux luisants de contentement.

*Je n'ai plus rien à faire ici. Un rapide au revoir et hop, je m'éclipse. Il n'y a plus rien à négocier.*

Pourtant, il se raidit aux paroles et à l'attitude de Liberty. Il réprima cette envie de gronder et de lui dire qu'elle était stupide, tout à fait stupide même! Non, Sun' ne cautionnerait absolument pas cela. Le respect avait toujours été l'un de ces points d'honneur et l'était toujours. Il n'était pas prêt à montrer des signes d'un changement qui s'était efectué en lui, suite à cette réunion. Son Chef le prendrait à coups sûrs pour un animal devenu tout aussi instable qu'un Shikaku et il ne serait pas bien loin de la vérité, mais le sombre cheval était toujours cet entier attentif, préventif et loyal qu'il avait été pour son Clan d'adoption, alors qu'il avait été un autre auprès de Black.

Lorsqu'il vit celui qui était, au fil du temps, devenu son frère de coeur s'approcher de lui, il sortit de ses pensées. Il l'écouta soigneusement et secoua à son tour la tête.

-Merci de ta confiance. Bien peu me regarderaient encore ainsi, après que leur apporte un Shikaku. J'ai cru en lui, voilà tout. Thief et Bliss, ses petits, y sont pour beaucoup. C'est un peu grâce à eux qu'il s'est confié. Et mon oreille est passée par là. Il est cependant encore fourbe, il ne faut pas fermer les yeux. Je ne lui ferait pas dos dans mon sommeil, à ta place.

Oui, car pour lui, un Shikaku restait un Shikaku. Sitôt le souci réglé et la peine purgée, il redeviendrait surement cet adorateur de la Mort. Renji s'ébroua avant de planter son regard dans celui de Sun Star.

-Je sais que le reste de cette discution n'est pas mienne. Je m'en vais rejoindre le Camp pour empêcher ces brutes de persécuter les autres. J'ai un peu trop de sang, aujourd'hui...

Oui, son corps bouillonait d'une ardeur combattante. Il salua les trois équidés d'une manière franche et se retourna pour rentrer. Il prit un pas actif et long, très souple et puissant.

» Origines [Liberty, Black, Sun Star]
» Black, Shiki, Odyssée, Sun Star et Liberty [Re-Présentation]
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