L'ennui du hasard [Voshad]

[Finalement si, je t'en veux de me laisser commencer, parce qu'il faut que je trouve un titre ! En vengeance, il est merdique  ]



La pierre teintait sous des sabots.
D'un pas hésitant, une petite jument pommelée avançait au bord du vide. Elle y jeta un coup d’œil, frissonna, et préféra s'en éloigner.
Baissant la tête, elle regardait le sol devant ses sabots, l'air pensive.
Qu'est-ce que je fous sur cette falaise ?
Cette marche en solitaire avait dû la conduire plus loin que d'habitude, et elle s'était retrouvée ici sans comprendre comment. Elle soupira. Un jour, elle finira par payer son manque d'attention de sa vie... Pourtant, il n'y a pas si longtemps, elle le savait bien... Mais elle avait changé du tout au tout et n'avait plus rien à voir avec la jument arrivée à Wild Horses, de même que cette dernière semblait bien loin de celle qui avait fuit une nuit d'orage. Ce qu'elle savait d'elle semblait éphémère, apparaissant et disparaissant au gré des événements, et depuis peu c'était une mélancolie nauséeuse qui guidait ses pas.
Le ciel hurlait dans ses oreilles et s'engouffrait violemment dans ses crins emmêlés, mais il ne l'enivrait plus.
Il n'y avait pas que ses crins qui trahissaient un manque d'attention : sa robe était boueuse, et la marque de cicatrices datant de la bataille achevaient de lui donner un air de petit cheval sauvage -mais le mot sauvage n'avait pas la saveur qu'il apporte à la majestueuse beauté nombre de chevaux ici. En la regardant vraiment, ses traits arabes étaient évidents, mais les regards avaient plutôt tendance à glisser sur elle et à ne te retenir qu'un animal à l'allure mal soigné et sans entrain.

Le jour se coucherait bientôt, elle avait froid et soif, et aucune idée du chemin qu'il lui faudrait prendre pour rentrer au clan des Etoiles ; le vent la gênait autant pour entendre que pour sentir les odeurs, mais elle semblait être sur le territoire du Crépuscule -une rencontre par ici risquait de mal tourner. Tant pis. La tête toujours basse et la démarche lassée, aveugle de tous ses sens, elle continua à racler ses sabots sur la pierre noire, sans but.

Citation :

Une voix la fit sursauter.
Elle se retourna brusquement, sa nausée battant en retraite -pour combien de temps ?
Les crins agités par le vent, un seigneur la regardait. Seigneur ? C'était le seul mot qui lui était venu à l'esprit ; la puissance souple, la queue en panache, la posture fière mais non arrogante, le ton comme le sourire, pacifiste sans être trop amical,... La jument inclina son encolure, mais elle ne ressemblait qu'à un robot accomplissant sans réfléchir les gestes inscrits dans ses rouages. Elle tapa du sabot, tentant de repousser la nausée qui l'envahissait à nouveau.

« Lune d'Orage. »

Ses yeux scrutèrent quelques instant l'étalon, de veines en muscles, soulignant sa silhouette fine, puis remontèrent le long de son encolure pour suivre les contours fins de sa tête. Elle sursauta en rencontrant son regard, et détourna aussitôt les yeux en s'ébrouant -qu'elle ait l'habitude de fixer les autres quand ils l'ignoraient, peu importe, ils ne s'en rendaient pas compte ; mais elle n'allait pas en faire de même avec ceux qui le voyaient... Aussi beaux soient-ils.
Trouver quelque chose à dire.

« Enchantée de faire votre connaissance... »

Non. Quelque chose d'autre.
Elle se tendit, repoussant encore le malaise qui continuait à rôder autour d'elle et se faufilait dans chaque interstice qu'il trouvait pour la noyer.
Revenir à l'étalon. Elle ne l'avait jamais vu et ne lui sentait aucune odeur de clan, en ignorant si c'était le vent qui l'en empêchait ou son interlocuteur qui n'en avait pas. Mais elle prêtait si peu attention, surtout ces derniers temps, à tout ce qui se passait dans ces terres qu'il pouvait bien être un habitué du territoire sans qu'elle n'en sache rien... Elle préférait éviter de l'interroger sur son origine pour ne pas lui montrer son ignorance. Un rayon du soleil l'éblouit et elle bafouilla la première chose qui lui passa à l'esprit.

« Le soleil est magnifique quand il se couche. »

Bravo pour ta perspicacité...

Ferme-là.