Promesse [PV-Black]

Je me souviens ! J'ai vu tout, fleur, source, sillon,
Se pâmer sous son oeil comme un coeur qui palpite...
- Courons vers l'horizon, il est tard, courons vite,
Pour attraper au moins un oblique rayon !

Charles Baudelaire

La Plaine d’Orage. Immense étendue recouverte d’une herbe grasse, étendue qui s’éloignait jusqu’à l’horizon, sous un soleil de feu. Etendue qui semblait embrasser l’avenir, avenir incertain, qui, pourtant, en cette chaude journée, lui plaisait. Et la présence de cette fine guerrière truitée, qui s’était révélée danseuse l’espace d’un soir, n’était en rien du au hasard. Ici, elle foulait, avec une ardeur peu commune, les terres de l’Ombre, les terres de Black. Ô, Black… Existait-il seulement? N’avait-il pas été que rêve, que mirage, que douce idée pleinement vécue l’espace d’une nuit? Non, il était bien plus. Elle se souvenait de tout, de son regard si sombre, regard dans lequel il lui avait semblé se promener, s’égarer, se perdre avec bonheur, regard au sein duquel naissait une couleur rouge, bordeaux, couleur si intense. Elle se souvenait également de son odeur, il lui semblait d’ailleurs que ce lieu en était imprégné.
Ô, et de cette danse… Danse qui l’avait fait renaître, qui lui avait rappelé comme il était bon de ne faire qu’un avec un être. Danse qui avait mit son cœur au diapason avec celui d’un autre. Avec le sien, celui qui détenait la moindre de ses pensées. Qu’elle avait apprécié toutes ses caresses, tous ses frôlements fiévreux et passionnés, tous ses gestes qui lui avaient permis d’exister. Qu’elle avait aimé cette nuit, ces sensations. Qu’elle chérissait alors ses souvenirs!
Une danse, voilà ce qu’elle voulait, une autre danse, accompagnée du même partenaire; une danse à laquelle son corps pourrait s’abandonner, une dance où elle aurait loisir de frissonner; une danse qui alimenterait cette éternité qui s’était créée. Une danse qui ouvrirait un peu plus grandes les portes de cet autre ce Monde, ce Monde qu’elle désirait édifier avec lui.
Mais que ce passerait-il si elle le croisait? Auraient-ils même facilité à danser, à virevolter, à frôler, à embrasser leur corps, à faire abstraction de tout pour s’enivrer de l’autre? Etrangement, elle avait une confiance aveugle en cet étalon. Cet étalon qui avait été son partenaire, les battements de son cœur, et son protecteur face à cet ours. Cet étalon qui avait tout été l’espace d’une nuit. Cet étalon auquel elle avait fait la promesse muette de revenir, de le chercher, de le retrouver. Et de cette seule et unique promesse, en étaient nées mille et une autres. Elle lui promettait tout, tout ce qu’il voudrait, elle le lui offrirait. Et pourtant, dans son galop, une part de nervosité, d’anxiété. Comme si là était son premier amour, son tout premier sentiment profond. Non qu’elle fasse une quelconque allusion à son ancien compagnon, ancien compagnon qui était aujourd’hui effacé. Elle ne l’oublierait sans doute jamais complètement, mais il n’avait plus le même impacte sur elle, il était juste souvenir. Et pour l’heure, elle ne pensait plus à rien, à rien excepté à lui. Et sans vraiment s’en rendre compte, son allure s’accéléra, la menant à une vitesse folle; ses sabots ardoise martelaient le sol avec envie, la rapprochant d’un lieu, d’une origine zéro qu’elle ne connaissait pas. Mais c’était bien là, -et seulement là- que son esprit la guidait. Elle ne s’appartenait plus, elle était à lui, et filait, sous un soleil de plomb, toujours plus vite; mais avec cette subtile légèreté qui lui conférait une part de fragilité et de rêve. Et sous ce ciel d’un doux bleu, son être semblait dire Je suis là, juste là, à côté de toi… Viens, et vivons!

Il est certaines blessures au goût de victoire
Et vos gestes, y reboire
Tes parfums, ton regard, ce doux miroir
Où je voudrais nous revoir

Jean-Jacques Goldman - Je voudrais vous revoir

Galoper, courir, encore et encore dans une débauche d'énergie imprudente, dans une explosion de force et de vigueur, courir, et sentir ses membres se fatiguer, son souffle se faire rauque. Jouer et danser sur le fil de la fatigue, de la mort aussi, ivresse de la vitesse. Black accéléra, encore et encore, au sommet de la falaise, dansant avec la mort, la camarde, son amie aussi...elle était là et elle guettait, prête à le faire trébucher, à le saisir de ses griffes froides, l'envelopper d'un écrin de glace tandis que sa chair retournerait au sol, nourrir tant d'êtres...L'étalon noir allait chaque foulée plus vite, se jetant à corps perdu dans la course, et même sa respiration se faisait plus profonde, plus rauque, ses veines battaient plus fort à ses tempes, tandis qu'il filait comme le vent, encore et encore, sur le roc dur et froid. Ses sabots claquaient sur le rocher, et il galopait, à toute allure le long de la falaise. Et soudain, un de ses pieds ripa, et Black se rattrapa de justesse, puis pila net, dressé au sommet des rochers, ses flancs se gonflant avec rapidité, soufflant fort par ses naseaux dilatés.
D'ordinaire, il ne perdait pas l'équilibre.
Ca n'allait pas. Quelque chose clochait ce soir, et la course ne lui apportait nul réconfort. Quelque chose, un tourment étrange qui l'envahissait, le distrayait...Un trouble distillant en lui des émois qu'il n'avait que rarement ressenti...Black soupira, contrarié, et ferma les yeux, face au paysage somptueux, remuant de nombreuses, sombres pensées. Lui, perdre le contrôle de lui-même...cela l'agaçait, l'énervait plus que tout, et plus encore l'énervait le fait qu'il se sentait presque heureux de se voir perdre pied de la sorte. Une image se dessina derrière ses yeux clos...une jument, une silhouette, une danseuse gris truitée. Black secoua la tête, mais elle perdurait. Elle...la danseuse d'une nuit, la déesse d'un soir, elle emplissait ses pensées depuis cette nuit de danse et de jeux, cette nuit achevée par une caresse et une promesse tacite. Et depuis, elle le troublait et l'obsédait, et toutes ses pensées allaient à cette reine des ombres, Sorrow Life. Son grand corps frémit. C'était une sensation presque physique qui l'étreignit, le prit à la gorge.
Le désir de la revoir. De danser, encore et encore, de parader devant elle, aussi, de parler, de jouer. Le désir de goûter sa beauté et l'harmonie de ses mouvements, d'être avec elle, simplement. Allons! Elle n'était pas de son Clan, et après une seule rencontre, pourquoi se montrait-il si affecté? Black gémit de frustration, sachant bien comment allait se terminer la soirée. Il volta, sa queue fouetta les airs, et le grand étalon dévala la pente à toute allure, vers ses terres, la Plaine d'Orage. Il pensait y trouver la paix, il y cherchait juste sa muse. Sorrow Life...
Etrange jument qui galopait là-bas. Black suivit machinalement son allure du regard, et soudain, son coeur manqua un battement tandis qu'il prenait le trot. Cette économie de mouvements, cette débauche d'énergie, cette allure et cette ardeur, c'était elle, c'était sa nymphe, sa naïade d'un soir! Sorrow Life qui courait là...Et soudain, l'étalon sentit une nouvelle force couler en lui, et soudain il se lança dans un galop fou, une accélération foudroyante, pour lui couper la route, pour se présenter à ses yeux, avec encore une pointe d'appréhension. Le repousserait-elle? Peut-être cherchait-elle quelqu'un d'autre!
Galop, encore et encore, bienfaisant galop qui d'ordinaire lui faisait tout oublier, mais qui cette fois ci ne faisait qu'ancrer encore dans son esprit l'image de la déesse de minuit. Son corps, ses yeux, ses gestes, sa beauté! Et cette énergie qui pulsait autour d'elle...c'était le jour, mais elle était là sous ses yeux, la Dame de Minuit, il l'entendait, la voyait, la sentait. Il galopa devant elle, puis ralentit doucement, sans heurts, pour enfin lui faire face à l'arrêt. Il se tenait là, devant elle, le coeur battant et le regard brûlant, comme un assoiffé qui enfin trouve l'oasis, comme un marcheur qui découvre un abri dans le blizzard. Soulagé, et tellement plus que cela, de la revoir, elle dont seule la présence apaisait cette drôle de morsure, celle du manque.
Black aurait voulu frôler encore son corps de ses naseaux noirs, mais il n'osait toucher la reine, de peur qu'elle le repousse, de peur d'être mis de côté, de peur de sa réaction. Et de peur de l'offenser, de la brusquer, de la briser. Il aurait voulu dire quelque chose, mais c'était bien au-delà des mots! Que dire à la danseuse de nuit? Black la dévisageait toujours, son regard perçant sous son toupet de soie, et son souffle vif n'était pas dû qu'à la course. Elle, elle, son regard, son aspect, son aura! Tout en elle lui donnait envie de danser encore ce soir, et plus que ça, de parler, de la connaître et de se laisser connaître. Finalement, ce ne fut pas son cerveau qui prit la direction des opérations, et Black fit un pas, deux, étendit le col avec grâce et frôla de ses naseaux l'encolure de Sorrow Life, n'osant toucher son visage si délicat. Puis osa un compliment, comme un soupirant, un galant charmeur et séducteur. Mais il était ainsi, il maniait bien les mots, et il était sincère, ô combien sincère!

"Tu es encore plus belle à l'ombre du Soleil qu'à la lueur de la lune."

[pauvre Black. Elle a squatté son cerveau tout le temps, pardonne lui de jouer les poètes galants!]

Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s'enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,

Charles Baudelaire_Le chat

Sorrow Life était enfermée dans un tourbillon de sensations. Sensations qui ébranlaient tout son être, le faisant vibrer et trembler, le faisant aller de ce pas dansant qui trahissait une envie, un besoin pressant de voir, de reconnaître au loin la silhouette farouche de l’étalon noir. Elle voguait donc, silencieuse et pensive, dans cet océan d’herbes; végétaux qui se pliaient au gré du vent, s’aplatissant quand sa masse claire venait les écraser, traçant son cheminement qui, à la moindre rafale, s’effacerait et laisserait une plaine comme vierge de toute présence. Et elle avançait, son cœur dans un étau, animé d’une passion dévorante, passion qu’elle avait peur d’interpréter, mais passion qu’elle affectionnait et qu’elle vivait pleinement. A chaque clignement de paupières, se dessinait dans son esprit l’image du Maître de l’Ombre, de cet étalon à l’aura si particulière et envoûtante. Elle était comme ensorcelée par cet être, cet animal solide et fort qui, l’espace d’une nuit, l’avait menée, lui faisant redécouvrir un temps passé, Temps qu’elle croyait résolu. Elle s’étonnait encore du souvenir de ce soir mémorable, de cette nuit obscure et froide que la chaleur qu’émanait le corps de Black avait réussi à réchauffer. Et de ce Pic, elle entendait encore le fracassement sourd des vagues contre son pied, vagues furibondes qui naissaient et mourraient quelques secondes après, vagues qui semblaient n’avoir qu’un but: venir s’écraser contre la paroi rocheuse. Et là, ils avaient galopé. Défiant les lois de la gravité, défiant leur vulnérabilité, leur mortalité face au monde, aux dangers qui les guettaient. Puis, silencieux, ils avaient ébauché quelques pas de danse, croquis léger qui était rapidement devenu tableau, dessin achevé d’une danse maîtresse et souveraine, d’une danse qui n’avait pas que saisit leur corps, mais également leur cœurs. Un frisson s’empara d’elle, secouant ses membres, et remontant le long de son échine. Que dirait-il s‘ils se croisaient? Serait-il seulement heureux de la revoir? Elle n’avait aucune certitude, seulement de l’espoir. Et elle savait, avant même de le croiser, elle savait que rien que sa vue lui procurerait un vif plaisir. C’était bien simple: elle ne pensait plus à rien, sauf à lui; son corps comme son esprit lui étaient dédiés. D’ailleurs, elle s’était mise à sa recherche, dans l’espoir de guérir cette étrange maladie, de soulager ce puissant symptôme de manque. La jument truitée n’était plus vraiment consciente de ses gestes, elle avançait juste, rapide et libre, vers l’inconnu, mais avec cette brûlante certitude qu’elle avançait vers lui.

Et, alors qu’en pleine émois quant à la douce pensée de cet étalon de nuit, elle entendit un galop, autre que le sien. Cette passion qui naissait de cet infernal martèlement, elle la reconnaissait. Elle n’eût pas à tourner la tête que, déjà, l’étalon noir la précédait, dans cette rapide allure, légère et comme onirique, avant qu’il ne commence à ralentir. Et, docile, elle s’arrêta, toujours derrière Black, lui faisant face; le souffle haletant et court, son cœur tambourinant dans sa poitrine. Encore, un frisson naquit de ses naseaux gris, gagnant rapidement le reste de son corps. Elle observait cependant le silence, plongeant seulement ses grands yeux sombres dans le regard d’une folle intensité de ce Danseur de Ténèbres. Retrouvé! Un torrent bouillant parcourait les veines de la jument, et ses yeux se mirent à scintiller, ses prunelles, dévorées pas un sentiment ardent. Rien que de le voir ainsi, grand, fort, face à elle et toujours ce même regard, lui arrachait un sourire, esquisse de bonheur s’encrant sur ses lèvres grises. Ô, qu’il était solide ainsi! Et ce soleil déclinant, qui teintait sa robe de somptueux reflets! Elle aurait tant voulu s’approcher, le frôler pour que son odeur l’enivre, l’habite encore plus qu’elle ne le faisait déjà! Elle aurait aimé venir, et recommencer cette danse, mais l’envie de le connaître, de l’apprendre la tenaillait également. Elle voulait s’offrir, tout partager avec lui de sorte à lui appartenir, de sorte à qu’il sache! La jument truitée ne voulait que rien ne lui reste étranger, elle voulait briser la glace qui enveloppait son corps, et lui offrir tout. De même qu’elle désirait apprendre de lui, sûr lui, elle voulait s’acquérir du savoir de l’étalon. Mais d’ailleurs, Black était déjà parvenu à briser cette enveloppe glacée qui entourait le corps de la jument, oui, face à lui, aucune arme de défense, juste la vérité, pure et brute. Elle était là, fragile face à lui, mais rendue forte par cette passion qui pulsait en elle.

Il vint, frôlant de ses naseaux sombres son encolure pâle, et un frisson la parcourut, frisson que Black percevrait sans grand mal. Elle baissa très légèrement la tête, comme timide face à lui. Ou plutôt, elle était timide de se montrer si affectée de ce frôlement, car le doute qu’il veuille encore danser avec elle était là. Pourtant, elle osa, sans aucune hésitation, frôler l’épaule musclée du Maître de l’Ombre, clignant des yeux lentement.

« Merci… Je dois dire que toi aussi! Tu es resplendissant sous ce soleil! »

Elle redressa la tête, et le vent déplaça son toupet, cachant son œil droit. Elle frissonna, encore une fois, sourire aux lèvres…

[De même pour Sorrow! Black a hanté ses rêves!=)]

Et un jour une femme
dont le regard vous frôle
Vous porte sur ses épaules
Comme elle porte le monde
Et jusqu'à bout de force
Recouvre de son écorce
Vos plaies les plus profondes
Puis un jour une femme
Met sa main dans la votre
Pour vous parler d'un autre
Parce qu'elle porte le monde
Et jusqu'au bout d'elle même
Vous prouve qu'elle vous aime
Par l'amour qu'elle inonde

Jour après jour vous redonne confiance
De toute sa patience
Vous remet debout
Trouver en soi un avenir peut-être
Et surtout l'envie d'être
Ce qu'elle attend de vous

Florent Pagny - Et un jour une femme

Elle frôla son épaule, et cette simple caresse fit naître dans l'esprit de Black toutes sortes d'images, de songes et de rêves, toutes sortes de désirs, de joies et de peurs. L'étalon noir frémit doucement, d'un trouble qu'il jugeait à la fois délicieux, et effrayant de par son intensité. Et voilà qu'elle lui parlait...cette voix, chaude, riche et nuancée, incarnait pour lui la voix d'un rêve, ces timbres étranges et délicieux qui font frémir jusqu'au plus profond muscle, et battre le coeur plus fort. Et un compliment...Lui, resplendissant? Il était l'ombre, il était le loup blanc, le mouton noir, l'être sur le dos duquel on rejetait bien des torts. Et pourtant, cela ne l'affectait nullement; non, simplement, il aurait voulu qu'on cesse de juger sans savoir, sans comprendre. Oui, il avait haï Sun Star, mais Sun Star l'avait trahi, et oui il avait tué Hell Demon, mais c'était par accident, et l'étalon alezan se ruait sur lui la bave aux lèvres. Oui, il était un combattant, un meurtrier, mais après tout, qui n'avait jamais tué ici?
Elle lui parlait et Black arqua le col, presque intimidé par cette jument. Lui dire? Lui dire que depuis une semaine, elle hantait ses pensées et que le souvenir de cette nuit de danse évoluait dans sa mémoire, supplantant tout, y compris ses problèmes de Clans? Lui dire qu'il éprouvait une envie folle d'aller crier à Stelmaria, sa meilleure amie, d'aller prouver à Equinox qu'il avait rencontré une personne, un être qu'il voulait connaître davantage, par lequel il voulait être connu. Oui! Ouvrir la carapace, abaisser le bouclier, l'inviter dans ce qui était demeuré son univers secret et solitaire depuis la rupture avec Magie Noire, l'inviter dans son monde et l'inviter à voir le monde par ses yeux, désireux de le voir par les siens. Et, tremblant, chien fidèle, craignant par-dessus tout l'abandon, la suivre par monts et par vaux, au mépris de la raison. Et ressentir, une fois de plus, la morsure douce-amère de la jalousie, et la douleur du manque dont on sait qu'il sera suivi de la joie des retrouvailles; et goûter encore et encore la paix de l'âme, un goût de meilleur, un repos étrange et une plénitude chérie et quêtée au fil des ans, auprès d'elle, la seule et l'unique.
Trahissait-il Magie Noire en pensant cela? Assurément non...sa compagne et lui s'étaient séparés, voilà tout, et si elle demeurait la mère de son fils, elle ne serait plus jamais son amante. Non, il ne la trahissait pas ni ne reniait ce qu'elle lui avait offert, car nulle relation n'est semblable, nul amour ne peut être comparé à un autre. Oui, elle était belle, sa déesse, son rêve, sa muse, et l'étalon noir brûlait de se serrer contre elle, de danser et la séduire, non danser comme un jeu. Brûlait de jouer, si, jouer au soupirant éconduit et au séducteur indécis, tout en sachant qu'elle ne le repousserait pas, jouer et en même temps, être plus lui que jamais, dans les yeux de celle qu'il désirait.
Etrange, comme une nuit pouvait sceller un destin, une expérience, une existence! Elle, rien qu'elle, et Black basculait, perdait pied. Effrayant courant de sentiments qui déferlait sur lui et l'emportait; effrayant, d'autant plus qu'il le savait bien, il désirait perdre pied, il était heureux de sentir ce gouffre s'ouvrir à nouveau sous ses pieds. Encore, encore aimer...il avait envie d'aimer, et envie d'avoir envie; envie d'elle et de danser, envie de la voir, de l'observer, de la sentir, d'être simplement avec elle. L'écouter, peut-être, conter ce qui aurait pu la tracasser, connaître son histoire, et panser les plaies de son âme, de son être, de toute sa douceur, toute sa patience. La voir se réfugier contre lui, et se sentir honoré, gonflé de fierté d'être le roc et le protecteur d'un tel être. Pouvoir s'interposer entre elle et les autres, et la protéger jusqu'à son dernier souffle, chevalier héroïque et servant, chevalier dévoué tout entier à sa dame, corps et âme, et pouvoir lui aussi s'appuyer et se confier, à coeur ouvert, à une jument. Et pouvoir venir quêter un peu de tendresse, une caresse, une amitié, un mot, venir quêter une phrase le confortant dans sa dignité, lui rendant force et confiance. La voir s'abriter contre lui, et se soutenant l'un l'autre, traverser les années dans une complicité inimitable. Être avec elle, simplement, sentir qu'il comptait pour quelqu'un, qu'il comptait autant aux yeux d'un être que ce dernier. Sentir qu'il avait de l'importance et qu'il était aimé.
Elle frissonnait, et il frémissait, puis s'avança vers elle, et osa appuyer, brièvement, son chanfrein contre son épaule, léger, doux contact, presque timide, presque hésitant, comme s'il craignait qu'elle le repousse, lui qui ne redoutait même pas la mort! Contact court, doux, et il releva la tête sans reculer. Elle était là, son odeur, sa chaleur, son contact, autour de lui. Un sourire rêveur s'étira sur ses lèvres et il souffla, avec douceur:

"Non, c'est à ta lumière que je resplendis. Pas à celle du soleil."

Let's go all the way tonight
No regrets, just love
We can dance until we die
You and I
We'll be young forever

Katy Perry_Teenage Dream

Tout son être vibrait des battements infernaux de son cœur, de ce cœur aimant, qui n’avait d’yeux que pour cet étalon, et qui battait dans le seul espoir de le voir, de le connaître; et de vivre, de vivre à ses côtés, au fil du Temps, des années… Tout son corps était tendu vers cet unique être, l’ardente flamme qu’abritaient ses yeux sombres semblait vouloir l’absorber, le faire entrer dans ses secrets, le réchauffer de sa chaleur, le protéger des jugements extérieurs. Ses oreilles, elles, étaient à l’écoute, pointées dans sa direction, prêtes à capter le moindre mot, le moindre soupir; et l’ensemble de son corps tressaillait, d’envies, de désirs et de passion. Elle n’attendait que cela, d’être consumée par le feu d’une passion naissante, stupéfiante alchimie qui les lierait, les rendrait un, unis, guerriers combattant un même ennemi. Et jamais, ô grand jamais elle ne désirait s’écarter de cette âme, de cet être qu’elle semblait savoir connaître, sensible, doux, affectueux et passionné. Tous, tous avaient des cadavres sur ses chemins passés, des corps inertes, corps chéris et aimés, que le destin avait contraint à tuer, que ce soit par accident ou par protection. Et sur ce même chemin, se trouvait également la haine, éprouvée envers un inconnu, envers un ami, un frère, une sœur, un père, une mère… La vie était une valise, parfois lourde, parfois légère; mais à la différence de celui qui voyageait léger, celui qui portait un fardeau aurait l’assurance d’avoir vécu, quand son temps viendrait… Elle, elle qui était née par accident, elle qui était le fruit du crime… N’avait-elle jamais connu des amis? Si, bien sûr, avant de changer, de radicalement changer. Et de la même façon qu’elle s’était enfermée dans une carapace de glace, elle avait appris à tuer, à tuer dans un combat un adversaire qui en voulait à sa vie, à tuer pour se défendre. Et jamais, jamais le regard et les jugements des autres n’étaient parvenus à l’ébranler, à pénétrer son enveloppe froide et dure, à atteindre son être, le véritable, celui qui éprouvait sentiments et sensations. Sauf, sauf peut-être celui qui fut son amant, son confident, son partenaire, son compagnon. Seules ses paroles avaient réussi à l’atteindre. Et voilà qu’aujourd’hui, la voix, les mots de cet être la touchaient, comme aucun autre jusqu’à présent. Ils n’avaient pas le même impacte que ceux de celui qui fut, l’espace d’un autre souffle, son compagnon. Les paroles de Black dansaient, dansaient une danse plus sensuelle et rythmée, plus secrète et intime. Elles chamboulaient tout en elle, touchant son âme, volant un battement à son cœur, s’emparant de son corps à l’aide d’un frisson. Et celle qu’elle était en ces précieux instants, c’état LA Sorrow, la vraie. C’était cette facette qu’elle ne révélait jamais, ce côté qui était apte à pouvoir lui apporter la souffrance, comme la plus grande joie. Et c’était ce côté-ci qu’elle lui proposait, qu’elle lui offrait. C’était ce côté qu’elle désirait qu’il fasse sien. Elle avait ce désir d’appartenance, elle voulait devenir son ombre, cette âme qui l’accompagnerait partout où qu’il aille, cette petite voix dans son cœur qui l’aiderait à supporter la rudesse de ce monde; mais également l’épaule sur laquelle il s’appuierait, quand il serait fatigué, blessé, ou juste quand il aurait besoin de réconfort… Elle voulait être son amie, sa confidente, sa partenaire de joute, sa compagne de course, sa danseuse, sa chorégraphe. Elle ne s’intéressait pas qu’à son côté Danseur de Ténèbres, elle voulait aussi connaître ses souffrances, ses craintes, être présente dans ses moments durs, être celle sur qui il pourrait compter… Quelqu’un à qui il aurait le loisir de tout dire, sans craindre nul jugement, nulle parole acerbe et blessante. Quelqu’un qui le regarderait autrement, pas sous cet angle critique… Mais tout cela, pouvait-elle seulement le lui dire? Pouvait-elle lui parler de ce qu’elle ressentait quand elle pensait à lui? Que son cœur s’emballait, devenait fou, tambourinait dans sa poitrine; que son cerveau n’était plus que capable de repasser encore et toujours son image; que ses naseaux ne captaient qu’une odeur: le sienne… Avait-elle le droit de lui dire tout cela, sans le contraindre et l’obliger? Elle le voulait libre, avec ses mouvements, naturels et vifs, elle ne le voulait changer, plier pour la satisfaire… Elle le voulait lui, et rien d’autre… Alors, elle le regardait, comme un collectionneur fixe une œuvre, en note le moindre détail, en apprécie la moindre nuance, en accepte et apprend à aimer son moindre défaut. Il était cela: la plus belle œuvre qu’elle n’aie jamais vu, œuvre qu’elle voulait protéger de la lumière tranchante du soleil.

Tous ces contacts qui n’existaient qu’en frôlements emportaient son être dans frissons et plaisir, la gardant cependant bien encrée à cette onirique réalité. Lui, Black était réel, mais ce qu’il lui faisait vivre était rêve, douce chimère qui ne demandait qu’à être saisie et explorée, qu’à être vécue. Elle était face à lui, baignée de ses yeux sombres, de ce regard vif qu’elle dévorait; et elle s’enivrait de son odeur, des traits sauvages de son visage, elle s’imbibait de son être, tenue par cette envie de ne faire qu’un avec lui. Non, il pouvait en être sur, elle ne le repousserait pas! Elle souffla, longue expiration, vent chaud transportant son odeur et sa chaleur aux naseaux noirs de l’entier.

« Ma lumière n’existe que grâce à ta présence! »

Ange noir de ma vie
Je t'aimerai au plus secret des nuits
D'un seul regard, tu as mis le feu à ma vie

La volupté - Notre Dame de Paris

Désir...d'ouvrir ses ailes, de s'envoler, de se laisser happer par un tourbillon à la fois connu et sans cesse nouveau, se laisser emporter, perdre pied. Il voulait juste aimer de nouveau, ressentir la brûlure de la passion, la morsure du manque, et l'incroyable plénitude quand l'autre est là, quand l'autre est proche, la plénitude dans son odeur et son contact. Aimer, juste aimer, se consumer à la flamme d'un nouvel amour, et s'y consumer avec plaisir, heureux de brûler ses ailes tout en conservant sa liberté. Danser autour de l'abîme, sur le fil, autour de la barrière ténue qui sépare plaisir et douleur, jouer avec le risque qu'entraîne la confiance, jouer, mais quel plaisir à jouer!
Elle était là, devant lui, et Black aurait voulu que jamais cette soirée ne se finisse, que ces secondes deviennent éternité. Jamais il ne se serait lassé du contact de Sorrow Life, de sa voix douce, de ses mots aussi, si gratifiants.
Il ne voulait pas qu'elle change, non, jamais, au grand jamais! Qu'elle ne fuie pas, mais qu'elle ne devienne pas autre pour lui...comment aurait-il pu oser dénaturer l'être sublime qu'elle était, belle de corps, et à l'esprit aussi farouche que le sien? Non, ne jamais la contraindre ni l'enfermer, juste...être là, à ses côtés. Il aurait voulu la suivre, fidèle comme un chien à son maître, fidèle et aimant, son chevalier servant, peut-être son amant. Il aurait voulu être l'ombre de son ombre, qu'elle le laisse juste être à ses côtés, qu'elle le laisse juste l'aimer. Lui, l'étalon d'ombre, qu'une personne au moins l'accepte sans méfiance et le laisse aimer! Il ne voulait pas la changer, oh non, il préfèrerait encore changer lui-même plutôt que de voir sa danseuse de nuit devenir autre. Il voulait être l'étalon qui la défendrait et se battrait pour elle, le confident à qui elle confierait ses secrets et ses chagrins sans craindre le jugement, l'ami avec qui on peut évoquer les aspects de la vie et la rudesse du monde, le jouteur qui partage les jeux et les gambades, peut-être, et ce serait là son rêve, l'amant?
Ce grand continent qui s'ouvrait sous ses yeux, c'était avec elle, et personne d'autre, qu'il désirait l'explorer, le parcourir, tantôt vivement, tantôt lentement, mais toujours de concert, à son rythme, à ses côtés. Il ne désirait qu'une chose; être avec elle. L'étalon noir l'écouta lui parler, et jamais son coeur n'avait battu si fort, distillant un sang si ardent dans chacun de ses muscles, le faisant frémir. Sa présence...sa présence avivait la jument mouchetée, elle venait de le dire! L'étalon noir ne se sentait plus de joie, mais demeurait encore, par-delà l'espoir, la crainte du rejet. Pourtant, il brava les craintes que lui instillait son esprit, et s'approcha d'un pas souple, encore une fois, mais cette fois, appuya, délicatement, ses naseaux contre ceux de Sorrow Life:

"Peut-être...mais ta présence, elle, m'illumine."

Que le soleil est beau quand tout frais il se lève,
Comme une explosion nous lançant son bonjour !
- Bienheureux celui-là qui peut avec amour
Saluer son coucher plus glorieux qu'un rêve !
Charles Baudelaire

Et devant eux, un Monde s'ouvrait. Vaste Monde qui ne demandait rien d'autre que d'être visité, habité par deux êtres; deux êtres unis par le plus beau et le plus précieux des liens. Êtres qui auraient le loisir de tout moduler, de tout changer, de tout créer... Un Monde qui n'existerait que par leur deux présences, un Monde qui les accueillerait, refuge de deux amants, refuge de deux êtres qui se révéleraient fragiles face à l'autre...
Et cet étrange pays se tenait là, face à eux, vers l'horizon, l'avenir. Mais avait-elle seulement le droit de s'en saisir, à ses côtés? Elle voulait revivre, ressentir une nouvelle fois cette brûlante morsure en elle, ce fleuve ardent de plaisirs et de désirs. Elle voulait également ressentir la peur; la peur de ne pas voir son amant pendant trop longtemps, de le croire mort s'il était en retard ne serait-ce que de cinq minutes... Elle voulait avoir peur de son absence, et que cette peur soit soulagée dès qu'elle le verrait, dès que son odeur s'emparerait d'elle; dès que son esprit serait embué par son être tout entier. Mais lui, voulait-il vivre tout celà avec elle? Cet étalon d'Ombre, cet animal de nuit, aussi sauvage qu'elle... Qu'il était beau et fort, et qu'elle l'adorait! Ô oui, elle aimait cette assurance légèrement troublée, cette façon d'être, tout. Et cet instant fragile, cet instant qui demeurerait gravé dans sa mémoire... Elle ne désirait plus qu'une chose: lui.
Elle voulait être son amis, sa confidente, le soutenir dans les plus rudes épreuves, le soigner de ses blessures... Elle voulait être là, quand il aurait besoin d'elle... Et elle voulait, toujours, le voir, l'admirer dans ses élans, dans ses sommeils, et dans ses joutes. Tout était incertains, sauf ce qu'elle ressentait à ce moment précis. Et son coeur qui s'emballait, et son souffle qui devenait brûlant, et son esprit qui ne se tournait plus que vers lui.

Doucement, elle cligna des yeux, aveux ou invitations, à lui de voir. Mais elle voulait, oui, elle désirait qu'il sache ce qu'elle ressentait, le trouble dans lequel elle était, l'émois qu'il avait fait naître en elle.
Il s'avança, une nouvelle fois, et posa ses naseaux contre les siens. Un frémissement, délicieux frisson de son être; et un regard. Un regard qui voulait tout dire, et qui dissiperait les craintes de rejet de l'étalon...

"Black..."

Murmure passionné, qui s'échappa, résonnant néanmoins dans l'air chaud qui les enveloppait.

Aimer à perdre la raison
Aimer à n'en savoir que dire
A n'avoir que toi d'horizon
Et ne connaître de saisons
Que par la douleur du partir
Aimer à perdre la raison

Jean Ferrat - Aimer à Perdre la Raison

Là, avec elle, rien de plus qu'il ne désirât, rien qu'il ne désirât plus fort que la proximité de cette jument, sa beauté, sa vision, son odeur, et son regard. Ce regard, qui l'enveloppait comme le drapant d'une étoffe plus belle, et plus douce que tout tissu au monde, ce regard comme une gangue de chaleur, comme le regard d'une mère, et tellement plus que cela pourtant. Ce regard où il aurait pu et voulu se noyer, où il se lisait comme en un miroir, en un miroir dont la splendeur magnifiait sa propre image. Ce regard, comme un océan, une aura qui faisait naître et entretenait en son coeur une drôle de chaleur, tiédeur agréable et impatience à la fois, comme une morsure au creux du ventre, et le désir irrépressible de se serrer contre elle, et de rester à ses côtés. Elle, Sorrow Life, la déesse hantant ses nuits, naïade des rivières de son esprit. L'étalon noir la voulait, près de lui, se voulait près d'elle. Amant ou aiment, confident, ami, compagnon et complice, près d'elle toujours, un chevalier loyal et fidèle ou un voyou entreprenant, dans ces jeux où nul ne perd, il désirait plus que tout au monde demeurer près d'elle, lui ouvrir son imaginaire, son monde, et découvrir le sien pour qu'ils ne fassent plus qu'un. Deux êtres, deux êtres suivant la même route en compagnie l'un de l'autre, main dans la main, alliés. Deux êtres, conservant leur individualité, tout en dualité, comme un étrange et paradoxal équilibre, une relation teintée d'éloignement et de proximité.
L'avenir était là, riante prairie dans laquelle il rêvait de s'élancer, au galop, au grand galop, droit vers un nouveau demain, infiniment plus riant que ceux qu'il avait connu. Bondir vers demain avec la fougue d'une jeunesse qui vivait encore dans son corps, avec la vigueur des premiers élans amoureux et la retenue toute en tendresse de celui qui a vécu. Courir, droit, courbant sa trajectoire, qu'importait, mais courir, avancer, marcher, avec elle. Il voulait découvrir ce monde avec elle, ce prochain jour qui se dessinait lentement et l'attirait par ses teintes tantôt tourmentées, tantôt pastelles, mais toujours riantes. Comme un complice, voyager à ses côtés, unis, et s'émerveiller comme elle, et lui révéler ce qu'elle n'avait pas vu, et s'enrichir de ce qu'elle lui montrerait. C'était comme le jour pointant après une longue nuit d'hiver, comme le printemps sous la neige et la nouvelle sève des arbres, c'était comme un rayon de soleil magnifiant la prairie encore humide d'orage: exubérance, renouveau et vie, vie encore et toujours. La clarté revenait, et il voulait avancer vers la lumière, sans honte ni retenue, à ses côtés, la soutenant et étant soutenu par elle. Plus jamais seul...
Ressentir encore cet étrange mélange de peur et de douleur quand elle ne serait pas là, cette morsure, ces questions qui envahissaient l'esprit. Avoir peur pour elle, et se rassurer contre sa peau douce. Il voulait connaître à nouveau la joie et l'ardeur de retrouvailles, après deux jours de séparation, se sentir la vigueur d'un jouvenceau paradant, en même temps que la tendresse d'un vieil amant. Craindre pour elle et craindre qu'elle parte, goûter le bonheur et s'y agripper avec plus d'ardeur qu'un tigre à sa proie, lui vouer une confiance presque aveugle. Ressentir, peut-être, la jalousie qui n'est que crainte d'être abandonné, et le réconfort quand elle l'assurerait de son amour. Là, proche d'elle, là, avec elle, à ses côtés, confident et amant, compagnon et allié, protecteur et patient. Qu'elle puisse se reposer contre son épaule, qu'il la laisse panser ses blessures. L'aimer, simplement, et faire grandir cet amour là en en faisant plus qu'un simple sentiment à sens unique.
Elle était là, devant lui, et il aurait pu passer sa vie ainsi, discret à ses côtés, la regardant vivre, grandir, jouer, dormir. La regardant et l'assistant, l'encourageant dans ses combats, l'apaisant dans ses colères, l'écoutant dans ses moments de confidence, pansant les plaies ouvertes par la vie. A ses côtés, tout simplement, la protéger et croire qu'il était le protecteur, quand c'était elle qui le soutenait. Jouer au séducteur encore et encore pour le seul plaisir d'entendre un "oui" déjà livré. Être son ami, son confident, son amant parfois, son compagnon de jeux, mais toujours avec elle. Toujours, jusqu'à la dernière nuit.
Elle avait frissonné quand il s'était approché, comme lui, mais ce fut le regard de la jument qui dissipa les dernières craintes de l'étalon noir. Non, elle ne le repousserait pas...pas avec ces yeux là. Et pourtant restait, demeurait toujours la petite pointe de crainte, celle du rejet ô combien douloureux, et qu'il avait déjà vécu dans ses jeunes années, ou face à Magie Noire. L'étalon plongea ses propres yeux, devenus de velours, dans le regard de la femelle, un regard long et doux où il aurait voulu tout dire de ce qui ne franchirait pas ses lèvres: son désir de demeurer avec elle à jamais, son désir et cette tendresse, son envie d'être là pour elle, toujours pour elle. Il murmura son nom comme on fredonne une mélodie familière:

"Sorrow Life..."

Et, sans la quitter des yeux, et puisqu'il fallait bien le dire, comme si les mots étaient nécessaires pour entériner cette situation qui, déjà, s'était mise en place sans demander d'aide à personne et surtout pas à ses principaux acteurs, l'étalon noir ajouta, sans aucune hésitation dans sa voix empreinte de tendresse:

"Je t'aime."

Jai déposé mes armes
A l'entrée de ton coeur
Sans combat
Et jai suivi tes charmes
Lentement, en douceur
Quelque part là-bas
Au milieu de tes rêves
Aux creux de ton sommeil
Dans tes nuits
Un jour nouveau se lève
A nul autre pareil
Et tu sais, depuis

Céline Dion_Tout l'Or des Hommes

Là, au loin, les herbes grasses ondulaient sous le vent, pliant sous sa force; imprimant le passage d'un esprit peut-être. Cet endroit, désert, était le leur. Celui de l'étalon noir, mais également le sien. Oui, le leur. Et ici, une porte s'ouvrait; grande porte de l'avenir, porte débouchant sur un autre Monde, un Monde à visiter à deux, à faire et à aimer; Monde ou existeraient la tourmante mais également le plus vif des plaisirs. Et ce soir, sous ce ciel d'encre, face à cet animal de Ténèbres; la jument de glace frissonnait. Dans son corps, une agréable sensation de brûlure, se distillant dans tous ses muscles, embuant son esprit; ressortant dans l'éclat brûlant de son regard. Elle savait à présent qu'elle avait besoin de l'équilibre qu'il faisait naître en elle pour vivre. Elle demeurait immobile, le couvant de son regard si particulier, et se voyant déjà là; à ses côtés, confidente, amante ou amie, là, à guérir ses plaies, à apaiser ses inquiétudes, à chasser ses peurs. Jamais, on non jamais elle ne voulait le voir souffrir. Elle savait déjà que ses sourires feraient naître les siens, que sa joie décuplerait la sienne. Mais comment pouvait-elle le savoir? Elle écoutait juste son coeur, son regard qui était revenu à la vie grâce à lui; ce coeur de glace qui avait renoncé à battre avant cette rencontre; ce coeur qui avait été exposé à une blessure à vif et sanguinolante. Ce coeur maintenant apaisé par le baume de l'étalon noir. Tout lui paraissait lointain, le sol que lequel elle se tenait, le vent qui se heurtait à son corps, le ciel qui les couvait du regard. Tout ne demeurait qu'à des kilomètres; sauf lui. Statue d'ébène qui resplendissait dans cette nuit sombre, statue si solide et forte, statue pure et si finement conçue. Il l'avait, tout entière. Elle n'appartenait plus qu'à lui. Et plus les secondes défilaient, plus elle s'en persuadait. Et elle, elle ne le voulait que lui. Et quelque part, son regard lui promettait déjà qu'elle serait là, toujours, dès qu'il aurait besoin d'elle, qu'elle serait là, dans l'ombre, et qu'elle ne cesserait de le penser, de l'aimer, de le garder dans sa tête, dans son coeur et son coeur. Elle lui promettait qu'elle ne laisserait pas la distance s'installer, et qu'elle reviendrait toujours. Parfois, reine déçue par peur, crainte de ne pas l'avoir vu ces derniers jours, reine blessée par la jalousie, mais Reine ressplendissante quand il lui dirait que non, qu'elle se serait trompée, et qu'il lui réafirmerait son amour. Caresse brûlante sur son corps, et que cette morsure ardente saisirait son être. Oh, que le Monde lui semblait alors sûr, à ses côtés. Plus rien n'était danger. Tout était rêve. Elle voulait demeurer là, à ses côtés, ne jamais le quitter. La voir heureux et rire, le voir parfois triste pour le soulager, en colère pour l'apaiser, en danger pour le défendre. Elle voulait devenir chevalier de cet être, donner sa vie pour sauver la sienne.
Et pourtant, elle avait déjà tant souffert de l'amour... Mais aujourd'hui, tout était différent. Il la rassurait, déjà, rien que grâce à sa présence. Et elle ne demandait qu'une chose, le connaître, l'apprendre, elle voulait l'entendre dire ses blessures, ses craintes et ses peurs; qu'elle pense ses plaies, le le rassurent et le protègent de ses vieux démons. Elle voulait être d'abord la jeune fille farouche devant son amant, farouche mais amoureuse dans les jeux; la femme sûre, tendre et sensuelle à ses côtés; et finir, vieille amante, âgée mais toujours là, blottit contre son épaule chaude et rassurante, sur le Pic du Diable, observant un coucher de Soleil. Elle voulait vivre, tout simplement, avec lui.
Alors, elle le regarda, encore. Et fut transpercée par son regard, son regard qui pouvait déjà lire en elle, explorer les recoins de son esprit, de son coeur. Tendre, rassurant. Comme s'il l'acceptait déjà, la faisant sienne, se faisant sien. Elle l'écouta, attentive, prononcer son nom. Ce nom qu'elle avait tant haït, et qui, dans sa bouche, lui semblait déjà un peu plus beau. Et puis, il y eut ces autres mots, ces trois mots qui la coupèrent de la réalité. Ces trois mots qui touchèrent son coeur, son âme, qui la firent sienne, et qui le feraient pour l'éternité. Et comme s'ils avaient été invitations, elle se précipita contre lui, l'allure plus sûre et déterminée que jamais. Elle avait enfouis sa tête au creux de son encolure, s'imprégnant de son odeur, apprenant sa chaleur. Et elle susurra, au creux de son oreille; comme une promesse, tout bas, comme si celà était un secret, leur secret:
"Je t'aime..."

"Je te suivrai partout, même dans les étoiles... Je veux juste que tu saches que vivre sans toi m'est impossible. Alors je t'en supplie, ne meurs plus, parce que sinon, moi, je vais mourir pour de bon... Parce que la vie sans toi n'a pas de goût, pas de sens... Parce que sans tes yeux, je suis aveugle. Sans tes mots, je me perds. Parce que sans toi, mon âme est nue. Sans toi, je ne suis rien... Parce que... je t'aime..."

Salim - La Quête d'Ewilan tome 2: Les Frontières de Glace - Pierre Bottero

Son regard! Perçant et doux à la fois, il semblait lire en lui comme en un livre ouvert, sans prêter attention à ses dénis, à ces boucliers, cette froideur dont il s'entourait comme d'une carapace, lui l'hypersensible, incapable de vivre sans cette frêle protection, lui l'écorché vif. Elle l'écoutait avec toute l'attention du monde, et savait-elle quel cadeau immense elle lui faisait là, quel plaisir battait dans son cœur, dès lors? Black, comme dans un rêve, la vit et la sentit s'approcher de lui, accepter son contact et, ô bonheur! Le lui rendre. Enfouie contre lui, sa tête au creux de son encolure...Black ferma les yeux, goûtant la nouvelle saveur de cette proximité tant rêvée, tant désirée, la douceur de la peau de Sorrow Life, la chaleur de son corps, sous le pelage doux, et les muscles fins qui jouaient sur son dos comme les vaguelettes sur un océan. Il avait arqué le col, enlaçant la jument blanche, et yeux clos, apprenait son odeur, s'en enivrait comme d'un parfum longtemps rêvé, mais qui, devenu réel, se révèle infiniment plus beau que tous les songes. Cette odeur...il voulait la sentir là, à ses côtés, jusqu'à la fin de leur vie, tôt, tard, un jour ou l'autre, à jamais sur cette terre-ci et sur les autres. Il voulait grandir à ses côtés, car il était encore si jeune, il voulait apprendre et découvrir là, contre elle, et vieillir, un jour, sans jamais la quitter, attentif et l'appuyant de son épaule, s'appuyant sur elle, sa douceur de jument, sa tendresse. Rester avec elle et jouer, car la séduction était jeu. Jouer à la séduire quand bien même il saurait que ce combat-là n'était pas perdu, jouer les rôles qu'elle lui demanderait de choisir et danser sur le pas qu'elle lui montrerait, le pas qu'ils détermineraient, à deux, jour après jour et nuit après nuit. Mais surtout, ne plus la quitter, non, jamais, jusqu'à la mort...
Là, autour d'eux, le monde existait-il encore? Le monde était-il encore le monde, pour Black, alors que la plus jolie des perles se lovait contre sa robe noire, frémissant à ce contact? La réalité semblait comme magnifiée, le vent plus frais, le soleil plus tiède, et tout ceci se confondait en la simple sensation de la vie; il avait tout oublié du lieu où ils se trouvaient, tout oublié de la guerre et de la haine, tout oublié de la peur ou des combats. Son univers se réduisait à ce corps et cet esprit, là, devant lui et contre lui, à cette jument qui se serrait contre son col et acceptait de lui ouvrir son cœur. Black frôla de son museau la ligne du garrot de sa belle. Oh, oui, belle, elle l'était, mais c'était, plus que son corps, sa façon d'être qui émouvait l'étalon; esprit et intelligence, et la même ardeur que lui, une sorte de rage de vivre et de plaisir du combat, du jeu, une jument qui sans aucun doute avait souffert, mais qui demeurait fière...
Il savait si peu de choses, d'elle, mais le peu qu'il savait l'émouvait, et le grand étalon tremblait comme un adolescent, son cœur cognant à tout rompre entre ses vastes côtes. L'animal, le maître de l'Ombre, le combattant de légende et meilleur guerrier de ces terres avec Equinox, était à nu et vulnérable face à cette jument qui d'un seul mot, pourrait faire de lui un mendiant ou un roi. Il voulait vivre à ses côtés, et apprendre d'elle, et l'apprendre; ses joies et ses peines, ses peurs et ses forces, ses faiblesses, son passé peut-être, connaître ce qui la blessait et ce qui la portait, la découvrir émerveillé, jour après jour, mériter sa confiance et lui accorder la sienne, sans réserve. Être là pour elle, épaule solide quand elle ressentirait le besoin de s'épancher, guérisseur si les plaies du passé la tourmentaient, mais aussi danseur quand le désir de l'action ferait frémir ses muscles, et séducteur quand elle voudrait, elle, être la femelle qu'on désire et qu'on recherche éperdumment, quêtant un simple mot, un sourire. Être docile si elle désirait commander, et le maître quand elle voudrait être dominée; être un jouvenceau tendre, et un amant ardent; tantôt audacieux, tantôt délicat. Il voulait jouer tous les rôles auprès d'elle, romantique ou machiste, timide ou audacieux, dominateur ou soumis, danseur ou guerrier. Tous les rôles d'une même pièce, qu'ils auraient tout loisir d'écrire, à deux, ensembles, pour leur plus grand plaisir mutuel.
Trois mots! Les trois plus difficiles à prononcer du monde entier, et les trois plus beaux. Trois mots qui hissaient l'autre sur un piédestal d'où il ne craignait nul rival ni chute, qui lui ouvraient les portes d'un jardin merveilleux à parcourir, pour toujours. Trois mots, soufflés à son oreille comme un honteux secret, mais qui étaient peut-être le secret le plus beau de toute l'histoire du monde...depuis qu'il y avait des individus, il y avait l'amour, et c'était là, certainement, la plus belle histoire qu'on puisse écrire, dessiner et vivre tout à la fois, acteur et scénariste. Trois mots comme la promesse d'une multitude de demains, une infinité de possibles se dévoilant soudain, trois mots comme la promesse d'un bonheur aux sources desquels ils pourraient, tous deux, étancher leur soif. Trois mots, qui firent battre plus vite le cœur de Black et emplirent l'étalon d'une énergie à nulle autre pareille, cousue de bonheur et d'amour.
Oh, qu'elle était belle, comme une déesse surgie dans la nuit pour son plus grand bonheur...il chuchota, cédant pour une fois à ce que les esprits chagrins nomment « fleur bleue », mais qui n'est que la manifestation d'un sentiment indescriptible, et n'est critiquée que par les esprits jaloux:

« Je t'aime, pour toujours. Toujours...cela, je peux te le promettre. Que je serai toujours là, pour toi, à tes côtés...je ne demande rien d'autre que d'être près de toi, pouvoir t'aimer, jusqu'au bout. »

Parce que c'est toi le seul à qui je peux dire
Qu'avec toi je n'ai plus peur de vieillir
Parce que c'est toi
Rien que pour ça, parce que c'est toi

Axelle Red_Parce que c'est toi

Blottie contre lui, si fragile; comme une fleur blanche et sauvage exposée aux caprices du temps; exposée aux difficultés du Monde. Elle était là, serrée contre lui, encore plus proche à chaque instants. Elle ne voulait pas s'éloigner de lui, et elle se serrait, encore; blottissant son visage contre son épaule si forte et chaude, apaisée de tous les maux de l'Univers par sa seule présence! Et lui, qui venait, avec son col de cygne l'enlacer, la tenant prêt de lui, tout contre son coeur. Et elle s'enivrait de son odeur, cette odeur qu'elle ne voulait oublier pour rien au Monde. Et partout ou elle irait, elle voudrait être accompagnée par son odeur, que le parfum des fleurs en été soit le sien, que la rafale de l'hiver transporte son odeur... Elle voulait grandir, vivre, vieillir et mourir à ses côtés. Apprendre avec lui, et découvrir le Monde, le voir changer; et se dire, même dans les pires moments, qu'ils étaient deux, l'un contre l'autre; l'un pour l'autre. Lui offrir son épaule, s'appuyer contre la sienne. Pleurer, après une dispute avec cet être tant aimé, et sourire, rire quand enfin, après seulemnt quelques instants, ils se seraient retrouvés, se pardonnant avant de jouer, toute la journée et toute la nuit, s'accordant sur le pas de l'autre, poursuivant cette danse entamée depuis leur première rencontre! Et toujours le séduire, comme une jument farouche qui n'appartient à personne, sauf à lui. Le charmer, l'inviter à la rejoindre au centre de la piste; et s'avancer, séductrice enjôleuse, puis, chasseresse; s'écarter et fuir, le défier de la rattrapper, avant de revenir, docile et calme, amoureuse et comblée. Et après avoir joué et dansé, laissez place à la tendresse de deux amants se retrouvant pour la première fois, calmés de jeux vifs et séducteurs. Laissez la maladresse d'une tendresse maladive s'installer; se retrouver dépossédée de la maîtrise du moindre de ses gestes, et, à taton, venir, encore, se blottir contre lui, l'aimer d'une telle force... Et recommencer à jouer, à danser... Le regarder dormir, quand sa robe bercée par la Lune s'imbiberait de rayons d'argents; le regarder se réveiller, ouvrant ses grands yeux sombres, et si noble dans la couleur rouge du Soleil levant. Elle voulait être la, à chaque instant de sa vie, la aussi en cas de coup dur, l'épauler, le rassurer; mais également l'aider! Oui, l'aider à remonter la pente, lui montrer qu'il ne serait plus jamais seul, et qu'elle avait confiance en lui. Mais elle désirait également se montrer faible, avouer ses défauts, lui dire ses secrets. Et voir qu'il lui faisait confiance, qu'il était là, à ses côtés. Mais surtout, elle voulait l'aimer. Librement, sans avoir à se cacher. Vivre à ses côtés, s'attirant les jamousies, peut-être, de ces autres qui s'opposaient au bonheur; mais vivre avec lui, toujours; dans les moments douloureux ou il faut souffrir, comme dans ceux ou la joie déborde.
Oh, ils étaient si jeunes et vigoureux! Et cette fougue qui les habitait! Ils avaient encore toute une vie devant eux. Une vie qui s'annonçait remplie, mais ou ils auraient tout le temps de se connaître, de se retrouver, de grandir et de vieillir. Avancer ensemble, sur le même pas; sans jamais avoir peur de tomber, de déraper; être sûr du soutien de l'autre; mais également lui prêter une oreille attentive, et l'aider, toujours. Ne jamais laisser l'autre s'enfoncer, perdre pied. Toujours le relever, et avancer de concert, le coeur au diapason. Quelle belle éternité qui se dessinait devant eux, poulains d'une autre vie, d'un autre Monde. Comme s'ils venaient à peine de se lever, pour la première fois, et qu'il leur restait tout à apprendre.

Et contre lui, elle se sentait en sécurité, protégée. Elle redressa alors la tête, posant son regard sur la ligne de son dos, sur son corps noir, contre lequel elle s'était blottie, de façon spontannée. Et les mots qu'il murmurait étaient les plus beaux de toute sa vie, son coeur qui s'emballait, son sang qui pulsait dans ses artères! Oh, il l'avait tout entière, et il pouvait en être sûr!
Elle répondit, en un murmure passionné:
"Oh Black, je t'aime tant! Et je ne demande rien d'autres que de pouvoir t'accompagner, partout, et t'épauler. Et je veux, pour toujours, demeurer à tes côtés, t'aimer de tout mon amour, jusqu'à la fin, et même après. Et je te promets que rien ne nous séparera! Je t'aime Black, pour toujours..."

Jusqu'au bout du monde et de la mer
Et du soleil et jusqu'au bout des étoiles
Au-delà du fond des galaxies
Dans l'infini de l'univers sidéral

Jusqu'au cœur des glaces et jusqu'au fond du désert
Jusqu'au bout du ciel et dans un autre univers
Jusqu'à des frontières dont tu n'as jamais rêvé
Au-delà des heures et jusqu'à l'éternité
Aussi loin que porte le regard de mon cœur
Jusqu'au bout du ciel et jusqu'au fond du bonheur
Je t'aime aussi loin

Jusqu'où je t'aime - Yves Duteil

Il avait vécu déjà; il n'était plus le jeune étalon impétueux et fougueux dont les erreurs lui avaient coûté certaines relations. Le jeune cheval qui s'était laissé mener par le bout du nez ou n'avait pas pris conscience de la réelle profondeur des sentiments de certaines, cruel par ignorance et inattention, le jeune cheval qui papillonnait sans s'apercevoir, encore, que l'amour vrai nécessite une stabilité. Il avait vécu, aimé et souffert; Magie Noire, son grand amour d'autrefois et la mère de son fils, avait gravité à ses côtés en une relation tumultueuse et ardente, ponctuée de séparations, de retrouvailles, d'accusations et de pardons. Avant elle, la jolie Naïade, somptueuse demoiselle, avec laquelle il s'était retrouvé tendre et gauche encore, un étalon sans aucune expérience de ce nouveau sentiment; eux s'étaient séparés sans heurts, et jamais revus, mais cette relation là avait été son premier véritable amour. Il avait derrière lui de nombreuses histoires, des liens et un passé; il n'était plus l'étalon fougueux des débuts. Etait-ce là un mal? Black avait vécu, aimé, et par conséquent avait commis nombre d'erreurs parfois, et en avait pris conscience. Car, dans ce domaine comme dans tant d'autres, la sagesse vient avec l'âge. Ces erreurs, il était déterminé à ne plus jamais les commettre. Oui, il avait compris. Il avait compris qu'une relation ne se limite pas au contact physique, que les beaux mots ne servent à rien quand les actes ne les suivent pas, que l'amour s'accommode de toutes les différences et les séparations. Il avait aussi réalisé que l'affection n'est pas éternelle et qu'une relation s'entretenait, au quotidien; que c'était là la chose la plus importante dans un couple, le quotidien. Les habitudes et les surprises, et il savait aussi que la routine amenuiserait à coup sûr la force de leur sentiment. Cette relation-là, il était déterminé à la choyer, à consolider le ciment entre eux, à tout faire pour demeurer auprès de Sorrow Life, non par le corps mais par le coeur. Tout faire, pour que cet amour-là perdure.
Et protéger...la protéger elle, et protéger cette bulle de bonheur, l'abriter comme un petit être fragile; la protéger des autres, surtout. Non, cela ne signifiait pas qu'il leur faudrait se cacher, bien au contraire, mais que les mots des autres, leur regard, leurs jugements, leurs opinions, il ne les laisserait pas les atteindre. Et ceux qui, tels des serpents, jaloux de cet amour au grand jour, siffleraient rumeurs et sons discordants sur leur passage, il n'en avait cure, et il ferait toujours en sorte qu'ils ne puissent pas blesser Sorrow Life. La protéger, découvrir le monde avec elle et le lui faire découvrir; ne pas se sentir prisonnier de son image, à ses côtés. Elle saurait tout de lui, parce qu'il ne lui cacherait rien, et pas même ses blessures les plus profondes, les plus secrètes. Que savait-il d'elle? Peu, mais qu'importait? Ce peu laissait une grande place à ce qu'il découvrirait et apprendrait; auprès d'elle, il serait lui-même, sans histoires ni réputation, sans l'espèce de légende qui l'auréolait lui, le guerrier.
Et ses mots lui réchauffaient le coeur.

"Mais tu pourras, toujours, être près de moi si tu le désires. Et je veux rester près de toi, à tes côtés, toujours, jusqu'au bout et au-delà, et apprendre à te connaître...sans jamais cesser de t'aimer."

Je t'aimerai jusqu'au bout du Monde,

Je t'aimerai sur la cime, au fond de l'abîme et sur l'Onde,

Et je t'aimerai chaque jour,

Grandie de ton amour.

Je veux t'offrir tous ce que j'aie,

Tu es l'Unique de mes pensées...

L'aimer. De tout son être, de toute son âme et de tout son cœur. L'aimer encore plus qu'hier, et l'aimer toujours plus, ne jamais cesser de l'adorer. Elle voulait passer le restant de sa vie à ses côtés, grandir et vieillir, contre son épaule et dans son cœur. Elle voulait ne voir que lui quand, au petit matin, bercée par la houle impétueuse, elle ouvrirait ses paupières jusque là closes. Elle ne voulait voir que lui quand l'Orage éclaterait, pour être sûre qu'il soit à l’abri. Elle ne voulait que penser à lui, du matin au soir, du soir au matin; et partout, partout voir son ombre, son reflet, pouvoir respirer son odeur, s'en imprégner, la partager avec lui. Ne faire plus qu'un avec cet être tant chéri. Et laisser ses souvenirs qui jusqu'à hier venaient la hanter loin derrière elle; qu'ils ne soient plus que passé tantôt heureux, ou grossières erreurs à ne plus jamais commettre... Elle voulait renaître, revivre; recommencer à ses côtés et que jamais cela ne s’arrête. Et elle était là, tout près de lui, à respirer son odeur, la tête enfouie dans ses crins noirs de jais. Elle voulait qu’il l’apprenne, qu’il la connaisse comme personne ne l’avait jamais connu. Tout lui dire et ne rien cacher, elle promettait, silencieuse mais rayonnante, que sa moindre question trouverait une honnête réponse. A lui, elle voudrait bien dire son passé qu’elle avait caché, enterré jusque là. Elle voudrait bien dire ses amours, ses craintes et ses désirs, sans caches et sans mensonges; juste la vérité dans son plus pur état. Et l’aimer, oh, toujours! Rester, rester à ses côtés, et voyager à travers ses terres; faire de chaque jour quelque chose de nouveau, de profond et de beau; et lui réaffirmer autant de fois l’amour qu’elle avait pour lui. Et venir, le matin, comme une chasseuse à l’allure prédatrice, venir vers lui et l’inviter à danser, à galoper, à faire trembler le sol sous leur pas, à faire hurler l’Orage la nuit, à faire chanter les oiseaux des forêts, à faire reculer la Mort de leur trajet. Mais l’inviter aussi aux combats que partagent deux amants, où les coups étaient maîtrisés, et où ils n’étaient donnés que pour l’art et la science du geste. Mais elle voulait également répondre, venir quand il l’appellerait, venir quand il la défierait ou la séduirait… Être la, tout simplement, avec lui, sur un chemin qu’ils allaient à présent tracer à deux, sur une vie qu’ils allaient partager.

Elle se décolla à contre cœur de lui, reculant de quelques pas; le contemplant de ses grands yeux sombres. La jument truitée était si proche de lui qu’elle pouvait sentir son souffle chaud. Elle émit un hennissement bas, avant de coller son chanfrein presque blanc sur le sien, d’un noir d’encre. Et de lui susurrer, après avoir écouté ses mots qui lui transperçaient l’âme :
"Ne nous quittons plus, et apprenons-nous... Tu es ce que j'ai de plus beau Black!"
Tout ce qu'elle disait venait du plus profond de son être; cet étalon noir était tout pour elle...

Son chanfrein, sa peau douce, contre le pelage noir de l'étalon...Black inspira doucement, sentant l'odeur de sa dulcinée emplir ses naseaux, souffla, un sourire au fond des yeux. Oui, je t'aime, jolie déesse de mes nuits...elle lui disait qu'il était ce qu'elle avait de plus beau, elle lui demandait qu'ils ne se quittent plus...l'étalon noir hocha la tête et souffla dans les naseaux de Sorrow Life:

"Non, nous ne quitterons plus."

Un petit pas en arrière, et il la contempla, le regard brillant, comme l'assoiffé qui, après une longue errance dans le désert, goûte la beauté et la fraîcheur incroyables d'une source vive. Arquant le col, secouant sa crinière, il ne la quittait pas pour autant des yeux, comme hypnotisé, non, émerveillé et ne parvenant pas à croire à son bonheur. Frémissant, il avait envie de se déplacer un peu, courir, gambader ou juste marcher à son côté, près d'elle. Alors, l'étalon de nuit s'avança vers Sorrow Life et la contourna, revint sur sa droite, par-derrière, frôla son garrot de ses naseaux, engageant. Allez, viens, viens découvrir mon monde, je te l'offre...Il demeurait proche d'elle même quand ils se mouvaient. Jamais, jamais plus être séparé d'elle!
La plaine était si belle...déjà, le jour se levait, mais cette fois-ci, l'aurore ne les séparerait pas. La déesse d'une nuit était devenue sa compagne, probablement pour la vie, il ferait tout pour cela! Black fit quelques pas, le col arqué, heureux comme jamais, sentant toute la force du jour nouveau pulser dans ses veines. Un nouveau jour, un nouveau soleil à l'horizon, plus beau que jamais! La plaine s'illuminait, la plaine avec ses herbes sombres et son ciel éternellement nuageux, la plaine avec ses bruissements, ses odeurs et le doux murmure de la vie qui s'éveille après le sommeil de la nuit. C'était sa terre, il était né ici, y avait grandi et vécu. Et il voulait lui faire découvrir tout cet univers somptueux qui était le sien, son monde. Ou bien, danser dans l'herbe...Une brise légère secoua la crinière de Black qui redressa la tête. Oh, qu'il aimait ces terres rudes et sombres, ces terres du Nord! Il les aimait, comme Stelmaria aimait la glace et la neige de son territoire de naissance, il les aimait pour leur allure tourmentée, sauvage, si belle et dramatique à la fois...et il les aimait d'autant plus que Sorrow Life se tenait à ses côtés.

Son contacte, son regard... Tout était encore plus beau aujourd'hui. Et il était là, l'étalon de l'Ombre qui l'avait hantée jusque là, il était là, à ses côtés, son odeur emplissant ses naseaux gris, la chaleur de son corps faisant frissoner le sien. Elle ne pût s'empêcher de sourire, elle, la jument qui était de glace, la jument renfermée sur son histoire, la jument au coeur saignant. Oh, s'il savait le bien qu'il faisait à ce petit coeur tout mou et chaud! Il était le baume qui apaise, le sang qui pulse et la passion qui bout. Et voilà que, maintenant, alors que la nuit s'échappait, il lui promettait qu'ils ne se quitteraient plus. Elle souria, l'admirant, encore et toujours. Et alors qu'il passait derrière elle, frôlant la ligne de son garrot, son regard s'alluma, brillant d'un tout autre éclat, d'une autre lumière. Et en elle, quelque chose de puissant disait que rien ne les séparerait, qu'ils resteraient ensemble, jusqu'à la fin et même après... Et il était là, danseur de Ténèbre, l'invitant à parcourir un Monde, nouveau et encore plus beau; son Monde. Et, quelque part, elle lui retournait sa proposition. Je te suivrai, dans ton Monde, et je te montrerai le mien, pour qu'il t'appartienne autant qu'à moi.
Elle porta alors son regard au loin, le projetant sur la plaine ombragée aux herbes sombres. La était le paysage de leur histoire qui naissait. Elle s'ébroua, les muscles secoués par une adrénaline naissante. Galoper, jouer, danser, s'ébattre au milieu de cette terre de l'Ombre, avec l'être aimé; rien ne pouvait être plus beau. Elle lui lança un regard pétillant, légèrement provocant avant d'adopter un trot aérien, se plaçant sur un cercle tout autour de lui. Jouons, viens, attrapes-moi, viens...

Juste être là avec elle, juste danser avec elle...Black prit le trot aux côtés de sa chérie, son amour qui soudain, provocante, se mit à lui tourner autour. L'étalon, plein de vigueur, s'ébroua et releva le défi, accepta l'invitation; il entra dans le jeu. Elle tournoyait autour de lui, danseuse et beauté tout à la fois; et lui il entrait dans la danse, ardent et amoureux comme jamais. Elle était là, qui le défiait gentiment. Viens, attrape-moi! Black se dressa une seconde sur ses postérieurs et prit à son tour un trot vif, genoux redressés et queue en panache, tête haute, fier et heureux. Le trot assuré d'un maître en son monde, d'un jeune roi. Black fit mine de la poursuivre, de la même allure aérienne, la joie du jeu brillant dans ses yeux noirs.
Allez, allez, dansons dans la nuit qui s'achève...ce matin là ne me verra ni disparaître ni m'enfuir comme un voleur; je resterai là, et toi aussi, toujours ensembles, inséparables même quand nos corps seront loin l'un de l'autre. Moi, avec toi, toi avec moi...je n'aurai d'yeux que pour toi et jamais pour une autre. Et si je m'égare, toi seule sauras me ramener sur la bonne route, la nôtre, celle que nous arpenterons jusqu'au bout et même au-delà...
Il ne lui disait rien, la poursuivit sans un mot, mais son allure, et son regard brillant d'amour, et l'arc de son encolure, tout en lui répétait encore et encore ces mots, déclaration où il n'était nul besoin de parole.

Et alors qu'elle l'accompagnait, elle avait l'impression de goûter au fruit défendu. Et alors que, Danseur de Ténèbres, il s'avançait vers elle, la vigueur encrée aux muscles; elle avait l'impression de nager dans le bonheur, de revivre de cette légèreté si douce et moelleuse qu'elle avait connu il y a une étrnité de cela. Il lui semblait que, alors que la Nuit fuyait, tout devenait plus beau, plus simpe, plus pur et surtout, meilleur. Et sur la Plaine d'Orage, il n'existait alors plus qu'eux. Ensembles et unis par le plus beau des liens, par la plus belle essence qui puisse lier deux corps, deux êtres, deux âmes.Il venait vers elle, la mine provocatrice, mais gentille et sensuelle. Alors, elle accélérait le pas, passant d'un trot calme à une allure bien plus soutenue. Et elle continuait de tracer ses arabesques imaginaires sur le sol. Elle avançait à travers les herbes hautes, se frayant un chemin au milieu de la plaine, avec ce sourire sandide qui trahissait qu'elle se noyait à présent dans le bonheur, et qu'elle défiait un être sur cette Terre d'être plus heureux qu'elle à cette heure-ci.Alors, seulement après cette réflexion faite; elle fit volte-face, plongeant ses grands yeux sombres dans ceux de Black. Elle était immobile, et ronfla des naseaux, avant de reprendre une démarche féline, vers lui. Elle passa à ses côtés, laissant ses poils blancs se coller et se mélanger à ceux noirs de l'étalon. Elle suivit également la logne de son dos fort et droit de son nez tendre et chaud. Oh oui, en cette nuit fuyante, elle serait provocante et dangereuse. Dangereuse de charmes et de tendresse.Laisses-moi t'aimer et te montrer mon Monde. Je n'appartien qu'à toi, et tu es mon tout. Restons ensemble même après la Nuit et même après le Jour, puisque je t'aime Black.Nul besoin de mots, seuls les ragards parleraient...

Ce prochain matin, elle ne fuirait pas. Il le savait, il n'y aurait jamais plus de séparation entre eux deux, jamais plus...parce qu'ils s'aimaient et parce que c'était là comme un lien entre leurs coeurs, leurs esprits et leurs vies, ils seraient toujours ensembles. Tant qu'il conserverait le souvenir de sa beauté, sa douceur, son odeur, l'amour demeurerait vivace, quand bien même ils seraient à des milliers de lieues d'écart. Lien étrange, lien inexplicable, mais c'était bel et bien un lien comme un élastique se tendant à l'infini, sans tiraillements, sans douleur excepté celle du manque, un lien qui n'avait rien des chaînes. Il l'aimait et lui ferait confiance, il l'aimait et l'aimerait même si elle était loin; il l'aimait trop pour l'emprisonner, et son amour ne serait pas une chaîne...il ne commettrait pas cette erreur, cette erreur qui avait coûté son amour à Magie Noire. Car la jument noire l'avait aimé, aimé rien qu'à elle, aimé à ses côtés. Et lui, il avait besoin d'air pur et de plaines vides, et il avait couru, galopé, tout en l'aimant à la folie, trop fort, comme toujours.
Elle était provocante, joueuse, sûre de sa victoire, et son attitude éveillait des émois qu'il aurait cru plus enfouis, plus profonds...allons, il était encore un jouvenceau, apparemment! L'étalon noir arqua le col en frémissant quand les naseaux, délicats, de la jument suivirent sa ligne de dos, et laissa son propre museau frôler sa hanche, avant de volter, à sa suite. Jusqu'au bout du monde, et au-delà, il la suivrait. Jusqu'au bout, à sa suite, l'oeil alerte et l'esprit vif, mais toujours le coeur battant, heureux d'être avec elle, dans les épreuves et la joie. Jusqu'au bout, où qu'elle veuille aller, si elle le voulait avec lui, il serait avec elle.
Et puisqu'elle jouait les farouches et les provocantes, il se fit dominant, image de l'étalon séducteur, parade de Don Juan qu'il n'avait pas mené depuis bien longtemps. Encolure et genoux hauts, tête aristocratique illuminée par un toupet soyeux, sous lequel perçaient deux yeux d'un noir intense, et pourtant lumineux, tout son grand corps ramassé et tendu, il dansait, autour d'elle et vers elle, comme un chef de harem qui sait déjà que celle qui se débat sous ses griffes sera sa proie. Chasseur et proie, le jeu était amusant, provocatrice et jouvenceau, il jouait les deux rôles avec plaisir...

Et que chaque matin soit aussi beau que celui-ci. Aussi beau, aussi bon, aussi doux… Elle voulait qu’à chacune de ses foulées, l’odeur de son compagnon lui emplisse les poumons, que chacune de ses pensées lui soient dédiées, que ses yeux ne discernent plus que lui. Lui, l’étalon noir qui était là, à ses côtés… Jamais elle n’aurait cru retrouver l’amour après sa précédente histoire; mais aujourd’hui, elle était sûre. Sûre de lui, sûre d’elle, sûre d’eux. Et elle lui répéterait, autant de fois qu’il le faudrait, elle lui répéterait son amour, sa confiance… Et partout où elle irait, elle clamerait sa joie et son bonheur d’être auprès de cet étalon, de son compagnon, de son amant! Mais jamais elle ne l’enchaînerait. Les chaînes brisent les liens du cœur. Libre, il le serait toujours, mais malgré cette liberté, elle l’inonderait de son amour. Oh, qu’elle se sentait bien, là, contre lui, à le regarder se mouvoir de son pas délicat! Il avait tout d’un prince, d’un roi… Et malgré leurs aveux, elle avait encore du mal à réaliser ce qui venait de se passer, de se produire. Mais cette petite voix qui lui criait qu’elle avait maintenant le droit d’être heureuse, le droit de renaître et de recommencer en sa compagnie était plus belle que tout! Et contente, elle était désormais. Vivre avec lui, découvrir son Monde, lui montrer le sien… Voir les jours passer, et s’aimer, toujours. Pour un matin se découvrir vieux, mais avec dans le cœur toujours la même passion, ardente et vivace: la plus belle des morsures.
Et plus que les frissons qui secouaient son corps, il y avait aussi le désir et l’envie dans son esprit alerte. Et alors qu’elle le frôlait, sensuelle et provocante, elle se délecta de son odeur, si forte et agréable! Sorrow Life perdît pied. Quand elle sentit le museau tendre de son amant contre sa hanche, un frisson électrique s’empara de son être. Il était à présent là, juste derrière elle. C’était comme une promesse, celle qu’ils demeurent toujours côte à côte, celle de ne pas se séparer, et de suivre l’autre, partout et toujours.
Le démon de la danse était, et serait, encore présent. Avec bonheur, elle dévora Black de ses yeux qui brillaient, illuminés d’une nouvelle étincelle, ravivée par leur toute première danse, leur premier pas de deux au-dessus d’une Abîme folle et déchaînée. Séducteur, meneur et chef, elle serait dans un premier temps docile, provocante mais docile quand à la sentence qui se promettait de n’être que plaisir. Alors, elle courba l’encolure, juste un peu, seulement pour laisser apparaître un arc souple et léger, sur lequel sa crinière blanche et ocre se promenait. Elle s’avança, la queue portée en bannière vers l’étalon de Nuit. Là, elle passa sur son côté, le frôlant avec fermeté et assurance. Un regard plein de malice et de sensualité fougueuse. Décide et préside, sois Roi, et j’obéirai, mon amour…

En cette ultime danse où se joue le hasard
Nous verrons nos esprits l'un à l'autre avoués.
Nous nous séparerons, endeuillés et hagards,
Quand le nœud qui nous lie se sera dénoué.

Le Fou dans l'Assassin Royal, de Robin Hobb

Elle le frôlait, et il pivotait en suivant son mouvement, sur la pointe des sabots, léger, avec dans son geste toute la fluidité et la grâce que son entraînement de combattant pouvait donner à la maîtrise. Encolure arqué, naseaux évasés, il tourna donc sur les hanches, comme en un drôle de pas de deux à l'improvisation parfaite, et prit un trot allongé, aérien. Sa crinière courte, son long toupet, sa queue soyeuse flottaient dans les airs tandis que la masse de son corps musculeux s'élevait, comme sans efforts, et qu'il dépassait la jeune et jolie provocatrice pour la doubler, là, juste sous son nez, charmeur, et frôlant au passage ses naseaux. Baiser volé, promesse d'absolu et d'un lendemain. De plusieurs lendemains, et de tant d'ailleurs qu'ils ne connaîtraient jamais l'ennui!
Danser, sous la lune complice, danser comme à leur première rencontre, quand leurs sabots claquaient sur le roc froid et que nul n'aurait pu deviner que, quelques mois, si peu de temps après, s'éveilleraient de nouvelles ardeurs. Cette première rencontre qui avait noué entre eux un lien indéfectible, une attirante réciproque qu'ils n'avaient su, ni l'un ni l'autre, caractériser, mais qui se nommait alchimie et constituait les prémices de l'amour. Amour qui les joignait désormais, bâtissant une forteresse autour d'eux, bâtissant un monde.
Conquérant, il dansait autour d'elle comme un vautour tourne autour de sa proie...ou alors étais-ce elle, le centre de son cercle, de son univers, qui était reine?

Tu me fais vivre
Comme dans un rêve
Tout ce que j'aime

Besoin de rien envie de toi_Peter&Sloane

Sorrow Life jouait avec ces allures relevées, ces allures qui avouent et qui participent à la magie d'une danse déjà sensuelle. Et dans ses grands yeux vifs, toujours cette étincelle de malice, qui pétillait. Derrière elle, son amant, son compagnnon, mais dans cet instant précis, il était d'abord amant. Elle souriait, un peu, mais grimace heureuse qui en disait lon, très long sur ce qu'elle ressentait, sur ce qu'elle éprouvait. Leurs pas prenaient déjà ce côté danseur étoile, et ce soir encore, son corps frissonnait. Bientôt, elle fut le centre d'un cercle parfait que le Danseur de Ténèbres dessinait autour d'elle, léger et aérien dans une démarche qu'il menait comme sans efforts. Elle s'immobilisa un instant, les membres légèrement écartés les uns des autres, la tête droite, son regard brûlant posé sur le corps noir de son amant. Elle serait docile oui, encore pour un moment, avant que les rôles ne s'inversent. Là, au centre de ce cercle imaginaire, elle ploya un genou dans un geste gracieux, courbant l'encolure. Vous êtes Roi, et je vous appartiens, alors mon Roi, décidez, et je ferai... Elle lui lança un regard provocant, encore, mais avec cette rime sensuelle, ce surplus de tendresse et d'amour qui perçait dans son regard. Et alors qu'elle était là, envahie de passion et de désir envers cet être tant chéri et tant aimé, elle s'anima, une nouvelle fois, de la même façon que sur le Pic du Diable. Poupée aux mains du Démon de la Danse. D'abord un piaffé calme, doux et lent; où sa queue blanche était portée haute, balayée par une légère brise qui ne cessait d'apporter à ses naseaux dilatés l'effluve du parfum de Black. L'encolure arquée, ou ses crins aux teintes ocres dansaient, accompagnant son pas. Et ses yeux, oh, ses grands yeux noirs qui irradiaient les sentiments ardents et les désirs qu'elle avait de lui... Et ce piaffé s'accéléra en un passage endiablé. Elle décrivit d'abord un cercle elle aussi, restant cependant dans celui formé par le guerrier. Jusqu'àce qu'elle le rompe, s'avançant dans une allure féline vers lui, frôlant ses naseaux de son nez, et obliquant tout de suite après, de sorte à se retrouver tête bêche avec lui, dans une caresse torride.

Et moi je suis tombé en esclavage
De ce sourire, de ce visage,
Et je lui dis "Emmène-moi!"...
Et moi je suis prêt à tous les sillages
Vers d'autres cieux, d'autres rivages!
Mais elle passe et ne répond pas...

Pierre Bachelet - Elle est d'Ailleurs

Il l'aimait, il aurait voulu le crier, le lui crier, hurler, le lui répéter jusqu'à plus soif...lui souffler ces mots à l'oreille jusqu'à ce que sa respiration s'en tarisse, et danser autour d'elle jusqu'à en tomber, la dévorer du regard tant qu'il aurait des yeux, à en brûler ses prunelles, et toujours le lui dire. Le lui chanter, confier, fredonner, chuchoter, lancer, de toutes les façons possible, ces trois petits mots magiques, porteurs de tant de sens. Elle qui arquait le col et courbait l'échine devant lui, elle était sa reine. La reine, s'inclinant devant un serviteur prêt à toutes les danses et toutes les fantaisies. Il la suivrait, jusqu'au bout du monde et au-delà, pour peu qu'elle demeurât devant lui, le précédant ou l'accompagnant sur toutes les routes de l'infini, en quête d'un absolu qu'ils retrouveraient, toujours, dans le regard l'un de l'autre et dans leurs corps si souples.
Quel cheval de cirque ou de spectacle aurait pu imiter le sentiment transparaissant dans chacun de ces gestes? Quel comédien aurait pu susciter plus d'émotion, que ces deux êtres sans histoire autre que la leur propre, deux êtres simples et silencieux, qui n'avaient demandé que la paix? Où était-elle, la musique qui accompagnait leur chorégraphie silencieuse, dans le murmure du jour nouveau, le sifflement du vent qui jouait avec les hautes herbes? Bercés par l'orchestre naturel, ils ondulaient et piaffaient, dansaient avec une élégance spectrale. Deux êtres, dessinant autour d'eux une bulle irisée, ciselée, fragile petit rempart contre le monde alentours, rempart qui les protégeait et protégeait leur histoire, et magnifiait le monde qu'ils percevaient à travers lui. Quelle musique? Leurs pas suivaient le tempo de leurs coeurs, simplement, tandis qu'ils évoluaient d'instinct, encolure arquée et queue en panache. Les regards, enjôleurs ou ingénus, mais toujours amoureux, furtifs, se croisaient et se retrouvaient au travers de leurs toupets soyeux, tissant une autre danse au coeur de la danse.
Et la reine se relevait; et elle dansait sous les yeux scintillants du grand étalon de nuit, qui la frôlait parfois comme on effleure les ailes d'un papillon, fragile, si beau, si précieux. Ses muscles s'animaient et Black percevait l'énergie émanant d'elle, qui s'accordait avec la sienne propre, et la transcendait.
Elle piaffait, et son pas s'accélérait, la danse s'accentuait, et l'énergie s'élevait irrésistiblement comme un vent d'orage, comme une lame de fond, qui balaye et emporte tout sur son passage. Les naseaux dilatés, Black rassembla encore son trot, boule d'énergie compactée comme si chacun de ses pas était une explosion, un feu d'artifice, tandis que ses yeux noirs flamboyaient d'un autre brasier. Irrésistible énergie qui s'emparait d'eux et les entraînait dans son tourbillon...la danse prenait possession de ses marionnettes. Black tourna autour d'elle tandis qu'elle tournait au coeur de son cercle, frémit quand elle vint le frôler. Puis, sans ralentir son trot ou à peine, l'étalon pivota et la contourna totalement, remontant le long de son côté, encolure arquée et naseaux frôlant la robe soyeuse, dessinant mille lignes d'énergie, au centre de son cercle à elle désormais, à son rythme, légèrement en retrait.

Les mots, pour eux, étaient inutiles. Ils n'éprouvaient nul besoin de se servir de leur langue, de leur voix pour dire, exprimer ce qu'ils ressentaient. Il y avait un lien, une toile d'araignée qui les reliait, toile d'araignée sur laquelle des gouttes de rosée filaient, acheminant l'idée de l'un à l'autre. Là était la première pierres de leur vie commune. Compréhension muette de deux êtres si différents et pourtant tellement proches. Et elle dansait, la jument blance, elle dansait comme une marionnette endiablée, le claquement mat de ses membres sur le sol rythmant son allure, donnant naissance à la Mélodie de la Nature. Son visage si sage et féminin était à présent illuminait d'un sourire enjôleur, alors que ses yeux sombres pétillaient, tout en dévisageant Black. Et sur sa robe claire, ses truites acajou semblaient s'embrasées dans la lumière tranchante du levé de Soleil. Pourtant, alors qu'ils dansaient tels deux danseurs étoiles, tels deux esprits farouches et légers, on pouvait deviner que rien ne viendrait altérer le cours farouche de cette danse de séduction et de passion, qui enmenait leur deux âmes dans un torrent bouillonnant d'amour. Sorrow Life irradiait de joie, bien qu'un détachement quand aux éléments se laissaient entrevoir dans son attitude. Plus rien n'était obstacle. Ni le vent qui venait heurter son corps, niles herbes humides sur lesquelles ses sabots ardoises glissaient. Tout faisait partie d'eux, et eux faisaient partie de leur danse. Esclaves d'un démon d'une puissance inouïe, mais d'un Démon qui ne faisait que grandir leur amour. Ils étaient comme deux papillons attirés par la lumière de l'autre. Et comme celà, ils voguaient, amants terribles et inébranlables; amants plus promt que le Vent, et qui dansaient, sans se soucier de la fatigue, du tiraillement de leurs muscles. Il n'y avait plus que la beauté du geste et la Flamme de l'Amour qui grandissait. Sourire, regard... Toute l'attention de Sorrow était tendue vers le plaisir et l'amour; et avec quelle envie elle dévorait son amant sombre des yeux! A chaque secondes, elle aurait aimé lui hurler son amour, l'écrire sur chaque roche, sur chaque herbe, sur chaque nuage, sur chaque crête de vagues... L'écrire, le dire, le susurrer, le murmurer, le crier. Et pourtant, elle savait pertinament qu'elle n'avait besoin que d'un regard pour qu'il comprenne, pour qu'il ressente ce tourbillon de sentiments, cette brûlante caresse qui l'étreignait, cette morsure qui la tenait, qui la possédait, qui faisait battre son coeur un peu plus fort, encore... Je t'aime...
Echange de positions, gestes subtils et vifs qui la faisait s'écarter, pour tourner, encore, autour de celui qui entrait, qui pénétrait dans son cercle de Feu. Energie, explosion, et, de nouveau, accumulation. Elle le regarda, encore. Et à son tour, elle arqua son col, laissant les rayons rouges nimber sa robe blanche. Invitation au plaisir.

[PS: j'ai commencé à lire l'Assassin Royal! ]

There's a calm surrender
To the rush of day
When the heat of the rolling wind
Can be turned away
An enchanted moment
And it sees me through
It's enough for this restless warrior
Just to be with you

And can you feel the love tonight ?
It is where we are
It's enough for this wide-eyed wanderer
That we got this far
And can you feel the love tonight
How it's laid to rest ?
It's enough to make kings and vagabonds
Live the very best.

Elton John - Can you Feel the Love Tonight?

D'être à tes côtés suffit à ce guerrier piaffant.
Qu'aurait-il désiré d'autre, qu'aurait-il pu désirer d'autre? Son présent et son futur dansaient devant lui en la personne de cette si délicate jument, si forte et douce, face à lui qui tentait d'être doux et fort. Et les nuages sur l'horizon de son avenir se délitaient peu à peu, les uns après les autres, comme chassés par le doux souffle d'une déesse sous ses yeux. Elle était là, comme dans un rêve, mais il ne craignait plus, désormais, de s'éveiller, car, il le savait et le sentait, elle serait à ses côtés même dans la tourmente de la réalité, même hors de cette bulle qu'elle bâtissait autour d'eux. Ils s'aimaient et cela, simplement, dessinait le monde devant eux. Et il l'aimerait, il le savait, il l'aimerait même blessée, il l'aimerait même âgée, il l'aimerait même mutilée, amputée, ou juste lassée, blessée. Il l'aimerait même s'il lui fallait ne plus l'approcher, il l'aurait aimé alourdie par une gestation ou jeune pouliche ingénue, et il l'aimerait même au-delà de la mort.

D'avoir pu parvenir si loin suffit à cet ingénu voyageur.
Qu'il avait manqué de la présence douce et aimante d'une jument à ses côtés! Et qu'elle était belle, sa dulcinée, elle qui lui insufflait un oxygène dont il manquait depuis si longtemps! Elle ramenait à la vie un noyé ne subsistant plus qu'à force de volonté, lui qui s'était traîné tout ce temps. Lui qui n'avait vécu que survivant à son histoire avec magie Noire, et qui peu à peu avait ouvert les yeux sur celle qui fut, l'espace de dix ans, l'étoile de ses nuits, brûlante et si exigeante...il réalisait, aujourd'hui, qu'elle lui en avait tant demandé, trop demandé.
Elle voyait parfaite la frêle créature qu'il était, elle le croyait invincible et il trébuchait, elle l'avait imaginé dévoué à ses sens, lui l'indépendant. Magie Noire, qui avait bâti elle-même la cage dans laquelle elle s'était ensuite enfermée, faite d'admiration et d'un amour si intense qu'il en devenait malsain, car c'était l'amour voué à une image, une icône idéalisée de l'étalon noir. Black, prisonnier de la cage par amour, dévoué au délicieux tyran qu'est le désir, ne pouvait pas devenir parfait. Et elle ne l'aimait que parfait. Ils s'étaient longuement débattus dans les méandres d'une ancienne passion, avant que l'étalon noir ne prenne son envol, séparé d'elle mais ressentant la morsure du manque. Il avait vécu en sursis, traîné, harcelé par son souvenir et par la souffrance qu'elle s'était infligée sous ses yeux sans qu'il puisse l'en libérer. Car Magie Noire avait elle-même bâti la cage.
Mais aujourd'hui, Sorrow Life le ranimait, et lui, de tout coeur, espérait pouvoir faire mentir le nom qu'elle portait. Non, il ne lui offrirait pas une vie morne. Il lui offrirait l'amour et la passion à chaque détour de chemin, et sa présence,s a force. Il lui offrirait sa puissance et ses qualités, mais aussi sa faiblesse et ses défauts, tout ce qui faisait de lui un être à fleur de peau, si fragile. Il lui offrait ses vieilles souffrances et ses névroses, qu'elle sache tout de lui. Qu'elle l'aime lui et pas une image et que jamais, jamais cet amour n'en vienne à la faire souffrir.

Ta présence suffit pour que les rois et les vagabonds vivent le plus beau de leurs meilleurs rêves.
Roi ou vagabond, qu'était-il? Ballotté par le monde autour de lui, ballotté par ses proches et trahis par certains, il n'avait que peu de vrais amis, mais c'étaient ses confidents et ses altri ego. Il n'aimait pas souvent, mais avec la passion ravageuse d'un torrent de montagne. Il aimait trop, avait dit Magie Noire, qui l'aimait parfait, et lui s'était brûlé les ailes à la clarté d'un amour qui jamais ne serait réciproque puisque ce n'était pas lui qu'elle aimait, mais son image. Il aimait à en perdre la raison, et il haïssait à en devenir fou, et il croyait à en confier sa vie.
La lumière de son amour pour Sorrrow Life, comme un phare dans la nuit, l'attirait irrésistiblement. Il savait qu'en suivant cette lumière il reprendrait pied.

Peux-tu sentir l'amour au coeur de la nuit?
Le soleil se levait doucement et soudain, il se trouva face à sa clarté avec, entre lui et l'astre de jour, son étoile. Sorrow Life, corps tendu, col arqué, sa douce et si belle robe auréolée d'une clarté d'ailleurs par les rayons du levant. Il accéléra encore son geste, danseur, dessinant autour d'elle un cercle tout en la laissant le franchir, la gardant auprès d'elle sans l'emprisonner. Ses gestes, d'abord lents, s'accéléraient en une sorte de frénésie et parfois il stoppait et se cabrait, se découpant sur la lumière aveuglante du jour naissant. Revenant vers Sorrow Life après une de ces explosions d'énergie, qui n'étaient que l'image extérieure de la débauche de sentiments traversant son corps, l'étalon noir posa ses naseaux contre les siens, et puis laissa glisser son museau le long de la ligne du dos de sa douce, des naseaux au couard, du garrot aux reins. Mais c'était dans ses propres reins qu'une étincelle, une décharge, donnait naissance à un brasier, et c'était lui qui arquait le col sous l'assaut de ses sens et de son désir. Il l'aimait à en avoir mal, à vouloir le hurler au monde entier, à vouloir le montrer à tous. Il l'aimait à tout lui sacrifier de lui, tout ce qui était sien, il l'aimait simplement à la folie.
Provocateur, frémissant, parcouru de frissons et prenant plaisir à faire naître ces mêmes frissons sur sa peau à elle, du bout de son nez soyeux, il se dressa sur ses postérieurs et posa une jambe antérieure sur le dos si rond et soyeux de sa Dame. Restant là une seconde, il prit le temps de jouer avec les crins fous sur sa nuque avant de se laisser retomber sans la blesser, et de revenir vers ses naseaux en glissant son nez de son grasset à sa ligne maxillaire, en frôlant épaules, hanches, flancs.

Comme tout le monde, j'ai mes défauts
J'ai pas toujours les mots qu'il faut
Mais si tu lis entre les lignes
Tu trouveras dans mes chansons
Tout ce que je n'ai pas su te dire
Il y a des fautes d'impression
Des " Je t'aime " un peu brouillons
Malgré les accords malhabiles
Tu trouveras dans mes chansons
Tout ce que je n'ai pas osé te dire

Tu trouveras

Natasha St Pierre_Tu trouveras

Tendre matin qu'était celui qui se levait, innondant la Plaine d'Orage d'une lumière crue et tranchante, berceau de bonheur pour ces amants partagés entre l'euphorie et la rigueur, la concentration de la danse endiablée qui se jouait sur ce vaste théâtre. La scène, ce matin, promettait sourdement d'être infinie, de s'étendre jusqu'à la ligne d'horizon au moins, et peut-être de s'éloigner, encore, vers une ascension du ciel, pour les mener jusqu'au Soleil, afin que jamais ne conaisse de fin la danse qu'ils jouaient. Douce Aurore qui amenait ses brumes de mousselines roses, comme de petites barques sur un lac tranquille acheminant l'odeur suave du parfum des jeunes fleurs. Et dans cet air d'été, ils dansaient, encore, depuis que le jour s'était éteint, allumant mille diamants dans un azur sombre, allumant mille sensations dans leur âme dévouée. Echange sensuel entre deux êtres qui ne pensaient alors pas au landemain, mais juste au plus de leur meilleur rêve. Vaste terrain de jeu qui s'offrait, jurant l'avenir, la suite; écrin de nature sauvage qui semblait vouloir les protéger, qui semblait tendre l'oreille à leur mat mélodie. Invitation aux sensations, requête de cette fraîche brise, venant revigorer les Danseurs écumants. Et sur leur peau de satin, quelques traces d'écume venant les blanchir, alors que leur queue de soie balayait leur fins membres. Mais toujours, dans l'esprit de cette nymphe blanche, le regard ténébreux et profond de son compagnon qui venait, la transperçait avec calme, et qui se perdait en elle, comme pour l'apprendre. Et ces ouvertures qu'elle lui faisait, ces indications à suivre pour découvrir tout ses secrets, même les plus douloureux, même les plus honteux, même les plus effrayants, même les plus foux, même les plus rêveurs, même les plus beaux, même les plus doux. Tout, seulement tout. Le laisser l'apprendre avec plaisir, et lui rendre son regard, avec cette question ardente, cette question brûlante de l'envie de connaître, d'aimer sans compter, sans avoir peur de s'abîmer, de souffrir et d'avoir mal; juste aimer, toujours plus farouchement, plus subtilement, toujours plus fort. Ni le temps, ni les blessures, ni les déchirurs n'altereraient à l'amour qu'elle éprouvait pour lui. Et même si, un jour, il la repoussait, elle l'aimerait, encore. Jamais, jamais il n'y aurait de fin... Juste des débuts, et des milieux, et de l'amour, à s'y perdre.

Il était là, l'étalon qu'elle attendait. Juste devant, Danseur de Ténèbres sous ses yeux noirs, Danseurs de Ténèbres encré à jamais dans son coeur. Plus aucune morsure de manque ne l'habitait, elle avait tout, tout ce qu'elle désirait. A la fois un ami et un confident, il était l'amant fou d'un soir, le compagnon éternel de toute une vie. Et c'était celà qu'elle aimait. De rien, elle ne manquerait plus jamais de rien, sauf de lui quand il serait loin. Déboussolée et perdue, elle l'attendrait, elle le chercherait s'il ne revenait pas; mais elle ne cesserait de l'avoir là, juste dans son coeur. Elle l'avait en elle, il était son coeur et son âme, son Monde et sa vie.
Un sourire étira ses lèvres grises, alors que ces pensées l'ébranlaient. Elle poussa un hennissement, doux et éthéré, qui alla se perdre le long de la plaine, qui alla courir dans les herbes hautes, qui alla se mêler au vol d'un oiseau de proie, qui alluma les lieux d'une nouvelle forme de joie, dans cette palpitante matinée. Un instant, elle détacha son regard de lui, et alla le promener sur les alentours. Des kilomètres et des kilomètres de liberté qui leur baisaient les pieds, Liberté sans borne qui les regardait, l'oeil tendre et la mine claire. Envie d'aller à sa rencontre, de découvrir, en compagnie de l'être aimé.

Au contact de leurs naseaux, elle s'immobilisa, une décharge électrique lui parcourant l'échine. Oh, qu'elle l'aimait, cet étalon de l'ombre! Docile, elle se laissa faire, se détendant pour montrer à Black sa satisfaction. Elle lui jetait des coups d'oeils doux et expressifs, tandis qu'il glissait un antérieur sur son dos. Et quel bonheur de sentir son odeur l'embaumer, de pouvoir s'en enivrer. Instants fragiles qui cessa, alors qu'il se laissait retomber, léger, mais qui pu renaître au frôlement de son nez chaud contre sa peau frissonnante.Alors, elle frotta délicatement son nez contre la joue de son amant, avant de suivre à son tour la ligne de son épaule, puis de ses flancs et de ses hanches, remontant juste à cet instant pour frôler ses reins. Là, elle stoppa sa caresse, comme à contre coeur, avant de lui lancer un regard farouche et de s'élancer, dans un bond fluide, et de s'arrêter de nouveau, quatre mètres plus loin, provocante et sensuelle dans ses allures relevées. Promesses de baisers et de caresses qui brillaient au fond de ses grands yeux. Leur danse ne s'arrêterait pas là, elle s'allongerait en câlins et torrides frôlements, faisant naîtres désirs et envie.

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