Tellement plus que cela... [Siana 1er, puis demandez]

Spoiler:

Shiki parlait. Sa voix s'élevait, douce, presque rêveuse, comme si elle transportait un souvenir.... Et au fur et à mesure que ses mots s'envolaient, Storm se reprenait à croire.
Oh, ce n'était pas grand chose... Peut-être une vague pensée, indécise, fugace, hésitante... Une vague pensée qui transportait un soupçon d'espoir... Une sensation recluse depuis si longtemps, au fond de.... de quoi, exactement ? Qu'avait-elle, au-delà de son corps meurtri ? Elle se répétait qu'il n'y avait rien, mais que voulait-elle se cacher, et pourquoi ? Un coeur, qui aurait trop souffert ? Un rêve, trop de fois écrasé ? Une sensibilité, trop souvent blessée et refoulée ?
Une âme, un être, tout simplement, un être doué d'intelligence qu'elle prétendait faire disparaître derrière une barrière de glace et de violence ?

L'amour, la Mort... Des mots qui se ressemblent tant, des sons frères, une apparance identique... Trompeuse ? Menteuse, comme le costume funeste de Storm...
Mais cet amour semblait dans les mots de l'étalon si différent... Et cet amour, pouvait-il être plus fort, plus grisant, que la mort ? Pouvait-il être plus... vivant que son jeu ? Plus vivant que la mort ?

Aimer...
"Jamais. Pas encore."
Enfin, son ton s'était adouci, et il semblait se tendre vers l'avenir, comme s'il pouvait encore croire, attendre...
L'amour...
"Et où se cache-t-il ?"
A nouveau, l'espoir avait disparu, tandis que l'amertume se dessinait dans la voix de la baie.
"Où se cache-t-il, alors ?"
Oh, elle le savait bien, elle qui semblait vouloir l'accuser, presque naïvement... Elle savait bien pourquoi il n'était pas là. Elle savait bien qu'il ne tenait qu'à elle de bien vouloir l'accueillir, un jour... Elle savait bien qu'il faudrait pour cela qu'elle ressorte son coeur et son âme de derrière sa haine...
Elle le savait, mais elle ne voulait pas se le dire. Alors, plutôt que se laisser se détester pour cette sorte de faiblesse, plutôt qu'admettre qu'elle n'était que la cause de son errance, plutôt que de s'avouer qu'elle avait peur de souffrir à nouveau si elle voulait bien ouvrir les yeux, elle retournait sa colère contre elle-même en haine contre tout.
"Pourquoi n'est-il jamais venu ?"
Elle se tut un instant, avant de reprendre :
"Tu y a déjà répondu... Pour aimer, il faut avoir déjà une raison de vivre... Seuls ceux qui savent pourquoi ils vivent peuvent vraiment vivre ; les autres, ceux qui n'ont plus de raisons, n'ont plus non plus de chance..."
Une nouvelle fois, elle avait cru. Mais elle s'était reprise. Plus elle laisserait les ailes de l'espoir l'emporter loin, plus la chute lui ferait mal... Car il lui semblait qu'il ne pouvait y avoir que chute...
"Je ne vois pas ce qui pourrait encore me donner envie de vivre... Tu m'as toi-même brisé l'espoir que tu t'es amusé à allumer... Alors vas-y."
Sa voix, de rauque, était devenue brisée. Brisée, comme cette flamme que, contrairement à ce qu'elle affirmait, elle avait elle-même détruit. Pourquoi ? Pourquoi ne plus croire ? Par peur. Shiki avait raison. La Peur.
"Vas-y."
Vas-y ? Tues-moi.

Shiki coucha les oreilles :

"Tu as peur. Tu as peur de regarder vers l'avenir, c'est plus facile de te dire que le monde n'a plus rien à t'offrir...et si tu as beaucoup souffert, je peux le comprendre, que tu ne souhaites pas prendre une fois de plus des risques qui, jusqu'ici, ne t'ont rien apporté. Mais on m'a appris à me battre, contre tout et même contre le froid, l'hiver polaire est rude et cisèle aussi notre attitude face à la vie en général. On m'a appris, comme à tous ceux de mon Clan, à ne jamais renoncer. On m'a appris qu'il vaut mieux souffrir et être vivant que mourir, et ne plus avoir aucune possibilité...
Tu n'es pas d'accord et je le comprends. Mais écoute moi.

Ceux qui ne savent plus pourquoi ils veulent vivre n'ont que deux choix, continuer en quête d'une raison de vivre, ou simplement se laisser mourir, baisser les bras, abandonner...et c'est vrai, je ne crois pas qu'on puisse aimer au sens de s'investir dans une relation si on ne sait pas pourquoi on veut regarder vers l'avenir, ou si on cherche en celle qu'on aime cette raison d'aller de l'avant. Mais je n'ai pas dit, et je ne dirai jamais, que ceux qui ne savent plus pourquoi ils veulent vivre n'ont pas de sentiments, ne connaissent ni l'amour, ni le désir et ne croiseront jamais la route d'un être pour lequel ils trouveront, par eux-mêmes, une ou plusieurs bonnes raisons de continuer...

Où se cache-t-il? Mais partout...dans un regard, une allure, un jour, une discussion ou un sourire échangé, ou même un combat! Demande donc à Black où il a rencontré sa compagne, et il te dira qu'un jour où il s'amusait à galoper sur une falaise, à des centaines de mètres au-dessus de la mer qui rugissait, il a vu un autre être défier la mort de la même façon. Et il a suffit d'une cavalcade commune de quelques minutes pour que l'un comme l'autre se soient trouvés...après quatre ou cinq années de solitude et d'une relation qui le détruisait peu à peu. D'un amour devenu toxique.
Demande à ma mère comment elle a rencontré mon père, le fils de son mentor, qui était simplement venu rendre visite à sa mère, laquelle a trouvé intéressant d'opposer Odyssée et Aglow Star dans un combat factice...
Demande à Liberty comment elle a rencontré Sword, qui s'est simplement trouvé sur son chemin un beau jour, et comment elle a ensuite rencontré Thunderhead, ennemi potentiel, égaré sur les terres des Etoiles.
Demande à Hell Demon, si tu le pouvais car il est mort, comment il a rencontré Beautiful Devil, la mère de mon amour. Il a simplement recueilli une jument, seule et perdue, menacée, au sein de son Clan, comme il l'avait fait avec bien d'autres. Mais elle, elle avait peut-être une étincelle de plus, va savoir..."

Shiki se sentait plein d'emphase, déterminé à convaincre cette jument que la vie valait la peine d'être vécue. Pourquoi donc? Elle ne lui était rien, après tout...mais le jeune prince, bien conscient de la chance qu'il avait, et témoin de celle qu'avaient obtenu certains de ses proches, fort de ses longues discussions avec Zanzibar, était sur des charbons ardents à l'idée que cette jeunesse, celle qui représentait l'avenir, pouvait être gâchée sur la foi d'un simple désespoir.
Et puis, il y avait autre chose, un souvenir, une petite Shikaku espiègle et vive d'esprit, une discussion au bord de la mer et une amitié, ou peut-être plus? esquissée, frôlée, fantasmée pour être brisée par la mort, simple, dure, et cruelle.

[Désolée du temps de retard, et de ma réponse qui n'a au final aucun sens, j'suis crevée x)]




Storm fixa ses yeux dans ceux de l'étalon gris, les oreilles couchées en arrière, son corps tendu, comme si elle s'apprêtait à attaquer celui qui tentait de lui redonner goût à la vie... Mais elle n'était plus prête à rien.
Elle s'était battue. Elle avait donné des coups, et en avait reçu. Elle avait été blessée. Mais jamais comme aujourd'hui. Son esprit froid et sa détermination inutile l'avait toujours poussé à ignorer ce que lui criait son corps et à continuer à avancer -ou à reculer. Mais c'était cet esprit qui était aujourd'hui touché, tandis que Shiki la forçait à regarder au-delà de la barrière de mensonge qu'elle s'était érigée autour d'elle pour se cacher le monde et, peut-être, se cacher aux yeux du monde... Et, tandis que la glace fondait, elle sentait des bouts de son esprit, à nouveau à vif, la brûler ; des questions et des sentiments qu'elle avait oublié, que l'étalon forçait à sortir...
Elle recula d'un pas. Vacillant.
Que voulait-elle faire ? Fuir, et oublier les mots de l'étalon, oublier ce qu'elle avait enfin senti, oublier ce qu'elle s'était caché à elle-même ? Ou rester, et enfin avoir le courage de se regarder vraiment, ce courage que tous ont mais qui lui faisait défaut ?

En arrivant, elle ne souffrait pas. Elle n'espérait aucun avenir autre que sa danse monotone. Elle avait perdu l'espoir d'une douleur ou d'une joie. Mais Shiki avait ouvert une brèche dans sa glace, et le torrent qui s'en échappait la faisait trébucher. Combien de temps avant qu'il ne se tarisse, avant que la glace et l'indifférence ne reprennent leurs droits ?

A nouveau, elle quitta des yeux le gris pour observer la jument noire, mais elle n'avait plus aucune allure menaçante. Juste l'air perdue.
Méprisable.
Elle voulut se redresser, reprendre son masque indifférent, cesser d'être comme ceux qu'elle méprisait...
Tu es encore plus méprisable de te cacher.
Elle ferma brièvement les yeux. Non. Laisses-moi.
Redresser la tête. Oublier tout ça. Jouer avec la Mort...
Qui est-elle ?
A nouveau, elle s'immobilisa. Qui était-elle, cette petite jument noire blessée ? Rien. Rien d'autre qu'une proie. Une occasion de voler la Vie.
Tu n'y crois plus. Qui est-elle ? Pourquoi est-elle là ? Pourquoi est-elle blessée ? Pourquoi parlait-elle avec l'étalon gris ? Que pense-t-elle ?
-Ça... ça ne me concerne pas. Une proie. Rien d'autre qu'une proie. Ce n'est rien. Elle n'est rien. Juste une proie.
La baie avait chuchoté, se parlant à elle-même, mais elle ne croyait en plus en ce qu'elle disait.

Vaut-il mieux souffrir que mourir ? Elle qui avait si longtemps cherché la douleur pour échapper à l'indifférence, elle voulait bien y croire... Alors fallait-il continuer à avancer, et essayer, chercher à vivre, quitte à souffrir ?
La petite baie ne savait pas. Ne savait plus.
L'amour ? Il paraissait à la fois si simple et si complexe, si beau, dans la voix de Shiki... L'amour... Et l'amitié, alors ? Ces deux notions si étrangères à la baie... Mais que pourraient lui apporter un ami ou un amant ? Que peut-on, que doit-on, dire à celui qui tend son oreille, qui propose son cœur ?
Elle pouvait sembler avoir un esprit bien calculateur, à se demander cela, mais elle n'avait plus aucun espoir de spontanéité dans ce qu'elle n'arrivait pas à comprendre -et de toutes façons, se demander cela, n'est-ce pas avoir un espoir, vouloir bien croire, pour quelques secondes ou pour l'éternité, qu'il peut y avoir autre chose que son jeu maintenant lassant ?

-Comment est-ce, aimer ?

Question brève en réponse à la longue tirade de l'étalon, mais qu'il ne croit pas qu'elle ne l'avait pas écouté... Et elle reposa ses yeux sur le corps du gris, cherchant dans ses plaies et dans les ombres de sa robe comme une réponse à toutes ces questions qui l'agitaient mais sur lesquelles elle ne savait pas mettre de mots.
Se reprenant à espérer.

Les yeux de Siana les suivaient, songeurs, et Shiki sentait leur poids reposer sur ses épaules comme un bien lourd fardeau. Que pouvait-il dire à la jeune jument qui semblait comme perdue dans la conversation et les pensées qu’elle lui amenait, que pouvait-il dire à celle qu’il avait failli tuer ? Et quelle réponse à ces deux questions ? Rien. Il ne savait que lui dire, tant le sujet de cette discussion était inattendu et plein d’émotions.
Comment est-ce, l’amour ?
 
Shiki esquissa un sourire en entendant la question de Storm, qui semblait perturbée, plongée dans les remous d’une pensée tumultueuse qui la ballottait de roc en roc, puis il inclina la tête, pensif, cherchant les mots et les tournures qui sauraient dépeindre à la guerrière ce sentiment si difficile à décrire à qui ne l’a pas connu. C’était une lourde responsabilité que celle que lui confiait sans le vouloir Storm, celle de lui donner l’envie de continuer sans lui offrir de faux espoirs et sans lui cacher qu’il y avait, dans toute relation et toute vie, de nombreux rapides et tourbillons pour quelques portions d’eaux paisibles et chaudes apaisant celui que le temps emportait dans son cours rapide. L’étalon prit une profonde inspiration, perdit ses mots, réfléchit encore et finalement se lança, plus ou moins adroitement :
 
« L’amour, c’est…beaucoup d’excitation au début, je crois. Tu rencontres une jument, elle n’a rien qui la différencie des autres, elle est aussi belle et aussi souple, aussi brillante et soyeuse que toutes, elle a un regard tout aussi vif et une voix d’une égale douceur, et pourtant…et pourtant, devant elle tu te sens faible et inutile, tu te sens distant et pourtant extraordinairement intéressé par tout ce qu’elle peut te dire. Tu te dis qu’elle est aimable, sympathique et qu’elle a ces sourires qu’on ne peut pas ne pas rendre, et puis tu la trouves jolie, mais c’est tout. Tu la revois, tu cherches sans te l’avouer à la revoir, tu erres là où elle a coutume d’être et de temps à autres elle occupe tes pensées.

Et puis tout d’un coup tu remarques que tu ne penses plus ta vie que par rapport à la sienne, que ses yeux sont plus scintillants que les étoiles et que son sourire t’émeut jusqu’au plus profond de toi, que sa voix fait frémir jusqu’au moindre de tes muscles et que ce n’est que de temps à autres qu’elle n’est pas au centre de tes pensées. Tout d’un coup tu veux être à ses côtés et la protéger contre des dangers inexistants, tout d’un coup, tu voudrais être le centre de son monde comme tu en as fait le centre du tien. Tout d’un coup, et c’est réellement plus prompt qu’un aigle qui fond sur sa proie, tout d’un coup tu comprends que tu l’aimes.


Tu la regardes, tu la suis parfois, tu te renseignes sur elle et tu trembles de colère ou de peur, tu ne sais pas, à chaque fois qu’un autre étalon vient lui parler, car elle est si séduisante que tout un chacun ne peut que la désirer, c’est ce que tu en penses, toi…et puis tu lui parles, et un beau jour c’est l’attirance qui gagne le combat contre la réserve et tu oses la toucher, l’approcher, la dévorer des yeux. Et si les cieux sont avec toi –ils le sont bien souvent-, tu comprends qu’elle ne rêvait que de cela, elle aussi.



C’est là que commencent les plus beaux moments. Vous vous tournez autour, vous vous jetez des regards en coin ou vous demeurez l’un à côté de l’autre, immobiles et n’osant vous toucher – mais c’est le frémissement de vos corps qui raconte à tous à quel point vous rêvez de vous serrer l’un contre l’autre -, vous vous parlez de tout, de rien et surtout de rien, mais vous avez l’impression que vous n’avez que des points communs. Elle te fait comprendre qu’elle n’est pas dupe et toi tu fais de même, et vous jouerez peut-être à chat, chacun tantôt chasseur tantôt proie, heureux d’être pris autant que de prendre. Pour moi, c’est une époque bénie où l’un comme l’autre savez ce que vous voulez et ce que vous désirez – l’autre, et seulement lui, et surtout lui – et où vous faites mine de n’en rien savoir pour le plaisir du jeu. Puis l’un de vous deux prendra son courage à deux mains et osera d’autres contacts, d’autres approches.


Et un beau matin, vous réalisez que depuis trois jours vous ne vous êtes pratiquement pas séparés, et peu à peu prenez l’habitude de ne plus jamais vous séparer. Et elle est alors le centre de ta vie, plus encore qu’elle ne l’avait été aux débuts de votre histoire, quand naïvement tu croyais que tu éprouvais l’amour le plus puissant du monde. Elle est là, et pour elle j’ai tenté d’être fort et doux à la fois, mais nul n’est plus forte et douce qu’elle. Et mon bonheur n’a de sens que quand il se reflète dans ses yeux, qui demeurent encore et toujours plus scintillants que les plus belles des étoiles, et plus emprunts de mystère que la Lune elle-même.



Il y a quelque chose de magique à me revoir, hésitant ou maladroit, et à sentir dans ses yeux tout ce qu’elle peut m’apporter et tout ce que je suis devenu pour elle. Quelque chose d'incroyable à voir comme j'ai pu être seul sans elle, sans jamais savoir qu'un jour je sentirai un autre coeur battre contre le mien et que je pourrai en dire : "Lui, il est à moi".

Je crois que le plus beau moment dans l’amour, c’est celui où je réalise que dans ses yeux à elle, je suis fort, je suis beau, je suis invincible, et je suis sur un piédestal qu’elle m’a construit pierre par pierre, jumeau de celui sur lequel je l’ai placée. Je peux trébucher, je peux chuter, je peux même me blesser gravement, dans son regard restera toujours la confiance et c’est la force de ces yeux-là qui constitue les fondations sur lesquelles je peux me construire ou me reconstruire. Je… »

Interruption. Rougissements et petit rire.


« Je parle à la première personne, je n’avais pas remarqué ! Mais ce que je vous dis n’en est pas moins vrai. Je crois que l’amour, c’est d’avouer à l’autre : « Tu m’intéresses », chaque jour davantage, et d’entendre les mêmes mots de sa part à elle. Y a-t-il plus grand moteur en ce monde ? »