† Je me croyais fort, je n'étais alors qu'un ange éphémère. † Vif-Argent|Thanatos & Libre †

Je me croyais fort, je n'étais alors qu'un ange éphémère.

Qui était-il? D'un noir de nuit, au corps fin et puissant, il allait, répandant la terreur sur son passage. Digne fils de son père, ce chasseur allait de ses allures élastiques. Souvent, un être aux allures de loup croisait son chemin et leurs regards se faisaient carnassiers. Parfois, l'un bondissait sur l'autre et tous deux se lançaient dans un simulacre de combat. L'étalon, souvent, avait le dessus. Il était vif et souple, un vrai combattant. Et lorsque ses puissantes mâchoires claquaient, le chien reculait généralement, car c'était trop. Liés l'un à l'autre, ils se connaissaient à la perfection. Et le guerrier noir allait, ce jour-là, trottant et allongeant la foulée comme un danseur. Son cœur battait l'infernale chamade tandis que sa respiration courte sifflait. L'hiver, de nouveau, le faisait tousser et parfois hoqueter dans son allant, mais il se débattait toujours avec la fatigue pour continuer d'aller de l'avant. Il se débattait avec la Maladie qui reprenait son souffle pour se battre et aller de l'avant. Prédateur parmi les prédateurs, Vif-Argent était un Shikaku, fils du Démon vêtu de Nuit et d'une Vipère d'une autre contrée. Il allait de paire avec Thanatos, l'Incarnation de la Mort. Car, bien que chien plus que loup, l'animal était un tueur, un traqueur, un impitoyable prédateur. Et cette nuit là, parmi les fondrières, tous deux se baladaient de leur allure si rodée. Flancs contre flancs, leurs pensées ne faisaient plus qu'un et ils s'étaient lancés dans leur traque, cherchant une proie à leur hauteur.

Je me croyais fort, je n'étais alors qu'un ange éphémère.

Son corps puissant ne s'enfonçait pas dans la neige, si léger qu'il était. A peine plus d'une plume. Il trottait, infatigable semblait-il. Et le bel animal, à l'allure longiligne, qui l'accompagnait, ne semblait pas plus que lui souffrir du rythme. L'un comme l'autres étaient rodés. Et si la faim se faisait sentir pour le Saarloos, c'était la soif de sang frais qui faisait se mouvoir le fin Tueur. Tous deux se croyaient seuls. Les pistes dataient. Aucun cheval n'était passé, les marques n'étaient plus qu'un souvenir. Parfois, alors qu'ils avançaient, leurs corps s'enfonçaient profondément dans le manteau blanc et ils bondissaient à l'unisson pour se libérer. Leur odorat était ouvert à la nuit. Le vent ne leur apportait aucune odeur. Puis, enfin, la fragrance sucrée et caractéristique d'une jument vint effleurer les naseaux du noir. Son regard se planta dans celui de son compagnon carnivore, qui détala à toute allure. Thanatos s'en allait rabattre l'animal piégé. L'étalon s'élança alors. S'il mit quelques foulées à décoller, il prit bientôt de la vitesse malgré la poudreuse qui ralentissait son allure à de nombreux endroits. Ses muscles se tendaient sous sa peau. Au moment où il vit la jument, quelques mètres plus loin, il vit aussi Thanatos, crocs découverts, qui était passé à l'avant de l'animal et jappait, aboyant et hurlant à moitié, les babines retroussées. Bientôt il grogna, menaçant, et le Guerrier Noir arriva à son tour.

Vif-Argent avait toujours été doué pour ce qui était des arrivées remarquables. Il venait de repasser dans un trot aérien et rebondissant, passablement agréable à l'œil. Son encolure arquée mettait en exergue sa musculature fine. A cela, le loup se redressa et pointa les oreilles vers la jument. Ils joueraient, avant de se battre. Car à deux chasseurs contre une jument seule, elle ne leur échapperait pas. La voix tout à fait délectable de l'étalon, à la fois grave et profonde, mais aussi coulante et avec un petit quelque chose d'hypnotique, glissa agréablement - trop, peut-être - dans la plaine blanche.

« Eh bien, eh bien Thanatos. Voilà une fort peu agréable façon de saluer une dame... Veuillez pardonner son manque de respect à mon compagnon de route. Il se nomme Thanatos, et je suis pour ma part Vif-Argent. Puis-je me permettre de vous demander comment vous vous nommez? »

Longue révérence et sourire à faire fondre. Son regard aussi, luisait. Doucement, la flamme de sa Folie allait croître et, bientôt, l’Élégant laisserait place au Meurtrier. Patience, se murmurait-il en lui-même. L'être lupin vint se placer contre les antérieurs de l'étalon. Il n'y avait qu'un mouvement à avoir et il bondirait. Mais il feignait désormais le calme. Sa voix resterait sûrement, comme souvent, un mystère.