[EVENT - Fête du Printemps - Sujet principal] - Souveraine exubérance

Le printemps est venu :
comment, nul ne l'a su.
Nouvelles Chansons
d'Antonio Machado
Renji; Soleil

Le massif étalon noir se sentait petit à petit renaître. Le printemps revenait, ravissant la place de l’Hiver mourant qui emmenait dans sa tombe les douleurs articulaires pour une année. Certes, il allait renaître, c’était une douloureuse certitude. Mais jamais, pensa le cheval, ô grand jamais il ne serait si troublé. Alors que les Clans se remettaient à peine de la bataille contre les Shikakus, alors que les cœurs encore étaient blessés, il fallait désormais faire face aux Fidèles, une nouvelle menace. Le Chef en partage du Soleil était las de cela, et c’était pour cette raison qu’il avait annoncé à son ami, Sun Star, qu’il se retirerait du pouvoir. Il voulait apaiser les troubles avant, et permettre à l’autre Chef de lui trouver une succession. Il avait bien laissé entendre le nom de Lusitania, son amie, que certains pensaient à tort sa compagne, et attendait que cela soit approuvé, ou, au contraire, rejeté. La réponse, de toute manière, serait juste.

L’arabo-frison cheminait donc avec la jument pie de son Clan. Elle l’avait décidé à aller observer les fidèles dans leur fête. Bon gré mal gré, il avait plié l’échine et l’avait suivi. Il savait bien qu’il y croiserait du monde et, bien au contraire, il voulait du calme pour réfléchir aux événements, à sa décision, à la suite de sa vie. Il soupira, en entrant dans la Clairière. Il eut un frémissement en regardant une trouée encore bien apparente et la scène revint devant son regard aussi horrifié qu’au premier jour. C’était ici. Il secoua la tête. Tout cela était impossible aujourd’hui. Peut-être les Shikakus viendraient, mais juste pour amuser la galerie de Fidèles, de grands adorateurs de beaux combats tant que Mort ne s’en suivait pas. Il soupira et posa ses naseaux contre l’épaule de son amie, la prévenant ainsi qu’il allait la laisser vaquer à ses occupations. Il avait en effet vu Thunderhead, le second de Black depuis de longues années. Si les relations de Renji et du Chef et l’Ombre étaient tendues, il n’en restait pas moins qu’il pouvait toujours aller saluer un ancien camarade.

Il avança d’un pas égal vers le Lethal White, qui le dominait par la taille. Cet étalon-là était vraiment énorme ! Mais Ren’ n’avait pas peur, ils n’avaient jamais eu de soucis d’entente et ce n’était sûrement pas aujourd’hui que cela commencerait. Il alla donc le saluer avec tout le respect que son rang lui accordait, gardant néanmoins cette réserve que son propre rang lui ordonnait. Sa voix était tout de même chaleureuse et il n’était pas fier et hautain, loin de là. Il avait, pour beaucoup de choses, gardé la simplicité de son rang natal : simple suiveur.

« Bonjours, Thunderhead ! Comment te portes-tu ? »

Les peines de jeunesse sont
comme les orages de printemps :
de courte durée et vite dissipées.
Sa marotte
de Luc Rochefort
Lusitania; Soleil.

La jument pie marchait aux côtés de son plus ancien ami. Quand il semblait hésiter, cette dernière lui donnait un amical coup de tête sur l’épaule en continuant elle-même son chemin. Renji lui paraissait par trop soucieux, et elle l’avait obligé à sortir de son habituelle routine. De par sa curiosité, la jument, encore jeune, voulait comprendre en quoi consistaient ces Fidèles, avec exactitude. Elle qui, jusqu’à présent connaissait précisément le contexte politique de tout Wild Horses était quelque peu troublée qu’on vienne troubler la tranquillité du lieu. C’est pourquoi elle allait d’un pas vif vers le Lieu de la réunion.

De plus, le frison lui avait fait part de son idée, qu’elle jugeait folle. Pourquoi quitter son poste ? S’il avait du mal, c’était qu’il était consciencieux, trop appliqué peut-être dans sa tâche. Elle déplorait qu’il eut à se retirer, car elle savait mieux que quiconque qu’il était voué corps et âmes à son Clan et que, il lui avait dit, c’était une aubaine pour lui que d’être nommé à la tête du Clan. C’était sa chance de se montrer voué. Hélas, il allait renoncer. Pour quelle raison ? Elle ne le savait pas. Il n’en avait donné aucune raison. Elle ne savait pas non plus que le cheval souffrait des articulations et que, s’il se mouvait difficilement, ce n’était pas car il n’avait pas envie de se presser et qu’il était accablé par le devoir, mais parce qu’il ne pouvait guère aller plus vite sans souffrir plus que de raison. Elle tourna son regard inquiet vers le croisé.

Native du Soleil, elle n’en connaissait pas moins les Terres Libres comme son marquage coloré. Elle connaissait aussi plutôt bien les Terres Claniques, sans pour autant les avoir explorées avec exactitude. Elle avait respecté les Frontières, toute sa jeunesse. Elle émit un soupir en quittant son territoire natal. Elle fit un pas dansant avec gaieté et accéléra encore le pas. C’est ainsi qu’ils arrivèrent tous deux au lieu de rendez-vous. Il y avait encore peu de monde. Les plus remarquables étaient Arpango, debout sur une sorte d’estrade, en train d’orchestrer sa cérémonie, Thunderhead, le grand mâle à la robe décolorée vers lequel semblait se diriger Ren’ et une jument qui était inconnue aux yeux de Lusitania. Piquée de curiosité, la Paint se dirigea vers l’inconnue, un sourire très gentil sur le visage. C’était bien pour faire des rencontres, qu’elle était venue ici.

« Bonjour, je suis Lusitania, du Clan du Soleil. »

L’autre, si elle le souhaitait, se présenterait.

Vif-Argent; Shikaku.

Son trot cadencé et aérien raisonnait autour de lui. Il arquait fièrement l’encolure sous la douceur du printemps. Sa queue empanachée était une bannière de nuit qui flottait à sa poursuite et sa longue crinière de jais s’envolait à chacune de ses foulées – chacun de ses battements d’ailes aurait-on pu dire. Il avait cette grâce ardente à l’aspect dangereux qui flottait sur ses traits cruels mais aussi terriblement mâles et séduisants. Il avait cette fierté innée des Chevaux de Sang et sa longue Maladie semblait lui laisser du repos, désormais, alors que la belle saison était bien implantée. Son poil désormais court était luisant de santé, doux et soyeux aussi. Sa longue crinière était redevenue une masse ondoyante qui prenait des reflets sauvages lorsqu’elle dansait sur son encolure. Sa longue queue était d’une finesse de soie. Et sa pelote, son étoile, au centre de son front, était resplendissante. Sous le soleil, le moindre de ses mouvements vifs lui donnait un reflet argenté qui lui avait valu ce nom.

Son odeur était présage de mort et s’il filait si bon train avec cet air amusé et impatient lui dessinant un rictus peu engageant, c’était bien que le cheval savait qu’il y avait une cérémonie. La fête du Printemps… Mais quelle idée de s’y rendre ? Simplement, les Fidèles aimaient les combats et ses jeunes membres semblaient rouillés de ne pas s’être battu depuis si longtemps. Il baissa la tête en passant sous une voûte d’arbre. Les sons de la fête parvenaient lentement à ses oreilles et il accéléra encore. Il prit un galop, long et souple, avant de volter en suivant la source du bruit. Il cala sa foulée trop ample pour galoper par petites foulées, petits bonds, rebondissant de tonicité, l’encolure dressée pour que sa crinière soit une bannière, tout comme sa queue. Son profil de cheval de Sang se voyait d’autant plus. On devinait une belle musculature sous sa robe, même s’il était encore quelques peu creux.

Vif-Argent ne pila qu’une fois dans la clairière. Son arrivée serait ou non remarquée, il s’en fichait pas mal. Il dessina un très léger arc avec son encolure, l’air que ce soit tout naturel et avança d’un pas allongé et lent, pourtant raisonnant de force. Il tourna ses oreilles fines vers l’avant et huma l’air. Ils connaissaient quelques odeurs. Lentement, il détailla les alentours. En premier, il avisa deux juments pies, aux côtés d’une jument qu’il connaissait déjà. Il gratta le sol d’un antérieur, lentement, sans faire de vagues. Il avisa ensuite un étalon décoloré et un autre noir qui partaient à l’écart. Il s’en désintéressa de suite. Il avisa seulement après son père, près du trio de juments et avança jusqu’à lui. Il le salua avec la déférence qui était due à un guerrier plus expérimenté, d’un vif hochement de tête, se tournant après vers les juments, son regard s’attardant sur Amaëlle. Son regard coula rapidement sur l’étalon et il l’oublia dans ses salutations.

« Mesdames… »

Il inclina le port avec fierté pour les saluer et écouta d’une oreille discrète les arrivées.

Lusitania; Soleil.

Lusitania fut surprise par l’attitude de la jument qu’elle venait d’accoster sympathiquement. Elle semblait terrorisée. La jument pie lui fit un sourire plus gentil encore et lorsqu’elle lui demanda de ne pas lui faire de mal, elle secoua la tête calmement.

« Non, ne vous inquiétez pas, je ne suis pas là pour… »

Elle ne finit pas sa phrase qu’une autre jument pie percuta la pauvre terrorisée. Elle la regarda d’un air surpris et la salua tranquillement d’un signe de tête. Ils faisaient une sacrée équipe ! Lusitania regarda autour d’elle, car il y avait un grand afflux de monde d’un seul coup. Les groupes se séparaient et partaient discuter à l’écart. C’est ainsi qu’elle vit son ami s’éloigner avec le grand Léthal White qui était sûrement un de ses anciens camarades de clan. La jeune femelle détourna le regard et c’est ainsi qu’elle aperçut une silhouette bien connue sur ces terres. Black Hole, le Fantôme Noir, s’approchait. La Soleil hocha la tête lorsqu’il les salua, prenant une voix trop bienfaisante pour être vraie.

« Oh, Black Hole ! Enchanté de te rencontrer enfin en chair et en os ! Si tu cherches Renji, il est parti avec Thunderhead. »

C’était dans sa nature de se méfier d’un Shikaku. Mais elle ne s’attarda pas là-dessus, il n’était pas dans son habitude d’être venimeuse c’était juste que… La proximité entre les deux mâles noirs, c’est-à-dire Ren’ et Hole, l’inquiétait car elle craignait qu’on ne jugeât son ami par les liens d’amitié très profondes qu’il avait lié avec un ennemi. Elle vit alors un autre cheval arriver et elle le salua d’un signe de tête, sans faire attention à qui cela pouvait bien être, trop focalisée par l’entrée en scène d’un étalon noir de nuit. Il vint d’ailleurs, et l’étrange ressemblance qu’il avait avec l’autre noir de la conversation la surpris. Elle inclina la tête avec un sourire avant de reculer d’un pas pour suivre la conversation.

Bon chien chasse de race.
Proverbe de je sais plus où x)
Vif-Argent; Shikaku.

Argent regarda tranquillement son père, une lueur dansante dans le fond du regarf. Comment avait-il pu croire qu'il lui en voudrait pour être parti si longuement avant sa réponse? Le noiraud se retint de justesse de coller ses naseaux contre ceux brûlants de son géniteur. La tendresse n'existait pas, dans leur monde. Les sentiments étaient proscrits, selon toute vraisemblance. Pourtant, souvent, les règles n'étaient pas respectées.

L'étalon noir vit Si Beau. Ce bai-là ne lui inspirait pas confiance mais il était de son groupe et il s'obligeait à mettre sa suspiscion en arrière lorsqu'il le croisait. Son coeur était intact de cette méfiance innée, pourtant il réussit encore à ne pas trop le montrer. Il y avait aussi la jument claire qu'il avait rencontré, sous la Lune de Sang, sur le territoire du Soleil. C'est après cela qu'il hocha finalement la tête et s'éloigna du groupement, alors que son Père se retirait justement avec une jument pie. Il se mit légèrement en retrait par rapport aux groupes, les muscles bandés et un sourire amusé et carnassier sur les lèvres, il attendit. Quoi? Il ne le savait pas exactement, pourtant, il l'attendait fermement.

C'est alors que son regard se planta sur Si Beau avec une intensité considérable. Les muscles tendus et l'attitude provocatrice, il fit quelques pas dansants jusqu'à un endroit dégagé, hennissant par la suite avec défi, fixant toujours le bai. Etait-il devenu fou? Non, pas le moins du monde! Il avait juste besoin de jouer et de montrer sa force. Malgré son air de crevette, le jeune mâle attendit de pieds ferme qu'arrive Sib'. S'il se dégonflait... Non, le Shikaku bai ne se dégonflerait pas, il le savait.

La patience ne mène qu'à l'attente.
Vif-Argent; Shikaku.

L'étalon noir virevoltait au moindre de ses pas. Il était léger et élégant malgré la tension de ses muscles. Il avait ce sourire ravageur mais pourtant fou de ceux de son espèce. Il était en attente d'un comabt et si le moindre de ses muscles tressaillait d'impatience, il n'irait pas pour autant chercher Si Beau. Il savait que l'autre se moquait ouvertement de lui, en ne venant pas. Ce rire qu'il lâcha alors ne fit qu'accentuer l'amusement qu'avait le fils de Black Hole. Il leva avec fierté la tête. Il était conscient que certains chevaux les regardaient tous deux. Autant en profiter pour tenir tête à l'entier bai. Son rire froid déchira l'air, tandis que le noiraud plantait un regard purement et simplement amusé sur son adversaire.

« Alors, on se défile? Tu as peur, Si Beau? »

Il s'imaginait bien qu'il lui rierait au nez, mais ce n'était en rien par dépit que Vif-Argent provoquait son congénère. Il se fichait pas mal de lui, en fait, et il prenait ça avec plus de fierté qu'autre chose. Sauf qu'il était sous-estimé. Mais il n'en était en rien frustré. C'était plus une force, pour d'autres combats. Si on le sous-estimait, il n'aurait qu'à utiliser sa pleine puissance dès le départ pour mettre à genoux son adversaire. Son sourire carnassier et dangereusement sûr de lui étira ses lèvres noires et satinées.