Une longue route.

Sa silhouette détonnait dans le paysage immaculé. Les récentes chutes de neige avaient métamorphosé les terres, que l'entier ne connaissait pas encore bien. Il les avait marché rapidement, depuis son arrivée quelques jours plus tôt à peine. Mais il était exténué, à force. Aussi restait-il immobile, dans la neige, souffrant en silence du froid qui le gelait jusque la moelle. Même s'il l'avait voulu, le pauvre n'aurait pas même pu bouger, trop malade. Oui, la maladie l'avait reprit, et sa respiration sifflante le fatiguait. La grippe, sûrement. Ou une malformation, un décollement pulmonaire dû au combat... Il n'aurait su le dire. En tout cas, ce n'était pas la forme, pour un pareil jeune guerrier. Il toussa, dans l'immensité, seul, perdu. Mais quelle idée, de partir à l'aventure si jeune? Il le savait, le pourquoi, et s'en montrait fier. Alors, Vuf-Argent releva la tête.

Dans la plaine dénudée et glacée, une seconde silhouette était apparue, plus loin. Noire, massive, elle avançait. Aussi le quatre ans se secoua-t-il pour sortir de sa torpeur. Il serait prit en terres ennemis. Il pourrait être chassé, ce qui reviendrait à le tuer, vu son état. Même s'il allait plutôt pas trop mal, il était gelé, avec une respiration difficile. En rien il n'était un danger. Alors que l'autre cheval était plus proche, il baissa la tête, signe qu'il n'était pas là pour défier quiconque. Non, il se

Que lui prenait-il? Et bien il n'était pas en mesure de combattre, aussi préférait-il faire, pour l'une des premières et surement rare fois de sa vie, profil bas.

[Attention ! Tu ne ferais pas un peu de Power Gaming ? Si j'me trompe, sorry ^^'. K-rotte]
[Chamallow: Non, pas de problème, c'est la "silhouette noire qui avance qui te perturbe"?^^ mais c'est bien d'être vigilante, K-Rotte!]

Spoiler:

Black Hole, après le coup dur qu'il avait traversé suite à l'attaque des Shikaku, avait enfin retrouvé sa forme d'antant, grâce à ses proches, et surtout à son Frère de Coeur. C'était à ses six ans qu'il avait, pour la première fois, foulé cette terre de glace, qui résonnait en lui comme une promesse d'infinie et peut-être même d'immortalité, même s'il n'y croyait pas. Il savait, du haut de ses dix belles années, que, tapie derrière une ombre, la Mort le guettait. Depuis ses plus tendres souvenirs, l'étalon noir se battait, pour des raisons qui lui avaient bien souvent échappé, si ce n'est qu'il ne faisait qu'appliquer la vieille règle: "tuer pour ne pas être tué". Pourtant, aujourd'hui, le Shikaku savait qu'il avait usé son capital, et que ce n'était plus qu'une question de temps. De toute évidence, la relève était déjà là, et elle bouillonait de s'épanouir.
Il avançait donc, au pas, relevant haut ses membres noueux, qui le portaient avec légèreté, si bien qu'il ne s'enfonçait que relativement peu dans l'épaisse neige. Une fois encore, sa démarche était dansante, presque royale. Dansant, il se mouvait tel un prédateur qui vient narguer ses ennemis. Que l'on me fasse obstacle, je vous défie de me faire tomber! Comment avait-il retrouvé pareille vigueur? Seuls quelques intimes savaient, et cela arrangeait l'entier, pour tout dire. Du pas, il prit le trot, encore aérien, mais déployant cette fois mille lignes d'énergies, qui distillait comme un souffle de puissance autour de lui, allumant sa pelote qui trônait fièrement sur son front d'une éclatante couleur blanche et tranchante.

Il remarqua alors, non loin de lui, une silhouette toute aussi sombre que la sienne, plantée en plein milieu de l'étendue désertique. Alors, la bête jusque là tranquille changea du tout au tout. Ses muscles se contractèrent, créant mille reflets sur sa robe de Ténèbres, et son allure s'accéléra, se mutant en un galop diabolique. Il fonçait droit sur la silhouette qui se détachait du paysage, ou fondait, à la manière d'un rapace. Enfin, à cinq mètres, il planta ses membres dans le sol, dérapant sur un mètre tout au plus. Là, il se cabra de tout son haut, sa crinière jais se dressant comme une crête sur son col arqué, tout en abandonnant un puissant cri rauque parcourir la plaine...

[Tu te trompes Pépite.]

Le jeune étalon voyait la silhouette accélérer, de plus en plus, jusqu'à se lancer dans un galop diabolique. Un instant, il eut peur que le combat fut imminent, ou que le nouvel arrivant ne lui fonce dessus, directement. Pourtant, il resta en place, là, fier comme il pouvait l'être en montrant qu'il n'était pas un intrus venu tuer. Il était immobile, les oreilles pointées en avant, le regard droit. Il ne cilla pas, pas même lorsque l'étalon à la pelote galopa et pila, près de lui. Non. Il se contenta de rester droit. Passif, en quelques sortes. Pourtant, il observait chaque mouvement. Doucement, Argent releva la tête, humant l'air. C'était un de ses nouveaux frère d'arme, qui était là. Aussi savait-il qu'il ne serait pas chassé.

Il releva la tête, avec fierté. Il avait ce quelques chose de beau et de majestueux qu'ont les guerriers, alors qu'il était fièrement dressé. Pourtant, une quinte de toux le prit, et il détourna la tête, encensant avec violence, cherchant l'air froid qui lui brûlait les bronches et ne voulait pas s'engouffrer. Finalement, cela passa, et bientôt il n'y eut plus qu'un léger sifflement qui indiquait un quelconque souci respiratoire. Lentement, il reporta son attention sur son aîné. Il inclina légèrement le port, salut respectueux pour un supérieur, avant de dire, d'une voix rauque, son nom:

« Vif-Argent »

Son regard scrutait celui du mâle, dont il ne connaissait pas encore le nom. Relevant haut la tête, Vif dénuda, sans le vouloir sa petite pelote immaculée, seule chose qui n'était pas noire, de son individu. Ses muscles effilés, sous sa robe de jais, tressaillaient, alors qu'une bourrasque glaciale s'élevait, le laissant transit jusqu'au plus profond, encore jeune de ses tout juste quatre ans.

[C'est pas grave ce qu'il a au coeur, hein? Une longue route. 41660

]

Enfin, le puissant guerrier se laissa retomber au sol, des gerbes de neige valsant sous sa masse qui se trouvait être, en cet instant, comme démoniaque. Il sombra ensuite dans une pesante immobilité, trahie seulement par le tressaillement de ses muscles tendus. Une bourrasque de vent s'abattit alors sur eux, découvrant son front, jusqu'alors caché par son toupet jais, dévoilant ainsi sa large pelote immaculée. En plongeant ses grands yeux noirs dans ceux du jeune guerrier, il crut se retrouver 6 en arrière. Quel choc cela lui fit! C'était exactement cela, à la différence près qu'à cette époque, il écumait le Territoire, et non Wild Horses. Mais ce regard, sa stature et sa fierté... Etait-ce un miroir qui s'était dressé ici? Comme perdu dans un songe, il aurait laissé filer le temps, pour contempler ce qu'il croyait être son reflet; mais cette statue pleine de jeune vigueur exécuta un salut poli de tête, ce qui le tira de son rêve éveillé. Le Démon vêtu de Nuit rendit son salut au Shikaku, inclinant gravement son profil droit, exposant un chanfrein barré de trois cicatrices obliques et aciérées. Black Hole redressa alors la tête, continuant de darder son regard sur le jeune animal, qui semblait souffrir d'un problème pulmonaire. Ses enfants n'avaient qu'un an, et face à ce jeune Shikaku, il ne se sentait pas de déployer la force du "groupe". Il voyait bien, à la carrure de Vif Argent, qu'il savait quel Clan il avait choisit, et surtout, pourquoi il avait fait ce choix. Alors, il se contenta de poursuivre, de sa voix chaude à l'écho prédateur:
"Alors enchanté, Vif Argent. On me nomme, en ces lieux, Black Hole. La saison est bien fraîche pour voyager, non?"
Un sourire presque chaleureux passa sur ses lèvres, avant de s'éteindre quelques secondes seulement après.

[C'est pas le coeur, c'est les poumons, mais non c'est pas grave! Ou pour le moment, je jouerai peut-être dessus dans un futur pas très proche MDR]

Ils étaient deux mâles semblables. L'un, plus fin, moins vieux, avait déjà la grâce noble des Assassins qui savent faire le bon choix, au bon moment. Et, tendu sur ses aplombs, il observait de ses yeux sombres, sans fond et où on pouvait voir son âme guerrière, les traits bien plus dangereux de l'autre grand mâle, qui, lui, déjà bien plus âgé, était d'une puissance guerrière et farouche, un étalon déjà capable de le tuer sans se fatiguer, sans se blesser. Un véritable Shikaku. Tous deux se dévisageaient, silencieux, conscients d'être de la même sorte, fais du même bois, du même feu. Là, le Shikaku s'inclina aussi, donnant à son tour son nom, sa voix prédatrice entrant dans les oreilles de Vif-Argent. Ce dernier tourna les oreilles, les pivota lentement, pour marquer une certaine compréhension. Pourquoi dire "enchanté", lui aussi? Ce ne pouvait être qu'un honneur, pour lui, de rencontrer pareil guerrier, qui ne chercherait pas, pour une fois, à le tuer.

« Oui, cette saison est bien froide, mais depuis que j'ai passé ma première année, je suis seul, vagabond, et guerrier pour sauver ma pauvre peau. Tout cela pour la belle cause, néanmoins. »

Non, encore, il ne pouvait se permettre de faire étalage de sa vie sans qu'on ne lui demandât plus, sur cette noble raison. Ses yeux sombres, dépourvus de leur habituel réserve, laissaient entrevoir la fierté qu'il avait, en lui, de rechercher son passé.

[Sauves-le!! ♥]

Black Hole laissa encore son regard errer un peu sur le corps de l'étalon qui se tenait devant lui, déjà droit et solide aux vues de son jeune âge. Pourtant, quelque chose, dans l'animal qu'était Vif-Argent, dérengeait le Shikaku sombre. Ils étaient effectivement tout deux vêtus du même habit, et, de plus, le nouveau venu présentait une pelote blanche au milieu du front. Choquante ressemblance qui n'échappa donc pas à l'oeil avisé de Hole. Pourtant, il tenta de masquer au maximum son expression d'étonnement, se forgeant par conséquent un visage assez simple et froid, dénué d'une quelconque expression. Un instant encore, il laissa traîner son regard vers au-delà le corps chaud de l'étalon, se perdant dans l'immense étendue blanche, revisitant quelques jouttes qu'avait engendré son espèce. Muet, il ne cessait de faire des allers-retours, entre paysage et protagoniste, posant son regard brûlant sur chacun des deux, comme si, à tout moment, un brasier allait s'allumer. Black Hole ne voyait pas, dans ce face-à-face, une rencontre entre deux vieux Loups. Il voyait juste, avec une once de sourire amère, la nouvelle génération. Ô, vie trop vite passée, tendres années trop vite dispensées... Mais que cette génération serait belle! Il était aujourd'hui comme un "ancien", et c'était son tour d' "éduquer" la jeunesse, de leur apprendre ce qu'était un Shikaku. Au bout de longues minutes, il reprit, de sa même voix enjôleuse:

"J'en conclus donc que tu es bon guerrier, puisque te voilà ici et debout. Et quelle est cette cause qui te tient au coeur, jeune cavale?"

Un long sourire s'étira sur ses lèvres, pas une grimace carnassière, plutôt une esquisse sincère et presque tendre, s'il n'y avait pas eu ce reflet follement sauvage dans ses grands yeux noirs.

[T'en fais pas ^^]

Argent soutenait sans fléchir le regard de l'aîné, de l'ancienne génération de Tueurs. Il avait cette fierté, qu'on lui avait dit tenir de son père, alors qu'il était poulain encore. Et aujourd'hui, il voulait faire honneur à ce cheval, grand dans son coeur. Mais le silence se prolongeait, tandis que l'adulte regardait tantôt le jeune, tantôt le paysage. Seules les quintes de toux de Vif venaient troubler le silence de la journée froide. Alors que Black Hole reprenait, il semblait presque amical. Et le jeune lui répondit, sans se cacher, les naseaux frémissants:

« Toute ma vie, je me suis battu. Et je suis né pour me battre. Je suis à la recherche de mon Père. Ma mère m'a tu son nom, toujours. Et la seule chose que je sais de lui, c'est qu'il a quitté notre territoire avant ma naissance, pour vivre sa vie de Guerrier là où le porteraient ses sabots. »

En disant cela, il porta son regard vers l'horizon, doucement, pour regarder par-delà les montagnes. Il ne savait pas où il devrait s'arrêter, car même s'il devait y laisser sa peau, il irait, droit devant, cherchant son père, cherchant son ascendance. Il planta de nouveau son regard jeune dans celui de Hole, le dévisageant noblement.

[Désolée, micro-mini, mais je ne sais pas quoi ajouter et faut que j'aille me coucher :/]

[Tkt, ta réponse est très sympa^^]

Le profond poitrail de l'étalon noir se soulevait avec lenteur, comme s'il était satisfait de quelque chose. Sa respiration calme insinuait un sentiment de paix, de douceur, presque, dans cette immensité assassine. Pourtant, le tressaillement infernal de ses muscles ainsi que son regard trahissaient la multitude d'activités qui se produisaient en lui. Black Hole ne pouvait se défaire de cette flagrante ressemblance, de cet étrange "quelque chose" qui ne cessait de tirer son passé dans son esprit, de l'amener sur la table au tapis vert. Il fallait jouer, et le faire rapidement. Alors, détaché, il se décida à plonger. En une seconde, il perdit quatre ans, le ramenant à ses impériaux six ans, alors qu'il quittait à peine le Territoire, et qu'il découvrait ce que l'Etalon Blanc avait appelé, vulgairement et avec mépris, le "Monde". Hole avait toujours senti comme un besoin de guillemets autour du mot quand il l'entendait dans la bouche du grand mâle. Et quel regret il avait pu voir dans ses yeux! Là, il avait rencontré une charmante créature... Belle, fine et élancée, la première à ne pas l'attaquer. Quel était cet étrange monde? De leurs jeux innocents était né un fort sentiment amoureux. Le jeune étalon noir avait eu l'impression d'être aimé, plus qu'accepté et reconnu. C'était la une nouvelle satisfaction qui n'avait fait, à l'époque, que gonfler son orgueil de guerrier. Mais le rêve s'était vite brisé, ne laissant qu'un vague sentiment de vengeance... Il se souvint soudain, au milieu d'un sursaut, d'une nuit d'orage, chaude et étoilée, zébrée par des éclairs violets... Nuit qui les avait fait un, pour la première et dernière fois. Etait-il possible que? Non... Il avait eu de ses nouvelles pendant longtemps, et on lui aurait appris si elle avait été pleine.. En était-il vraiment certains?
Alors qu'il avait fermé les yeux jusque là, il les rouvrit soudain, découvrant deux vives flammes au fond de ses prunelles noires. Cet enfant guerrier, ce solitaire ett voyageur, était-il possible que...?

"C'est sans doute la meilleure école... Et, quel âge as-tu aujourd'hui, Vif-Argent?"

Black Hole aurait aimé poser une foule de question, mais il ne voulait pas sembler trop interressé.

[Merci ma BH ♥]

Le jeune étalon, tout dans sa beauté sauvage et encore jeune, dévisageait encore et toujours, sans ciller, son aîné à l'aspect si similaire. Aucune idée ne lui traversa l'esprit, malgré l'air songeur du Shikaku aguerri. Oui, Black Hole était songeur, les yeux clos, comme si quelque chose le retenait dans un autre monde. Malgré sa respiration calme, ses yeux avaient, eux, encore plus de sa Folie de Shikaku, alors que ses muscles tressaillaient. Impressions contradictoires s'émanant du puissant mâle. Mais il était dans son monde. Le monde du passé? Ou un tout autre, qui n'était que Folie et Violence, un monde où chaque cheval semblait Loup, au milieu des Clans? Patient, Vif-Argent laissa le temps s'écouler, statue de marbre noire planté sur ses aplombs droits.

Alors que l'étalon rouvrait ses yeux sombres aux flammes infernales pour fixer de nouveau le plus jeune, le malade toussa, un instant, avant de ronfler des naseaux nerveusement. Pourquoi était-il important de connaître son âge? Il leva la tête, avec un soupçon de méfiance, cherchant à savoir ce qu'avait derrière la tête Black Hole. Il finit par pousser un léger soupir avant de répondre, néanmoins aux aguets, sait-on jamais...

« On apprend ce que l'on a besoin d'apprendre, à notre façon, en étudiant les failles. Oui, c'est une bonne école, la seule qu'on m'a proposé pourtant. »

Il encensa, un instant, avant de gratter d'un antérieur le sol pour se défaire de son angoisse intérieure. Pourquoi l'adulte s'intéressait-il à lui, avec ses airs de ne pas s'intéresser? C'était des plus troublant, impression encore accentuée par cette étrange ressemblance, qui commençait à sonner faux, dans l'esprit torturé du jeune cheval en mal de connaître ses origines paternels.

« J'ai quatre ans, pour simplifier les choses. »

L'air méfiant, Argent recula d'un pas, sur la défensive. De toute sa vie, il avait appris que certaine chose n'étaient pas importantes, comme l'âge, et qu'il se mettait en danger, à divulguer certaines informations. Alors il se mettait en défense, totalement conscient que l'être face à lui le réduirait à néan. Son corps, encore formé comme celui d'un jeune, à peine dégrossi par rapport à celui d'un poulain sur certains points, étaiut fin et sec, aux aplombs beaucoup trop long pour leur finesse. Les soucis de santé lui avaient fait saillir les côtes et les hanches, le rendant effroyablement maigre. Mais, lentement, il avait reprit de l'état, devenant en même temps plus adulte. Désormais, fier et solide, il se présentait comme le futur meneur de ces terres, lorsqu'il serait devenu le guerrier qu'il serait; impitoyable et sans limite, puissant et agile.

pas

*Réveilles-toi, Black Hole, le moment est venu de rentrer chez tes frères, de relier avec tes racines... L'Amour n'existe pas, ne peut pas exister avec

. Seuls ton sang pourra guérir tes plaies.*

*NON!!!!*

*Pépite?*

Quelques minutes passèrent, et, alors que son corps était encore convultionné, il ouvrit les yeux, découvrant une prunelle noire et en feu, plus rageuse qu'avant. On pouvait y lire clairement tout les sentiments de Haine qu'il éprouvait, toute le folie qui rongeait son être et qu'il avait jusque la réussit à atténuer. Pour Black Hole, une page s'était tournée, alors que Pépite s'en était allée.
Enfin debout, il replongea son regard furieux sur le jeune étalon, ne tentant même plus de se reprendre. Il répondit, et sa voix sortit non plus douce et chaude, mais rauque et determinée, encore prédatrice, mais plus furieuse et sauvage, comme le hurlement du Loup.

"Tu es jeune, et tu auras tout le loisir de le voir, mais je préfère te le dire, pour que tu ne sois pas surpris quand ce jour arrivera: la Vie est une Gârce."

Black Hole était à présent bien droit sur ses aplombs, mais son souflle restait court et rauque. Son instinct furieux venait de s'éveiller, alors qu'il perdait celle qui avait été, l'espace de longues années, son amante, sa compagne, la mère de ses rejetons. Elle avait pris, en s'en allant, tous les efforts de bonté du guerrier, qui promettait ici de vouer sa vie, une nouvelle fois, à la Mort et aux Shikakus.

"Si tu savais comme cela les complique!"

Une ironie morne s'était échappée de ses paroles, alors qu'encore une fois, il se faisait lointain. Oui, il était parfaitement possible que cet étalon soit son fils. Devait-il aller droit au but, ou attendre encore, afin d emieux connaître le jeune cheval qui lui ressemblait tant. Et s'il était son fils, comment réagirait Bliss?

"Il faut que je te présente quelqu'un, jeune Shikaku."

Alors, il détourna la tête, et mis ses naseaux dans le vent, comme pour aspirer toutes les sentences de l'air. Vif-Argent, le suivrait-il?

Le jeune étalon dardait son regard étonné sur l'étalon noir, qui semblait être blessé, sans qu'il sache pourquoi. Il tomba au sol, écuma, respirant difficilement, les yeux clos, son sang chaud et rouge coulant lentement, perlant d'écorchures nouvelles. Mais que pouvait-il bien se passer? Il resta planté, sans un mot, sans un tressaillement. Il attendit, avec patience, que Black Hole finisse par se relever, semblant brûler d'un feu plus rageur encore qu'auparavant. La voix prédatrice ne surprit pas Vif-Argent, qui regarda son aîné avec cette même rage brûlante dans le regard, ce même air de fou et d'assassin. Il n'avait encore rien à envier à ses aînés de Clan. Il eut un rictus froid, tandis qu'un rire galçant s'échappa pour quelques bribes. Il répondit alors, avec une voix dont la sauvagerie était absolument totale.

« La vie m'a persécuté pour mon compte et je pense avoir compris que l'on ne peut rien attendre d'elle. Dès qu'elle nous propose une douceur, elle nous la retire alors que nous la savourons pour le plus. »

Il encensa furieusement, sa longue queue rugueuse battant ses flancs nerveusement, laisant quelques traces sanglantes par-ci par-là. Il s'immobilisa à la réponse de l'étalon. En quoi cela pouvait compliquer les choses, qu'il ait quatre ou mille ans? Il garda pourtant sa question, ayant appris que la curiosité était souvent une mauvaise chose. Une réponse sèche s'échappa de ses lèvres pincées.

« Tsss. »

Son regard de braise s'effaça une seconde, tandis qu'il fermait les paupières pour les rouvrir sur un regard qui semblait autrement plus intelligent. Il avait ce quelque chose qui fait qu'il semblait dangereux, non par sa force mais par sa ruse et son côté aliéné. Il n'en restait pas moins extrêmement habile dans l'art de la réflexion, cependant. Ses iris sombres semblaient plus larges, tandis qu'il laissait un sourire démoniaque s'étaler lentement sur sa face. Il inclina le port. Sans un mot, il prit le pas à la suite de son semblable. Il hésitait beaucoup, car il pensait foncer tête baissée dans un piège. Il était pourtant loin d'être naïf et c'était dit, simplement, que si cette personne connaissait son père, son voyage toucherait peut-être à sa fin.

A peine l'étalon avait ébauché quelques foulées déterminées qu'il s'arrêta. Son élan puissant fut réduit à une lourde immobilité. Non, il ne prendrait pas le risque de présenter cet inconnu à sa fille, à sa douce fille qu'il n'avait pas revue depuis... Ô, depuis tant de temps déjà! Et que dire de Thief of Dreams? Où était passé son fils si fragile et doux, ce jeune rêveur aux yeux bleux? Et ce jeune étalon, noir presque autant intensément que lui, à la même pelote blanche, qui était-il? Il se pouvait parfaitement qu'il soit son enfant, son fils, né de sa précédente histoire, qui lui avait causé tant de douleur, avant que cette blessure ne se transforme en haine, avec comme souvenir le refrain tant frodonné "je te tuerai". Alors seulement le guerrier fit demi-tour, dévisageant de nouveau le jeune individu. Son regard avait durçit, et brûlait toujours avec une foudroyante intensité. Black Hole ne tournerait pas autour du pot, il jouerait cartes sur table. Pas besoin de gant ni de pincette: ils étaient tout les deux Shikaku, et, de plus, le grand mâle était en position de force sur son cadet. Sa voix prédatrice résonna sur l'immensité du territoire, transportée par le vent frais.

"Je ne chercherai aucune diversion. Etoile. Grise et... Affreusement belle."

Cela était court, peut-être même trop court pour être appelé une description, mais l'étalon noir était convaincu d'en avoir dit assez, si Vif' avait pour mère la jument qu'il eut aimé.

[court ><]

Il suivit le guerrier qui esquissa quelques foulées, secouant son corps massif, avant de s'arrêter et de pivoter. Son expression était inquiétante. Non pas qu'il paraisse plus dangereux, mais il avait l'air de détenir une vérité qu'il serait peut-être bon de ne pas affronter. Le jeune enraya une quinte de toux en enfermant ses naseaux et ses lèvres dans son poitrail, sa large carcasse se soulevant fort deux fois de suite au niveau des côtes. Il eut l'impression d'imploser et ses yeux se voilèrent douloureusement, tandis qu'il était obligé d'être l'encolure vers l'avant et le bas pour tousser. Les hivers avaient été trop peu clément avec lui, lui jeune animal. Il n'avait pas mérité d'être ainsi affaibli et que les infections du passé reviennent à leur guise. Il secoua la tête verticalement, tentant par sa bouche et ses naseaux grands ouverts de retrouver haleine. Il s'immobilisa finalement, observant le cheval noir qui avait visiblement une annonce à lui faire.

Ce qui l'entendit le fit reculer. Etait-ce seulement possible? Son regard étonné et presque choqué se voila d'un sentiment plus sombre qu'il n'aurait su exprimer. Il avait l'impression que c'était impossible, trop beau pour être vrai. L'euphorie montait lentement en lui, alors qu'au final, la haine prenait aussi sa place. La grande question lui brûla les lèvres: pourquoi l'avoir abandonné? En tout cas, il y avait toujours une marge de chance pour que ce ne soit encore qu'une étrange coïncidence. Il hocha néanmoins la tête.

« Oui. Et un étalon noir, le Démon vêtu de Nuit, un apprenti de l'Etalon Blanc, qui disait que ma mère avait eut trop de chance qu'il l'aimât assez pour ne pas lui ôter la vie en partant. Si elle avait aimé mon père, elle m'a haï moi, et son nom, dans mon lignage, raisonne comme une insulte. »

Il devinait qu'il avait bien ce cheval noir à la pelote dont on lui avait parlé, de tout petit, face à lui. Il ne pouvait pourtant pas s'empêcher de vouloir s'en assurer. Cela paraissait si impossible, après quatre années sans famille et trois longues années d'errance, qui avaient bien failli avoir raison de lui? Le tourment l'étreignait avec la force d'une maîtresse qui ne voulait pas le laisser partir. Alors, sa carapace de violence explosa, et il s'avéra être un jeune cheval perdu et désemparé face à ce morceau de son passé qu'il venait de retrouver.

Devenu silencieux, le Démon vêtu de Nuit fixait à présent le jeune étalon, immobile de corps, fou de pensées. Il savait qu'en dévoilant cette partie de sa vie, il venait de se dévoiler, il venait d'avouer une souffrance, d'ouvrir la porte à une nouvelle source de tourments. Aujourd'hui, le jeu allait reprendre. Il avait juré, il avait posé son nom à côté de ce fatal duel, de cette fatale union: le jeu ne faisait que commencer. Black Hole était, malgré ce que les autres pensaient, un guerrier juste et loyal, droit dans ses frappes et capable d'honorer ses paroles. Il n'avait pas d'autre choix que de la tuer, mais surtout, il n'avait pas d'autre envie que de la voir se briser contre sa force démoniaque, de voir son échine fragile se ployer sous les coups. Vif-Argent, qui s'était également immobilisé, fut pris d'une violente quinte de toux qui lui souleva les côtes. Il était malade, et, dans un climat comme celui-là, son état ne s'arrangerait pas. Mais bientôt, la chaleur reviendrait, et sans doute serait-il libéré de cet handicape. A cet instant, Hole serait apte à le juger vraiment. Il respecta le silence pesant qui s'était établi, gardant ses prunelles de Ténèbres sur le corps plus jeune du mâle. Enfin, ce dernier pris la parole, répondant à ses questions, à ses inquiétudes -peut-être-.

Black Hole tressaillit. Certes, il avait déjà mentionné le nom de l'Etalon Blanc, mais il avait aussi la certitude pleine que personne, exceptée Bliss aujourd'hui, n'était allé sur le Territoire. Vif-Argent n'avait pas connu cette atmosphère, mais il n'en semblait pas moins fort... Comment l'écho du surnom de la Bête était arrivé à ses oreilles? Et son nom à lui, comment le connaissait-il déjà? Vif-Argent était son fils.

"Etoile ne l'a pas aimé. Elle a aimé l'idée de l'aimer après qu'il change pour elle, mais trahïr son sang lui était insuportable, et impensable. Il a cru l'aimer, mais il s'est rendu compte de son erreur, apparemment trop tard..."

Oui, cet animal était son fils, et il avait grandi sans père... Black Hole n'aimait cette idée de voir un fils abandonné. Oh, si seulement il avait su! Il serait revenu, il aurait arraché son fils des griffes de cette jument, il l'aurait enmené avec lui, lui apprenant toutes les ruses et toutes les frappes... Il lui aurait dit comment savoir aimer, et comment ne faire confiance qu'en eux...

"Vi... Mon fils, tu as le droit de me juger..."

Sa voix suave résonna dans l'immensité, brisée cependant par l'émotion. Il était son fils, son aîné, son grand garçon. Il aurait tant aimé se jeter contre lui, le serrer contre son large poitrail, comme le ferait un Père fièr de son enfant. Pourtant, il savait le mal de l'absence, et préféra laisser son Sang agir, ne cachant cependant pas son espoir.

Le jeune noir restait immobile après cette quinte de toux. Un jour, peut-être que la Maladie l'emporterait, mais pour le moment, il devait se battre encore, pour mieux connaître ce père qu'il rencontrait seulement. Ce périple, c'est pour lui qu'il l'avait entamé, et il ne voulait pas tomber arrivé à son but: retrouver une pièce manquante à son puzzle familial. Et cette pièce n'était pas sans importance: elle était celle qui ferait tenir la structure. Pourtant, pour l'instant, le jeune cheval semblait l'évidence. C'était justement trop évident pour lui. Il semblait fragile, tremblant, frissonnant même avec sa couche trop fine de poils dans l'immensité glacée.

A entendre la suite du discours de Black Hole, Ar' su qu'il était véritablement son père. Son regard perdit cette espèce d'insolence et il sentit ses membres trembler sous lui, presque imperceptiblement. Son coeur de glace se réchauffa à l'instant même où il comprit. Il était à la fois heureux d'avoir retrouvé son géniteur qu'il avait partout cherché, mais à la fois remplit de haine. Il l'avait abandonné... Mais il ne serait, il le savait, pas capable de le faire payer. Etait-il seulement au courant que leur union avait engendré un poulain, un petit être traîté comme un bâtard par l'absence d'un père parti trop tôt? Il garda le silence, malgré qu'Hole lui parlait de sentiments amoureux. Il était encore trop interdit pour régir à cela.

Alors, l'étalon l'appela « mon fils » et son coeur rata un battement. Ses oreilles se dressèrent et son oeil brilla, bien qu'il semble comme absent. Il était juste trop incertain d'avoir compris et c'était s'élancer vers la fin de sa quête que d'admettre que son aîné si semblable soit son père. Quand à le juger... Il ne le connaissait pas assez pour se permettre de juger d'une manière quelconque son père, ce cheval qui avait cruellement manqué dans sa vie. Il esquissa un pas en avant, butnt dans la neige, trébuchant. Il se reprit d'instinct, peut-être un peu tard pourtant. Il approchait, fébrile, de ce cheval qu'il avait longtemps rêvé de rencontrer et c'était aujourd'hui, alors qu'il perdait espoir de voir le terme de sa quête qu'il rencontrait son « idôle ». Il tenta de reprendre contenance, pour être capable de répondre.

« Je... Je veux juste savoir si tu savais que j'existais... Papa... »

Sa voix était rauque et faible, les mots semblaient ne pas vouloir sortir, trop lourds de sens. De son regard redevenu enfantin, Vif-Argent fixait dans les yeux Black Hole, son père.

Chaque matin annonçait pour eux, Shikaku, une nouvelle épreuve, parfois plus dure que celle d'hier, parfois plus clémente. Mais chaque matin ne demeurait finalement qu'un combat, où parfois même ouvrir les yeux était un coup dont on se remettait difficilement. Mais ils étaient forts, par leur Sang et par leur mental, et même quand tout était dur, ils trouvaient la force de surmonter les épreuves, car au fond, ils ne répondaient qu'à une seule loi: tuer pour ne pas être tué. Et lui, son jeune fils, il avait lutté pour grandir, lutté pour apprendre la vie, pour apprendre son Sang, pour apprendre son statut. Mais il avait lutté seul. Black Hole avait, depuis son plus lointain souvenir, été dans le Territoire, afin de tout connaître. Et voilà qu'il apprenait qu'il avait failli à sa famille, à son propre fils. Il sentait son coeur se contracter douloureusement, tandis que ses membres mollissaient sous sa masse de muscles. Son fils, ô, son fils...! Mais que dirait-il à Thief, à Bliss, à Pépite? La vérité, pure et simple. Il n'avait jamais caché sa précédente histoire, et il refusait de cacher sa paternité. Il fallait que tous sachent, que tous voient et reconnaissent son fils. Et même si Vif' toussait aujourd'hui, le Démon était sûr que demain, tout irait mieux. Il était son fils, et il vivrait, car sinon, leur famille n'aurait plus lieu d'être. Hole se refusait tout simplement de survivre à ses enfants.

Dans un douloureux effort de mémoire, le Shikaku rappela à lui le visage de celle qui fut sa compagne, de celle qui partagea ses courses, ses danses et ses combats; de la première Créature dont il s'épris. Etoile avait tout pour elle. Il se souvenait de sa haute taille, de sa finesse, de sa délicatesse, de sa robe grise et douce, de ses yeux tendres de biche affolée... Que son image était douce! Pourtant, une vague d'amertume le pris à la gorge, invitant la Rage et la Haine. L'amour d'Etoile avait été destiné à un espoir de changement, et l'étalon avait vite déchanté en s'apercevant qu'elle ne l'aimait pas pour ce qu'il était. Mais pourquoi donc ne pas l'avoir tuée directement? Parce qu'elle était sa proie. Sa hantise, mais sa proie tout de même. Et, de toute évidence, s'il l'avait tuée, Vif Argent n'aurait jamais vu le jour.

D'ailleurs, le jeune guerrier fit un pas tremblant vers lui, posant cette question à laquelle Hole s'attendait. Son regard se brouilla, mais il se refusa de pleurer, il ne le pouvait pas, il ne le pouvait plus. Il savait pourtant que son Fils comprendrait. Il répondit, la voix cassée et hâchée:

"Ô, mon Fils...! Si tu savais comme je m'en veux. Non, je ne savais pas. J'étais sûr que je recevrai l'écho d'une quelconque grossesse, et comme rien ne venait, je ne me suis jamais douté de... de toi. J'étais convaincu qu'aucun être fragile vivait sans père... Si j'avais su, je serai revenu, et je t'aurai arraché à ses griffes venimeuses, et je t'aurai élevé, comme l'aurait fait n'importe quel bon père. Je suis désolé, Fils...."

Le guerrier noir semblait s'être attendu à pareille question. Il y répondit, la voix rendue moins assurée par cette émotion qui devait tous deux les prendre. Lorsque l'adulte evoqua les griffes venimeuses de leur seul point commun de base, le jeune ferma les yeux, et l'image de sa mère lui revint. Il eut l'impression de voir défiler devant ses yeux les mouvements fluides et aériens de la jument qui prenait le trot, devant lui, l'appelant doucement lors des premières semaines de sa vie. Il se souvint de son parfum lacté, de sa robe grise si parfaite, si belle, de ses marques en tête et sur les membres... Il se souvint de tout d'elle, alors qu'elle était encore une mère parfaite. Un sourire presque tendre passa l'espace d'un instant sur ses traits, avant que ce ne fut l'horreur qui se dépeigne sur sa face de jeune cheval.

Dès qu'il eut deux mois et fut en mesure de comprendre, il avait demandé qui était son père, pourquoi il n'était pas là, où était-il? Mais les réponses ne vinrent pas, et Etoile, sous sa douce robe grisée et ses traits d'ange, se métamorphosa en démon. Elle n'avait plus rien de doux, plus rien d'agréable. Son odeur lactée devenait de plus en plus âcre aux naseaux du bébé qu'il était encore. Il se souvint du jour où elle lui répondit, et du jour au lendemain, ce fut le jour et la nuit dans le comportement de la jeune mère. Jusqu'à l'arrivée d'un autre étalon et, à six mois, il fut chassé. Il en gardait un souvenir traumatisant, qui avait peut-être achevé de le faire sombrer dans cette violence sans nom. Alors, il ouvrit les yeux.

Ses prunelles, contrairement à la pensée, n'étaient plus ni Haine, ni Rage, ni Colère. Elles n'étaient pas non plus Tristesse ou Regret. Non. Une flamme luisant au fond de chacun de ses yeux grands ouverts. On y lisait simplement beaucoup de bonheur. Quoi qu'il en soit, Vif-Argent avait retrouvé son père. Le jeune cheval ronfla des naseaux, tranquillisé par la réponse de son Père, avant de poser un regard de cheval calme et comblé dans ses prunelles.

« Je le devine. Mais il nous reste encore des années pour rattraper ce retard qu'Etoile a du causer de son plein gré. Quoi de mieux que de priver un Père de son Fils quand on ne peut l'atteindre directement? Je sais de quel bois est faite cette vipère qui m'a servi de mère, et je sais désormais avec plaisir que je tiens plus de toi que d'elle, Père. »

Son regard était étonnament clair alors qu'il ne cillait pas.

Black Hole était né et avait grandi avec les seuls savoirs du Territoire, la seule présence paternelle de l'Etalon Blanc. C'était lui, ce grand guerrier vif comme la foudre, qui lui avait appris le monde, l'art de tuer et de haïr ses semblables. Il n'avait pas juste été un mentor, un guerrier que l'on assassine une fois sûr d'être plus fort. Il avait joué le rôle d'un Père attentioné, désireux cependant de lire en celui qui aurait pu être son fils de Sang des progrès et de l'application. Etait-ce écrit que, dans le groupe autrefois fermé des Shikaku, seuls les Pères avaient le 'pouvoir' d'élever leurs enfants afin d'en faire de bon guerrier? L'étalon noir ne s'était jamais posé la question, tant la réponse lui était évidente. Il se souvenait bien de ses premières années, de ses premières blessures, de cette première rencontre avec l'Amertume, la Haine et la Rage, pui, ensuite, celle qui fit avec la Mort. Ce qu'il était aujourd'hui, il ne le devait qu'à un être, et il lui en serait éternellement reconnaissant. C'était d'ailleurs une des raisons pour laquelle il répondait de nouveau aux appels furieux qui résonnaient parfois sous les plis du vent. Tout appris.

Vraiment tout? Et lui avait-on dit, par exemple, les sentiments? La fatalité des 'Créatures'? Non, cette blessure là, il l'avait trouvée seul, une fois exilé du Territoire, parce qu'il avait été jugé 'apte'. Il se souvenait de tout, de l'ardeur de leur regards encore jeunes, de la naïveté qui perçait dans ses yeux à elle, tandis que lui possédait déjà son stock de cadavres. Pourtant, quand elle avait fait un pas, il ne l'avait pas repoussée, au contraire. Il avait également esquissé un pas, se rapprochant inexorablement d'elle, de son corps et de son coeur. Il était jeune, et ne connaissait pas cette forme de plénitude, cette extase du corps qui produit un fol effet de légèreté. Black Hole avait appris à la connaître, tentant de lui expliquer la Haine de son être, joyeux d'apprendre qu'elle 'comprenait'. Il l'avait tant aimée, cette belle jument grise aux yeux de biches... Mais comment oublier la façon cruelle dont il avait déchanté en apprenant qu'elle n'espérait qu'une chose: le voir changer. Mais il était trop tard, et il l'avait déjà trop aimée... Etoile ne méritait rien, ne valait rien, mais son souvenir était encore douloureux.

Ils avaient tout deux des souvenirs de la belle, ils avaient tout deux des douleurs de cette même Nymphe cruelle. Mais aujourd'hui, ils étaient deux, côte à côte, plus forts qu'hier, puisqu'ensemble.

"Viens mon fils, viens tout contre moi... Ces années, elles ne sont rien comparées à celles qui s'annoncent. Nous rattrapperons tout ce temps."

Pourle mieux, le splendide Vif-Argent se souvenait de la tendresse qu'il avait éprouvé pour sa Mère. Elle à l'allure si douce, si tendre avec les autres... Elle s'était toujours retournée contre lui. Jamais il n'avait eut le droit à sa tendresse. Enfin, si, jusqu'à ce qu'il soit en mesure de comprendre l'absence de son Père. Il avait moins d'un mois lorsqu'il comprit qu'il n'était pas là et qu'il demanda où était-il. Ce jour-là, il faisait grand soleil, et ils jouaient dans l'eau, sa Mère, sa tendre Mère, et lui. Puis elle l'avait renié, rejeté, dès qu'elle l'avait pu, et c'est là que son coeur de poulain naïf s'éprit de la Rage, de la Haine et du Mépris. La gente féminine avait perdu tout son estime et le poulain qu'il était avait appris, sans aller apprendre aux côtés de l'Etalon Blanc, tout ce qu'il avait besoin d'apprendre dans l'art et la manière de danser avec la Mort. Encore vert, du haut de ses quatre ans, il se défendait pourtant mieux que son état ne le laissait entrevoir.

Il resta encore planté là un moment. Il avait peur d'approcher. Et si tout s'effaçait? Et si tout n'était qu'un rêve qu'il briserait au terme de quelques pas ou d'une simple tentative d'effleurement? Il osait déjà à peine respirer. Pourtant, il lui fallait se résoudre à sauter le pas, dès maintenant. Et si ses secondes lui étaient comptées? Il frémissait, tandis qu'une nouvelle bourrasque manquait de l'emporter avec sa violence. Il tendit les muscles, tentant de s'encrer dans le sol. Il fit pourtant quelques pas de côtén bien contre son gré. Finirait-il l'hiver? C'était une question cruelle qu'il se fallait de poser.

Alors, il se décida. Il mit en mouvement sa carcasse gelée, aux articulations raidies par le froid. Il frissonnait sous son poil presque trop court. Il n'avait pas de couche de graisse protectrice. Alors, il souffrait des intempéries. Pourtant, vaillant, il se mit en avant pour toucher son père du bout des naseaux, osant à peine y croire. Et le mirage ne s'effaça guère. Il sentit le contact des naseaux chauds contre les siens, gelés, et il comprit que son voyage touchait à son terme. C'était pourtant si irréel! Son regard était baladé entre la joie et l'incertitude. C'était si dur d'y croire!

L'étalon noir était aujourd'hui trop impliqué, et il se rendait bien compte qu'il ne pourrait plus jamais se soûler d'une liberté totale. Il y aurait toujours quelque chose qui le retiendrait, qui l'empêcherait de toucher le haut comme le fond. Sa vie de guerrier, allait-elle s'arrêter si brusquement? S'il salissait son nom, ceux de ses enfants et de ses amis seraient souillés par la même occasion, et celà, il le refusait catégoriquement. Alors, que pourrait-il bien devenir? Il avait tenté de renier son passé une fois, voulant oublier à tout prix le cruel souvenir trop bien encré d'Etoile, voulant oublier la douleur d'un amour trop passionnel qui l'avait mis à genoux, qui avait brisé ses rêves et ses utopies, qui l'avait remis droit dans le chemin qu'il avait décidé de suivre. Cette marche obéissante et carrée, il la devait à son père, à l'Etalon Blanc, le seul dont il avait désiré garder un souvenir intact, aussi clair que possible. PArfois, quand la fatigue le prenait, et qu'il se laissait aller à fermer les yeux, le visage royal de l'animal se dessinait derrière ses paupières closes, et là, il pouvait s'engourdir de son sourire sarcastique et moqueur, de ses yeux intelligents, de son profil droit, de ses oreilles mobiles, de son aura de prédateur... Mais aujourd'hui, cette époque était révolue. En quittant le Territoire, il avait renoncé au dur mais tendre amour de l'étalon, qui s'était avoué sous les traits d'un père attentionné et aimant. Etait-il parti pour celà? Pour éviter que l'on juge ce guerrier, cet Empereur? Jamais plus, il se l'était promis, il ne reviendrait sur les raisons de ce départ.

On annonçait le retour de Thief, l'odeur et le visage de Bliss étaient déjà réapparus, et voilà que son tout premier fils se présentait face à lui, souffrant d'une maladie, affaiblie par la rigueur de l'hiver, mais habité de cette hargne qui fairait battre son coeur à tout jamais. Il avait trois enfants, trois beaux enfants, dont deux étaient Shikakus. Avait-il réussi sa quête? Etait-ce l'aboutissement de sa vie? Non.

Mais cet instant était à part, il était une rare paranthèse de tendresse dans la vie d'un guerrier, et il n'appartenait qu'à eux. Avec un sourire, il regarda son fils au menteau d'encre s'approcher de lui, jusqu'à coller ses naseaux froids contre les siens, bouillants. Black Hole frissona, tant l'émotion était grande. Sans hésiter davantage, il déplaça la neige de ses membres puissants et noueux, entendant le craquement sec de ses articulations, et serrant avec force son fils contre lui. Il ne le laisserait plus partir, maintenant qu'ils s'étaient trouvés.

[On peut le clore peut-être?]

[ben, si tu veux...]

[C'est juste que j'aime pas finir mes topics, ça me perturbe *la fille perturbée pour un oui ou un non* Par contre je me propose pour en recommencer un =P]

[okii^^]

[Voilà!]

» Destroyed Angel - Croise ma route et meurs. [Manque histoire et caractère.]
» Longue marche [pv Lune et univer]