Lonely night.

all right now ♪

Je vais bien, tout va bien...
Le tonnerre retentit, déchirant les tympans de Jun. La pluie qui allait avec tombait par seaux entiers, fraiche délivrance. Jun ne s'était jamais senti aussi bien que pendant les nuits d'orage, beaucoup trops rares à son gout.
All that i'm livin' for...

Les étoiles étaient masquées par des nuages noirs comme l'enfer. L'obscurité était plus épaisse que jamais, Jun voyait à grand peine où il posait les sabots. La pluie le trempait, faisait riper ses pas sur les pierres chaudes du flanc du volcan.
Celui ci se dressait sur le fond sombre du ciel, de toute sa masse sinistre, écrasant de son ombre les terres environnantes du clan du Vent. Enfin, du Crépuscule... Jun n'aimait pas ce nom.
Encore une chose qu'il lui faudrait changer... après.

Un éclair déchira la nuit, d'un noir d'encre de chine.
Lumière aveuglante, flash d'un blanc pur, qui, à lui seul, éclairait toutes les terres de Wild horses. C'était une force de la nature, plus impressionnant encore que cet éphémère, futile petit volcan dont Jun entreprenait l’ascension...
Sa pureté opaline s'incrusta dans les rétines d'un bleu de glace de Jun, l'aveuglant totalement, puis se dispersant en une multitude de petits points noirs qui dansaient sous son regard, avant de s'évanouir dans l'obscurité. Comme si rien ne s'était passé. La lumière avait duré moins d'une demi seconde.
Presque instantanément, le tonnerre retentit à nouveau, encore plus fracassant que la première fois, impressionnant, résonnant à l'infini contre la lave refroidie qui formait le volcan, s’infiltrant sournoisement en son centre, lui volant toute sa puissance, se jouant de lui, puis repartant dans un rire grandiloquent, qui s'éteignait doucement, suivant son ami l'éclair, comme toujours, pour aller retentir ailleurs, là où l'on avait besoin de lui.

Jun était presque arrivé au sommet. D'ailleurs, c'était bien là qu'il se rendait, envers et contre tout.

Il était juste à l'aube de sa vie, mais il voyait déjà grand, démesurément grand. Il voulait plus, toujours plus. Dans sa vie, il avait deux chemins possibles, deux chemins qu'il souhaitait emprunter, autant l'un que l'autre. Il s'aventurait sur un, mais gardait une jambe sur l'autre, histoire de pouvoir reculer quand le moment serait venu, si jamais il échouait...
Il n'était pas stupide, malgré tout ce qu'on pourrait penser, et savait pertinemment qu'un gamin d'un an et quelques mois avait peu de chances contre un étalon dans la force de l'âge tel que Dancing Flame.
Et pourtant... et pourtant il allait bel et bien l'affronter, comptant sur la vigueur de ses jeunes membres, sur sa taille imposante, un mètre quatre vingt dix au garrot, et sur toute la hargne qu'il mettrait dans ce combat.
Sans compter qu'il n'avait pas été formé par Stelmaria et Black pour rien. Ils lui avaient enseigné deux ou trois techniques de combat. Il n'avait jamais vraiment pu les mettre en œuvre, n'étant pas d'une nature belliqueuse d'ordinaire ... Mais il fallait une exception pour confirmer la règle, n'est ce pas ?
Eh bien elle était là, maintenant, cette exception.

Jun parvint enfin à destination. Une surface plane sur le volcan, tout près du cratère, à proximité de la trainée encore visible d'une coulée de lave. Il voyait l'entrée du volcan, voyait l’intérieur de celui ci rougeoyer, luisant furieusement.
Il avait laissé Jude en arrière. Hors de question qu'elle soit blessée, elle était trop petite, trop fragile, un furet comme elle n'était pas fait pour le combat, il était tout de même assez intelligent pour savoir cela, et se souciait suffisamment de la santé de sa compagne pour ne pas risquer de la faire blesser ou pire, tuer.
Si cela devait arriver, il ne se le serait pas pardonné.

Je venais récupérer mon bien.
La veille, je m'étais aventuré jusqu'au centre du clan du Crépuscule, avait trouver cet étalon à la robe aussi flamboyante que le coeur de ce volcan auquel je tournais le dos, et lui avait dit de me retrouver ici même le lendement, soit aujourd'hui. Tout simplement.
S'il avait un tant soit peu d'honneur, il viendrait, seul. Ou peut être était il assez con pour ne pas comprendre que c'était un défi. Un vrai, en bonne et due forme. Mais je lui faisait confiance...
On disait qu'il avait le sang froid, le sens de l'analyse bien plus poussé que beaucoup d'autres chevaux des Clans ou non, et en principe, quoi qu'en disent les mauvaises langues, les " on dit " sont toujours basés sur des faits réels. Enfin, pour la grande majorité...
Mais ça n'était pas le sujet.

Clan du Vent.
Autrefois, c'était un vrai clan, mais dorénavant, ça n'était plus qu'une épave, une épave fumante, dépravée, qui coulait de plus en plus, se rapprochait doucement mais surement du fond de l'océan, un fond si loin de la surface que même avec le plus grand des coups, il ne pourrait pas remonter sans se noyer en route.
Et ça, je n'acceptais pas.
Cette ordure avait contracté une alliance avec les Shikakus, qui s'étaient clairement illustrés et proclamés ennemis mortels des cinq Clans qui régissaient les terres de Wild horses. Et le pire, c'était qu'il ne comprenait pas, ou ne voulait juste pas comprendre que cela le mènerait à sa perte aussi surement que s'il s'était jeté dans une falaise ou, plus exotique, aventuré au centre du désert de glace d'Hymlya, là où vivaient les redoutables léopards des neiges géants.
Traitre.
Etant le fils de mon père, cela me mettait hors de moi. Etant le fils de mon père, j'aurais du prendre sa place... Mon père étant le chef du clan. Il fallait chasser ce parasite qui suçait le sang des Clans sans aucune gène, sans aucun frein, maintenant que Zenith n'était plus à la tête du clan...

J'avais déjà envisagé un combat avec Zénith, mais m'était abstenu. J'avais trop d'estime pour lui, il semblait un bon chef... Mais il avait subitement disparu, et cette ordure mordorée s'était retrouvée au sommet, après avoir si souvent lorgné le trône, enfin il pouvait s'assoir dessus...
Que ce devait être jouissif pour lui.

Profite bien, tu n'en a plus pour longtemps.

Nouvel éclair.

Jun ne se donna même pas la peine de sursauter, ni même de cligner des yeux. Il laissa la luminosité se disperser. Par contre, lorsqu'il vit que l'arbre, un peu au dessus de lui, avait pris feu sous l'action de l'electricité contenue dans l'éclair, il ne put s'empêcher de ciller, et même de frémir. Le feu... il sentait sa chaleur d'ici, à peine refroidie par la pluie glacée qui tombait toujours du ciel, en moindre quantité par contre.
Le sol trembla sous les sabots de Jun.
Les petites boules de lave solide se déplacèrent sous ce mouvement, rebondissant contre le basalte. Jun lorgna même une obsidienne qui dégringola la pente en passant devant lui, d'un bleu roi, plus profond, plus merveilleux qu'il n'en avait jamais vu.

Et puis l'enfer se déchaina.

Le volcan entra en éruption.
La lave gicla jusqu'au ciel, voir plus haut, des pierres furent projetés, bombes volcaniques qui se mirent à pleuvoir partout autour de Jun...