Born to be wild... [Dream Shadow]

Born to be wild.
Née pour être sauvage.
Ses sabots battant le sol à une vitesse effrénée, elle galopait, virevoltait, dans la vallée dont l'herbe verte caressait le bas de ses jambes d'un blanc immaculé. Crinière au vent, queue claquant comme une bannière, elle filait à une vitesse folle, grisée par sa propre vitesse, sa propre sauvagerie. Heureuse de sentir pulser son énergie dans chacun de ses muscles, heureuse de sentir la vitalité qui la parcourait comme un courant électrique, heureuse de ma force du vent dans ses crins clairs et de sa fraîcheur dans ses poumons puissants.
Liberty s'immobilisa soudain, encolure arquée, véritable statue vivante, puis elle se cabra, haut. Sa silhouette d'un blanc pur se découpait parfaitement sur le fond d'absinthe de l'herbe d'hiver, ses crins claquant derrière elle comme autant de drapeaux. Elle se laissa retomber sur ses pieds avec souplesse et s'ébroua. Elle était ravie de cette liberté. Heureuse d'être sauvage.
Mais était-elle heureuse pour autant?
Le regard de la jument blanche se perdit dans le creux de la vallée, dans la danse incessante des branches d'arbres et des herbes, pensif. Il lui semblait revoir ses cabrioles amoureuses avec son compagnon Sword, l'étalon bai, ses promenades, suivie de sa fille Odyssée. Sword qui jouait les chevaux fantômes, Odyssée qui avait renié ses propres parents pour rejoindre Stelmaria, et devenir, sous l'aile de la jument rouge, une impitoyable tueuse. Que restait-il de son innocente pouliche aujourd'hui? La Rénégate lui avait ravi sa fille et Liberty la haïrait toujours pour cela.
Elle se tourna subitement vers un autre point de la vallée, où elle avait perçu un bruit.

Invité

Pour se sentir intelligent, il faut s'entourer de cons... Mais pour croire que l'on est intelligent, il faut être cons...

La tête fièrement dressée, sa crinière battant au vent, Dream Shadow galopait. Elle galopait pour que ce sentiment qui l'envahissait à chaque fois qu'elle le fesait, lui fasse oublier. Oublier. Oublier les méprises de ces camarades féminins. Oublier son passé. Oublier l'ignorance des autres face à elle. Oublier. Oublier qu'elle était belle. Contrairement à quelqu'un d'ordinaire, elle détestait être belle. Pour les autres si elle n'était pas une bête de foire, on l'enviait où ou la "cruisait". Les garçons en particulier. Ses sabots creusant facilement la terre meuble et grasse, Dream Shadow galopait, de plus en plus vite, de plus en plus loin. La plaine n'avait pas de fin à ses yeux et ils ne s'attardaient pas le moins du monde à celle-ci non-plus. Le jeune pouline se sentait ivre de liberté. Liberté. Cette chose pour qui elle donnerait sa vie, son clan aussi. Soudain elle stoppa net. Masquant le fin bruissement des branches, un bruit approchait. Si c'était encore une de ses pouliches elle allait leurs montrer de quel bois elle se chauffait. Mais une toute autre personne sortie des buissons: Liberty.

- Bonjours Liberty, je ne savais pas que tu étais dans le coin. Tu vois... J'était en train de me défouler... Bref... Comment vas-tu?

Toute petite, elle n'avait jamais aimé galoper ainsi, pour oublier. Bien sûr, le claquement de ses propres sabots sur un sol dur la défoulait et faisait naître en elle, par delà la conscience de sa liberté, un peu de cette étrange euphorie qui vous fait tout oublier. N'est ce pas ce qu'on appelle l'extase?
Toute petite, elle était plutôt partisane des longues discussions avec sa mère, Larme Blanche, des heures passées à contempler telle ou telle fleur, à observer la forêt en rêvant de, un jour, pouvoir la comprendre. Comprendre la forêt, toutes ces terres! Pouvoir pénétrer dans ce monde, communier avec lui, se l'approprier! Et puis Larme Blanche était morte, et la jument s'était retrouvée seule, sans cette présence aimante et rassurante qu'avait été sa mère pour elle dans ses jeunes années. Elle avait alors pris l'habitude de galoper, longuement. Le bruit récurrent, incessant de ses sabots sur le sol la faisait basculer dans un état second. une brume blanche envahissait son esprit, et tous ses tracas étaient balayés par le vent de sa course. Instants d'oubli. Néanmoins elle n'aimait pas galoper, comme le faisaient Black ou sa fille, pour le plaisir de sentir la vigueur de ses muscles, de se repaître de sa propre puissance. Elle n'avait jamais ressenti cette ivresse de la vitesse et de la liberté. Jamais...Elle galopait pour oublier, pour obtenir de brefs instant de répit dans le tumulte de sa vie. Mais dès qu'elle s'arrêtait, dès que ses jambes cessaient de battre le sol, les souvenirs, les tracas revenaient. Et avec eux les souffrances. Ce n'était qu'un oubli momentané...
La jument blanche arqua son long cou, pour poser ses yeux sur la silhouette qui venait d'apparaître. Une jeune jument. A vue d'oeil, elle ne lui aurait pas donné plus de six ans. La petite était très belle, gracieuse...vraiment une jolie jument, et elle rappela un instant à Liberty sa fille...mêmes contours découplés, délicats, même mélange de force et de fragilité, même beauté...
Et pourtant Odyssée avait à peine la moitié de l'âge de la jument qui venait d'apparaître. A quatre ans, sa fille était adulte, belle et charismatique, autant que sa mère, sinon plus, mais pas de la même manière...et pourtant cette jument faisait penser Liberty à sa fille et adversaire.
Elle répondit au salut amical et familier de la jument par une élégante courbette et un hennissement amical:

"Bonjour, Dream Shadow. Contente de te croiser.
Oui, je vais bien, merci. Et toi, comment vas-tu, jeune jument?"

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