❧ Come into my World. | PV.

❧ Come into my World.

Les deux équidés galopaient de front, alors que les corps ondulants luisaient déjà de sueur. Le sol, sous leurs sabots, semblait trembler, mais rien ne les arrêtait, flèches de feu et d'ombre qu'ils étaient. Par moment, le duo ralentissait, négociant un étroit passage. Mais bientôt, libérés de toute entrave, ils repartaient, plus rapides encore, filant toujours vers cet inconnu, vers ce rêve brûlant qui prenait pourtant forme, à mesure qu'ils avançaient. Déjà, le ciel s'allumait. Ils n'avaient plus beaucoup de temps. Zanzibar, légèrement en avant par rapport à Siana, accéléra une ultime fois.

Une douce brise soulevait ses crins de feu, alors que ses oreilles se tendaient imperturbablement vers l'horizon. Soudain, le sol devint plus mou sous ses sabots, et derechef, il ralentit l'allure, restant tout de même au galop. Il pensait que parler pour l'heure ne servait à rien, et son souffle se faisait court, alors qu'ils galopaient depuis longtemps déjà. Il vrilla, volta, s'engouffrant dans de si étroits passages que personne n'aurait pu se douter qu'il y avait ici un moyen de passer.

Agile et rapide, il fit en sorte de les dépêtrer rapidement de cet endroit, si bien qu'ils débouchèrent bientôt sur un contre-haut d'herbe fraîche et humide. Ils dominaient à présent le Lac au Soleil Couchant, alors que le ciel, ici, devenait d'un somptueux rouge vis, comme si du sang s'y infiltrait. Zanzibar s'arrêta, son poitrail se soulevant rapidement, alors qu'il fixait de ses grands yeux luisants la Solitaire.

❝ Nous y sommes, Siana ... Voici le Lac au Soleil Couchant. Regardez son lit, vous y verrez tous les joyaux de ces terres ! ❞

Il lui adressa un grand sourire, alors qu'il fixait lui-même le lac des yeux. Il semblait y avoir mille joyeux en son fond qui reflétaient les incandescentes lueurs du soir ; en somme, un sublime spectacle.  

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Les mots de Siana lui arrachèrent un sincère sourire : la Solitaire était sous le charme de cet incroyable endroit. Elle, tout comme lui, n'en revenait pas de la beauté de ce lieu si singulier, si majestueux. Qui ne s'arrêterait pas devant semblable spectacle ? Ici, tout était beau, alors que le monde semblait ne tourner plus que pour ce lac aux somptueux joyaux. L'étalon avait les yeux rivés en contre-bas, alors que le crépuscule dessinait des reflets de sang sur sa robe.

❝ Et il y a encore tant de merveilles de part ces terres ! ❞

Sa voix semblait rêveuse, alors que ses paupières de satin glissaient par instant sur ses yeux, en voilant la farouche étincelle qui y dansait. Il n'avait pas de mot pour décrire l'extase qu'il éprouvait, il n'avait pas de mot pour traduire cette si rare impression de bien être ; il n'avait pas de mot pour dire oh combien il tenait à ces terres !

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Il n'avait pas besoin de mots, il ne demandait aucun merci. Le jeune prince voulait seulement la voir sourire, encore et toujours. Là était sa plus belle récompense ! Et comme Siana souriait, lui faisait de même, ne détachant pourtant son regard du lac. Oh, il n'avait pas eu de compagnie depuis si longtemps maintenant ! Mais la solitaire à la robe d'encre était à ses côtés ce soir, à s'émerveiller de la beauté, de la magie de ses terres. Qu'est-ce que l'étalon de feu pouvait espérer de plus ? Son cœur, pourtant, se serra. La jeune jument, comme les autres, n'était-elle que de passage dans sa vie ? Quand ils se sépareraient, s'évanouirait-elle pour toujours dans l'immensité du monde inexploré ? Peut-être. Peut-être, oui, mais pour l'heure, elle était juste là, à ses côtés, souriante et le regard brillant. Alors, comme apaisé, l'étalon relâcha chacun de ses muscles, sa peau tressaillant.

❝ Ne me remerciez pas, Siana. Dites-moi plutôt ce que vous voulez faire maintenant. ❞

Le bel alezan avait tourné la tête vers elle, l'observant avec intérêt, comme s'il attendait sa réponse, et qu'elle trouve aussi matière à ce qu'ils parlent encore ensembe.

❧ Come into my World.

Elle devait repartir. Pourtant, en tant que solitaire, Siana n'avait aucun devoir. Elle était libre, libre comme le vent du soir qui agitait les branches des arbres du Marais la nuit. Peut-être était-elle en fait attendue ? Peut-être n'était-elle pas si seule que ça ? Les doutes commençaient à l'assaillir, alors que l'image d'Antéa s'imposait à lui. Mais elle n'en avait pas envie. Sourire. Si Zanzibar était habile de ses mots aujourd'hui, il s'avouait encore maladroit sur le plan privé. Il n'avait jamais vraiment pu exprimer ses sentiments, et il n'aimait pas si risquer, alors qu'il en avait eu l'occasion, une fois ... son cœur se serra dans sa poitrine.

❝ Bien sûr que vous le pouvez ! Je serai content de vous savoir en sécurité ici, au moins pour ce soir. ❞

Il lui offrit un sourire encore une fois, avant de se mettre en marche : il allait descendre près du lac, et il n'y avait aucun doute quant à savoir si Siana était la bienvenue.

❧ Come into my World.

Immobiles mais côte-à-côte, Siana et Zanzibar fixaient le Lac des yeux, de ce regard émerveillé d'enfant, comme si c'était la première fois qu'il leur était donné de voir quelque chose d'aussi beau et précieux. Les reflets de sang que le Crépuscule avait dessiné sur le corps de l'étalon commençaient à s'évanouir, et la nuit, épaisse et dense, étendait ses bras jusqu'à eux. Bientôt, Zanzibar se remettrait en route, patrouillant sur les frontières de ses terres pour s'assurer qu'aucune menace ne s'y trouvait. Mais avant, il devait dire au revoir à la solitaire. Il aurait tant aimé pouvoir être sûr de la revoir, mais jamais il n'aurait trouvé les mots pour le lui demander. Il semblait de nouveau être mué, comme lorsqu'il était enfant. Mais lui savait que cela n'avait jamais été vrai : enfant, il n'avait juste trouvé aucune utilité à user de ses mots, et il n'avait pas parlé pendant de longs mois. Mais sa langue, un jour, s'était déliée, et il s'était mis à parler comme un sage, lui qui avait vu tant de choses sans jamais les commenter.

❝ Allez-vous rester ici pour la nuit, près du Lac ? ❞

Il continuait de regarder obstinément l'onde, comme si ses seuls yeux pouvaient y plonger. Il était hésitant, indécis mais il osa, tout de même. Son poitrail se gonfla d'air comme sa peau frissonnait : il ploya son encolure, et poussa doucement de ses naseaux de velours la base de l'encolure de la jument noire. Geste affectueux qui consistait à lui dire qu'il l'appréciait.

❧ Come into my World.

Si le lac brillait de mille feux, ce n'était pas pour cela que Zanzibar demeurait ici. Le jeune chef voulait juste profiter de ces dernières minutes qu'il passerait en compagnie de la solitaire. Elle allait partir, s'évader, s'échapper ... Pourtant, elle semblait l'apprécier. Sans hésiter, elle lui avait rendu son geste, pleine d'affection. Alors oui, Zanzibar voulait la revoir. Il voulait la retrouver, lire sur son corps les kilomètres parcourus, lire dans ses yeux les merveilles vues. Mais se souviendrait-elle seulement de lui, après tant de jours d'errance ? Elle se souviendrait sans doute d'avoir croisé ce chef à la robe de flammes mais ... saurait-elle se souvenir qu'ils avaient été proches l'un de l'autre durant cette longue journée ? Zanzibar n'avait plus le temps, plus le droit de douter.

❝ Ce serait un véritable plaisir de vous revoir, Siana. ❞

Il lui adressa un charmant sourire, amorçant un demi-tour, avec lenteur et allure. Il ne pouvait pas s'éterniser ici, et il ne souhaitait pour rien au monde importuner l'élégante jument. La nuit serait courte, et si elle comptait se mettre en route dès le lendemain, il lui fallait se reposer dès maintenant.