Radioactive. | PV.

❧ Radioactive.

Matinée ou soirée, cela n'avait aucune importance, puisque l'air, ici, était toujours le même, alors que le ciel était rouge des flammes qui, sans cesse, s'échappaient des entrailles de la terre. En somme, cet endroit n'était qu'une ardente fournaise, avant-goût des enfers qui, plus bas, les guettaient, eux, simples mortels plein d'orgueils et de vices divers. Pourtant, sans crainte, il en avait pris le chemin tôt ce matin, abandonnant ses terres qu'il chérissait, s'échappant un instant de ses fonctions, alors que la guerre menaçait de nouveau. Les frictions entre les différentes alliances étaient de plus en plus visibles, alors que le vent apportait avec lui maintes rumeurs de complots : des têtes allaient tomber. Mais qui serait visé ? Black, le Maître de l'Ombre, savait se défendre, et fou serait celui qui tenterait de s'en prendre à l'étalon noir. Stelmaria était elle aussi intouchable, par le même schéma. Sun Star, le fondateur ainsi que le chef du clan du Soleil avait à ses côtés Lusitania, et nul doute qu'ensemble, ils parviendraient à venir à bout d'un éventuel ennemi. Pépite d'Or, elle, avait tout simplement disparu : elle était donc hors de danger. Le visait-on lui ? Cette idée avait plusieurs fois ébranlé le jeune étalon, sans l'inquiéter davantage pourtant. Lui n'avait pas de famille à défendre : il était seul, et haïssait aujourd'hui son père. La question demeurait donc sans réponse : qui allait mourir, déclenchant une guerre comme il y en avait rarement eu ? Si l'attaque visait un simple membre, il serait impossible à quiconque de réagir à temps, et les troupes s'affronteraient au nom du sang d'un des leurs. Un frisson, après ces réflexions, couru sur son échine dorsale, remontant jusqu'au sommet de son col qui s'épaississait de jour en jour, pour finir sa course au niveau de sa nuque, ce qui eut pour effet de stimuler ses nerfs à l'extrême : le jeune étalon était désireux d'oublier, quelques heures au moins, toutes ces intrigues politiques qui grondaient autour de lui, le heurtant régulièrement, alors qu'il déployait tous ses efforts à ne pas se laisser emporter.

C'était donc seul qu'il s'était rendu sur les terres de Black, le fils d'Odyssée étant retourné chez lui après son bref séjour sur les terres du Crépuscule. L'étalon trottait rapidement, alors que ses foulées étaient amples et régulières, sans heurt ni précipitation. Le fils de Gaïa et de Zénith était plutôt un élégant model. Il avait hérité de la puissance de son père, et de la taille de sa mère, ce qui faisait de lui un étalon à la silhouette légère bien que puissante, sans en devenir robuste comme l'était celle de son père. Outre cette carrure de coureur, Zanzibar avait pris la robe de son grand-père : le jeune animal était de feu, alors que son pelage alezan devenait presque roux par moment. Son port était racé, alors qu'il avait une manière altière de se tenir, héritage encore, car il ne l'avait jamais travaillée. Le chef du crépuscule était un de ces princes nés pour régner, un de ces enfants issus d'une longue lignée. Lui avait eu le choix : il héritait du Crépuscule par le biais de son père qui l'avait lui-même eu par le biais de Hell Demon, son fondateur ; mais il aurait pu opter pour retourner chez lui, et prendre la suite de son grand-père, dirigeant alors un large territoire. Mais Zanzibar était fidèle, et il ne se trompait pas : il était né sur les terres de feu Hell Demon, au crépuscule. Et son cœur, depuis sa naissance, ne battait que pour son territoire. Il connaissait aujourd'hui ces terres comme personne d'autre : il aurait pu dire où était chaque caillou, chaque fleur ... Enfant roi abandonné pourtant, il en avait fait sa maison comme son terrain de jeux, et il refusait aujourd'hui de le perdre, de le laisser se faire détruire. Le Crépuscule était son cœur, son âme et son corps. Il serait mort pour lui, c'était indéniable.

Mais le bel alezan, à cet instant, ne pensait pas à ses histoires, à son passé. Il ne pensait en fait à rien, alors que les flammes teintaient sa liste blanche de couleurs orangées. Ses naseaux s'étaient dilatés, alors qu'il était maintenant habitué à l'odeur chargée de souffre à s'en asphyxier. Léger, il eut ce besoin impérieux de s'étendre, de s'allonger et de « voler », comme il le souhaitait. Ce souvenir était celui de sa jeunesse, et il avait gardé ce terme cher à son cœur. Alors, sans plus attendre, l'étalon de feu se déploya, ses foulées se mutant en un galop tonique et allongé qui le portait rapidement. L'étalon se mit alors à décrire d'étranges courbes, vrillant pour échapper aux flammes, sautant au-dessus d'un bas mur de feu, et repartant, toujours plus rapidement, alors que sa queue se portait en bannière de feu derrière lui, animal empereur, animal de guerre ...

Radioactive

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Elle galopait légèrement, a grandes foulées. Elle voulait vite quitter cet endroit ou flammes et gaz suffocants régnaient en maîtres, et voir ce qu'il y avait derrière, lieu qui serait, elle l'espérait, plus beau. Elle était rongée par l'inquiétude que ces flammes qui ne cessaient de jaillir de la terre a d'endroits inattendus pour rejoindre les cieux puissent la blesser. Aussi, elle galopait le plus vite possible, persuadée que la vitesse serait son seul salut.
Plusieurs jours déjà qu'elle marchait, continuant son périple. Elle était toujours aussi motivée et déterminée a arriver au but, et cela malgré qu'elle se sente nostalgique des Terres Libres. Elle savait qu'elle y retournerait, mais avant, elle voulait savoir ce qu'il y avait au bout. Au bout de quoi ? Bonne question. Son voyage lui permettait de faire le vide. Sa soif d'aventure lui permettait d'oublier sa solitude. Et lorsqu'elle l'aurait fini, elle retournerait vers les Terres du Sud, ou elle irait chercher âme soeur dans le clan des Étoiles, tout comme le lui avait conseillé Black Hole. Mais peut être trouverait-elle ce qu'elle cherche avant.

Elle accéléra l'allure, voulant le plus vite possible sortir de cet enfer. Ses jambes fines et élancées, qui n'avaient jamais spécialement appris a courir, donnaient le meilleur d'elles mêmes, et la crainte empêchait Siana de s'essouffler. Elle ne voulait plus que quitter cet endroit, cet endroit ou le ciel était rouge flamme, cet endroit chaud et ou la pauvre jument ne cessait de tousser. Et c'est ainsi perdue dans ses pensées qu'elle ne vit pas arriver l'alezan qui galopait aussi vite qu'elle, certainement plus encore, et qu'elle faillit heurter de plein fouet. Heureusement, seules leur épaules s'entrechoquèrent, ce qui suffit a former un léger hématome sur l'épaule droite de la jument noire. Elle stoppa brusquement, et fit volte-face. Elle vit que l'alezan avait fait de même, et ils se trouvaient a présent face à face.
Elle l'observa attentivement. C'était un étalon, fin et élancé, comme les pur-sang de course, et une liste blanche ornait sa robe alezane aux reflets rouges sous les flammes. Elle tenta de parler, mais ne réussit qu'a tousser. Quelques secondes après, elle toussa encore. Puis elle cligna ses yeux qui la piquaient. Toute cette fumée et ce gaz ne faisait qu'irriter sa bouche et ses yeux.
Elle cligna plusieurs fois des paupières et fixa l'étalon alezan.

❧ Radioactive.

Plus rien ne comptait désormais, sinon les battements effrénés de son coeur. Chacune de ses foulées était susceptible de l'amener à la mort, mais le jeune étalon plein de feu s'en moquer éperduement. Au milieu de ces flammes, il avait l'impression de vivre, alors que l'élément destructeur ne se souciait de savoir quel était le sang qui coulait dans ses veines : qu'il soit Roi ou Bâtard ne changeait rien. Sur le Terre des Flammes, il n'était qu'un cheval comme tant d'autres, un fou de plus venu se mesurer aux enfers, mettant sa vie en jeu pour satisfaire un stupide désir, une stupide lubie. Mais quel plaisir il y prenait ! Il ne s'était pas senti aussi exalté depuis des mois, alors qu'il accélérait encore, sautant au-dessus d'un mur de flammes, presque haut d'un mètre cinquante ! Telles des langues, le feu vint lécher ses sabots, alors qu'il avait rivé ses yeux noisette pailletés d'or sur le sol, veillant à ce que sa queue ne traverse pas les flammes. Le sol sous ses membres sembla trembler, alors qu'il se réceptionnait seulement, lançant loin ses antérieurs pour reprendre rapidement de la vitesse, alors qu'il ne voyait pas à plus de dix mètres devant lui à cause de la fumée imprégnant l'air. Aussi, quand il aperçut une silhouette noire sortie de nulle part et fonçant dans sa direction, il n'eut le temps de rien faire, sinon d'obliquer légèrement. Le choc fut d'une rare violence, alors que leurs épaules s'entrechoquaient dans un étrange bruit, plus déplaisant peut-être que le coup en lui-même. Déséquilibré dans sa rapide allure, il lui fallut quelques foulées heurtées pour ralentir et faire demi-tour, revenant vers l'inconnue qui s'était elle aussi arrêtée.

❝ Vous n'avez rien de grave, j'espère ? Je suis désolé, je ne vous ai vu qu'au dernier moment, et il m'était impossible de faire quoi que ce soit ... ❞

Zanzibar se tenait droit, alors que son col était relevé dans une position altière, qui faisait ressortir les traits de son visage gracieusement dessinés. Ses yeux dans lesquels volaient mille poussières d'or pétillaient, alors que rien -sinon sa façon d'être et sa naturelle préstance- ne pouvait indiquer qui il était, alors que son odeur se perdait, étouffée par celle omniprésente du souffre.

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Elle releva la tête. Son épaule était endolorie et était très douloureuse dès qu'elle bougeait l'antérieur, mais elle ne jugeait pas cela comme bien grave.

- Ca va aller, ce n'est pas grand chose, répondit-elle. Mais ce n'est pas de votre faute, je ne vous ai vu...

Elle s'interrompit et toussa fortement.

- ... que tardivement.

Elle toussa encore. Cette fumée l’asphyxiait encore plus que quand elle courait, et ses yeux ne cessaient de la piquer.
Elle regarda l'étalon. Il ne semblait nullement dérangé par toute ces gazs. Elle ne comprenait pas comment, car pour elle, ils étaient très irritants. Il avait certainement l'habitude, mais il n'empêche que c'était étrange. Elle battit des paupières pour soulager ses yeux, et demanda :

- Toute cette fumée ne vous dérange t-elle donc pas ?

Soudain, un jet de flamme jaillit tout près d'elle, si près que ses poils en furent ébouriffés. Elle faillit faire un bond de surprise et se remit a tousser. Elle lui infectait les poumons, la rendaient malade. Elle souffla fort par les naseaux et fit quelques pas. Sa toux se calma quelque peu.

❧ Radioactive.

L'inconnue toussait tout ce qu'elle pouvait, alors que Zanzibar devinait à ses yeux plein de larmes que l'air ambiant lui piquait les bronches, l'empêchant presque de respirer. Lui aussi avait ressenti ça un jour, alors qu'il n'était encore qu'un jeune poulain, et qu'il errait, solitaire, sur toutes les terres de ce vaste monde qui lui avait tendu les bras.

❝ Alors, disons que nous sommes tous les deux autant responsables l'un que l'autre de ce malheureux heurt. Avant, si, elle me gênait énormément. Je me suis même demandé plusieurs fois si je m'en sortirai vivant ! C'est une question d'habitude, vous verrez ! ❞

Le bel alezan lui offrit un sourire, alors que sa voix grave avait de riches accents.

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Elle lui sourit a son tour, mais ne tarda pas a tousser encore. Elle fit quelques pas de côté en sentant quelque chose qui tremblait sous ses pieds, et quelques secondes plus tard, un jet de flammes en sortait. Elle toussa encore, et recommença plusieurs fois, puis reprit son souffle.

- Puis-je vous demander votre nom ? dit-elle calmement. Le mien est Siana.

Elle battit des paupières et des larmes commencèrent a couler de ses yeux piquants.
Comment faisait l'étalon alezan ? D'accord, il était habitué, mais cette fumée était si affreuse... Elle voulait quitter cet endroit au plus vite, mais était curieuse sur l'alezan, et craignait qu'il ne la suive pas si elle s'en allait.

❧ Radioactive.

Les flammes rugissaient en permanence, naissant directement des entrailles de la Terre, et les menaçant, eux qui, comme si de rien n'était, discutaient au milieu de ce désert de mort. Dans les yeux de l'étalon brillaient avec violence les murs de feu, alors que son regard noisette s'était posé au-delà de l'inconnue. Pourtant, il l'écoutait attentivement, ses oreilles se tendant vers elle. Siana, puisque c'était son nom, souhaitait apprendre le sien. Mais ne comprendrait-elle pas qui il était, s'il lui avouait être le fils de Zénith ? Qu'importe, puisqu'au fond, ce ne serait que la vérité.

Un long soupir s'exhala de son corps encore jeune, alors que ses lèvres de satin se mirent à bouger, les mots cavalant en dehors de sa bouche, apportant avec eux la vérité, et le secret de son identité. Zanzibar, chef du Crépuscule, errait sur les terres de Black, risquant sa vie à des jeux idiots, fuyant ses terres pour trouver ailleurs un semblant de quiétude. Faux : il n'avait pas pris la fuite, il s'était simplement éclipsé quelques heures.

❝ Enchanté de faire votre rencontre Siana. Je me nomme Zanzibar, fils de Zénith et de Gaïa. ❞

Il accompagna ses paroles d'une majestueuse révérence, ses muscles se contractant sur son corps, y créant mille nouveaux reflets de feu, alors que déjà, il se redressait, le col roué.  

Radioactive 

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Siana sursauta. Le fils de Zénith ? Oh, bien sûr, elle n'avait jamais eu de contact avec les Clans, mais connaissait quand même les grands noms, ceux que tout le monde connaissaient.

- Le fils de Zénith ? Mais alors... vous êtes le chef du Clan du Crépuscule !

Elle se trouvait devant un des chefs des Clans. Cela ne lui faisait ni chaud n'y froid, en réalité. Elle avait décidé qu'elle ne se comporterait pas autrement juste parce que c'était un Chef. Elle était presque certaine que cela ne le dérangerait pas. Et puis, il était seul, ici, donc a ce moment, Siana se dit qu'il était plus un étalon libre et vagabond qu'un chef. Du moins c'est ce qu'elle pensait.

- Enchantée, également, dit-elle en souriant.

Elle fut reprise de toux. Ses yeux la piquaient beaucoup et elle ne cessait de battre des paupières.

- Vous venez donc souvent ici ?

❧ Radioactive.

Le fils de Zénith, le chef du clan du Crépuscule, oui. Un fin sourire passa sur ses lèvres, alors qu'il venait de se faire " démasquer " par la jument noire. Mais, et à son grand plaisir, son comportement ne changea pas. Souvent, quand ils apprenaient son rang ou sa naissance, ils se prosternaient face à lui en inutiles courbettes, le louaient avec des mots trop grands. Lui voulait conserver ces échanges simples. Bien sûr, il ne serait plus jamais un de leur égal, il aurait toujours ce quelque chose en plus qui faisait que lui dirigeait. Mais était-il, au fond, si différent des autres ? Quatre membres, un même cœur entre les mêmes épaules. Comme ses guerriers, si la guerre éclatait, il monterait au front. Comme eux, il mettrait sa vie en jeu, pour sauver le Crépuscule, pour faire gagner la Coalition du Nord. Il n'était en fait qu'un cheval ... un cheval avec du sang de roi.

❝ C'est ça, je suis le chef du Crépuscule. Il fit une courte pause, regardant le paysage autour d'eux, pour reprendre ensuite. Plus maintenant, je n'en ai pas vraiment le temps. Mais quand j'étais poulain, et que j'errais seul, alors souvent, c'est ici que mes sabots me menaient. ❞

Zanzibar s'était tu, alors qu'il ressentait comme un pincement au cœur en parlant de cette enfance passée, de cette enfance volée. Il n'avait pas toujours été heureux, mais il avait su en tirer les bons enseignements, et il était aujourd'hui décidé à ne plus se laisser faire, maintenant qu'il savait et qu'il avait les armes nécessaires pour se battre.

❝ Je vous aurai bien proposé de galoper un peu, mais vu l'état de vos poumons, je crains que ce ne soit une bonne idée. Peut-être souhaiteriez-vous simplement marcher pour trouver un endroit plus respirable ? ❞

SIANA

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Ce ne devait pas être facile de diriger un clan. Surtout pour lui qui paraissait assez jeune.
Lorsqu'il lui proposa de marcher une peu, elle répondit :

- Avec plaisir. Cette fumée me fait vraiment beaucoup de mal.

Elle lui sourit, et toussa encore.
Elle aurait aimé galoper avec lui, mais il avait bien raison, ces poumons en auraient trop souffert. Néanmoins elle appréciait la compagnie de Zanzibar, et pas parce que c'était un chef de Clan. Ils avaient sensiblement le même âge, et elle le trouvait sympathique. Elle avait envie d'en savoir plus sur lui.

❧ Radioactive.

Il avait passé ses six premiers mois entouré de ses parents, qui avaient alors pour fonction de dominer le clan. Il avait donc été plongé dès son plus jeune âge dans cet univers de pouvoirs, où les jeux se pratiquaient dans l'ombre dense. Mais sa différence, par rapport aux autres, était qu'il avait tout été. Outre le fait qu'il avait partagé sa vie entre Zénith et Gaïa, découvrant le monde des dirigeants, il avait longtemps accompagné Campañero, le lieutenant de son père, et avait donc appris les lourdes responsabilités qu'il devait assumer. Puis, alors que le trio roi avait disparu, le laissant seul, il avait été recueilli par Black Moon, avec laquelle il avait appris, ou plutôt découvert, la vie de simple guerrier. Son enseignement avait donc été complet, alors qu'aujourd'hui, il parlait déjà comme un cheval mûr d'expériences, bien qu'il n'ait que quatre ans. Aussi, il se doutait que la petite jument noire était de quelques années son aînée, mais sans doute ne le remarquerait-elle pas, puisqu'ils devaient avoir tout au plus deux ans d'écart.

❝ Bien, allons-y alors, mais ne traînons pas : nous ne savons jamais où les flammes vont naître. ❞

L'étalon de feu lui adressa un sourire, alors qu'il n'ajoutait rien, préférant la laisser mener la conversation : ainsi, il en apprendrait sans doute davantage sur elle, qui semblait être une solitaire plus qu'une jument de clan. Peut-être souhaiterait-elle intégrer un troupeau, plus tard ? Zanzibar n'en savait rien, mais il saurait prendre le temps de la questionner, même si pour le moment, il utilisait une bonne partie de son attention à les guider. Il leur faudrait monter sur les dunes rocailleuses pour surplomber l'étrange endroit, et respirer ainsi un air plus pur. Ils n'en n'auraient pas pour longtemps, si les esprits le voulaient.

SIANA

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Elle se mit en marche derrière Zanzibar. Elle lui faisait une totale confiance, car il était évident qu'il connaissait son chemin.
Elle attendit de sa part quelconque parole, mais elle comprit vite que si elle voulait mieux connaître l'alezan, elle devait commencer la discussion.

- Je n'étais jamais venue ici. A vrai dire, je ne connais rien de ce qui se trouve dans les parages. Je ne connais que les Terres Libres, et les endroits par lesquels je suis passée pour arriver ici.

Elle s'interrompit, décidant que c'était au tour de Zanzibar de parler, et demanda :

- Et vous, pourquoi êtes-vous venu ici ?

Elle ne souhaitait pas se montrer trop fouineuse, mais elle était curieuse sur lui. Elle lui parlerait un peu d'elle s'il le souhaitait, mais il fallait qu'il fasse de même. Après tout, ce n'était pas parce qu'il était chef qu'il ne la traiterait pas en égale... du moins elle l'espérait.*
De temps en temps, un jet de flammes jaillissaient près d'eux, mais cela ne semblait pas le moins du monde déranger Zanzibar, alors qu'elle sursautait chaque minute. Elle ne cessait de fixer du regard l'alezan, attendant une réponse.

❧ Radioactive.

Le jeune étalon l'écoutait, bien qu'il ne regardait que devant eux : il aurait été malheureux qu'ils s'égarent en pareil lieu. Siana était nouvelle, et elle ne connaissait pas l'endroit, ce que le guerrier avait compris assez rapidement. Mais il ne l'interrompit pas, alors qu'il s'autorisait à poser un instant ses grands yeux sur elle, lui adressant un sourire, aussi bref que sincère. Lui, que faisait-il ici ? Il s'ébroua, ses crins dansant sur son encolure, alors que souple, son corps ondulait sur la terre brûlée, se parant d'éclats roux qui faisaient de lui un étalon de feu.

❝ Vous découvrez les terres de Wild Horses ? C'est quelque chose que nous avons tous fait, et je pense pouvoir affirmer que tout le monde a été heureux de ce voyage. Je suis venu ici pour ... prendre du recul par rapport à la situation que nous traversons actuellement. J'avais besoin de me vider la tête mais chut, ne le répétez surtout pas ! ❞

Ses mots étaient enjoués, alors qu'il s'était mis à rire. Il savait bien que personne ne le blâmerait de ces quelques heures passées sur les terres de Black. Les frictions au sommet ne signifiaient pas que les chefs et les lieutenants devaient arrêter de vivre, au contraire.

Zanzibar trouvait la nouvelle bien peu bavarde, et les silences n'étaient plus bénéfiques pour lui, sauf ceux d'Antéa, alors qu'ils jouaient et échangeaient par le seul biais de leurs regards ... mais en compagnie des autres, le fils de Zénith avait un impérieux besoin d'échanger, de connaître et de découvrir.

❝ Je ne vous ai jamais vu ... vous êtes ici depuis longtemps ? ❞

Radioactive 

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Elle continuait d'avancer, en toussant toujours mais moins qu'avant. Elle se demandait ou l'emmenait Zanzibar, mais pour l'instant, il était évident qu'il voulait en savoir plus sur elle. Elle réfléchit un instant puis répondit :

- Cela fait deux ans que je vis a Wild Horses, mais c'est la première fois que je quitte les Terres Libres. J'ai entreprit un petit voyage, je voulais découvrir ce qu'il y a plus loin. 

Elle se tut un instant.

- J'en avait assez d'être seule là-bas, a ne rien faire.

Elle ne dit rien, pensive. Puis elle demanda :

- Vous ne vous êtes jamais senti seul ?

❧ Radioactive.

Son cœur se serra dans son poitrail, alors que Siana lui posait la question interdite. Oh bien sûr, elle n'aurait pu le deviner, aussi, le jeune étalon ne lui en voulait pas. S'était-il senti seul ? Oh, si elle avait su ! Zanzibar s'était fait abandonner dès son plus jeune âge, et tous ceux qui s'étaient ensuite chargés de le recueillir avaient fini par disparaître, le laissant encore plus seul que jamais. Et de cette solitude imposée, il en avait souffert. Il n'avait été, à une époque, plus qu'un rêveur compulsif qui s'imaginait des ailleurs, s'enfermant dans une profonde mélancolie. Mais ce n'était pas la solution, et il en avait eu conscience. Alors, à la façon d'un aigle royal qui étend ses ailes pour voler, le fils de Zénith et de Gaïa avait pris son envol.

❝ Je pense que je peux vous comprendre, Siana ! Un jour, nous avons tous besoin de faire quelque chose de notre vie, de nous rendre utiles. Et que pensez-vous des terres que vous découvrez ? Vous plaisent-elles ? ❞

L'étalon lui adressa un sourire, alors qu'ils venaient de sortir de la terre des flammes, indemnes. Mais l'air, ici, était encore imprégné de souffre, aussi, Zanzibar, d'un geste évasif, lui montra les dunes en contre-haut.

❝ Là-haut, l'air sera vraiment plus respirable ! Et quant à la solitude ... disons que pour moi, elle est devenue une vieille amie. ❞

Zanzibar n'ajouta rien de plus, avançant seulement.

Radioactive

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Elle se sentit soulagée : il sortaient enfin de toutes ces flammes. Mais l'air était toujours nocif et Siana continuait de tousser. Lorsque Zanzibar lui indiqua l'endroit ou elle pourrait enfin respirer du bon air, elle accéléra l'allure, pressée d'y être.
A ses paroles, Siana avait compris que l'étalon aussi avait connu la solitude.

- Je me suis toujours senti très seule. Depuis plus de 4 ans, en réalité. Elle ne m'a jamais quittée depuis.

Elle se tut, décidant de changer de sujet, celui-là semblant douloureux pour les deux.

- Au fait, quel âge avez vous ?

❧ Radioactive.

La jument accéléra l'allure alors qu'il lui indiquait où aller, ce qui le fit sourire. Il arqua son col, sa queue se portant en bannière, alors qu'aussitôt il forçait à son tour l'allure, prenant un trot élastique et régulier, ses oreilles se tendant en avant. Zanzibar avait besoin de prendre de la vitesse, mais les dunes n'étaient plus qu'à quelques mètres. Sage, il conserva son trot, alors que déjà il se tendait en avant, abordant la douce montée qui les mènerait en hauteur.

Siana connaissait elle aussi la solitude, et l'étalon de feu n'aurait jamais remis en doute sa réponse, alors qu'il avait remarqué qu'elle n'avait pas répondu quant à sa question sur les paysages de son monde. Il eut un sourire, reconnaissant qu'elle change de sujet. Il savait qu'il n'aurait pas besoin de lui dire de sa propre bouche qu'il avait été abandonné à l'âge de ses six mois : quelqu'un s'en chargerait sans doute pour lui.

❝ Nos terres sont-elles horribles au point que vous refusiez de m'en parler ? Il eut un léger rire. Je suis dans ma quatrième année. Et vous, puis-je me permettre de vous demander votre âge sans être incorrect ? ❞

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Elle sursauta au rire de l'étalon et s'exclama :

- Oh, non pas du tout ! Vos terres, sont belles, mystérieuses, mais je dois admettre qu'elle ne sont pas rassurantes. Cependant, elle donnent l'envie de les explorer, d'en connaître chaque recoin.

Elle s'interrompit. C'était la vérité. Les lieux n'étaient vraiment pas rassurants, mais ils étaient mystérieux et la jument noire sentait chaque instant monter en elle le désir de les découvrir dans leur intégralité, même si elles pouvaient se révéler dangereuses. Elle venait d'en faire l'expérience.

- J'ai cinq ans. Nous avons donc sensiblement le même âge !

En physique, l'étalon faisait son âge. Mais il semblait mûr d'expérience, cela se sentait a sa façon de parler. Du moins c'est ce qu'elle pensait.

- N'est-ce pas indiscret de vous demander pourquoi vous traversez une période difficile ?

❧ Radioactive.

Zanzibar, pour terminer son ascension, eut quelques foulées de galop, alors qu'une fois le plat retrouvé, il s'arrêta, faisant demi-tour pour vérifier que Siana n'avait aucune difficulté à monter à son tour. Elle avait vivement réagi à sa petite pique qui pourtant n'avait rien de méchant, ce qui le déstabilisa quelque peu, alors qu'il se demandait si son ton justifiait une telle réaction. Mais il ne s'en formalisa pas pour autant : la solitaire répondait, enchaînant même avec un tout autre sujet. Zanzibar, comme elle parlait du mystère de ces terres qu'il connaissait si bien, les pensa un instant. Il s'en alla sur le désert blanc, témoin de bon nombre de ses galopades, passant par le Marais aux Fantômes qu'il connaissait comme sa poche. Oui, les terres de son pays étaient belles, belles à en avoir le souffle coupé.

❝ Et vous verrez : plus vous passerez de temps à les regarder, à les écouter, et plus il vous deviendra facile de les apprivoiser, et de ne plus douter de leurs apparents mystères, même si cela ne se fera pas du jour au lendemain, bien entendu. ❞

Siana avait cinq ans, soit un an de plus que lui. Il se souvenait de ses précédentes paroles, à propos de la solitude. La petite jument lui avait dit être seule depuis quatre ans. Il en conclut donc qu'à ses un an, quelque chose s'était passée, quelque chose d'assez grave qui l'avait isolée de tous. Mais Zanzibar, désireux de ne pas faire de vague, décida de taire ses réflexions, se concentrant sur ses paroles, qui le troublèrent. Comment pouvait-elle affirmer qu'il traversait une période difficile ? Il souriait, riait, et les muscles saillants qui roulaient sous sa peau étaient le témoin de son excellente forme physique.

❝ Excusez-moi mais je crains ne pas comprendre votre question. Pourquoi serai-je entrain de traverser une période difficile ? ❞

Radioactive 

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Siana grimpa rapidement et prit le galop a son tour, avant de s'arrêter aux côtés de l'alezan. Elle le regarda dans les yeux. Elle dit doucement :

- Vous m'avez dit que vous aviez besoin de prendre du recul par rapport a la situation actuelle, et de vous vider la tête. J'en conclus donc que tout ne va pas pour le mieux de votre côté en ce moment. Mais je me trompe peut-être ?

Elle inspira une bonne bouffée d'air frais, et cela lui fit un bien fou. Elle recommença plusieurs fois, pour vider ses poumons de tout cet air nocif. Puis son regard doux se posa a nouveau sur Zanzibar.

❧ Radioactive.

La guerre était imminente. Mais était-il possible que la Solitaire ne s'en soit pas rendue compte ? Tout le monde semblait ne parler plus que de cela, alors que les chefs, eux, se regardaient en chiens de faïence. Qui donnerait l'assaut ? Où les combats se dérouleraient-ils ? Les Shikaku, prendraient-ils part aux hostilités ? Et si oui, de quel côté se battraient-ils ? Zanzibar savait les liens qui unissaient à présent Shiki à Black Hole, et il espérait que les Shikaku suivent l'étalon noir à l'étoile blanche, qui, d'après cette logique, se battrait pour eux. Black, Stelmaria et Equinox étaient les meilleurs combattants de ces terres, et certains disaient que Hole était capable de rivaliser avec eux : il serait un atout de taille dans cet affrontement. Le jeune alezan secoua vivement sa longue et fine tête, sur laquelle glissait une liste immaculée : il ne voulait pas que ces présages embuent son esprit. Personne ne pouvait prédire ce qui allait arriver, et s'échiner en conjonctures n'était pas une solution.

❝ Ah ! Je ne pensais pas que vous parliez de cela ... Vous n'êtes donc pas au courant ? Une guerre menace d'éclater entre l'Alliance du Sud et la Coalition du Nord. Les esprits s'échauffent. Et nous qui sommes chefs, nous nous devons d'y penser. Ces guerriers qui iront au combat seront les nôtres. Les pertes risquent d'être lourdes ... ❞

Un sourire triste passa sur son visage, alors qu'il avait posé ses yeux noisette pailletés d'or dans ceux de Siana. Il respirait paisiblement, son poitrail se soulevant avec une extrême régularité. Pourtant, ses idées fusaient dans son esprit, alors que son sang commençait à s'échauffer.

Radioactive 

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Elle l'écouta avec attention. Des hostilités entre les Clans... elle an avait vaguement entendu parler, mais ne pensait pas que cela avait tant d'ampleur.

- J'ai entendu quelques mots a ce sujet, mais rien de plus. Je ne suis pas très informée de ce qui se passe du côté des Clans, étant donné que je passe presque tout mon temps seule, dans les Terres Libres...

Elle était désolée d'apprendre cela. Des dizaines de vies perdues pour de simples désaccords...
Elle le regarda dans les yeux. Peut être pourrait-elle devenir amie avec le jeune chef ? Elle fut incapable d'ajouter un mot, se perdant dans son regard...

❧ Radioactive.

Si ce n'était qu'un simple désaccord ! Black et Sun Star, aujourd'hui, se haïssaient d'une telle force que le retour en arrière semblait impossible. Les frères s'étaient déchirés au nom du père, leurs caractères opposés se révélant alors. Black était le guerrier, la chevalier au côté sombre et au sang froid à toute épreuve. Il était aussi l'écorché vif et l'hypersensible. Sun Star, lui, était le valeureux chevalier, noble comme ceux d'autrefois, alors qu'il vivait dans et pour la bonté.

Mais qu'importe. Siana était encore moins concernée que ses guerriers, et Zanzibar n'avait pas à cœur d'obscurcir les pensées de la jument avec ses histoires de chefs. Le jeune étalon s'ébroua alors, comme pour chasser une mauvaise idée qui s'insinuait trop profondément en son esprit. Il posa ensuite son regard aux reflets gourmands sur le paysage, alors que les flammes, toujours plus hautes, s'échappaient des entrailles de la Terre, comme désireuses de mettre le feu aux cieux.

❝ Que pensez-vous faire, une fois que vous aurez fait le tour des terres ? ❞

Il eut un aimable sourire, alors que sa voix rauque et mâle vibrait dans sa gorge.

Radioactive 

©BH&UD

Elle resta perdue dans ses pensées, un instant, admirant le paysage qui l'entourait. Elle voulait le découvrir, le connaître dans ses moindre recoins, même si elle savait que ce n'était pas vraiment possible.

- Eh bien...

Elle réfléchit. Que ferait-elle ensuite ? Une fois qu'elle aurait fait le tour des Terres de Wild Horses ? Peut être retournerait dans les Terres du Sud, et là, elle irait, comme le lui avait conseillé Black Hole, chercher a combler sa solitude dans le Clan des Étoiles... Mais elle n'était pas totalement sûre de le vouloir. Mais que ferait-elle alors ? Elle ne pouvait pas rester indéfiniment a errer. Elle le savait bien, une fois son voyage terminé, elle n'aurait plus aucun désir d'aventure. Elle voudrait se poser quelque part, et vivre heureuse, peut être en intégrant un Clan. Peut être.

- Je ne sais pas vraiment. Un étalon que j'ai rencontré dans les terres du Clan des Étoiles m'a conseillé d'aller parmi eux ; cependant, je ne suis pas certaine que... je le ferai vraiment.

Elle s'interrompit un instant.

- Mais je verrai bien le moment venu !

Elle sourit.
Pour le moment, tout ce qu'elle souhaitait, c'était rester avec Zanzibar. Il l'avait conduit hors des flammes, l'avait sauvée de cette fumée nocive. Elle n'avait plus rien a faire avec lui, elle devait reprendre sa route. Mais elle voulait rester avec lui. Son sentiment de solitude s'était apaisé, elle se sentait bien, et elle avait presque l'impression de s'être fait un ami. Presque. Ils n'étaient pas amis du tout pour le moment.
Elle plongea a nouveau son regard brun dans le sien, guettant sa réponse.

❧ Radioactive.

Zanzibar avait posé ses yeux dans ceux de Siana, l'écoutant avec intérêt. Ainsi, quelqu'un s'était permis de lui conseiller quel clan choisir ? Le clan des Etoiles avaient certes quelques jeunes guerriers, mais ce n'était pas à cela que l'on choisissait un clan. Le jeune étalon garda pourtant cette pensée sur lui, alors qu'avec un sourire, il répondit, bien qu'aucune question n'ait été réellement posée.

❝ Vous avez tout le temps de vous décider, c'est vrai. Les Etoiles ont eu, d'après ce que l'on m'a rapporté, quelques nouvelles recrues. Mais nous avons tous eu -ou presque- du nouveau sang dans nos clans, sauf peut-être nous qui sommes bien mal servis. Mais je ne perds pas espoir que cela puisse un jour changer ! ❞

Souple, il étendit son col jusqu'à ce que sa tête vienne se frotter à un de ses antérieurs. Ses crins glissèrent en avant, alors que son toupet cachait à présent ses yeux.