There something inside you [libre]

Le jour, à cette heure avancée, mourait enfin. Le ciel, ce soir, s'était paré d'un manteau aux couleurs écarlates. Et de nouveau, il faisait beau et chaud, et de nouveau, il hantait ce lieu comme à la recherche des âmes disparues et aimées, des âmes d'autrefois qui avaient fait son bonheur comme son malheur. Ce lieu, à lui seul, pouvait représenter ce qu'il avait ressenti, roi déchu, ange damné. Ces pierres rouges et massives, il les avait aimées comme il les avait détestées. Aussi, ce soir, il laissait courir ses yeux profonds mais insondables sur cette terre qui l'avait, à petits feux, tué.

Ombre obscure et lugubre, l'animal foulait de son pied nonchalant les terres de Sun Star. Allait-il bien, ce père déchu ? Avait-il réussi à passer outre l'obstacle et de la perte et du manque ? Non, bien sûr que non. Chaque jour qui précéderait sa mort, le roi du soleil se questionnerait inlassablement : avait-il manqué quelque chose, un signe, un geste, une parole ? Et jamais personne, et c'était là le pire, ne pourrait lui enlever ce doute, ne pourrait répondre à ses questions. Il était à présent un maudit, à son égal.

Haut et fort, l'étalon à la robe de nuit marchait d'un pas serein, comme si de ce lieu il en avait été l'empereur, le maître incontestable et incontesté. Black Hole, depuis qu'il semblait aller mieux, avait retrouvé ce goût de l'interdit, ce goût du jeu dont le seul prix était la vie. Son âge lui donnait de nouveaux charmes, alors que sa beauté si sauvage semblait ne vouloir jamais fâner. Un démon immortel, l'oeuvre du diable, l'incarantion du Mâlin. Hole, ici, avait perdu les siens, ceux qui, un jour, avaient compté plus que tout au monde pour lui. Un par un, ils avaient fait demi-tour, s'éteignant comme des bougies rongées jusqu'à ce qu'il n'y est plus un gramme de cire ... Morts, disparus, cachés ... Ses amis, ses âmes sur lesquelles il s'était promis de veiller, et ce, au dépend de sa vie. Oh, qu'il avait mal, encore ! Mais cette douleur, son esprit avait tenté de l'en protéger. De nouveau, il avait dû oublier les sentiments, pour ne devenir que ce guerrier froid et méthodique, ce tueur.

Serait-il de nouveau charmer par une âme fragile à protéger ? Ouvrerait-il son esprit ? Ou glissait-il lentement vers la Mort, lui qui avait vécu ?

[Toque, je m'invite !]

Cours, cours, cours, cours, cours. L'ombre se cabra, se soulevant sur ses deux pattes arrières, la crinière au vent, la tête dirigée noblement vers le ciel comme s'il défiait l'univers. Le cheval hennit avec fougue, battant des jambes dans le vide, avant de retomber lourdement sur ses membres avant et de reprendre sa course effrénée. Il galopa ainsi jusqu'à arriver au bord de la falaise ou il dut freiner avec force, allant jusqu'à se blesser pour ne pas tomber. Alors il pensa. S'il avait des ailles, il s'envolerait.

Il fit son salut face au sommeil du soleil. Laissant la lumière rougeoyante le recouvrir, sa robe prenant une teinte orangée face à ce paysage. Soudain, le cheval se sentit engourdit, fatigué. Alors il se recula et d'une cadence paresseuse, refit le chemin inverse. Quelque part en lui, il cherchait cet vivacité qui l'avait happé lorsqu'il s'était mis à galoper, tel un cheval fou, Cette émotion enivrante qui l'avait soulevé comme on soulèverait une plume pour lui faire toucher les cieux. Son coeur, comme cadenassé, se serra dans sa poitrine, il se sentait mal, comme un accro, il voulait retrouver cette délicieuse sensation, celle d'avoir l'impression de ne plus faire parti de l'espace temps.

Une nouvelle fois perdu, le crème soupira, s'ébroua et regarda autour de lui. C'était une évidence, il n'était pas chez lui, il s'en fichait éperdument. Il se laissa même tomber lourdement sur un large rocher. Les yeux clos. Cheval fou. Il émit un léger bruit propre à son espèce, détendit ses muscles, regarda dans le vide la nature rougir puis devenir plus sombre, signe que le soleil faisait ses derniers au revoir. La masse chaude et pale, inerte, n'avait pas cligner des yeux, occuper à penser un peu. Il tenta d'abord de se situer et réussit à se souvenir qu'il avait pénétré les terres de Sun Star le grand. Pourquoi le grand ? Tous les chefs étaient grands, magnifiques, puissants, imposant, y comprit le sien.

Un nouveau sentiment, bien connu de lui, fit surface, la jalousie. Dans ce monde pauvre en tout, fallait-il une lignée pour être reconnue ? Il alla jusqu'à ce demander si son père, lui, s'il avait vécut, comme se serait-il trouvé aujourd'hui ? Après mûr réflexion, il ne sut trouver une réponse qui le contentait. Alors il mijota tranquillement en éprouvant un mal vert envers toutes les personnes importantes de lignée. Et envers son propre chef aussi. Comment ne pas jalouser cet étalon a qui tout lui réussissait quand lui, la moindre occasion d'apparaître lui glisser entre les pattes.

Quelle situation déplorable. Unforgettable le savait, en avait honte, mais elle continuait néanmoins de se noyer dans les sables de l'envie. Puis elle l'entendit, ce bruit distinct que les sabots échappaient en se posant sur le sol, un pas régulier, un rythme simple. En deux mouvements maladroits, la jument se releva, légèrement bancale le temps de reprendre son équilibre, les oreilles inclinés en une courbe traduisant son manque de confiance.

Un vent frais court dans l'air, et sa peau tressaille. Soudain, il s'arrête, ses membres se plantant dans le sol. Là, juste devant lui, une jument à la robe platine. Pépite d'Or ? Ses naseaux ourlés comme dans du velours se dilatent, alors qu'il cherche l'odeur de la silhouette féminine qui s'est redressée. Un hennissement bref sort de ses poumons. Son coeur bat plus vite, alors qu'il fait un pas, rapide et confiant. Pourtant, alors que son corps est encore dissimulé dans l'ombre, il se rend compte que cette inconnue est tout, sauf la mère de ses enfants. Black Hole a un mouvement de recule, alors que ses oreilles se collent à son crâne.

Sortir de l'ombre, danser sous la lune ? Le Shikaku n'a jamais reculé, il a toujours affronté les obstacles que la vie lui servaient avec détermination. Il ne se dérobera pas. Il sort enfin de l'ombre, alors que sa peau couturée de cicatrices tressaillent. Enfin, il pose son oeil sans fond et mauvais sur la jument claire. Elle le voit désormais.