Que nous reste-t-il? [PV-Sun Star]

Oh, mais regardes-nous, nous qui sommes guerriers, nous qui restons debout alors que touchés à Mort... Regardes-nous tomber au pied de notre compagne, regardes-nous nous torturer sur le sort de nos enfants. Nous sommes tellement pauvres, tellement faibles quand ceux que nous aimons nous tournent le dos, quand ils s'en vont, en s'éloignant de notre route, et qu'ils nous laissent sur le bas-côté, à la merci des Ouragans, à la merci de notre fatale frénésie. Nous ne sommes plus rien, sinon de faibles animaux apeurés et hagards, perdus sur une route trop longue, sans repairs pour nous retrouver, avec juste un coeur sanguinolant qui ne permet que quelques larmes, et encore, seulement de l'intérieur. Que suis-je, sans elle, qui faisait pulser mon coeur, sans mes enfants, qui étaient ma fierté... Que suis-je, sinon un étalon perdu et balloté entre le choix d'une vie détruite et celui de retrouver mon statut; et de participer à la destruction de cette vie que je ne supporte plus. Mais un Ami, un Frère m'a dit qu'on avait encore besoin de moi, alors que je dépérissais, il m'a dit que je n'avais pas tout perdu, tant que je n'aurai pas montré mon changement, tant que rien ne se serait effacé... Ai-je encore un rôle à jouer, alors? Est-il possible que je me relève, et que je reparte?

Nul ne pouvait s'écarter, nul n'avait le choix de refuser de se croiser, de se voir. Et pourtant, ils auraient pu passer, chacun de leur côté, sans même relever la tête et adresser un salut à l'autre; se croiser comme deux âmes errantes, deux âmes trouées et mourantes à la recherche d'un secours, d'une solution, d'une réponse... Ils auraient pu refuser de s'accrocher aux mots, à la diplomatie; et juste passer, 'lun à côté de l'autre, sans rien dire, juste aller droit, sans même lever les yeux, et trébucher à chaque pas tant la douleur était forte, tant l'envie de crier et d'hurler sa peine était hystérique. Pourtant, l'ancien chef du Soleil le salua, pure courtoisie. L'étalon noir redressa un peu la tête, posant son regard anciennement luisant de fureur et de force, aujourd'hui terne, dans les yeux noisettes de l'étalon palomino. Et ses mots furent semblable à un long soupir de lassitude et de souffrance conjuguées.

"Sun Star..."

Il n'allait pas bien, lui non plus. D'après les rumeurs, un de ces fils était mort, et l'autre avait quitté les terres de Wild Horses. Black Hole comprit alors qu'il n'était pas un des plus mals, et qu'il y avait encore plus terrible de ne pas voir ses enfants: il y avait aussi la menace de les perdre. Il regarda encore Sun Star, d'un regard plus profond et plus sombre, dans lequel negeai l'Abysse. Parle, gardien du Soleil; vide tes regrets, et renaît, comme le Phoenix. Même si la peine est insurmontable, renaît, pour faire changer les choses, à la mémoire du plus doux et du plus tendre des gentils...

Coeur à vif, âme écorchée; que valons-nous de plus? Je me suis longtemps cru fort avant de découvrir l'amour. J'ai cru que je pourrais aller de l'avant sans jamais trébucher, avant de m'apercevoir que je n'avais fait que tituber. Mais appuyé à son épaule, je me découvrais toutes les forces, et j'aurais pu déplacer une montagne si elle avait pu la gêner. Et dans les yeux de mes fils, l'admiration et cette petite étincelle qui venait de moi et d'elle, cette petite étincelle, fugace feu follet, la vie, la simple vie. Deux poulains, tout en membres et en os, tout en crinières hirsutes et grands yeux étonnés. Deux poulains naïfs, balbutiants, ignorants, deux jeunes êtres gambadant en ma compagnie en d'étranges jeux. Deux poulains aux questions déstabilisantes parfois, mais si dégourdis. Deux petits, devenus grands si vite. Et puis cette petite larme dans les yeux du plus doux, cette larme sans eau mais que je lisais sur ses traits, et ses premiers chagrins d'amour, et sa tristesse. Et la vie pétillant dans les yeux du plus jeune, et sa curiosité, et le mystère des arbres verts, si verts, qui l'intriguait tant. Mais toujours, ses yeux à elle, ses yeux chocolat, comme un tunnel dans lequel brillait ma lumière. Mais son coeur de mère est blessé, et peut-être plus encore que moi. Elle ne sait plus, et je ne sais plus non plus. Où suis-je, qui suis-je? Comment continuer quand il ne reste rien d'eux, comment continuer en sachant qu'il grandira et résoudra le mystère de la verdure des arbres loin de moi, sans que jamais je le revoie, tandis qu'à tout moment sa vie pourrait s'éteindre, petite bougie soufflée, comme celle de son frère? J'ai perdu un père, et j'ai perdu un frère, mort à mes yeux. J'ai perdu une mère, et voilà que je perds mes fils.

Sun Star arqua le col, faiblement, un salut sans aucune espèce de raffinement. Aucun intérêt, il ne se sentait même plus capable d'articuler quelques mots. Aucune envie...L'étalon noir face à lui souffle d'un ton rauque son prénom; comme une façon de signifier qu'il l'avait reconnu. Mais chacun lisait la douleur de l'autre; Sun Star savait bien que le couple du noiraud n'était pas au beau fixe, et qu'il n'avait pas le droit de voir ses deux enfants. Avec un coup au coeur, il réalisa soudain que c'était d'une certaine façon ce qu'avait vécu son frère, Black. Black, se disputant incessamment avec Magie Noire, s'était en effet vu interdire la présence de Hell Demon et, plus tard, celle de ses petits enfants, avant la mort de la jument noire...L'étalon doré s'ébroua et toisa Black Hole, d'un regard morne, sans défiance ni agressivité. En lui il ne voyait plus le Shikaku mais, comme le sien, un coeur de père, à vif.

Moi le soleil et toi l'ombre...comme Black. Nous pourrions être frères, mais c'est notre souffrance et l'ombre de nos coeurs qui nous rassemblent, Shikaku. Je ne te connais pas plus que ce qu'on m'a dit de toi, et je ne sais rien de tes enfants ni de ta compagne. Toi, au moins, tu les vois parfois, mais moi...jamais plus. N'est ce pas un concept effarant? Jamais plus. Mon esprit n'arrive pas à englober cet infini, à comprendre que je ne croiserai plus Lune, ne verrai plus un de ses sourires timides ou la silhouette osseuse de Crystal, si semblable à Black, que je n'entendrai plus ses questions, ou les rares mots de mon fils aîné. C'est effrayant, cet infini, ce néant, cet inconnu. Effarant. Tu n'es plus que l'ombre de toi-même, Black Hole, mais moi aussi, je ne suis plus qu'un pâle soleil dans l'ombre glacée de la mort, et je ne parviens même pas à réchauffer ceux qui m'entourent. Ils sont morts, ils ne sont plus, mais à toi j'aurais pu en parler, car toi, tu es père et tu connais la souffrance de la séparation; toi, tu pourrais comprendre ma douleur d'avoir perdu mes fils, et moi je peux imaginer la tienne de ne pas les voir grandir, ces petits...Allons, nous ne sommes pas ennemis aujourd'hui, mais plutôt frères dans la même douleur.

"Black Hole. Tu as changé."

Et moi aussi. Je suis une ombre traversant des terres que j'aimais, mais auxquelles la présence des petits donnait sa force. Désormais il me reste elle, en cela je suis chanceux, car elle m'aime et je le sens, car nous n'arrivons pas à parler, murés dans nos douleurs, mais car elle ne m'a pas repoussé. Elle est perdue comme moi, mais elle ne m'a pas chassé. Tu vois, j'ai perdu un fils et ne verrai plus grandir l'autre, et notre couple vacille. Ton couple aussi vacille, et de façon plus houleuse, et si tes fils sont en vie, tu ne les vois pas non plus...J'ai envie de te parler d'elle et presque de te remonter le moral, même si je n'y arriverai pas. Pourtant...Nous avons eu des orages, nous aussi, et là, c'est le coup de tonnerre. Mais nous nous connaissons et nous aimons. Nous remonterons cette pente glissante, un jour. Mais toi? Votre couple n'es pas si ancien que le nôtre.

Oh, mais je savais, pourtant, je savais que l'amour faisait mal, que l'amour pouvait détruire. Je le savais, car j'y avais déjà goûté, je m'étais déjà brûlé les ailes auprès d'une charmante créature, auprès de celle à qui j'avais remis mon coeur. Mon coeur, si chaud, si petit, mon coeur qu'elle n'hésita à broyer, à anéantir. Et cette jument, je l'ai aimée de la même force au moins que je l'ai haïe. J'avais renoncé, ensuite, à aimer de nouveau. J'avais eu trop mal, bien trop mal; et j'avais découvert entre temps que le crime était beau, que le crime était encore plus doux qu'avant... Pourtant, quand j'ai croisé cette pouliche, devenue si vite jument; je n'ai pu résisté à ses appels, à ses requêtes; et j'ai cédé. Je savais dans quel engrenage je mettais le doigt, mais rien n'a été assez fort pour me retenir, pour m'empêcher de me laisser aller au sentiment. Et je l'ai aimée, cette jeune jument des Etoiles! Oh, avec une telle force! Elle était tout, mon oxygène, ma voix, mon souffle, mes yeux, mon coeur... Tout, elle était, elle est la mère de mes enfants. Mes si fragiles bébés... Bliss, Thief... Mais comment a-t-elle fait pour m'empêcher de les voir? Et que suis-je, sans elle, sans eux? J'ai survécu, je crois; où je survis, peut-être. Mais que restera-t-il, quand je serai sorti de cette impasse, de cette douleur, de cette tristesse? Que restera-t-il, sinon un goût que je ne connaits que trop? Aurai-je tout perdu, haïrai-je de nouveau? Et que dirai-je à Bliss, à elle qui me ressemble temps, que pourrai-je lui dire, alors qu'elle ne me connaît pas? Et à Thief, que pourrai-je lui enseigner, moi, l'Inconnu? Sans même miser, j'ai tout perdu. Dois-je donc dépenser le peut qu'il me reste, miser pour essayer de remporter, ou économiser, pour me venger?

Il redressa la tête, juste pour poser son regard dans celui de Sun Star. Oui, il l'avait reconnu, lui, le Gardien du Soleil, l'étalon au grand coeur qui lui avait accordé une chance, alors que même Liberty était dubitative. Oh, combien lui devait-il, à cet étalon palomino? Tout, tout ce qu'il lui restait. Et même si je te donnais tout, tu ne gagnerais pas grand chose, au vue de ce qu'il reste. Coeur de père écorché vif, coeur de père abîmé contre les pics d'un amour trop violent et... D'un amour? Mais l'aimait-elle encore, pour l'avoir chassé de la sorte? Eprouvait-elle encore quelque chose pour lui? Pour le Démon qu'elle avait "aimé" puis assassiné?...

Mais comment fais-tu pour avoir ce regard, comment fais-tu pour poser tous ces mots? Je n'en suis pas capable, et je crois bien que je préférerai me perdre dans le tunnel obscur de la Mort, que de devoir me battre pour ce qui vient de me détruire. Que j'aimerai les voir, les serrer contre moi, sentir leur odeur, voir leur reard pétiller au coeur des Ombres. Voir leur vie luire, alors que tout est mort. Ils ne sont pas seulement moi, ils sont le futur. Ils sont nous. Au même titre que Shiki, que MoonDance, que Jun, que Zanzibar, et que toute cette génération qui se profile. Nous sommes tous pères, et nous venons de tout détruire. De tout anéantir. Et je ne veux pas, je ne suporterai pas de voir mes enfants courirent à leur perte. Parles-moi Sun Star, parles-moi de tout, apprends-moi ta façon de voir, de comprendre, parles-moi de tes souffrances pour que je tente de t'apaiser, de te comprendre un peu plus, et qui sait, d'adopter le même point de vue que toi. Dis-moi ce qui te ronge le coeur, et je peux t'assurer que seules les pierres en seront témoins.

"Je crois que nous revenons d'un semblable voyage."

Notre descente aux enfers aura été commune. Mais coulons-nous à cause du même plomb? En ce sens que tu es une ombre, je te suis semblable. Je vogue, Bateau Fantôme, sur les méandres de ma Vie, je marche silencieux sur ces terres, sur ce territoire qui pleure et qui hurle d'un cri hodieux à mes oreilles. Tout pleure autour de nous, nous qui sommes encore debouts. Parles-moi d'elle, parles-moi de vous, et dis-moi que tu réussiras à remonter cette pente. Je te le souhaite, tu le mérites. Mais moi... Moi, comme tu l'as très bien dit, mon couple est récent, peut-être trop... Mais je ne peux me dire que je suis allé trop vite, ne serait-ce qu'à cause de mes endants... Et je ne pense pas m'être trompé à ce point là sur elle. Je crois, je pense qu'elle m'aimait; mais aujourd'hui... Qu'éprouve-t-elle envers moi?

[c’est marrant, tous mes RP avec toi tournent au lyrique^^ mais c’est sympa, ça permet de s’essayer à plusieurs styles !!]

Suis-je revenu de ce voyage, Black Hole, de ce voyage au bout de la nuit ? La nuit n’a pas de fond, la nuit n’a pas de fin, pas plus que de cœur, et elle m’engloutit, m’envahit doucement, m’étrangle et me prend à la gorge comme un lasso. Je me noie, je me débats dans un abîme de fantômes et de souvenirs, je me bats contre la douleur, contre la tentation de tout laisser tomber, de les laisser continuer sans moi, moi sans forces. Ils étaient mon oxygène, ils étaient mon espoir, mon futur, disparu et envolé en quelques secondes, le temps d’une information, le temps d’une terrible révélation. Je les vois, dès que je ferme les yeux, et ils hantent mes nuits. Le corps brisé de Lune, Lune qui jamais n’a blessé quiconque, Lune, mon fils, sa cicatrice sur la croupe, souvenir du jour où je l’ai sauvé de l’ours. Et Crystal Noir, quelque part, ardent, jolicoeur, à bombarder de questions autrui…les cieux fassent qu’il soit vivant, et heureux, mon fils aimé, car moi je ne le verrai plus ! Certains tentent de me dire que non, mais je le connais, c’est mon enfant, mon fils, il est parti et je sais bien qu’il ne reviendra pas. Wild Horses était trop petit pour ce grand esprit.

Un même voyage, oui. Nous sommes deux voyageurs hébétés, perdus et étouffés par le chagrin, par le poids immense de ce que nous avons perdu en route. Ils étaient ma vie comme eux, tes petits, ta compagne, étaient la tienne. Et pourtant, il faut encore se relever, il faut encore continuer car le monde tourne, le monde tourne sans savoir. J’ai envie de leur hurler de ressentir quelque chose, de souffrir, de pleurer un peu, puisque Lune est mort, Crystal parti à jamais ! Pleurer un peu sur les vies brisés et les séparations, et sur les couples qui se séparent. Nous avons été adversaires, Hole, nous avons fait la guerre et la referons. Fasse le destin que nous soyons du même côté.

« Un bien terrible voyage. »

Ca me semble important de te le dire. Tu n’es pas seul, Renji est là pour toi, et je te fais confiance, désormais. Tu as prouvé ta sincérité, tu as prouvé ta foi, toi autrefois le pire d’entre eux, tu restes peut-être le loup et peux le demeurer, mais j’ai compris que nous n’avions pas à te craindre. Relève-toi, frère. C’est la même douleur qui étreint ton cœur et le mien, mais moi je suis deux. Car elle est avec moi, je le sais, et s’il le fallait je t’aurais pris ton fardeau aussi. Ca me semble important de te le rappeler, que tu n’es pas seul parce qu’à moi aussi, ça me rappelle que je ne suis pas solitaire :

« J’ai parlé avec Renji…Il te voue sa confiance. Et moi aussi. Sache que, quoi qu’il puisse se passer, tu es le bienvenu sur les terres du Soleil ou aux côtés de ses membres, et tes enfants de même s’ils en manifestent le désir. »

J’espère qu’ils n’auront pas besoin de cette protection, tu sais. Certains soirs je lève les yeux vers les étoiles je m’interroge ; quelle machine infernale avons-nous lancé ? Qu’avons-nous déclenché, toi, moi, autrui ? Qu’a fait notre génération ? Je vois autour de moi les chevaux se déchirer, la haine dresser les familles les unes contre les autres, et je ne sais pas ce qu’il adviendra de cette nouvelle génération. Shiki, Moondance, tes deux enfants, et tant d’autres…dans quelle tourmente les avons-nous jetés, dis-moi ? Je donnerais tout pour qu’ils ne soient pas emportés par cette tempête que nous récoltons, nous seuls qui l’avons semé. Prisonniers du passé et de nos ascendances, nous avons semé le trouble ici. Mais je ne veux pas que ces enfants payent pour ce feu que j’ai contribué à répandre ici.

[En fait, je crois que je sais pas trop écrire autrement MDR]


J'ai passé toute ma vigoureuse jeunesse à errer au milieu des ombres et des fantômes, à ne croiser que des assassins prêts à tout pour me nuire, à embrasser des cadavres après leur avoir marché dessus. Moi, je le sais, je suis comme la Nuit, comme ce que tu fuis, je suis ton pire cauchemar, Sun Star, détournes-toi de mon regard et de mes paroles, fuis, tant qu'il est encore temps, et répend la nouvelle que je suis resté le même, plus traître encore. Je sais, au moment où je te parle, que j'ai tout perdu: ma compagne me jure de m'aimer jusqu'à la fin de nos vies en même temps que de m'annoncer qu'elle en aime un autre. Moi, je suis perdu, vaincu; et pour tout t'avouer, je ne pensais pas que quelque chose aurait put être plus terrible que les combats incessants de ma jeunesse, avec la Rage et la Haine que celà entrainait. Pourtant, je viens de me heurter à plus dur encore: relever la tête et repartir? Même si j'en avais la force, je sais aujourd'hui que je ne veux plus. C'est au-dessus du pouvoir, ça s'attrappe au vouloir. J'ai peur de vous avoir tous déçu et trompé, bien malgré moi. Mais ne dit-on pas que ce qui est fait est fait? Dois-je partir, et m'effacer, dois-je continuer de dépérir ainsi; ou dois-je m'accrocher aux sentiments qu'ils me restent? J'aimerai que mes enfants soient les vôtres, ceux de tout un Wild Horses uni, qu'ils ne connaissent pas le dur choix d'un Clan, et que, partout, ils soient en sécurité... J'aimerai que Shiki, Moondance, Zanzibar ou Uprising puissent vivre différemment que nous. Loin de la guerre et des vices. Mais j'ai tellement peur pour ma jeune Bliss, si fière et vive... J'ai peur qu'elle ne soit en train de s'égarer sur l'abrupte route des Shikakus. Que suis-je censé faire? Lui dire de ne pas être comme moi, son père? Ou de suivre ses envies, au risque de la voir dépérir? Je suis incapable de trancher et de me décider, je suis tellement risible!

Je détruis tout ce que je touche, et je fais mal à tous ceux que j'aime, je ne suis plus capable de rien, sinon de m'éfondrer et de ressasser mes souvenirs. Parfois, j'aimerais ne pas être celui qu'aujourd'hui je suis: ne pas avoir cette robe si foncée, trompée par cette étoile tellement blance! Je voudrais ne pas être cet étalon dont le nom galope sous les ailes du vent. Innocent et seul, connu d'aucun de vous que j'apprécie, et que j'ai tellement peur de faire souffrir! Détestze-moi, haïssez-moi, rien de ce que vous me fairez ne sera assez cruel pour me faire payer ce que je vous ai fait. Chacun de vous m'a apportez des valeurs, belles et honnorables, mais que je ne saurais que tromper. Quelque chose me tire vers le bat, une force fulgurante en moi qui se confond en un cri rauque me hurle de redevenir Shikaku et de m'enfermer dans cette bulle d'hystérie!

"Terrible voyage que tu ne méritais pas, et que personne ne devrait avoir à subir. Mais en sommes-nous vraiment revenu?"

Et comment, Gardien du Soleil, comment ne plus douter? Comment ne plus avoir peur de croiser la perte d'êtres chèrs à chaque seconde? Avons-nous le droit de nous relever? Mais détournes-toi de moi! Enmène aussi Renji et ceux qui comptent! Sauves-toi, sauves-les, pour moi... Tu ne me dois rien, et tu ne me devras jamais rien, de même qu'il ne faut pas que tu m'appelles ton Frère, car je ne le mérite pas, et je ne le mériterai jamais. Je lutte contre mon propre esprit, mais il est fort, tellement fort! Fuyez, toi, et tout le reste, abandonnez-moi, et laissez-moi mourir dans mon coin comme le ferait un vieux Loup blessé.

"Toi et Renji, vous aurez été importants pour moi, et vous m'aurez aidé à comprendre bon nombre de chose. J'ai cru, en vous écoutant, que je pouvais devenir, ou redevenir, bon; mais plus je creuse chacun de vos mots, plus je me rend compte de l'injure que je suis pour vos noms. Je suis l'indigne et le perfide, vous feriez bien mieux de vous détourner de moi."

Je crois, j'espère qu'ils auront la force de se relever, de se révolter contre nos actions passées. Je crois qu'ils auront l'intelligence que nous n'avons pas eu. Mais ils sont jeunes et ils apprennent à peine leur corps plein de vigueur et de puissance... L'avenir est si incertains! Que seront-ils demain? Marcherons-t-ils main dans la main, ou se plantront-ils un poignard dans le dos? Et j'ai tellement peur de voir Bliss se dresser en Shikaku, et vivre selon ses lois, en croyant marcher dans mes traces qui sont en fait celles du Diable. Qu'ai-je fait de mes deux enfants? Nous avons corrompus les générations du futur, mais ce n'est pas à toi de te reprocher quoi que ce soit. Ceux sont nous, les Shikakus, qui sommes fautifs...

J’avais peur pour eux et pour eux, pour l’avenir que j’aurais pu leur offrir, je me battais. Pour eux, pour Stella, rien que pour les miens, mes proches. Mais maintenant Stella ne sait plus, et mes deux fils ne sont plus, que me reste-t-il sinon mon Clan ? Ai-je encore l’envie de me battre, de lutter pour que ceux de ma tribu vivent et vivent selon les idéaux que nous partageons eux et moi ? Mon père est mort et moi, j’ai trahi mon frère. Mon fils aîné est mort, mon cadet a fui, et ma compagne se détourne de moi. Il semble que notre lignée, celle des Rois, soit maudite, aussi maudite que celle des Thars mais d’un sort différent. Nous nous croyions supérieurs aux chevaux des terres de glace, à Stelmaria qui tua sa famille mais regarde nous ! Je n’ai rien su conserver ni protéger de ce qui m’était cher. Je n’ai rien su faire que de vous regarder sombrer ; je me suis débattu, je ne me suis pas battu. Stella, et toi Black Hole, et même Black, ou Liberty, vivez, vous au moins, vivez. Ne me laissez plus vous approcher, je n’ai su que vous perdre ou vous entraîner vers le gouffre. Laissez-moi de côté, laissez-nous donc de côté, nous ne sommes plus de votre monde, nous sombrons dans l’abîme.

Sun Star coucha les oreilles en écoutant l’ancien Shikaku. Non, il avait raison. Ils n’étaient revenus de nulle part, jamais revenus. Black Hole, lui, tous ceux qui perdaient ou avaient perdu des êtres chers, et qui erraient dans un non-lieu peuplé de souvenirs, n’était pas revenus de ce voyage au bout de la nuit. Black, lui, avait réussi à se relever ; des rumeurs couraient parfois sur l’étalon noir et une belle jument blanche, et des chevaux avaient informé Sun Star, qui avait noté cette information dans un coin de son esprit. Oh, jamais il n’aurait été capable de s’en prendre à cette jument qui semblait chère au cœur de l’étalon noir. Il ne mangeait pas de ce pain-là, et surtout, comment aurait-il pu agir de la sorte, connaissant l’amour qui l’unissait à Stella ? Comment briser celle qui était sûrement le cœur, et la vie de son frère, son frère ennemi mais néanmoins son frère ? En des moments comme ceux-ci, les bruits et les gambades de leurs cavalcades de poulains lui revenaient en mémoire. La voix piaillante de Liberty, toujours prompte à rapporter la moindre bêtise des deux mâles, leurs courses dans l’herbe, dans l’eau, les moments de paix, côte à côte face au couchant et plus tard, tandis qu’ils grandissaient, leurs premiers duels, encolures arquées, dans un simulacre de parade. Black avait été son compagnon de jeu et d’aventure, qu’il entraînait ou qui le guidait dans des mondes oniriques droit nés de leur imaginaire, puis le premier avec qui il avait croisé le fer et plus encore, son ami, son confident, son frère, simplement. Et c’était lui, l’étalon doré, qui avait tout brisé, lui qui avait trahi son frère et non l’inverse, et de ce fait jeté sur le mâle noir une injuste opprobre.

Il écouta Black Hole, il l’entendit lui dire de le laisser, le laisser là. Le laisser au bord du gouffre et sauver Renji, sauver ses proches, sauver ce qui pourrait encore l’être. Mais comment aurait-il pu abandonner l’étalon noir ? Comment le laisser sombrer, alors que lui-même tenait à peine debout ? Black Hole avait démontré sa droiture et il l’accompagnerait. Et s’il retombait dans l’hystérie noire et saumâtre des Shikaku, il aiderait Renji à l’en sauver, le sauver de lui-même, l’étalon, ce grand mâle si puissant et devenu si faible depuis que, enfin, il s’autorisait à être lui. Sun Star secoua les oreilles :

« T’abandonner ? Ce serait m’abandonner moi-même ; je ne suis capable de protéger personne mais si je reste là à ne rien faire, je me perds moi-même. Tu n’es pas le seul à marcher sur le fil, même si ce n’est pas le même fil. »

Il se tut un instant. Laissa son regard brun courir sur les plaines et les vallons qu’il devinait, dans la brume qui montait autour d’eux et dessinait un paysage onirique. Les yeux perdus dans la brume où se mouvaient des ombres et des souvenirs, l’étalon doré soupira, pensif :

« Mais quel monde laisserons-nous donc à nos enfants ? »

Pourquoi sommes-nous toujours les artisans de notre propre fin ? Quel est donc cet étrange esprit qui nous pousse à l’apitoiement, et qui, sitôt l’échec consommé, nous traîne jusqu’aux bord du fatalisme ? J’ai presque envie de te secouer et de te crier que tu te complais dans ta souffrance. Mais ces mots-là, je n’aurai pas la cruauté de te les servir. Car, que fais-je, moi, d’autre que de sangloter sur mes enfants ? Que de sangloter sur mon sort et sur ce monde que nous laisserons aux petits, aux enfants ? Enfants d’hier…à peine a-t-on le temps de respirer qu’ils deviennent des adultes et que leurs yeux se dessillent. Déjà Shiki batifole et connaît tout des affaires de son oncle, et déjà tes poulains sont grands. Déjà Moondance souffre comme chacun de nous, et que dire de son frère ? Je redoute le jour où les enfants de la guerre se lèveront pour nous demander des comptes…car, que pourrai-je leur répondre, moi qui les aimât et fut leur bourreau en entretenant le combat ?

Où es-tu, Black Hole ? Un étalon noir se dresse devant moi, mais c’est comme si c’était un cadavre que je voyais. Plus d’être, plus de pensée, plus rien de ce qui faisait de toi l’ombre enragée de Wild Horses…que les juments nous transforment, nous laissant parfois à vif, combien les aimons-nous, fous que nous sommes. Ma vie de Saint ? J’ai envie d’en rire, mais d’un rire amer, et les larmes seraient plus justes…qu’ai-je d’un Saint ? Toi aussi, tu ne sais de moi que ce qu’en disent les légendes…

« Ne m’appelle pas Saint ! Ce monde ne serait pas ainsi sans moi. La première guerre est celle que j’ai déclenché, pas celle des Shikaku. Comment, en quelques semaines, auriez-vous pu causer plus de souffrance que nous en bientôt dix ans ? Un Saint !…j’ai délaissé mes fils, et j’ai trahi mon propre frère. Je me suis battu contre lui, j’ai refusé de reconnaître mes torts, refusé de comprendre sa souffrance. Trahi tous nos serments d’autrefois. Il aurait dû être à mes côtés, plus que mon bras droit, plus que mes yeux ou mon esprit, plus qu’un ami puisqu’il partageait mon sang. Et moi je l’ai trahi. Et il m’a laissé en plan. Il est plus fort que je ne le serai jamais, Black. Lui, il a connu la vraie Solitude, et il l’a affrontée. Lui, il se bat seul quand je cherche sans cesse à partager mon fardeau. Ne m’appelle pas Saint, les Saints n’imposent pas cela à leurs amis ou à leur famille. »

Tu vivras, tu vivras pour eux. Les Shikaku ne sont que des esclaves, au service de la Mort, au service de la Danse. Black ne vaut guère mieux que vous, bien qu’il se rengorge de sa liberté d’esprit, il demeure un tueur et à ce titre, un esclave. Un accro à la sacro-sainte adrénaline, la danse avec la Mort, son danger, sa douceur et sa puissance, sa violence. Vous n’êtes que des statuettes aux mains…aux mains de qui ? Comment pouvez-vous laisser ainsi votre esprit, la chose sacrée qu’est votre raison, à la mort ? Je ne vous comprends pas. Je ne vous comprends plus. Stelmaria est Maudite, mais qu’as-tu de maudit, toi, outre ce damné fatalisme ? Tu vivras, Black Hole, car ce sont tes enfants qui fouleront tes empreintes, comme les miens, et car ils doivent survivre. Si tu les aimes, tu vivras pour eux à défaut de vivre pour toi.

Vis pour eux. C’est si difficile, je sais, de résister aux appels, de résister à ces forces surpuissantes, à ces créatures immenses, à leur aura et cette attirance qui vous traîne, bagnard enchaîné, à leur suite comme autant de fétus. C’est ardu, c’est la fin, c’est la souffrance et l’enfer, la croix et la bannière. Mais vis ! Relève la tête, puise jusque dans tes plus profondes réserves, pour eux, rejette-le, ton Père, chasse-le, combats-le si tu ne puis le vaincre.

Vivras-tu ? Je ne me détournerai pas. Qui serais-je, si je me détournais devant le Mal, devant la Bête ou la Mort ? Qui serais-je si je n’étais même pas capable de te voir en face, Black Hole, et ton double maléfique ? Quel chef, si je me voilais la face ? Non. Je te regarderai en face, et puisque tu ne veux pas d’aide, je te regarderai juste, mes yeux contre les tiens, mes pensées contre les tiennes, à te voir trébucher, à te voir te relever et chuter plus bas, à te supplier de vivre en sachant bien que tu ne veux rien en faire.
It's the eye of the tiger, it's the thrill of the fight, rising up to the challenge of our rival.
Qu'est devenu le frisson de la lutte chez toi, Shikaku, père?

L'Enfer est pavé de bonnes intentions. De quoi est pavé le chemin qui mène au Paradis? Peut-être feras tu, contre ton gré, plus de bien que de mal en servant le Mal...même si le frisson de la lutte sert le Mal, entretiens-le, ne le perds pas, il est ta seule chance de survie. Nous sommes doués de la capacité de nous agripper au plus petit fil d'araignée pour éviter de sombrer, le plus infime, et de remonter mus par ce minuscule espoir, ce tout petit frisson, cet aiguillon...garde ce don, Black Hole, car si tu le perds, plus rien ne te retiendra devant l'abîme avec lequel tu joues, plus rien ne te gardera jamais de la Folie. Non pas la Folie comme vous en souffrez, certains, comme toi, comme la Malédiction de Stelmaria, mais la Folie noire et brumeuse où tu perdras non seulement ta raison, mais aussi ta mémoire, ton esprit, ta famille, et tout enfin, sans que jamais tu y laisses ta vie. Souhaites-tu vraiment cette chute sans fin?

Je ne vous comprends pas, vous qui croyez. En la Mort, en la Nature...moi, je ne crois qu'en mes semblables, en leur capacité à se relever de tous les coups durs. Ils m'ont mille fois prouvé, chacun à leur façon, qu'ils en étaient capables. Mais pourquoi vous raccrochez vous à ce qui vous tire au fond du gouffre? Quelle satisfaction morbide vous pousse à y prendre plaisir? Je ne comprends pas, je ne comprends plus, ce qui vous amène à vous complaire ainsi...à vous agripper à ce qui vous tuera. Est-ce si bon que cela justifie la mort et la perte de tout?

Il est bon de mourir, mais tu ne meurs pas. Tu ne mourras pas...pas comme cela. Jette-toi d'une falaise, tu mourras. Abîme toi dans la Folie, et tu ne mourras pas. Simplement, tu te perdras, et ce sera un soulagement pour toi, mais la plus grande des souffrances pour chacun de tes proches. Tu tournes le dos, tu te voiles la face, devant l'horreur de ta situation, devant la souffrance qui, le sais-tu, Shikaku, va de pair avec l'amour et que tu découvres. La souffrance, qui est la marque de la vie. Tu n'es pas vivant, quand tu es fou, tu n'es qu'une machine guidée par tes passions, tes instincts, ton intellect est celui d'un robot guidé par des idées préconçues. Tu ne souffres pas, tu n'aimes pas...tu n'es pas vivant.

C'est facile, de devenir Fou. Bien plus que de vivre...et si je te le disais, je sais que tu me répondrais qu'il est alors normal que tu veuilles l'être, puisque tu te vois comme faible. Tu es fort, pourtant. D'avoir pu aimer, d'avoir pu laisser derrière toi, même un temps, ton passif. D'avoir donné vie à des poulains et de les avoir laissé choisir leur voie. Et maintenant, tu renies tout cela. Tu as été vivant et tu préfères ne pas l'être. Veux-tu vraiment devenir cette espèce de zombie équine, trébuchant sur une route qui n'en est pas une et ne fait que sembler te mener à la mort, alors que c'est un chemin qui tourne en rond et que tu parcourras, encore et encore, sans jamais atteindre le repos que tu appelles, jusqu'à tomber en poussière?

N’ya-t-il pas dans ton entourage un être pour qui vivre ? Un jeune à éduquer ? Ils sont nos raisons de vivre, nos élèves, parfois, et comment aurais-je survécu si je ne m’étais pas dû à Thunder, plus tard à Moondance, à Jun ? Comment aurais-je pu remonter la pente ?
L’étalon doré rompit soudain le face à face, cette danse de leurs âmes, ce mot à mot sans mots, et fit un pas vers l’avant, et vers Black Hole. Un signe de tête invitait le grand étalon noir à le suivre. Ou à le laisser. Un pas vers l’avant et Black Hole s’éloignait, une volte-face et il revenait vers les terres du Soleil où avançait le chef, franchissant les frontières invisibles qui séparaient le Crépuscule du Soleil. Le vent, violent, se leva et secoua la longue crinière de l’étalon qui s’ébroua. Et jeta un regard à Black Hole.
Je t’offre la fuite. Veux tu me suivre, veux tu me fuir ? Si tu fuis, je ne t’en tiendrai pas rigueur…tu es frère de cœur de Renji, mon ami, mon conseiller. Si tu viens, ta place t’attend sur mes terres, et tu peux la quitter. Gage ce que tu veux, ami, Shikaku. Choisis de venir, ou choisis de fuir, chaque porte te restera toujours ouverte…choisis la solitude, la vie d’un Clan ou choisis de vivre en lisière d’un Clan.
Je suis sûr que tu en retrouveras un. Un jeune cheval, un espoir, quelque chose qui te poussera en avant. Tu n’es pas mûr pour te jeter d’une falaise, ni pour te laisser mourir et quoi que tu en dises, ton étrange amertume, ton désir de Folie ne fait que prouver l’amour que tu as eu pour cette nouvelle vie qui s’offrait à toi. Tant de portes y mènent ! Trouve la tienne…
Pas à Pas et sans plus se retourner, il revint vers ses terres.

[je suggère qu'on finisse le RP sur une ou deux réponses?]