❧ When the lights fade out - PV.

❧ When the lights fade out

Ici commençait l'Enfer. Pourtant, alors que le jour déclinait, un jeune étalon errait dans ces lieux à l'aura triste et lugubre. Il semblait étrangement heureux d'être là, alors que sa robe de feu était souillée par le sol boueux. Il dansait, ses sabots frappant le sol avec assurance, alors que ses allures semblaient être toujours plus hautes. Il dansait, et il semblait invoquer une puissance de la nature, comme s'il avait été marabou. Zanzibar, ici, remerciait cette terre qu'il chérissait, cette terre pour laquelle il se serait, sans aucune hésitation, damné. Le Crépuscule, pour lui, était tout. Mais qui pouvait savoir ? Personne. Ses secrets n'appartenaient qu'à lui, aussi, plus libre que tous les autres semblait-il, le jeune animal plein de vie appelait sa terre, appelait les siens. Les siens ... Mais y avait-il seulement encore des guerriers ici, au sein de son clan ? Soudain, le fils de Zénith s'immobilisa. Quelque chose, là, juste à ses côtés, avait bougé. Il ne prononça pourtant mots, se contentant de faire glisser son regard doré sur les buissons, puis sur l'ombre éparse qui s'installait partout. Personne. Il s'ébroua, ses courts crins dansant sur son encolure qui s'épaisissait de jour en jour.

Alors, il partit au galop, ses membres battant le sol, alors que sa queue flottait derrière lui en bannière, comme s'il avait été destrier guerrier. Il accélérait toujours, slalomant entre les arbres. Ses muscles longs et élastiques dansaient sous sa peau de satin, alors que de nouveau, il s'arrêtait. Le vent lui avait porté une effluve, féminine et portant la trace des Etoiles. Mais cette dame, il ne la connaissait pas encore ...

❧ When the lights fade out

Les yeux braqués sur l'ombre, il la découvrait enfin, alors qu'elle sortait d'une écharpe de brume, comme si elle avait été rêve ou songe. Une jolie jument pie, au regard saisissant, à la voix douce et au sourire radieux. Zanzibar s'éleva dans les airs, ses antérieurs battant l'air, alors que son hennissement puissant déchirait le silence. Là était son salut : celui d'un guerrier, plus peut-être que celui d'un chef de clan. Son toupet, tandis que ses membres s'enfonçaient dans le sol marécageux, avait couvert son regard pétillant d'intelligence. Enfin, sa voix se fit entendre. Elle était ponctuée d'accents rauques, alors qu'elle semblait de velours.

❝ Bonjour, dame des Etoiles. Je me prénomme Zanzibar, fils de Zénith et chef du Crépuscule. ❞

Et, comme s'il s'agissait de l'ultime marque de respect qu'il adressait à cette représentante des Etoiles, il lui offrit un large sourire, qui soulignait ses traits encore enfantins, bien qu'ils n'aillent qu'en s'affermissant.

❧ When the lights fade out

Une fois, il s'était amusé d'une inconnue, lui faisant croire qu'il était comme tout autre, que son nom n'était pas suivi de la fonction qu'il occupait. Mais aujourd'hui, il se sentait ce devoir de dire, de présenter celui qu'il était maintenant. Il savait par où son clan devait passer, il savait que le chemin serait long et dur, mais il savait plus que tout que pour se faire, le Crépuscule avait besoin d'un meneur sûr, respectueux et respecté. Il avait maintenant pour devoir de se faire un nom, qu'on considère les siens, qu'on considère sa voix aux riches accents.

❝ Aucune crainte que je vous en veuille, madame ! Vous avez bien raison de vouloir explorer ces lieux : je ne sais pas s'il existe ici aussi bel endroit que nos terres quand le crépuscule les innonde. Mais dites-moi plutôt, êtes-vous au sein des étoiles depuis longtemps ? ❞

Tout en posant sa question, il avait tourné sur lui-même, de sorte à être dans le même sens qu'Ellinor, à laquelle il emboitait déjà le pas.

❝ Désireriez-vous marcher, voir les charmes qu'avancent ces terres ? ❞

❧ When the lights fade out

Zanzibar, en devenant chef, n'avait redouté qu'une seule chose : les autres, ou plutôt, leur réaction. Soudain, l'on se prosternait devant lui, l'on usait de phrases et de mots pompeux, l'on le louait. Mais où étaient ces échanges francs, ces discours vivants, ces discussions ardentes ? Où étaient ces familiarités avec les siens, avec les autres ? Toutes ces choses qu'il avait embrassées à pleine bouche, étaient-elles définitevement résolues ?

❝ Alors, vous en connaissez tous les secrets comme si c'était vous qui les aviez découvert ? Le prestige ... oh, si vous saviez seulement ! Quel prestige y a-t-il à diriger un clan presque mort ? Quel prestige y a-t-il d'être devenu chef quand il n'y a personne d'autre pour prétendre à ce poste ? ❞

Sa voix grave grondait de passions et de fougue, alors qu'il s'emportait dans ses rêveries, comme s'il avait été un vieux roi qui avait vécu, régné et agi déjà.

❧ When the lights fade out

Le jeune étalon avait un fort tempérament, d'une ardeur peu commune, c'était bien vrai. Et souvent, ses débordements de ton, qui ne trahissaient en fait que ses passions vivantes et entières, entraînaient ses interlocuteurs dans de mauvaises directions. L'animal de feu n'était nullement en colère, ou du moins, il n'était pas dans une rage sincère et aveugle. Il doutait simplement, avec cette nostalgie empreinte à celle des vieux rois.

❝ N'ayez crainte : je ne vous prends pas pour une courtisane vénale, tout comme je ne pense pas que vous êtes naïve. Et excusez mon ton. Je ne suis pas en colère, et je ne cherche pas à vous effrayer. Il m'arrive juste de ... m'embraser ? pour des sujets qui me tiennent à cœur. ❞

Il avait arrêté de parler, alors que ses grands yeux noisettes pailletés d'or luisaient d'un étrange éclat.

❝ Mais mettons-nous en route maintenant, avant que le Marais ne sombre dans les ténèbres de la nuit. ❞

Le jeune animal lui adressa un large sourire qui semblait sincère, alors qu'il s'ébranlait déjà, sa queue ondulant au rythme de ses foulées, alors que ses longs membres se posaient avec délicatesse sur le sol boueux.