You don't need to hide, my friend |LIBRE|

• You don't need to hide, my friend. •

Lorsque je me réveille, il fait déjà clair. Comme d'habitude, je suis la première réveillée. Cette nuit encore, nous avons dormis en groupe, pour ne pas avoir trop froid, tous regroupés sous un large arbuste dont les branches les plus longues touchent le sol. Je me glisse entre les corps chauds et endormis de mes camarades, et débouche à l'air libre. Je me fais aussitôt assaillir par un vent frais, et je ne peux m'empêcher de frissonner. Que pourrais-je bien faire en ce matin d'hiver -cette rime !- ? Bah, rien ne vaut une bonne promenade. Lorsque les autres vont se réveiller, ils vont s’apercevoir que je suis encore partie. Pas sûre que ce soit du goût de Sun Star. En réalité, il risque de me passer un sacré savon. Mais je pense que cela vaut le coup. Je galope sans m'arrêter jusqu'au bout de la Colline de Feu, puis je ralentis et monte sur une petite butte. De là haut, je peux voir l'endroit où le Clan du Soleil a élu domicile. D'ailleurs, le Clan commence à s'éveiller. Je ferais mieux de ne pas tarder ici. Je repars alors au galop, inépuisable tornade, faisant au passage s'envoler les quelques feuilles tombées des arbres. Je passe à toute vitesse devant l'Oeil du Tigre, puis je traverse la Forêt des Arbres Roses en longueur, avant de commencer à ralentir, pour finalement atteindre le grand trot. Je sais où je veux aller. La Clairière Enchantée. On m'en a souvent parlé, mais c'est un des rares endroit que je n'ai jamais visité.


Je n'ai pas vraiment de mal à localiser la clairière : quelqu'un semble vouloir que j'y aille. Ou alors peut-être qu'il y a vraiment un sentier bordé de roses qui y mène. Quoi qu'il en soit, je parviens rapidement à la Clairière. Et je ne peux m'empêcher de lâcher un sifflement d'admiration. L'herbe qui recouvre toute la clairière est verte, douce, et semble délicieuse. Ce tapis vert est parsemé de fleurs plus magnifique les unes que les autres, aux corolles allant du violet au rouge, en passant par le jaune, le blanc, et même le bleu. De gracieux papillons virevoltent de ci de là. Un charmant petit ruisseau, a l'air peu profond gazouille le long de la clairière. L'eau est cristalline, et a l'air plus pure et plus fraîche qu'à n'importe quel autre endroit. Les rayons du soleil levant illuminent cet endroit, achevant ce merveilleux tableau. Tout ici semble être créé de la main d'une déesse douce et délicate. Peut-être cet endroit est-il vraiment un lieu magique, créé par des nymphes ou je ne sais quelle autre créature magique ? Toujours est-il que je ne peux que me sentir en paix dans cet endroit si chaleureux, si magnifique. Une ambiance de douceur absolue semble régner sur cet endroit charmant.


Mes muscles se détendent, et je me remet au pas, m'approchant lentement du ruisseau, grignotant frivolement quelques fleurs au passage. Je plonge le museau dans le ruisseau et aspire délicatement de petites gorgées, par crainte que l'eau ne se brise. C'est peut-être stupide, mais je vous assure que l'eau est si transparente qu'on dirait une vitre, si fragile qu'on pourrait la briser rien qu'en l'effleurant. Lorsque j'ai bu tout mon soûl, je relève la tête et me met en quête de je ne sais quoi. Un truc intéressant, qui prouve que cela valait le détour. Alors que je renifle un fruit à l'air fichtrement appétissant, j'entends un bruit. Comme une brindille sur laquelle on aurait marché. Méfiante, comme à mon habitude, je recule de deux pas et fait face à l'origine du bruit. Mes muscles se tendent, et je me prépare à me défendre et à attaquer. « Qui es là ? » lâché-je d'une voix peu amène. Silence. « Pas besoin de se cacher, je sais qu'il y a quelqu'un. » Il y a de nouveau un court silence, vite rompu par la bruit de buissons qui remuent. Apparaît alors un animal, qui prends la parole...

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C'est un étalon. Je crois. Grand, et noir. Si noir qu'il contraste avec les couleurs claires de la Clairière. Aussi noir que mes yeux. Un noir d'encre, d'ébène, comme un puits sans fond, comme une nuit de nouvelle lune, quand la lune ne peux nous éclairer de ses rayons blafards. Même le soleil ne parvient qu'à faire luire faiblement sa robe. Intriguée par cette couleur si pure et si sombre en même temps, je me détends quelques peu, et je me retiens de sursauter lorsque j'entend enfin la voix qui accompagne cette magnifique robe. « Bonjour. Je suis désolé si je vous ai fait peur, là n'était pas mon but. » s'excuse-t-il d'une voix douce, presque chantante. M'avoir fait peur, vraiment ? Ben voyons. Encore un cheval imbu de lui même. « Je me présente, Eldorado, du clan de l'Ombre... » J'aurais pu me douter qu'il venait de l'Ombre. Eldorado se met aussitôt à trotter dans ma direction, puis il me tourne autour pendant quelques instants, instants pendant lesquels je ne le quitte pas des yeux. Se fine crinière sautille sur son encolure, ainsi que sa queue, plus épaisse. « Et vous? Qui êtes-vous? » demande-t-il après s'être arrêté. Méfiante, je plisse les yeux et l'observe longuement. Bah, après tout, ça ne vas pas me tuer si je lui dis mon nom, si ? Je renâcle, puis je finis par lui répondre. « Neige, du Clan du Soleil. » annoncé-je sobrement, d'une voix qui laisse voir mon irritation. Je reste immobile, à le regarder, puis je m'écarte de quelques pas. Je ne sais pas vraiment comment réagir face aux chevaux des autres Clans. Un rien pourrait sûrement le vexer. Bon, d'accord, j'exagère. Cet Eldorado ne doit pas être bien différent d'un membre du Clan du Soleil. Mais quand même.

Ce silence prolongé fait augmenter mon angoisse. Pourquoi ne parle-t-il pas ? Il a sûrement quelque chose à dire, non ? Moi pas, en tout cas. Il a bien dû se rendre compte que je n'étais pas à l'aise et que je ne parlerais pas. Quoiqu'il en soit, il ne semble pas disposé à parler. agacée, je décide de reprendre la parole. De toute façon, il n'a pas l'air méchant. Je ne pense pas risquer ma vie si je prononce quelques malheureux mots. Encore reste-t-il à voir comment il va réagir. « Et vous ne m'avez pas fait peur. Je ne m'attendais juste pas à trouver quelqu'un ici. » Tout à coup suspicieuse, je ne peux m'empêcher de poser une question, un brin d'insolence et de méfiance dans la voix. « Que faites-vous ici, d'ailleurs ? » Je sais qu'il peut se promener ici comme bon lui semble, c'est un Territoire neutre. Mais la question a fusé, et je n'ai pas eu le temps de l'empêcher de franchir la barrière de mes lèvres. Maintenant qu'elle est posée, je me sens plus curieuse qu'autre chose, et j'attend sa réponse.

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Je scrute l'étalon noir, tentant de trouver les minuscules détails qui me permettront de savoir comment il va réagir. J'aperçois soudain une lueur d'animosité passant dans ses yeux, si vive que je doute de l'avoir vue. Un imperceptible mouvement -il change d'appui et ses muscles se tendent- me fait plisser les yeux. Je connais cette réaction pour l'avoir déjà vue. Il a envie de se battre. Eh bien qu'il vienne, je l'attends. « Eh bien, vous me voyez rassuré que je ne vous ai point fait peur. » dit Eldorado sur un ton mi-calme, mi-aigre, qui ne me plaît pas du tout. Mes oreilles remuent de manière quasi-invisible. Si j'avais été un félin, j'aurais montré les dents face à cet étalon imbu de lui-même. Ce dernier relève la tête afin de continuer son examen. Je le laisse me dévisager à loisir. Il peut baver sur moi autant qu'il veut, ça ne fait qu'affirmer ce que je pense de lui. La lueur de malveillance repasse dans ses yeux, cette fois suivie par un éclair de doute. Il ne sait pas dans quelle catégorie me mettre ? Douce ? Dangereuse ? Inoffensive ? Viens donc me voir mon coco, tu verras vite de quoi je suis capable. « Ce que je fais ici? Je me promène, j'explore de nouveaux territoires. Ne sommes nous pas sur une de ses terres libres dont aucun clan ne s'attribuent? Et puis... Nous sommes libres, même si nous faisons partie d'un clan. Nous pouvons nous promener sur les terres que l'on veut. Vous ne croyez pas? » reprend Eldorado d'un ton presque hautain. Qu'il m'énerve ! J'ai bien envie de lui mettre un bon coup dans la tête. Mais je sais que c'est ce qu'il cherche. Que j'explose. Ainsi, si nous nous battons, il pourra toujours m'accuser. Et je ne veux pas lui donner l'occasion de le faire. Aussi relevé-je calmement la tête, maintenant inexpressive. Je fais attention à ce que rien dans mes yeux, dans mon visage, ou dans mes mouvements ne viennent trahir mes sentiments. Et je suis douée à ce jeu.

Il prend un air très inapproprié à sa situation, son arrogance me faisant rire ouvertement. Il se rend risible plus qu'il l'est déjà . Un demi sourire narquois se relate sur mon visage et je lâche un soupir qui se veut provocateur. Je réponds ensuite à sa question, même si je suppose qu'il n'attendait pas de réponse. « Oh, mais bien sûr. Vous êtes plutôt bien informé pour un membre de l'Ombre, réputé pour leur non-respect des lois. » J'ai dit ça à la fois sur le ton de la moquerie et de la condescendance. Bon, d'accord, j'exagère un peu. Mais c'est juste pour m'amuser... Je ne veux pas trop le chercher, mais il me saoule. C'est drôle cinq minutes après c'est très vite un calvaire. Jamais je n'ai été en bon termes avec les membres du Clan du l'Ombre, en général, mais là, c'est carrément une déclaration de guerre. On ne parle pas comme ça à Neige du Clan du Soleil. Mais cet Eldorado ne sait pas de quoi je suis capable. Eh bien je vais lui en donner pour son argent.« Je m'étonnais juste de trouver quelqu'un ici. Je n'en ai pas l'habitude, voilà tout. Et comme vous l'avez si bien dit, nous sommes libres d'aller et venir comme bon nous semble, du moins sur ces terres libres. Alors je vais vous laisser. Ne le prenez surtout pas personnellement, mais je ne tiens pas à rester ici une minute de plus. » conclus-je d'un ton narquois. Je crois le voir fulminer sous ma vue qui pue le mépris comme pas permis. A quoi s'attend cet idiot de ma part ? Que je me prosterne devant lui et que je le vénère ? Pff. Il m'insulte ouvertement -pas explicitement, d'accord, mais quand même-, alors je ne peux que répliquer de la manière la plus appropriée à la situation : la parole. Les mots peuvent blesser autant qu'une bataille, et je le sais. Je gratte la terre de mon sabot, et commence à me retourner, lorsqu'il me hèle de nouveau...