Explore [Edelweiss]

Tout étais silencieux sur la Taïga. Pas un flocon ne tombait, la neige recouvrait déja le sol gelé et pas une branche ne craquait. De temps en temps, le bruit de la neige tombant des branches des conifères rachitiques rompait le calme de la forêt. La Taïga était la plus vaste terre du Clan de la Glace. Elle recouvrait une bonne partie du territoire, longeait le Désert Blanc et s'étendait encore par delà la Chaîne d'Ivoire, à l'Est. Personne ne savait ou elle prenait fin.

C'était dans cette étendue de forêt enneigée que Tharaman marchait. Ses larges pattes lui assuraient des déplacement silencieux et le sol portait à peine ses empreintes. Sa démarche était souple, il ondoyait entre les sapins, se coulait sous des branches basses, plus discret, malgré ses trois mètres de hauteurs, que les autres animaux.

Le puissant léopard n'avait pas de but précis. Le soleil brillait haut en cette journée, et tout étais calme. Ses rayons réchauffait son pelage ocellé et l'emplissaient de vigueur et de bonne humeur. Il explorait la Taïga, voila tout. Il y avait déja passé beaucoup de temps, mais n'y avait jamais croisé personne d'autre et n'avait jamais réussit à établir de repères dans cette forêt.

Elle se déplaçait non loin, goûtant la saveur de la forêt enneigée, le silence des arbres engourdis de froid, l'odeur si particulière que possède l'air lorsque le gel s'installe. Son épaisse fourrure lui conférait un pouvoir isolant parfait et le femelle ne ressentait nullement le froid, malgré la température qui aurait fait grincer des dents bien des chevaux, exceptés peut-être ceux du Nord, à savoir Black et Stelmaria ainsi que leur Clan.

Elle marchait lentement, goûtant la sérénité sylvestre. Marchait? Non, ondulait. Sa démarche était d'une souplesse à nulle autre pareille, une souplesse féline quoique altérée par la lourdeur de son ventre, et son échine flexible suivait le rythme de ses pas délicats. Ses larges pattes lui assuraient une tenue parfaite, même sur la neige la plus poudreuse, et sa queue, portée à ras du sol, ne laissait pas plus de traces dans cet univers immaculé. Seul un pisteur émérite aurait su qu'elle était passée par là, et seulement parce que sa démarche, alourdie, laissait de légères marques au lieu de son habituelle discrétion.

En temps normal, cela l'aurait énervée, frustrée, mais pour l'heure cela ne la dérangeait pas, elle en était presque heureuse. Cela lui était totalement égal. Ce n'étaient pas quelques inconvénients passagers qui allaient la déranger et bousculer ce bonheur nouveau, encore fragile comme une bulle de savon mais qui se consolidait chaque jour, parenthèse ciselée de glace au coeur d'une guerre de flammes et de sang.

Pourquoi aurait-elle été contrariée? C'était dans l'ordre naturel des choses, après tout. C'était pour cela que les mâles étaient plus grands et plus forts que les femelles, pour chasser, prendre soin d'elles et les protéger. Normalement ce type de réflexion l'aurait aussi irrité, mais pour l'heure son indépendance était endormie par une autre prise de conscience, délicieusement jubilatoire. Certes, elle était capable de s'occuper d'elle toute seule, mais Tharaman était et serait tout aussi apte qu'elle à s'occuper d'eux, de ces vies qu'elle sentait palpiter en elle, grandir en elle en arrondissant ses flancs, deux coeurs battant au rythme de son coeur. Ce n'étaient pas que ses petits mais aussi ceux de son compagnon, et ils seraient deux à les élever. Deux, et cela la rendait follement heureuse, une joie mêlée d'impatience et d'anticipation, ainsi que d'une très légère appréhension.

D'ordinaire les femelles devenaient agressives, solitaires, ne toléraient plus qu'on les approche. Certes, elle préférait la solitude, encore plus que de coutume, depuis peu, mais Edelweiss avait plus le type d'un véritable tourbillon de joie de vivre, qui emportait tout dans son sillage y compris ses guerriers. Même le sage Griffe d'Abîme souriait comme un gamin...et se montrait affreusement mère poule. Il ne cessait de lui rappeler qu'elle devait éviter de se mettre en danger, de faire trop d'efforts, que ces randonnées solitaires n'étaient pas prudentes, et si il lui arrivait quelque chose? Saurait-elle se défendre dans son état? Ce à quoi la femelle répondait immanquablement dans un grand sourire: "Comment ça dans mon état? Ce n'est pas une maladie, tu sais", ce qui faisait bien rire les guerriers alentours, tous très bien au courant. Elle aurait eu du mal à garder un secret de ce genre, et le ventre rond de la femelle réjouissait tous les guerriers du clan, qui se mettaient en quatre pour elle, quant à l'identité du père...tout le monde savait qu'elle était la compagne du chef.
Et même Liberty, malgré son peu d'affection pour Tharaman et Stelmaria, souriait et se réjouissait pour sa compagne. Edelweiss en venait presque à espérer qu'elle révise son jugement envers le mâle ocellé.

Edelweiss fut soudainement tirée de ses réflexions par une odeur connue, aimée et chérie par-dessus tout. Pointant ses oreilles couronnées de noir sur son crâne robuste, la guerrière émit un miaulement léger, de grand prédateur, un cri rauque mais porteur d'affection, puis se lança dans un trot certes lourd et malhabile, mais ardent, pour rejoindre l'élu de son coeur.
Elle s'arrêta devant lui, ses yeux brillants de mille yeux, respirant l'air glacé avec satisfaction, en pleine forme, éclatante de vitalité. Elle était belle, avec ses traits fins et sa grâce nullement entachée par ses flancs désormais gonflés. La femelle vint presser sa tête dans l'épaisse fourrure de la gorge de son compagnon, son front sous son menton, ronronnant à pleine gorge quoique un peu fatiguée.

Elle était toujours fatiguée en ce moment, fatiguée de ce poids supplémentaire, non négligeable désormais, car la mise-bas approchait. Mais la joie l'étouffait sans cesse, et elle voulait partager ce bonheur avec lui, ces promesses portées par ces vies, au creux de son ventre rond et lourd. Elle voulait partager tout ça avec lui parce qu'elle l'aimait à la folie.
Au moins.

Tharaman se retourna en entendant le miaulement et le chuchotis discret des pattes d'Edelweiss, juste à temps pour que la panthère se coule sous son menton en ronronnant. Sa démarche s'était quelque peu alourdit, mais pour le mâle, voir sa compagne ainsi réveillait en lui un puissant émoi. Il l'aimait, il l'aimait à la folie, tout comme il aimait déja à la folie, quoique d'un amour légèrement différent, les vies qui grandissaient, bien au chaud dans le ventre de la guerrière.

Il était attentionné, certes, bien plus que les léopards du Clan ou même Griffe d'Abîme, qui se comportait comme un futur papy. Mais il ne l'était pas de la même manière. Il ne rechignait pas à laisse Edelweiss vagabonder seule où bon lui semblait : qui était assez fou pour s'en prendre à une guerrière léopard ? Pleine, de plus. Il savait que sa lieutenante et chérie ne craignait rien et ne faisait courir aucun risque à leurs petits, tout simplement parce que jamais elle ne se ferait attaquer, et que si cela se produisait, et défendrait sa vie et celles qui grandissaient au creux de ses flancs comme une démone.

"Comment vas tu ?"

Griffe d'Abîme...Un vrai grand-père qui n'attendait plus qu'une chose. Cela faisait bien rire Edelweiss et les autres félins, quoique plus discrètement que la guerrière. Et même elle prenait soin de ne pas rire en face du vétéran, ne désirant pas le vexer en s'amusant de son attitude, qui traduisait juste l'affection du vieux mâle pour les deux tourtereaux. Patte de Glace, quant à elle, était folle de rage, littéralement furieuse, mais elle ne pouvait rien dire ni faire, car elle suivait les lois du Clan. Dans les premiers temps des guerriers avaient voulu former une escorte, mais Edelweiss les avait gentiment envoyés bouler en leur faisant remarquer qu'elle avait toujours un cerveau et ne se perdrait pas.

Oui, quiconque voudrait planter dents, griffes, crocs ou sabots dans la fourrure de la femelle se verrait littéralement laminé. En temps normal elle était une féroce combattante, comme tous les félins, et douée à ce jeu, mais aujourd'hui, alors que ne dépendait de l'issue d'un affrontement, plus seulement sa vie mais aussi celle de ses petits, elle se battrait avec la hargne de Black, Stelmaria et Equinox réunis en une seule, avec la hargne qui lui avait fait vaincre le guerrier renégat, le meurtrier de son maître.

La femelle sourit à la question de son compagnon et répondit d'une voix tranquille:

"On ne peut mieux, quoi qu'en pense Griffe d'Abîme. Si je l'écoutais, je ne bougerai plus d'un poil...quoi que je fasse il estime que je prends des risques! Sacré vieux guerrier...Mais d'autres avaient décidé de jouer les escortes...j'ai dû leur expliquer gentiment que j'étais tout à fait capable. Malheur à qui oserait s'attaquer à moi."

Elle rit et puis reprit:

"Non, je me sens très bien, ne t'inquiètes pas. J'arrive même à chasser même si c'est un brin frustrant d'être si lente. Tu te rends compte, j'ai même du mal à courser un daim!"

La belle femelle se lova contre son compagnon, sentant la fourrure chaude du mâle contre la sienne, plus contrastée que le pelage d'argent de Tharaman, et acheva d'un ton convaincu:

"Ils ne tarderont plus beaucoup maintenant."

Tharaman contempla les prunelles émeraude avec tendresse, puis fit un petit signe de tête vers le ventre maintenant bien arrondi de la guerrière et ronronna avec un sourire :

"Et nous sommes prêts à les accueillir..."

Il ne demanda pas Edelweiss comment elle pouvait en être aussi certaine. les mamans sentent ces choses là, et la jeune panthère promettait d'être une mère exceptionnelle. Les gosses seraient uniques et l'éducation qu'ils allaient recevoir en ferait surement de grands chasseurs. Le grand léopard ferma un moment les yeux, songeant déja aux jeunes fauves coursant, dans quelques années, une proie aux yeux agrandis de terreur car sachant qu'elle n'avait aucune chance d'échapper aux crocs et aux griffes mortels des félins.

Sortant de sa rêverie, il donna un coup de langue attentionné sur le front de la future maman et demanda avec l'impatience d'un gosse à qui on a annoncé la venue d'un petit frère... ou d'un père qui sait que la mise bas est pour bientôt, fébrile et les yeux pétillant :

"A ton avis, c'est pour quand ? Ces petits paresseux vont bien finir par venir nous dire bonjour, non ?"

Edelweiss rit et répondit d'une voix douce:

"On ne peut plus prêts, pas vrai?"

Elle rêvait que ses petits deviennent de grands chasseurs. Avec le père qu'il allaient avoir, rien n'était plus sûr. Elle avait déjà prévu que l'un d'eux deviendrait l'apprenti du vieux Griffe d'Abîme, qui considérait un peu ces gosses comme ses petits-enfants. Quant à l'autre...elle verrait bien. Peut-être s'en chargerait-elle, ou bien Tharaman. Ou un autre guerrier méritant et pourvu de l'estime de la lieutenante, qui ne confierait pas ses petits à n'importe quelles pattes. Et en aucun cas celles de sa rivale.
Elle sourit en songeant à son tour à ce qu'ils deviendraient, plus tard...des boules de poils, d'intrépides chasseurs, des combattants aimés et respectés. Ils grandiraient entourés de l'affection d'un Clan entier, quelle chance pour des petits.

Edelweiss tourna à son tour la tête vers son ventre rond, et émit un ronronnement satisfait avant de répondre à son compagnon en se serrant contre lui à nouveau:

"Vraiment bientôt...quelques jours, peut-être une semaine, mais guère plus."

Elle sourit et ajouta:

"Ils sont vraiment en forme...parfois je les sens bouger, comme là. Je ne pensais pas que c'était si remuant! Je suis sûre que tu pourrais les sentir aussi."

Ils étaient agités, ces petits, déjà, et régulièrement elle les sentait bouger en elle. Nager, d'une certaine façon. A ces moments-là, ravie et étonnée, elle s'arrêtait et regardait son ventre, s'attendant presque à les entendre. Il lui arrivait même de leur parler.
La femelle pivota légèrement pour présenter ses flancs gonflés à son compagnon, pratiquement sûre qu'il parviendrait à les sentir lui aussi. Ils étaient si actifs, et si gros désormais, que ce n'était pas bien difficile. Même Liberty s'était étonnée de l'ampleur des mouvements des petits. A l'entendre, jamais Odyssée n'avait eu une telle bougeotte.

Tharaman acquiesa avec un sourire puis pencha un peu la tête de côté, agréablement sceptique et porta un regard admiratif et tendre à sa chérie, étendue près de lui.

" Tu arrives à sentir quand ils vont naître ?! L'instinct des mères concernant leur progéniture m'étonnera toujours. C'est l'une des choses les plus passionnantes au monde."

Puis, Edelweiss lui proposa d'essayer et il s'approcha, un peu indécis, colla son oreille et sa joue sensibles contre le flanc de la guerrière et ferma les yeux. Tout d'abord, il ne perçut que les battements du coeur puissant d'Edelweiss, qu'il écouta battre avec vigueur et sureté. Puis, alors qu'il se demandait si les petits s'étaient tus dès qu'il avait effleuré le flanc de leur mère, il entendit : un coup. Deux coups. Trois coups, quatre... Puis, toute une série d'autres volettements qui lui semblaient déja si forts. Peu après, il distingua deux sorte de battements différents... et sursauta en se redressant : oui, ils bougeaient bien, les petiots !

Il se tourna vers Edelweiss avec un air de gosse ravi et extasié sur le visage, planta des yeux dorés brillant dans le regard vert de la chasseuse et s'exclama, les moustaches frémissantes :

"Il y en a deux !!"

Fatiguée, comme toujours désormais, Edelweiss s'était étendue dans la neige et leva les yeux vers son compagnon en souriant:

"Oui, j'en suis presque sûre...Je le sens comme...enfin, je ne sais pas expliquer cela. Mais c'est moi qui les porte, peut-être est-ce normal que je me rende compte de cela. C'est peut-être l'instinct, peut-être juste leur lien physique avec moi."

Elle roula sur le côté, dévoilant son flanc gonflé, la fourrure qui se clairsemait un peu sous son ventre et les tétines rosées sur sa peau claire. Souriant, presque intimidé, Tharaman posa sa tête sur le ventre rond de la future mère. Le grand Tharaman, intimidé! Cette idée lui tira un sourire amusé, puis elle ferma les yeux, goûtant le contact de la fourrure de Tharaman contre la sienne.
Comme lui elle les sentit remuer, d'abord timidement puis avec plus d'enthousiasme, comme délivrés de leur timidité. Edelweiss sourit de l'ardeur de leurs mouvements; depuis quelques jours, ils remuaient vraiment beaucoup. Un signe de plus que la mise-bas approchait, sans doutes.
Tharaman se rendit alors compte de ce qu'elle savait déjà, qu'il y avait deux petits, et recula, se tournant vers elle avec un grand sourire, qui fit naître, en écho, semblable image sur les traits de sa compagne alanguie:

"Oui!! Deux petits! Je n'en étais pas tout à fait sûre, mais depuis qu'ils remuent autant je n'ai plus aucun doute!"

Elle se redressa avec un peu de peine, alourdie par sa gestation, et s'approcha de lui, enchantée. Elle fourra la tête dans son cou et répéta.

"Deux petits...c'est formidable."

Le grand fauve ronronna de plaisir en sentant le front doux de sa compagne se presser contre sa gorge, et donna un grand coup de langue à l'une des oreilles cerclées de noir de sa chérie. Puis, il se redressa, prit à nouveau par la curiosité comme par des tenailles.

"As tu déja quelques idées de noms pour nos petits ?"

Il contempla, les yeux brillants, les yeux verts émeraude d'Edelweiss. Les petits... Seraient-ce des mâles ou bien des femelles ? Ou bien les deux ? Et de quelle couleur seraient leur pelage ? Et leurs yeux ? Leur ressembleraient-il ? Et quel caractère allaient-ils montrer ?
Tant de questions se bousculaient dans sa tête que le Thar faillit vasciller. Faillit, parce qu'avec Edelweiss blottie contre lui, il lui était tout simplement impossible de s'écarter.

Edelweiss souriait en sentant son compagnon naviguer entre tendresse et impatience. Elle était dans le même cas, aussi agitée qu'un enfant attendant un cadeau de Noël, pour aussitôt avoir envie de se serrer contre lui. Elle s'accorda quelques secondes durant le temps de la réflexion puis répondit:

"Des noms...oh oui. Je ne sais si ce sont des mâles ou des femelles, mais que dis-tu de...Pluie d'Étoiles? Ou bien Neige Eternelle? Feu de Glace? Œil de Nuit? Nuit Blanche? Lune d'Hiver?
Et toi, as-tu pensé à des noms?"

Elle regarda son compagnon d'un air interrogateur. Leur complicité l'avait toujours ravie, et la naissance des petits ne ferait que renforcer cette proximité, ce qui l'emplissait de joie.

Le grand mâle écouta Edelweiss ennumérer les noms qu'elle avait en tête avec attention, puis répéta celui qui lui avait le plus plut d'une voix enchantée :

"Pluie d'Etoile si il y a une première femelle. Si l'autre petit en est une aussi, j'aime aussi Lune d'Hiver ! Quant à des noms pour des mâles, j'ai : Pelage de Brouillard, Plume de Givre, et... en fait il n'y a que ceux ci que j'apprécie vraiment. Lequel préfère tu ? Ou peut-être avais tu toi aussi des idées pour un mâle ?"

Tharaman attendit la réponse de la femelle, pensif et fébrile : lui préfèrait le premier, mais sa chérie pouvait avoir un tout autre avis où d'autres idées. Il lui faisait confiance : les noms de leurs petits seraient magnifiques et leur iraient au poil.

La femelle sourit en entendant les noms proposés par son compagnon, et répliqua doucement:

"Nous, je n'ai pas d'idées pour des mâles...mais je trouve Pelage de Brouillard...magnifique. C'est un beau nom pour un léopard...oui, c'est lui mon préféré. Mais toi? Tu préférais peut-être l'autre?"

Elle bailla mais ne s'écarta pas de Tharaman. Ils ne se voyaient pas à longueur de temps et elle aimait sentir sa lente respiration, son coeur puissant et sa fourrure chaude contre la sienne. Amour, vous avez dit amour? =)

L'animal, quand il vit sa compagne bailler, ne put s'empêcher de l'imiter, dévoilant des dents plus longues que des poignards, et bien plus tranchantes, dans une gueule infernale aussi rouge que le poil de Stelmaria. Amusé, il sourit à Edelweiss, ravit comme un gosse de voir qu'une fois de plus, leur goûts correspondaient :

" Non, c'était aussi mon préféré ! Vivement qu'ils arrivent, même si j'ai déja pas mal de jeunes fous pour m'occuper, au camp... "

En effet, les apprentis n'en pouvaient plus de l'attente et inventaient sans cesse de nouveaux jeux, tous plus dangereux les uns que les autres...

L'once eut un grand sourire, ravie elle aussi que elle et son compagnon soient une fois de plus sur la même longueur d'onde. Puis, demeurant serrée contre son compagnon, elle lui demanda d'un air faussement innocent, comme un jeu auquel ils jouaient tous deux:

"Pourquoi, ils font des bêtises? J'y crois pas, ils sont a-do-ra-bles avec moi...si je leur demandais ils seraient capables d'aller me chercher un orque et de le ramener sur un plateau d'or!! Mais bien sûr je préfère modérer leurs ardeurs plutôt que de les encourager...n'empêche, ils sont trognons."

Elle sourit, se remémorant les jeunes félins, si empressés à lui faire plaisir, lui rende service...ils seraient heureux d'avoir parmi eux des petits. On n'avait pas toujours l'occasion de rencontrer des chatons au Clan, qui plus est, des enfants de Thar.

Le félin ne put s'empêcher de grommeler un peu dans ses moustaches, vaguement agacé. Oui, les fauves du Clan étaient tous aux petits soins pour sa chérie. Ce n'était pas un mal, mais le Thar n'aimait pas vraiment que d'autres félins trainent autours d'Edelweiss ! Un peu surpris et gêné, il faillit se mordre la joue pour ce sentiment qu'il éprouvait... Jaloux, lui ? Maiiiiiiis non ! Jamais de la vie ! Voila ce qu'il aurait répondu à qui lui aurait posé la question. Mais, mine de rien... Si, il était quand même un peu jaloux. Parce que cela aurait du être lui, aux côtés d'Edelweiss. Lui qui lui apporte son déjeuner, lui qui prenne soin d'elle, lui qui comble le moindre de ses désirs. Mais il ne pouvait pas. Il en aurait hurlé de frustration. Si seulement... Une idée farfelue lui traversa la tête : si seulement il avait pu abandonner ses charges pour s'occuper de sa chérie et de ses futrs petits... Pensée saugrenue qu'il balaya vite fait : on n'abandonnait pas son Clan pour sois. La tribu passait avant tout. Etre Thar ne se faisait pas à la légère.
Etre père non plus.

Même si les félins étaient pleins d'attention envers la future mère, car les naissances étaient rares, et même s'ils étaient maintenant dénués de toute intention de se faire plaisir avec la jolie femelle, maintenant les chaleurs passées, Tharaman ne pouvait s'empêcher de ressentir un léger agacement.

Gêné, il marmonna quelque chose, dont les seuls mots qui dut à peu près comprendre Edelweiss furent :

" ... tas de lèches-pattes... peux même pas leur en vouloir... quel fardeaux..."

Les bougonnements du mâle ocellé tirèrent un sourire sans moquerie à la future mère. Elle se souvenait encore de la crise de fureur de Tharaman, ce jour où, en chaleur, elle avait dû repousser les assiduités de dizaines de prétendants présomptueux. Le Thar était entré dans le camp et l'atmosphère s'était subitement abaissée de quelques degrés, tandis que tous ceux qui avaient quelque chose à se faire reprocher courbaient l'échine, baissaient les yeux et rampaient, queues entre les pattes arrières. L'ambiance avait été explosive, jusqu'à ce qu'un apprenti ait la bonne idée de s'excuser auprès du Thar, sans morgue ni orgueil superflu, pour l'erreur terrible qu'ils avaient commis, de se laisser dominer par leurs jeunes instincts et de croire qu'ils pouvaient disposer ou même faire des avances à la compagne du Thar.

Se pressant contre lui elle ronronna:

"Toi, jaloux? -un rire cristallin- Tu sais, maintenant, ils ont compris la leçon. Le premier qui se laisse aller à la moindre considération en ce sens se fait rappeler à l'ordre par les autres apprentis. Et quand je dis rappeler à l'ordre...les deux à avoir joué à ça ont fini allongés à l'écart, interdits de tanière par leurs camarades, fourrure en vrac et quelques griffures cuisantes sur le museau."

Elle lui sourit d'un air malicieux:

"Tu crains que je sois infidèle?"

L'once ronronna avant de conclure, ses yeux pétillant avec tendresse:

"Que veux-tu, nous nous devons au Clan avant nous-même...il faut bien supporter tous ces jeunes patauds et empressés. Bah, ils ne sont pas trop pot-de-colle, je leur ai expliqué que je survenais seule à mes propres besoins, et que de toute manière je n'acceptais qu'on m'offre une proie que si elle venait de toi, Snow ou Griffe d'Abîme. Et encore pour les deux derniers. Je peux chasser, je n'ai qu'à choisir des proies pas trop rapides car je ne suis plus assez rapide pour les poursuivre."

[On fera un sujet pour la mise-bas après celui-là?]

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