Chagrin

Une légère pression sur les rennes, mon buste se redresse ma jument répond aussitôt à la sollicitation et repasse au trot, puis au pas.
" Très bien ! "
Ma monitrice m'a observé avec intensité pendant mon passage sur le parcourt d'obstacle. La séance d'obstacle de ce mercredi soir ne m'a posé aucun problème. Il s'agissait d'une ligne coupant le manège en deux, d'une petite hauteur de 60 cm, à passer plusieurs fois de suite, tout droit, de travers... Le plus vite possible. Oklaoma, ma jument, est une petite pur sang arabe avec un joli coup de saut et du punch à en revendre, tout ça avec beaucoup de générosité, alors c'était de la rigolade.
Je souris et récompense Oklaoma d'une longue caresse.

Je monte toujours deux heures le mercredi soir. Nous faisons marcher nos chevaux tout en échangeant nos impressions sur cette première heure, puis vient le moment de changer de monture. J'écoute avec patience ma mono distribuer les montures car je ne monte pratiquement plus que ma jument depuis que je l'ai. Je précise bien qu'elle m'appartient complètement et est en pension complète, c'est à dire qu'il n'y a que moi qui ai le droit de la monter. J'autorise quelques fois mes amis à faire une séance avec elle, mais c'est toujours moi qui propose.
" Ambre, tu n'as qu'à prendre Oklaoma, Emeline, tu prends Caramelle. "
Je tique. De quel droit ma monitrice décide comme ça de donner ma jument pour le cours alors que j'avais l'intention de la garder pour la séance de dressage ? Malgré tout, je ne dis rien : je connais bien Ambre, c'est une bonne amie et nous avons à peu près le même niveau, quant à ma mono, elle doit avoir ses raisons pour me donner un autre cheval. Après tout, changer de monture permet de progresser. Bon, OK.
Oklaoma n'a pas un caractère facile et ses origines arabes ne doivent pas arranger les choses : elle déteste le dressage. Tu fais une jambe de position, elle part au galop, tu sert un peu trop les doigts, elle se braque. Tu tires, elle tire... Et ça finit pas dégénérer au point qu'elle se cabre. Là, c'est finit, plus rien à en tirer. C'est à cause de ces problèmes que cela faisait plusieurs semaines que je la travaillait en dressage, à accepter les jambes en multipliant les exercices que je maitrise : hanches en dedans, épaule en dedans, cessions, demi-tour sur les hanches et les épaules... Et au final, elle faisait tout ça nickel.

Mais ma mono pensait qu'il y avait toujours ces problèmes, vu que j'avais opéré seule. Toujours est-il que, pendant la séance, elle n'arrête pas de donner des conseils à Ambre sur Oklaoma. Forcément, tout se passe bien, puisque j'ai bossé la jument sur ces exercices ! Mais tout le mérite est attribué à Ambre. Malgré moi, je suis en colère. J'ai l'impression que ma mono a donné ma jument a monter à quelqu'un d'autre jute pour voir si, la dernière fois, c'était moi ou le cheval qui faisait n'importe quoi...
La séance finie, je récupère Oklaoma, m'en occupe, mais le coeur n'y est pas. Sur ce, ma mère arrive. Une dernière caresse à Rémus qui est le poney que j'aime le plus au monde. J'avais deux ans lorsque je l'ai rencontré, lui en avait huit. Ce poney, j'en fait ce que je veux, jusque qu'à sauter sur son dos sans filet ni selle, je pars en balade une simple longe nouée autour de son encolure dorée et nous partageons une complicité incroyable.

Je salue tout le monde et grimpe dans la voiture sans me faire prier pour une fois. Les mamans ont les oreilles directement branchées sur le coeur, c'est connu. Après quelques minutes pendant lesquelles, bouche pincée, je fixe la route, elle me demande gentiment :
" Qu'est ce qu'il y a ? "
Moi, aussitôt, j'éclate en sanglot et lui explique ma peine en concluant :" C'est injuste ! "
Je ne pleure pas souvent, et quand je pleure, c'est vraiment que j'ai un gros problème. Elle m'écoute jusqu'au bout, puis s'étonne :
" C'est étrange que tu te mette dans un tel état, juste pour ça... Ca ne te ressemble pas. Il y a autre chose ? "
" Non..."
C'est vrai que c'est bizzare... J'ai pleuré tout le trajet, et une bonne partie de la nuit. A chaudes larmes. Le lendemain, je ne me sens pas très bien. Vendredi, en y repensant je ne comprenais pas comment j'avais put me mettre dans un état pareil. J'étais vraiment chamboulée. Il y a comme un vide en moi.

J'ai passé tout le week-end chez mon père. Et oui, mes parents sont divorcés. Mais bon, c'est la vie. Je m'y rends en train.
Dimanche soir, je descend du train et me retrouve face à ma mère :
" Tu as passé un bon week-end chez papa ? "
" Ouais, bof... Com' d'hab' H/24 sur l'ordi quoi... "
Elle se tait. Je la trouve bien silencieuse.
" J'ai une mauvaise nouvelle... Tu ne vas pas bien le prendre... J'ai appris samedi... Mercredi soir, la porte d'une des stabulations des poneys était mal refermée. Il y en à trois qui se sont sauvé, et au lieu d'aller manger le grain, ils sont partis vers la route. Rafale, Histoire et Rémus se sont fait écrasés. "
" Ah... "Sur le moment, c'est ma seule réaction. Que puis-je dire ? * Rémus... *

La nuit, je m'effondre.

Maintenant que j'y repense, je fais le lien. On ne pleure pas comme je l'ai fais pour une simple histoire de leçon d'équitation.

Coïncidence, si, le soir ou Rémus meurt, je pleure toutes les larmes de mon corps alors que je ne suis pas au courant ?

Tout cela n'est pas une histoire que j'ai inventée. Ca m'est réellement arrivé, et je n'ai strictement rien exagéré.
Désolée de ne pas avoir beaucoup posté, je n'en avait pas le courage.

Ma pauvre

Moi, ça m'a fait pareil un jour. Mon chat, que je connaissait depuis la naissance, c'est fait écrasé un milieu d'après midi. Je l'avait un peu négligée, je revenait de vacance et n'avait pas beaucoup de temps libre. Je devait surveiller qu'elle ne fasse pas de bêtises, et j'était allée sur l'ordi. Quand mes parents sont revenues, elle était sur le coté du portail, couverte de mouche, la patte... plate. D'accord, elle n'avait plus tout ses reflexes (16 ans), mais je m'en suis affreusement voulue.
Dit toi que le bonhomme as du faire bobo a sa voiture... N'empeche que ça craint o.o

Le pire c'est que les trois poneys y sont passés, alors qu'il n'y avait qu'une voiture ! Rafale, la plus jeune (3 ans) est morte le lendemain car elle avait un caillot de sang au cerveau, Histoire, 13 ans, a valdingué par dessus la voiture et Rémus a mit plusieurs heures à mourir, paralysé de l'arrière main... Il n'était plus tout jeune, 20 ans, mais il ne méritait pas ca ! Il devait partir à la retraite l'été prochain.
Le pire c'est que le mec qui leur est rentré dedans est un palefrenier.

Warf. Il rentrait au club parce qu'il s'était aperçu qu'il avait oublié ses lunettes ?
Nan, quand même faut le faire de pas voir 3 chevaux sur une route, même des shets...

C'était deux shet' pie et gris et Rémus, un welsh palomino. C'était un palefrenier de notre club, et il y avait du brouillard, mais bon...

Bref, essaie de ne pas trop y penser...