Allez allez , approchez le peuple :B

L'hiver tournoyait, déposant de fins flocons de neige sur une robe dorée et luisante, où les fragiles édifices de glace fondaient sans laisser la moindre trace, comme trop polis pour signaler leur présence. Une brise légère, un brin tiède, soulevait la longue crinière ivoire de l'étalon dont le trot rapide s'annonçait par un bruit sourd au rythme rapide. La queue du cheval, elle aussi longue et claire, flottait derrière lui comme une bannière, traversée par un soleil timide, tandis que les sabots noirs menaient un rythme enlevé.
Sun Star portait l'encolure haute, naseaux grands ouverts, de ce port de tête noble et royal que son frère et lui avaient hérité de la lignée de CannonBall, un de rares points communs physiques entre le cheval palomino et son frère noir, outre leur beauté, si différentes pourtant. Black brûlait de sauvagerie, d'une aura de danger, telle une image d'Epinal: le ténébreux, le veuf, l'inconsolé au soleil noir, tandis que son frère, sans posséder l'incroyable charisme du cheval noir, attirait les regards et les foules par sa prestance royale.
Le chef du Clan du Soleil sentait en ce moment un fardeau bien lourd sur ses épaules. La responsabilité d'un Clan, ce n'était pas rien, même avec le soutien de sa famille, sa compagne Stella, ses deux fils Lune et Crystal. Lune...voilà bien longtemps qu'il n'avait pas revu son premier-né, et l'étalon doré se posait quelques questions à son sujet, s'inquiétait.
Mais non, c'était stupide. Lune était un adulte désormais, et lui échappait totalement, comme commençait à le faire l'exubérant Crystal Noir.
Dilatant ses naseaux, l'étalon doré freina soudain, sentant dans le vent une odeur connue, une odeur familière. Le cheval respira encore quelques secondes avant d'être sûr de lui. Lune? C'est Lune?
C'est Lune!

Se cabrant, le chef poussa un grand hennissement pour appeler son fils, et trotta, par-dessus les traces des pieds du jeune cheval, plus si jeune maintenant d'ailleurs, juste adulte, afin de rejoindre celui qui broutait plus loin. S'arrêtant à quelques mètres de l'étalon, Sun Star se demanda que dire.
Si longtemps qu'il ne l'avait pas vu! Il savait si peu de lui! Si peu...qu'il se demandait si l'absence du cheval n'avait pas fait d'eux de vrais étrangers.

En attendant et malgré l'incertitude, ses yeux marrons pétillaient de joie.

♪ Tout ce qu'elle peut dire sur moi
N'est rien à côté du sourire qu'il me tend
L'absence a ses torts
Que rien ne défend
C'est mon enfant
[...]
C'est mon fils ma bataille
♫

Balavoine, Mon Fils ma Bataille

« Sun Star ? »

Le jeune cheval s'était littéralement séparé d'eux, tranchant net les liens avec sa famille, y compris sa mère ou même son frère, et Sun Star, s'il pouvait admettre que l'étalon avait besoin de vivre sa vie, d'être seul, de se détacher de sa famille, il ne parvenait à comprendre ce qui avait poussé son fils à un renoncement aussi total.
Le rejoignant, il s'attendait à ce qu'il lui parle, puisque Kiwi n'avait jamais ouvert la bouche devant. Pourtant, ce fut elle qui lui adressa la parole d'une voix qui lui sembla presque incongrue, tant il avait été habitué au silence de la petite tigresse, qui avait d'ailleurs aussi pris de la taille, et possédait à peu près la même hauteur au garrot que Kaja.
L'étalon doré répondit à la petite féline, puisque son fils ne disait rien:

"Oui, effectivement. Bonjour Kiwi.
Dis-moi...je ne t'ai jamais entendu parler jusqu'ici."

Il n'ajouta rien, mais il était surpris. Comme si les rôles étaient inversés, entre Lune et sa compagne. C'était son fils qui ne disait rien et la tigresse qui brisait le silence.

« Pour tout dire , je crois que je préférais une Kiwi muette , c'était plus calme »

« Vu que môssieur tenait tant à se morfondre dans son trou noir et rodait de plus en plus près des humains , je ne sais trop pour quoi ( et je ne veux pas le savoir ) , il fallait bien quelqu'un pour l'aiguiller . »

Sun Star lui sourit, heureux de voir que son fils, même s'il sentait bien que le jeune se forçait pour être si joyeux, ne le repoussait pas et ne manifestait pas de gêne. Pas trop. L'étalon donna la répliqua à Lune:

"Je veux bien te croire!"

C'est alors que Kiwi mit son grain de sel dans la conversation qui s'engageait tant bien que mal. La petite tigresse jeta un regard de réprimande à "son" cheval, et répliqua que, puisque Lune se renfermait sur lui-même et rôdait près des humains, il fallait bien qu'elle le remue.
Sun Star répliqua, juste pour répondre à Kiwi:

"Tu as bien raison, les histoires de chevaux c'est souvent complexe."

Puis il agita les oreilles en reportant son regard sur son fils, hésitant à poser la question qui lui brûlait les lèvres. Près des hommes? Se morfondre dans son trou noir? Mais qu'avait-il donc vécu ces nombreuses dernières lunes?
Part tact, par crainte aussi de se montrer indiscret, il ne posa aucune question à Lune, mais son regard, curieux sans outrance, soucieux également, restait posé sur son fils.

Aha , évidemment , Papa avait envie de savoir . J'ai poussé un soupir à peine audible . Viendrait bien le moment des "aveux" mais en attendant ... on allait parler un peu . Mieux se connaître , si cela en valait la peine . J'étais sur que oui ... J'étais un peu gêné que Kiwi ai mentionné l'épisode des humains . C'était il y a quelques mois déjà . Je ne me sentait pas bien , vide de l'intérieur , comme si quelque chose s'en était allé . Je m'était fait un ou deux amis chevaux

, sous le sceau de l'humanité . Nous avons longuement discuté . Ils m'ont dit qu'ils ne se sentaient pas le moins du monde exploités , que la vie sauvage n'était pas pour eux . Que là bas , ils étaient nourris , soignés et aimés par les petites filles , même si certains hommes étaient durs avec eux . Aimés ... A ce moment , je me suis senti idiot . Il me semblait que je m'accrochait à quelque chose d'immatériel , de futile et , finalement , pas si bien que l'on aime le prétendre . Un monde où n'importe quand , on peut se faire tuer par un léopard d'Hymlya , attaquer par son propre oncle , insulter par une quelconque bête ... dans ce monde là , il m'a semblé que l'on ne pouvait s'accrocher à rien du tout . Et pourtant , ce monde , il m'avait vu naître , apporté la joie , parfois . Ce monde reposait sur huit lettres . L , i , b , e , r , t , é , e . Mais j'ai quand même essayé de voir ce qui se passerais si je continuais de me balader là bas ... un bel étalon sauvage , ils ne résisteraient pas , ces cupides deux - pattes ... et puis Kiwi m'a rappelé à l'ordre . J'ai été tellement surpris et heureux d'entendre sa petite voix magique que j'ai renoncé à la stupide idée que j'avais eue .

« Trop parfois ... »

Oui, j'avais envie de savoir. Quoi d'étonnant à cela? C'est mon fils après tout, et si il lui était arrivé quoi que ce soit...enfin, je ne devrai pas penser à ça, il me le dira lorsqu'il le souhaitera. C'est toujours comme cela que j'ai fait, ne jamais les forcer...peut-être, en craignant de les brusquer, ai-je été parfois trop lointain, pas assez insistant. Je n'ai que peu de souvenirs de vraies discussions avec mes fils, seul à seul. En fait, je crois bien n'en avoir aucun. Je n'ai jamais vraiment parlé avec eux, d'égal à égal, de père à fils.
Peut-être est-ce l'occasion de me rattraper?
Il semble hésiter et réfléchir lui aussi. Nous sommes là, presque comme deux chiens de faïence, empruntés, ne sachant sur quel pied danser. Il serait bon que ce soit le même.
J'ai l'impression, le sentiment que quelque chose te pèse sur le coeur, et j'aimerai te questionner à ce sujet...mais je n'ose pas, de peur d'être trop curieux, trop brusque. En faisant cela, parfois, j'ai l'impression de reprendre le rôle de mon père, ce grand chef distant, distillant secrets et conseils d'une telle manière qu'on s'en sent gratifié...mais qui ne s'est que rarement comporté comme un père en laissant de côté le chef et qui m'a ravi mon propre frère. Quel père peut ordonner l'exécution de son fils?
Tu me parles et tout ceci renforce mon pressentiment. Qu'est ce qui t'empêche de parler comme avant? Où est le poulain insouciant? Tu as grandi, mais peut-être trop vite, peut-être trop durement. J'aurais aimé, comme tout parent en rêve, te protéger des coups de la vie, des vexations, des regrets et de tout ceci. Mais ce n'est qu'une utopie de père...
Tu me parles et ta voix est pâle, atone. Je ne peux pas faire comme si de rien n'était mais je vais te répondre sans relever néanmoins. Un regard, juste un regard inquiet et troublé sur se pose dans tes yeux presque mornes. Qu'est ce qui pourrait t'animer, mon fils?

"Et même beaucoup trop...je crois bien que la simplicité est un luxe qui n'est pas de ce monde."

« Bien sur que si , la simplicité existe ! C'est les chevaux qui compliquent tout ... Si tu as faim , mange , si tu tombe , relève toi , si tu as un chagrin d'amour , trouve quelqu'un d'autre ... Le monde ne se limite pas à ... »

C'est en général à ces moments là que la trompette fait ce "poïn poïn Poïn Poïïïn..." descendant qui signale une grosse bourde. Boum. Paf. Mouru. Fini, exit, couic.
Sun Star dressa les oreilles et estima, cette fois-ci, pouvoir faire une légère indiscrétion. Sa voix fut douce et en aucun cas inquisitrice, du moins se plut-il à le croire:

"Un chagrin d'amour..."

La question était induite, subtile, diplomate. Sun Star hésitait toujours à questionner directement son fils, aussi se réfugiait-il derrière ses habitudes de chef de Clan. Louvoyer, manier ironie et allusions, induire une question dans un, deux mots était un exercice depuis longtemps maîtrisé pour lui.
Mais c'était quand même une question.

« Si Maman partait du jour au lendemain , sans laisser de trace , ni jamais revenir au fil des ans , tu te sentirais comment ? »

Sun Star ne prit même pas la peine de réfléchir avant de répondre:

"Je me sentirais mal. On ne peut plus mal."

L'étalon commençait, ou plutôt achevait de comprendre où voulait en venir son fils. Il s'était fait plaquer...ou du moins, avait été brutalement séparé d'une jument qu'il aimait, et pas de sa propre initiative. Le grand mâle se garda bien d'ajouter un commentaire alors que Lune jouait franc-jeu, et se contenta de garder ses oreilles pointées vers son fils, attentif, et aussi heureux qu'il accepte de se confier à lui et de lui révéler tout ça.

Un grand ours brun , un vieux mâle grognon se promenait dans le petit sous bois. Il avait faim. Rien de bon à manger ne s'était présenté à lui depuis plusieurs semaines. Ou du moins, rien qui soit... à sa taille. Il vagabondait donc, cherchant un festin, qui lui laisse l'estomac plein pour le mois à venir. C'est alors qu'il aperçu les deux casse croutes qui discutaient au milieu de la clairière... Ils étaient gros, mais le grondement de son estomac le persuada.
Il couru vers eux.
( considère ça comme une réponse de ma part , Lib' =B )

Entendant le grognement, Sun Star bondit de côté en une volte-face nerveuse et aperçut l'énorme ours qui leur fonçait dessus. L'étalon doré recula, oreilles plaquées sur son crâne, ses naseaux dilatés aspirant l'air, hésitant encore à combattre ou à fuir. Lui et Lune, seuls face à un ours, ne pouvaient rien faire. Soudain l'animal bondit vers eux. Sun Star chercha un point de retraite. Rien, pas le moindre endroit ou fuir.
L'étalon e résolut à faire face.

L'ours était sur eux lorsqu'un loup noir, surgi de nulle part, se jeta sur lui et planta ses dents dans la chair d'une patte massive. L'animal se dressa en hurlant sa rage, tandis que le loup grondait avec sauvagerie. Ses crocs fouillaient la chair du plantigrade qui rua pour s'en débarrasser.
Kimba roula au sol et revint à la charge.

Lune n'avait pas bougé d'un pas .
Il regardait , stupéfait , l'étrange scène dont il était témoin . Jamais , jamais de sa vie , il n'avait été attaqué par un ours ... En principe , ces prédateurs étaient trop patauds pour 'chasser' réellement des proies aussi grosses que les chevaux . Ils se contentaient de baies et des lapins , autres petites proies sans défense . Celui là devait avoir faim .

Inquiet , Lune regardait le combat entre le loup noir et le grizzli . Il savait qui serait le vainqueur . Malgré la stature imposante de Kimba , sa férocité et son aptitude certaine au combat , un loup , soit il le wolf compagnon du Roi du Soleil n'avait que peu de chance face à un mâle ours dans la force de l'âge . Pas encore vieux et faible mais pas inexpérimenté non plus . Lune ferma les yeux . Kiwi le regarda d'un air ahuri , inquiet , avec une petit lueur de fureur . Elle cria :

« NON ! »

Mais Lune s'était déjà jeté dans la mêlée , tentant d'assener des coups de sabots à l'ours qui menaçait son père . Il n'avait plus de raison de vivre , pensait il .

Lorsque la patte velue de l'ours déchira la chair de son dos , du garot jusqu'à la croupe , Lune mesura combien il avait tord . Il s'effondra .
La chute lui fit mal . Il ne pouvait pas faire ça à Kiwi ... L'étalon serra les dents et tenta de se relever . L'ours était toujours là .

Voyant son fils se jeter dans le combat, Sun Star hurla:

"Lune, Non!!!!"

Et bondit à sa suite. L'étalon doré atteignait le mâle lorsque l'ours déchira le dos de son fils d'un coup de sa patte griffue. Sun Star poussa un hennissement rageur, cri de colère, et bondit sur l'énorme bête aux côtés de Kimba. Certes, les dents du cheval doré ne pouvaient rien contre l'épaisse fourrure de la bête, mais ses sabots frappaient, et parfois l'ours couinait sous les coups.

Quant à Kimba, il s'était de nouveau agrippé aux épaules de la bête, cherchant à enserrer la nuque dans ses mâchoires, tâche malaisée car l'ours avait un cou trop large pour les crocs du loup. Ses dents déchiraient la chair, faisant du col de l'ours une plaie sanglante, sans parvenir à infliger de lésion sérieuse.

Sun Star trébucha. Boitant d'une jmabe, le cheval doré recula, peu à peu, devant le super-prédateur. L'étalon doré tentait d'attirer le monstre plus loin, loin de son fils, quoi qu'il advienne de lui-même. Il fallait sauver au moins Lune.
Un coup s'abattit sur son épaule et y laissa cinq sillons sanglants. Sun Star bondit maladroitement pour éviter le second coup. Puis l'ours se cabra devant sa proie, gueule grande ouverte sur une langue rouge et des crocs tranchants. Il fondit sur lui, et Sun Star vit une ouverture.
Avec une vivacité exacerbée par l'instinct de survie, qui lui faisait oublier la douleur, l'étalon pivota et lança la plus puissante ruade qu'il put. Ses postérieurs rencontrèrent une zone dure, et un craquement retentit, suivi d'un gémissement de douleur.
L'ours referma ses mâchoires d'un coup, et un croc entailla les glomes d'un pied de l'étalon, qui se laissa retomber au sol et regarda son adversaire. Il avait eu une chance incroyable, puisque sa ruade avait fracturé sa mâchoire à la bête. Restaient cependant ses énormes pattes, capables de l'assommer pour peu qu'elles frappent au bon endroit. Une patte que l'ours, éperdu de douleur, leva soudain en direction du cheval...

Kimba bondit, haut, plus haut qu'on ne l'aurait cru possible de la part d'un loup, et vint s'agripper à ce membre découvert. L'ours gronda mais le loup s'acharna sur la chair et la fourrure, à coups de griffes arrières, de crocs, jusqu'à mettre a nu la chair. Il continua son oeuvre ensuite, sans chercher à briser d'os, mais lacérant et charcutant tant et si bien les chairs que, soudain, la patte de l'ours devient inerte. Les crocs de Kimba venaient de trancher un tendon rattaché au coude, rendant tout la patte inutile.
Lorsque l'ours retomba sur ses quatre pattes, il glapit et revint, boitant, tant bien que mal, vers l'endroit où se trouvait Lune. Mais trouve devant lui Kimba, protégeant non seulement le fils de Sun Star mais aussi sa compagne, la tigresse Kiwi. Montrant les dents, le loup inspira à l'ours l'envie de faire demi-tour et d'aller soigner ses plaies ailleurs, ce qu'il fit aussitôt, non sans décocher un énorme coup à Kimba qui vola dans les airs et atterrit au sol dans un cri aigu avant de se relever, complètement sonné.

Sun Star boitilla aussi vite que lui permettaient son antérieur gauche et son postérieur au talon blessé pour rejoindre Lune, qui tentait de se relever. Inquiet, il demanda d'un ton incertain:

"Lune...ça va?"

Kiwi était restée mortifiée pendant tout le reste du combat . Elle n'avait plus bougé d'un poil juste après s'être précipitée sur le corps de son compagnon . Était il vraiment si idiot que cela ? Kiwi sentait presque la douleur parcourir son propre corps . Une larme salée coula le long de sa joue poilue . Idiot idiot idiot idiot idiot . Elle se répétait ces mots à mi - voix , comme une incantation qui lui permettrait de guérir Lune .
Mais il ne se passa rien . Sa plaie resta tout aussi béante , le sang en coulait de plus en plus vite . Voyant que Kimba tentait courageusement de les protéger , Kiwi fondit complètement en larmes , se recroquevillant sur l'herbe maintenant imprégnée de sang . Elle n'était qu'une incapable . Elle aurait du s'interposer entre l'ours et Lune , tuer le prédateur , ou du moins tenter de le mettre en fuite . Elle n'était pas une bonne compagne . Non , non , non . Si ... s'il ne survivait pas à cette blessure , Kiwi se promit , dans un coin de sa tête d'aller retrouver un ours , n'importe lequel , et de le combattre jusqu'à ce qu'elle aille rejoindre son Lune au ciel .
Les griffes acérées , presque neuves de la tigresse s'enfoncèrent dans la terre , la labourant plus surement que n'importe quel objet en ferraille des humains l'aurait fait .

Lune , lui , voyait le combat comme dans un rêve . Son père s'était interposé entre l'ours et lui , pour l'empêcher de finir en encas . Il en était ressorti blessé , lui aussi . Sauf que son père surmontait la douleur . Pour lui , elle n'était rien qu'un petit désagrément qui passerait aussi vite que cet ours l'avait fait dans cette clairière . Lune ne savait pas s'il y avait des guérisseurs dans son Clan . A vrai dire , il ne s'était jamais intéressé à celui ci . Alors que , il venait de le supposé , théoriquement , il fallait bien que Sun Star s'en aille un jour , même si c'était dans longtemps . A ce moment là , ce serait le lieutenant qui prendrait sa place , logiquement . Mais Stella non plus n'était pas éternelle . Quand ils seraient tous partis , qui prendrait le trône ? Les héritiers directs . Et il se trouvait qu'il était l'ainé . Mais ce n'était pas le moment de penser à ça , non .
Il sembla à Lune que son père lui avait parlé , d'une voix inquiète . Il répondit tant bien que mal :

« Ça va ... parfaitement . »

Et il perdit connaissance .

Parfaitement...c'était bien une réponse de mâle ça.
Sun Star regarda son fils perdre connaissance, d'un coup, comme ça. La plaie était "belle", en ce sens qu'elle était nette et claire, les bords bien découpés. Mais l'ours avait déchiré l'enveloppe cutanée jusqu'au muscle par endroits, et le sang continuait de ruisseler. L'étalon doré redressa la tête, cherchant des plantes, quelque chose, qui pourrait arrêter le saignement. Il en remarqua une, mais il faudrait la faire manger à Lune. Et c'était inenvisageable dans l'état actuel des choses.

Heureusement, Kimba, lui, connaissait d'autres plantes, redoutablement efficaces sur les loups. Le canidé alla cueillir quelques touffes d'un plant vert, aux grandes feuilles, sans fleurs ou presque. Revenant près de Lune inconscient, il utilisa ses pattes et son nez pour, après avoir mâché les plantes, en étaler les feuilles et le jus qui les recouvrait désormais sur le corps amorphe de Lune.
Ce n'était pas un remède miracle, mais presque car très vite, le jeune étalon cessa de saigner. Kimba recula un peu. La plaie n'était pas guérie pour autant, il faudrait trouver des plants afin de la désinfecter aussi, mais au moins, Lune ne mourrait pas saigné à blanc.
Laissant la suite des opérations à Sun Star, Kimba se tourna vers Kiwi qui avait éclaté en sanglots et pleurait toutes les larmes de son corps, prostrée, ses griffes labourant le sol. Le loup la poussa gentiment du museau:

"Hey, Kiwi...c'est pas ta faute. Allez, n'inonde pas la clairière..."

Il tourna ses yeux jaunes vers Lune étendu et chercha une tâche à confier à la tigresse, qui était tout aussi capable que lui, après tout! Le loup finit par trouver. Ramenant d'autres plantes, il les posa devant Kiwi:

"Reste à côté de lui, et s'il se réveille, fais-lui avaler ça. Ça lui redonnera un peu de forces et atténuera la douleur."

Sun Star revenait avec une mousse particulière, qu'il connaissait un peu. Sa mère, guérisseuse, lui avait transmis certains secrets, certaines connaissances qu'il utilisait souvent sur lui, pour limiter les risques d'infection. Aujourd'hui, tout ça sauverait peut-être Lune.
L'étalon posa sa "moisson" de mousse, connue pour aider les plaies à cicatriser, près du jeune cheval, puis, saisissant les plants un à un, les secoua vigoureusement loin de la plaie afin de les débarrasser de la terre. Alors il posa la mousse sur les plaies de Lune, l'éparpillant bien de façon à ce qu'il y en ait un peu partout au contact de la chair à nu.

Kiwi ravala tant bien que mal ses larmes . Kimba avait raison . Elle ne pouvait pas rester comme cela , comme une godiche éplorée et attendre que Lune rende l'âme . Elle se devait de l'aider , par tous les moyens possibles et imaginables . Le premier , le plus sage , consistait à écouter gentiment les conseils que prodiguaient Kimba . Il avait plus d'expérience qu'elle dans le domaine de la médecine ce qui , en soi ne relevait pas tellement d'un miracle . Mais , finalement , elle ne put s'en empêcher plus longtemps et ses larmes remontèrent à la surface . Mais ce fut à ce moment que ...
Lune rouvrit les yeux . Ils étaient légèrement vitreux , mais il semblait aller mieux .
« J'ai mal .. »
gémit - il . Kiwi serra les dents et se rappela de ce que lui avait dit Kimba . Elle lui montra les herbes guérisseuses .
« Il faut que tu manges ça .. ça te fera aller mieux . »
Il hocha faiblement la tête et Kiwi lui tendit les feuilles spéciales qu'il avala sans rechigner , malgré son apparente fragilité .

Ça ... piquait . Ce fut à cause de cela que Lune fut réveillé . Il lui semblait être agressé . Par la mousse humidifiée . Kiwi le regardait , les yeux tout embués . Au moins , maintenant , il se sentait aimé . Il ne se souvenait même plus de ce qui s'était passé avant qu'il ne soit blessé . Quoique ... en vérité ... il lui semblait se rappeler . L'ours fâché , effarouché ... Lui le pauvret essayant de tous les sauver . Et il avait échoué . Alors que son père , lui , avait eu plus de succès . Quand il fut éveillé , Kiwi pris un air légèrement plus enchanté , et lui donna des herbes à avaler . Il le fit sans discuter et replongea dans les bras de Morphée .

Le poulain -non, ce n'en était plus un et il fallait qu'il cesse de le nommer ainsi- le jeune cheval, donc, s'éveilla un instant, le temps de manger les herbes que Kiwi venait de lui tendre. Mais, avant que Sun Star ait pu s'enquérir de la santé de son fils, Lune replongea dans les brumes opaques de l'évanouissement, ou plutôt d'un sommeil si profond qu'il en devenait inconscience. L'étalon doré, ayant fini de faire tout ce qui était en son pouvoir, se posta aux côtés de Lune, face à Kiwi, et inclina la tête pour voir comment allait son fils. Ce dernier était encore suffisamment faible pour qu'il soit retombé dans les vapes.
L'étalon resta immobile, gardien vigilant.

Kimba se glissa près de Kiwi et s'accroupit à ses côtés. Rassurant, il lui glissa:

"Ne t'inquiète pas, c'est normal, il faut une bonne poignée de minutes pour que les herbes agissent et qu'il ait assez de forces pour rester éveillé. Il a perdu beaucoup de sang et il risque d'être assez faible, mais il va s'en sortir, ne t'inquiète pas."

Le loup noir n'ajouta pas "à moins que sa plaie ne s'infecte". Inutile d'exacerber la détresse de Kiwi ou l'anxiété de Sun Star, qu'il percevait par l'intermédiaire de leur lien mental. Le loup posa ses yeux jaunes sur son compagnon équin, le sentant prêt à tout pour que son fils survive. Etais-ce ça, l'amour paternel? Peut-être...qu'il le connaîtrait un jour? Avec Kaja...
Devant Lune évanoui, Kimba rêvassait agréablement.

[Stella?]

[Stellaaaaa!
Ne me quitte pas...]