Lune Noire Modette Lunette de Soleil Cobaye des admines
Nombre de messages : 561 Age : 28 Nom : Laure Clan : Soleil & Crépuscule. Date d'inscription : 30/12/2009
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| Sujet: Une dernière danse? Jeu 9 Sep - 9:25 | |
| Tout son esprit hurlait son désire de se battre, de sentir le sang suinter sur sa robe de velours. Seulement, il n’en était pas capable, il avait passé cet âge ou ses muscles pouvaient répondre à ses requêtes brusques, vives. Lui, guerrier déchu qui ne pouvait plus se mouvoir dans son pas favori : il ne pouvait plus demander à son corps de danser, non. Autrefois d’un noir de jais, il était aujourd’hui recouvert de poils grisonnants, d’un blanc pollué, salit. Pourquoi vivait-il encore ? Il avait tant combattu… pourquoi ses adversaires ne l’avaient pas tué ? Pourquoi lui, vieux guerrier, avait détruit, anéanti ses ennemis sous ses coups vifs et meurtriers ? Il ne voulait pas retrouver la Dame Noire de façon lamentable, il aurait voulu qu’Elle le serre dans ses bras après une joute acharnée. Ses yeux autrefois adamantins étaient maintenant voilés par une pellicule blanche. Il s’éteignait doucement, perdant chaque jour un peu plus de muscle, de réflexes. Seule sa volonté d’antan demeurait, cette étrange amie qui lui criait d’une voix sourde de se battre, de danser une nouvelle fois, mais lui, vieux mâle devenu famélique, il ne pouvait plus, il n’était plus bon à rien, sinon à peiner dans sa vie qui lui semblait sempiternelle… Tant de fois il avait regardé des jeunes se battre, tant de fois il avait eu cette amère sensation en les voyant exécuter si mal cette danse secrète qu’il connaissait si bien… Alors pourquoi ne pouvait-il plus ? Il aurait tant aimé pleurer, rien qu’une fois, juste pour voir, pour ressentir une nouvelle sensation, mais non, il ne savait pas pleurer, ni aimer. Il s’était isolé des autres, il faisait chemin à part, s’imposant là ou on ne l’attendait pas. A quoi cela lui servait de vivre longtemps s’il ne pouvait plus faire la seule chose qu’on lui avait apprise ?
Ce jour là, il marchait d’un pas las, traînant des sabots, laissant sur le sable rouge une longue marque, sillon qui retraçait son cheminement. Son encolure était basse, sa tête autrefois aristocratique avait perdu de cette majesté, elle n’était plus qu’un visage fermé, recouvert de multiples cicatrices… Pourtant, il continuait d’avancer, se rapprochant à chaque instant un peu plus de ce qui l’intéressait. Cela devait faire depuis trois bonnes années qu’il avait croisé un jeune poulain, d’une robe comme aciérée, il se souvenait de cette si fragile créature qui l’avait regardé avec insistance et qui lui avait demandé de lui parler d’avant, de lui parler de son autre vie. Et ce jour là, alors qu’il marchait sous un soleil de plomb, il ne put trouver une réponse à la question de savoir pourquoi il avait accepté de parler à cet animal qui ne deviendrait sans doute rien. Son souffle était haletant, il avait chaud, sa vision se troublait, il trébuchait. Ses vieilles oreilles ne lui permettaient plus d’entendre les autres s’approcher. Deux jeunes étalons, narcissiques et vantards se postèrent devant lui, le toisant du regard. L’un des deux, grand et d’une robe alezane lui lança, dédaigneusement :
« Eh Papy, tu cherches à crever ou quoi ? De toute façon, tu manqueras à personne ! »
Alors qu’il s’enorgueillissait de ses propres paroles, son compère, un petit gris maigrichon ricana de façon moqueuse. Jeunes et arrogants, ils s’amusèrent à défier le vieil animal, ils se ruèrent sur lui, le rouant de coups, en peu de temps, il fût à terre, meurtrit. Derrière les silhouettes de ses agresseurs, il lui sembla voir une forme fine mais puissante se rapprocher de ce pitoyable trio.
Il ne s’était pas trompé : un entier à la robe d’acier s’était dressé entre lui, à terre, et les deux arrogants. Les muscles de l’animal gris étaient bandés, il n’attendit pas plus longtemps, en un geste précis et rapide, il se jeta sur l’alezan, saisissant le garrot de ce dernier entre ses puissantes mâchoires, il le broya, appréciant le goût amer du sang de son adversaire. Le maigrelet, lâche et peureux n’attendit pas que vienne son tour pour s’enfuir… Il partit aussi loin et aussi vite qu’il le put. L’alezan répliqua, enfonçant ses dents dans l’épaule de l’autre guerrier, ouvrant ainsi sur un corps encore vierge de cicatrices une entaille profonde et sanguinolente. Mais cette action ne fit qu’accroître le désire de se battre chez le bel animal d’acier. En un geste assassin, il saisit la jugulaire de son partenaire, lui promettant ainsi une mort certaine ; et ce dernier commit la grossière erreur de se débattre, et d’un geste cruelle mais habile, le guerrier d’acier tua, détruisit son adversaire.
Il se retourna alors vers le vieil animal, encore au sol, ce dernier le regardait, les yeux pleins de larmes… Il pleurait ! Avant que le jeune animal n’essaye de le relever, il lui dit, sur une voix saccadée :
« Je t’avais rencontré, tu n’étais qu’un tout petit poulain, et voilà que maintenant ; toi, tu viens pour me sauver. Je ne savais pas pourquoi je t’avais parlé de mon passé de guerrier, mais j’ai compris… Tu es ce que je n’ai jamais eu, tu représentes ce que je n’ai jamais su faire… Merci, mais pour moi, c’est trop tard. »
Le jeune avait reconnu le profil âgé du mourant, il déclara :
« Je vous ai toujours considéré comme mon père, je me suis inspiré de vos histoires pour apprendre à combattre. C’est vous qui m’avez fait… Moi, Musicien n’existe qu’à travers vous… »
Il se mit à pleurer, le vieux combattant reprit :
« Tu finiras de façon glorieuse, pas comme moi, car toi, Musicien, tu as le goût des larmes. »
Musicien ne répondit pas, il pleurait des larmes de tristesse mais aussi de rage envers celui qui s’était échappé. Delight, guerrier autrefois noir de jais commençait à mourir, il revit alors dans sa tête un ancien combat, celui qui serait sa dernière danse…
Au milieu d’un désert de sable rouge, deux étalons se défiaient du regard. L’un noir l’autre blanc, l’un simple guerrier, l’autre chef de harde. Une tension palpable s’était installée entre les deux animaux, dans leurs yeux, on pouvait lire de la rage mais aussi et surtout de la démence. L’un voulait vivre libre, sans personne à qui obéir, l’autre voulait l’enchaîner à son troupeau pour en faire une sentinelle. L’un savait, l’autre non. L’animal robe nuit se cabra, tranchant l’air lourd de ses sabots polis, défiant ainsi un guerrier plus expérimenté que lui. En un élan monstre, les deux corps se rejoignirent au centre d’une terre brûlante, les deux masses s’élevèrent, et se rejoignirent dans les airs, créant entre eux un équilibre fragile mais puissant. Alors que le blanc tentait d’atteindre le poitrail du plus jeune, ce dernier agrippa la peau immaculée entre ses mâchoires puissantes qui claquèrent en déchirant la robe de l’autre. Il avait ainsi offert son encolure au vétéran qui ne rechigna pas et le saisit par la base, entaillant profondément la gorge du bel animal furibond. Il sentit tout d’abord une brûlure intense, et ensuite le liquide chaud sur sa robe. Il n’en fallut pas plus pour qu’il donne le maximum de sa force. En une joute acharnée, il tua, pour la première fois, l’animal noir enleva la vie à un de ses congénères, et qui plus est, à son chef. Seulement, son sang se rependait sur ses membres, coulant de sa gorge entaillée. Il n’allait sûrement pas tarder à mourir…
Ce vieil animal gris, n’était-il pas déjà mort une fois ?... | |
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