C'est notre Sang. | REUNION SHIKAKU !

☢ C'est notre Sang.

Ombre parmi les ombres, il s'était fait oublier, se retirant de ce vaste théâtre de fous, vivant caché pour renouer avec ses racines, avec son sang toujours aussi furieux qui charriait avec rage dans ses veines. Le puissant guerrier s'était à nouveau coupé de tout, alors que la vie l'avait éprouvé une fois de plus, lui arrachant deux des âmes qu'il chérissait le plus au monde. Mais il avait fait, durant son errance, une étrange découverte. Dans la brume de l'infini océan, se dressait une île aux sombres parois, aussi effilées que des lames de rasoir. Hole, par hasard, en avait trouvé l'entrée, le chemin. Et là-bas, ce qu'il avait découvert était au-delà de toute espérance, de toute imagination. Cette terre était une terre de Shikaku. Eux seuls en sauraient l'entrée, et ce, à jamais. Et ce soir, alors qu'il faisait entorse à ses nouvelles habitudes, il se dressait dans la lumière d'argent de la lune ronde et cruelle. Il était en haut, sur la pointe de la Crique, dominant l'eau de toute sa hauteur, tout comme il dominerait les Shikaku les plis fiers qui, guidés par leur sang, se joindraient à lui ce soir. Déjà, il entendait des bruits de pas sur le sol. Et de l'ombre épaisse et sale, naquirent des silhouettes. Ils étaient là, eux dont les cœurs battaient pour la Mort, eux dont le sang pulsait à leurs tempes, eux qui haïssaient ce monde.

Sans un sourire, Hole prit la parole, ses yeux sans fond étincelant dans la nuit vierge d'étoiles. Il avait décidé de les prévenir, de leur annoncer l'existence de cette terre, de leur en indiquer l'entrée. Mais d'eux, il attendait davantage. Il voulait, ce soir, confirmer que leur groupe existait bel et bien, qu'il était encore vivant bien qu'affaibli. Black Hole voulait voir et apprendre ces visages qui, un jour, se battraient pour garder en vie ce groupe dont il avait connu les jeunes débuts ...

❝ Shikaku, bienvenus ! Que cette nuit reste dans vos mémoires comme celle de notre union renouvelée. Que dans dix ans vous en parliez comme la renaissance de notre famille ... Shikaku, faisons de cette nuit la notre, et seulement la notre ! ❞

Sa voix suave et chaude, teintée d'accents rauques, s'était envolée, allant chercher chaque âme, chaque cœur peut-être. Hole avait fait glisser son regard sur chacun d'eux, les invitant à se manifester, à se sentir concernés. Oh, il aurait tant aimé voir dans ces rangs le profil cruel de sa fille ! Mais jamais plus elle ne poserait sur lui ses yeux accusateurs ... Aussi, le cœur lourd, l'étalon à la robe de nuit et à l'étoile blanche reprit, plus sûr encore dans ses propos.

❝ Amis, frères, sœurs, fils ou filles ... Aujourd'hui, vos efforts ont payé. Aujourd'hui, celle que vous avez servi si durement et fidèlement vous a remercié ! Mais voyez plutôt ... Regardez les flots sombres qui courent en-dessous de vous, regardez l'étendue plane, et devinez cette île aux noires falaises, cette île perdue et cachée par un dense brouillard ... Shikaku, voici votre refuge, votre maison, votre territoire ... Shikaku, voici la Zone ! ❞

De nouveau, l'étalon à l'épaule barrée d'une large cicatrice fit une pause, s'assurant que chacun distingue l'île solitaire qui se dressait au loin, surplombant le flot ombrageux.

❝ C'est par hasard, en suivant les tunnels, les mines du Roy, que j'y suis arrivé. Cette terre, c'est celle que nous attendions ! ❞

C'est notre Sang. | REUNION SHIKAKU ! Stock_10

Image by Nexu4

La Zone. Ce nom lui plaisait.

Il observait les alentours, les visages qui se trouvaient autour de lui jusqu'à Black Hole.

Sa peau tressaillait tandis qu'il écoutait les paroles de l'étalon noir.

Hopeless. Le désespoir. Mais pas le désespéré. Il avait appris a laisser les choses de côté, il avait un coeur de pierre. Mais c'était un intellectuel, qui voulait savoir, qui pensait, pensait constamment. Il n'étais qu'une âme errante, une âme qui tuait et réfléchissait. Pourtant, ce soir, il se sentait vivant, il se sentait vivant, pour la première fois depuis bien longtemps.

Il dressait fièrement la tête. Il respirait. Il était vivant, et ça le fascinait presque.

Certains de ces visages lui étaient vaguement familiers, mais bien qu'ils soient sa seule "famille", il n'avait pas de vrai ami parmi les Shikaku. Pas depuis que sa jeune amie les avaient quittés. Il en avait été triste. Mais, lui, avec son coeur de pierre, avait accepté. Bliss lui manquait, mais il n'était plus triste. La vie est ainsi. Voilà ce qu'en pensait Hopeless.

Il n'avait pas de chez soi. Mais la Zone, la Zone l'attirait. En observant l'ile entourée de brume, il sentait son coeur se réchauffer. Ou presque. Il voulait y aller. Là bas, peut être serait il libre. Là bas, peut être ne le considéreront t-on plus comme un fou, un dangereux qui tue et pense trop. Non, car les Shikaku sont comme lui, et la Zone est le territoire des Shikaku.

Un cœur blessé. Un corps brisé. Mais l'étalon était là, debout, dressé sur ses longs membres bien plus fins que ceux de son illustre père. Le Sang avait appelé le Sang, comme chaque fois, et il s'était fait ombre parmi les ombres, se faisant oublier comme on oublie que la mort peut frapper à chaque instant et prendre chaque vie. Sa pelote était cachée son son épais toupet noueux. Non, vraiment... Le fils de Hole se voulait invisible. Le sombre de son corps était resté fondu dans la nuit, ses yeux flamboyants ne reflétaient pas encore la lune. Il faisait nuit, la lune d'argent comptait avec eux. Dans la crique, il s'était amené, comme une âme égarée. Toutes choses avaient pris un autre goût lorsque la vie lui avait arraché ses cadets qu'il connaissait si peu. Si la mort de Thief était une déchirure dans son sang, celle de Bliss avait réduit en lambeaux son cœur, y laissant une nouvelle plaie, béante celle-là, pour laquelle il s'était battu. Et il avait fait front, bataillant fièrement. Ses muscles s'en ressentaient encore. Son antérieur, chaud et gonflé au niveau d'une méchante plaie, ne touchait que peu le sol. Mais c'était quelque chose qu'il acceptait. Comme les cicatrices barrant son corps, désormais. Il s'était battu pour son frère, pour sa sœur, et ces minuscules balafres qu'il avait n'étaient rien à côté de leur mort. Alors... Il ne s'en plaindrait pas, jamais.

Puis la voix le tira de ses pensées de meurtre. L'étalon à la pelote était là, dressé sur les rocailles. Un sourire carnassier étira les lèvres sombres du Fils. Il parlait de famille, alors même qu'il avait perdu une part de la sienne. S'il allait de l'avant, son dernier enfant savait comme il avait mal, combien de temps il s'était retiré, seul, pour panser ses plaies qui jamais ne cesseraient de le brûler. L'Enfer n'était rien à côté de la perte d'êtres chers. Alors, Vif-Argent écouta, depuis l'ombre. Lorsque le mot de fils lui parvint, son regard vicieux se porta sur le profil lupin posé à ses pieds. Thanatos, l'Ombre de la Mort à ses côtés, se leva d'un mouvement vif et élégant et sortit à la lumière, dardant son regard brûlant sur les Shikakus. Le regard du canin s'arrêta sur Hole. Il le fixa, de ses grandes prunelles intelligentes, comme pour lui annoncer la présence de son fils de sang. Mais l'étalon ne se montra pas. Non, pas encore. S'il n'avait pas revu son père depuis leur entrée respective en combats, il ne pouvait se permettre de sortir comme un diable de l'ombre et de s'accaparer une part de l'attention de son Père. Il savait que cela arriverait, il le sentait. Il connaissait Hole, désormais, et un lien déjà fort les unissait, même si la Vie les avait longuement séparé.

Alors, lorsque l'annonce fut faite, le noir à l'étoile sortit de son ombre. Il tendit les muscles et se mit en route, s'attachant à poser le plus nettement possible le pied pour ne pas boiter trop bas. Lentement, il sortit de l'ombre, son regard mauvais brûlant quiconque autour de lui. Dans son profil, on devinait son père. Ceux qui ne le connaissaient pas sauraient bientôt qui il était. Mais on devinait aussi un quelque chose de sa sœur, quelque chose que leur père leur avait donné de commun. Il releva la tête, son toupet emmêlé se fendit et découvrit son étoile, tandis que la lune se reflétait sur son corps de nuit. Tout, dans son attitude, était digne d'un Chasseur implacable. Ces longs muscles étaient demeurés tendus et si sa légère boiterie s'était laissé deviner, il planta les quatre aplombs dans le sol. Son col, d'un arc naturellement élégant, portait une tête expressive, dont l'expression était féroce et mauvaise. Ses yeux étaient des poignards mortels et ses oreilles restèrent vers l'arrière.

« Mes Frères, cette Terre est aujourd'hui notre chance ! Leur monde ne doit pas en connaître l'existence, car elle est nôtre. Ils n'ont aucun droit de regard dessus. Alors, protégeons notre Refuge. Il n'appartient qu'à nous. Voici, mes Frères, notre possibilité de nous remettre des événements récents pour leur montrer que nous ne disparaîtrons pas ! Nous sommes là, nous resterons là et ils seront à notre merci ! »

L'étalon était devenu plus belliqueux encore qu'hier. Il brûlait d'un ardent désir de vengeance. Le sang qui avait déjà coulé ne lui suffisait pas. Ils avaient assassiné des enfants et s'en sortaient sans avoir connu l'implacable colère. Alors, l'élégant noir se voulait vengeur. Il s'était clairement annoncé, aujourd'hui. Son regard, jusque là planté sur le morceau d'horizon qui serait leur, se planta alors sur son Père. Flamboyant, il n'était plus que Haine viscérale, même si elle n'était en rien tournée contre son Père adoré, son petit bout de famille, sa quête. Mais contre le Nord, qui avait tué sa sœur et son frère. Pour le moment, le Sud n'entrait pas dans sa ligne de mire. Pas encore. Mais il attendait son heure.

L'étalon noir à l'étoile blanche avait joué avec sa voix, lui donnant une conviction qui ne brûlait pourtant pas dans son cœur. Tout semblait avoir perdu de sa saveur, et même la nuit obscure et froide ne parvenait à apaiser son âme. Rien ne suscitait encore en lui de l'intérêt, rien sinon les siens restés debout. Et parmi eux, parmi ces quelques dont les corps étaient meurtris de la récente bataille, s'en trouvait un qui occupait le reste de tendresse et d'amour qu'il pouvait encore éprouver. Dire que ses enfants étaient morts aurait été une grave erreur. Là, dans l'ombre insidieuse, se dressait ce fils, ce jeune diable qui avait déjà tant souffert. Vif-Argent n'était à quelques pas, et si Hole ne le voyait pas encore, il le sentait dans son corps et son cœur. Il aurait aimé s'enfuir, descendre de ces roches coupantes, embrasser cet enfant solitaire, et l'amener avec lui. Black Hole voulait être ce père qu'il n'avait jamais pu être pour lui auparavant. L'étalon au sang trop pur ne l'avait plus vu depuis cette folle galopade qui les avait menés à se briser les uns contre les autres. Les marques qu'il portait sur son corps -puisqu'assurément il en portait- laisseraient-elles des cicatrices ? Le Shikaku aurait tant aimé le serrer contre lui, lui donner cet amour, cette tendresse, lui donner toutes ces choses auxquelles son sang n'avait pas goûté. Mais plus que cela, Hole avait juste envie d'être là, de devenir son ombre, de lui dire sans parler qu'il savait, et qu'il comprenait combien son cœur devait le brûler, lui qui s'était lié à Bliss dans le fracas des vagues et des sabots sur le roc. Mais en avait-il seulement le droit, alors qu'il se tenait là, devant ces inconnus qu'il voyait pour certains pour la toute première fois ? Le puissant guerrier n'avait jamais eu peur tout comme il n'avait jamais renoncé à ses idées ou ses envies : rien ne l'empêcherait de s'avancer vers ce fils brisé déjà. Revigoré peut-être de cette attente, de cette quête de l'autre, Hole se redressa davantage, son poitrail se gonflant d'air, tandis que ses muscles se contractaient. Oh, les marques qui couraient sur son corps étaient nombreuses, alors que son odeur était âpre du sang séché et coagulé maintenant sur sa robe de satin. Mais Hole semblait n'avoir rien perdu de sa superbe, comme s'il était encore inattaquable. Si seulement ils avaient pu voir ! Chaque rafale menaçait de le faire tomber, les genoux en terre, la tête basse. Le Diable était, à cette heure, ployable.

Un bruit de pas sur le roc, une vague se fracassant en contre-bas, et sortait de l'ombre le Shikaku solitaire. La bataille ne l'avait pas épargné, et personne n'aurait osé remettre en question le fait qu'il s'était battu de toute sa rage et de toute sa force. Et si Vif-Argent tendait ses muscles, Hole, qui connaissait son habituelle démarche, devinait sa boiterie. Son cœur, dans sa poitrine, se serra douloureusement. Bien sûr, il était fier de son fils, fier de voir l'engagement qu'il avait pris, la fidélité qu'il avait eu pour sa sœur et son frère. Mais pourquoi la vie était-elle si cruelle envers lui ? Resté seul face à une mère aussi belle que détestable, Vif-Argent était ensuite tombé malade, et s'était affaibli qu'il était parvenu à le trouver lui, son père, lui qui ne soupçonnait pas même l'ombre de son existence. Qu'il s'en voulait de l'avoir laissé à Etoile ! Hole était sûr qu'il aurait pu lui donner de l'amour. Certes, il aurait sans doute eu peur et il aurait douté ; mais il l'aurait aimé de cet amour si fort et bon. Il se serait brisé pour lui, et il lui aurait enseigné toutes ces choses qui font des jeunes des êtres forts et sûrs d'eux. Peut-être aurait-il aussi essayé de lui enlever cette rage héréditaire ? Mais son fils était comme lui. Vif-Argent était un Démon, un guerrier avide de sensations et plein de colère et de haine. Le cœur du jeune portait en lui plus de rancœur que quiconque aurait pu le supporter. Hole était lui aussi passé par là, un jour. Et il désirait être celui qui l'aiderait, celui qui le guiderait.

Et comme son fils s'avançait dans la blafarde lumière de la lune, il se recula, redevenant ombre parmi les ombres. Il était en retrait, mais il avait la tête haute et le regard brillant : tous les Shikaku auraient pu témoigner et de sa fierté, et du respect qu'il avait envers celui qui venait de s'avancer. Attentif, il écoutait les mots de l'étalon tonner dans la nuit vierge d'étoile. Vif-Argent était de cette nouvelle génération, il était de ceux qui referaient le monde selon leurs règles et leurs codes. Mais plus il le regardait, et plus il voyait en son regard, en sa posture, en son expression et en ses traits sa fille disparue. Ils avaient hérité de leur père, et ils avaient porté en eux cette haine féroce, alors que leur sang s'était éveillé par instant, les transformant en Bêtes à fleur de peau. Chasseurs hors-pairs, guerriers puissants : Vif-Argent et Bliss, quelque part, avaient été mêmes. Mais l'une s'était éteinte quand l'autre vibrait plus que jamais de colère. Les naseaux de Hole se dilatèrent, son sang brûlant bientôt ses veines. Vif-Argent était sa jeunesse, ses emportements ; son fils était sa vie.

Fauve dans sa démarche, son ombre se coula à hauteur de l'animal démon, bien qu'il demeurait en retrait : Hole n'avait aucune envie de sembler lier à cet éclat nouveau ; tout le mérite ne devait revenir qu'à l'initiateur, qu'à Vif-Argent. Il l'attendit donc, le regard brillant et la respiration rapide et courte.

Yearling Nombre de messages : 63 Date d'inscription : 18/10/2013

Pandore se tenait cachée dans l'ombre, sur un rocher. Elle avait levé la tête pour mieux voir celui qui parlait en meneur, en guide. Elle ne connaissait personne ici, et elle était étonnée de voir que tous l'écoutaient respectueusement. Les Shikaku n'avaient pas de meneur, ils étaient libres et sans foi. Pourquoi personne ne s'avançait à hauteur de l'étalon, renchérissant? Pourquoi le silence était si lourd? L'Arabe n'en savait rien, et elle regardait avec ses grands yeux l'horizon, cherchant l'île. La Zone. C'était un joli nom, assez simple mais plein de mystères. Pandore ne pensait que à s'y rendre, et elle faisait demi-tour, tournant le dos à celui qui ressemblait à leur meneur. Mais, à sa grande surprise, un autre étalon sorti de l'ombre, s'avançant vers celui qui parlait. Ils se ressemblaient beaucoup : ils étaient tout les deux noirs, avec une étoile blanche sur le front. Peut-être que le plus jeune était le frère ou le fils du premier? Quand il se mit à parler, l'autre s'effaça, venant le rejoindre. Elle trouvait ça étrange, mais elle n'y prêta pas plus attention. Après tout, elle avait tout le temps d'apprendre plus sur eux! Elle remarqua tout de même un autre étalon. Elle avait l'impression qu'il était bai, mais elle n'était pas sûre à cause du noir.

Elle marcha tout de même vers lui, ses sabots claquant sur le sol. Pandore était une jolie jument arabe, de petite taille et fine, même si elle était musclée. Elle était comme une rose: pleine de séduction mais piquante, elle était un danger pour ceux avec qui elle jouait. Et jouer, elle aimait ça! Charmante, elle se rapprocha davantage du mâle et elle posa ses yeux doux sur lui, sans prononcer de mots pourtant. Elle était curieuse, mais elle désirait aussi que ce soit lui qui parle en premier: elle en apprendrait davantage sur l'habitude et l'attitude de ces chevaux.

Oh, et si déterminé qu'il était, le bel étalon noir, venu prendre la place dans l'effacement de son Père. Il savait bien qu'il était le feu nouveau dont rêvait son prédécesseur pour maintenir la puissance du rang. Mais le Fils savait aussi que leur groupe, sans s'être choisi de meneur, et en ne supportant pas même cette idée, respectait assez la sagesse de Hole, le nom qu'on associait ici au Mal à l'état pur, pour au moins prêter une oreille aux dires de son fils, son si semblable fils aux longs muscles puissants, à la carrure plus fine et haute, mais si exquis et si dangereux lui aussi. Ainsi, Vif-Argent, tout de nuit vêtu, s'était avancé et avait clamé, sa voix grave et séductrice claquant dans la crique avec la précision d'une lame, tranchant l'air nuptial sans même sourciller. Il s'était annoncé, plein d'ambition, brûlant de vengeance, enfiévré en réclamant le sang. Il savait déjà, oh oui, parfaitement quelles têtes il ferait tomber de lui-même. Black, tout d'abord. Il avait permis le massacre qui l'avait aliéné plus encore et payerait les sanglantes conséquences des divagations d'un esprit malade rattaché à sa précieuse Ombre. Puis tous ceux qui avaient pu connaître et apprécier l'Assassin. Si cette traque serait plus longue, elle promettrait du Sang.

Lorsqu'il devina son Père dans son Ombre, un sourire carnassier étira ses traits. Il était devenu plus fourbe qu'aucun ne saurait l'être. Oui, l'étalon était devenu fourbe, lui déjà fou. La douleur avait plaqué quelques tares plus profondément, en instiguant de nouvelles à son être de Torture et de Folie. Son regard étincelant, pris dans les méandres de son âme dépravée, se posa par instant sur ce qui aurait pu être son reflet et qui était, assurément, son image lorsque le temps aurait fait son œuvre. Il resta un moment immobile, fièrement campé sur ses membres, avant d'esquisser un pas, moins dansant qu'à l'accoutumée, pour aller saluer celui qu'il avait cherché toute sa vie. En société, c'était un salut guerrier, un grondement bas et sourd, accompagné d'une courte révérence. Ici, ils n'étaient pas que Père et Fils, mais aussi Shikakus. Et le jeune refusait de déshonorer son père en jouant les tendres éplorés. Mais dans son regard, la Haine mortelle s'effaça, doucement, jusqu'à ce que l'attachement de Vif à son paternel s'affiche dans ses grandes prunelles sombres. Depuis les dernières secondes au premier rang, ils n'avaient guère eu le temps de se voir, seul à seul, pour simplement pouvoir parler et panser à deux des blessures si similaires. Car le sang restait le sang, et ils avaient tous quatre partagé le même. Alors, ce soir, Argent prendrait le temps de lever les yeux et de regarder les étoiles des guerriers déchus, jusqu'à trouver la plus belle, Bliss, et la plus pure, Thief.

Pourtant, ce fut une effluve différente qui chatouilla ses sens et lui donna à se mouvoir. L'une des leurs était ici ? Il mit un coup de naseaux affectueux et caché à son père avant de pivoter dans une pirouette aussi parfaite que celle que son antérieur mis à mal pouvait lui permettre, ricanant doucement. Voilà qu'une nouvelle et dangereuse idée s'imposait à lui : maintenant que son cœur était mort, il n'avait plus la moindre raison de ne pas goûter à de nouveaux plaisirs, quitte à briser les cœurs d'autres. Il avait la sensation d'avoir, ces derniers-temps, tant souffert que rien ne pourrait jamais plus l'atteindre, et les jeux n'auraient plus de moyen de le blesser. Sa voix brisa de nouveau le silence réinstallé. S'il ne jouerait pas de suite, il observa à la dérobée la jument, tant qu'il pouvait la voir.

« Il me tarde de découvrir notre nouveau repaire... »

Voix grave et masculine, pareille au grondement d'un fauve. Le chien-loup, couché dans son coin, bondit vers l'avant en grognant, ses longs crocs d'ivoire dénudés, son regard furieux. Il se glissa dans les antérieurs de son compagnon, ondulant comme un serpent. Lui aussi attendant son heure. Tous les Shikakus l'attendaient.

Yearling Nombre de messages : 63 Date d'inscription : 18/10/2013

Pandore, tout en restant dans l'ombre, observait tous ceux qui l'entouraient. Elle aimait se souvenir des visages qu'elle rencontrait. Et comme ses grands yeux glissaient sur les chevaux qui étaient là, ils rencontrèrent ceux du jeune étalon. Il lui sembla qu'il la regardait, mais elle n'en était pas tout à fait certaine. L'idée, pourtant, n'était pas pour lui déplaire, et elle se mit à sourire, au cas où l'étalon noir la regardait réellement. Pandore n'était pas du genre à vouloir se reposer sur l'épaule d'un compagnon: elle aimait séduire et jouer avec son corps et son cœur. Elle n'avait pas peur non plus de se faire du mal, ni à elle, ni aux autres. Malgré cela, elle fit mine de s'écarter un peu de l'attroupement général, voir s'il s'approcherait d'elle. Elle remarqua juste alors l'étrange chien loup qui accompagnait le puissant guerrier. Il semblait ne faire qu'un avec ce dernier, et elle avait l'impression que le même entrain les tenait tous les deux. Tous les équidés de Wild Horses étaient-ils liés à un autre animal?

Elle s'écarta de ses semblables, ses sabots claquant sur la roche blanche. Elle se pencha au-dessus de l'eau, dominant la crique de sa petite mais puissante silhouette. L'air marin lui donnait le sourire, alors que la nuit était noire et froide. Elle aurait aimé se retrouver seule et rêver, elle aurait aimé pouvoir jouer ce soir. Pandore n'aimait pas trop les grands rassemblements: elle était plutôt intimiste, et préférait les pas serrés et accompagnés d'une seule présence étrangère. Mais elle faisait partie d'un groupe, et elle en avait accepté les désavantages. Elle savait aussi que, dès demain, ils se sépareraient tous et continueraient leur route chacun de leur côté jusqu'à la prochaine réunion, ce qui, pour elle, n'était pas la pire des nouvelles.

La petite arabe à la tête expressive et au regard intelligent attendait donc patiemment, regardant en contre-bas les vagues s'écraser contre les parois rocheuses ou, plus pacifiquement, venir s'étaler sur la plage avant de se retirer. Il n'avait pas tort: elle aussi avait hâte de découvrir leur repère!