Pesma Poledica

Le Désert Blanc.
Ici, tout se perd. Les ombres se lient pour quelques pas incertains avant de se séparer de nouveau. Les routes se croisent et se mêlent, se séparent et seretrouvent, devant un unique témoin : l’immensité blanche d’un désert sansfin. L’horizon orangé cerne le monde, enflamme la neige éternelle, dessined’obscures dessins au sol, et porte avec lui l’écho d’une voix forte et douce, le murmure insoupçonnable d’une connaissance oubliée ; le souvenir ineffaçable du sang tombé sur la terre. Le matin se lève-t-il ou est-ce déjà le soir qui claironne ? Rien n’est plus acquis, tous les fondamentaux s’écroulent, il faudrait tout réapprendre en un pas, puisque le suivant efface de nouveau tout. C’est une danse éternelle et muette qui naît en ce singulier lieu. Le vent encore frais porte les pas, enivre les âmes, et exulte à danser,encore et toujours. Inconnu, sur ce désert vierge de tout, laisse tes traces avant de disparaître. Demain, plus rien ne sera, laisse-toi prendre au jeu et danse. Explicite et simple, chaque invité était mandaté de danser à s’en brises les jambes, de danser jusqu’à ne plus pouvoir bouger, danser jusqu’à sombrer. Mais plus qu’une étendue de neige, ce désert était fait de glace. A chaque pas, elle craquait, roulant en son sein un écho, un cri amplifié. Chaque foulée produisait un nouveau son, et, au rythme de la danse, la glace chantait. Il y a maintenant longtemps, ce territoire fut l’exclusivité des léopards géants, qui traquaient ici les orques. Blanc, mais dans le fond, abreuvé de sang. Etait-ce une des raisons pour que, dès le soleil couchant, la neige se pare de si vives couleurs ? Les ans avaient passé, renfermant avec eux l’histoire de cet emblématique lieu, laissant à chacun le droit ultime de rêver, de penser aux sombres histoires à l’origine de cette terre.

Le Désert Blanc.
Territoire des fauves. Quelque part, un Léopard courait, usant de sa puissante détente pour avaler la distance, ne sentant plus la brûlure de la glace sur ses coussinets, tant l’habitude l’y avait rendu insensible. LED. Le grand mâle dévalait l’espace, venant du nord, sur la piste encore fraîche d’un équidé. Il n’était le daemon de personne, et si les siens avaient prêté serment, il préférait demeurer caché pour ne pas s’y allier. Pourtant, le puissant mâle se découvrait aujourd’hui au grand jour, laissant le soleil couchant réchauffer son corps, alors que de beaux reflets rouges nimbant sa robe d’argent. Chaque pas qu’il faisait le rapprochait de l’animal qu’il avait prit en chasse. Derechef, il pouvait dire qu’il s’agissait d’un équidé de grande taille bien que fin. De temps à autre, il prenait le temps dans sa course folle de s’arrêter pour humer l’air, à la recherche de nouvelles informations. Puis, après ce court moment de distraction, le Chasseur repartait, reprenant une allure vive et rapide, qui le rapprochait toujours un peu plus de sa proie.

Le Désert Blanc.
Elle s’était renfermée. En avant du monstre, l’équidé qui laissait ses traces galopait aussi. Fine et élancée, Sorrow Life allait au gré du vent, prise dans la magie du désert, exécutant quelques pas de danse avant de repartir, toujours plus vite. Le vent glacé fouettait son doux visage, alors que sous l’effort, la cicatrice des griffures d’un léopard se teintait de rouge. Le sang qui coulait dans ses veines tambourinait bientôt à ses tempes, marquant un rythme effréné. Pourtant, rien ne semblait pouvoir faire faillir la belle dame blanche, parsemée de truitures acajou. Alors qu’elle allait, la blancheur sanglante du lieu lui faisait tourner la tête, et bientôt, elle s’oubliait, comme lors de sa rencontre avec celui qui deviendrait son compagnon. Pensait-il à elle comme elle ne cessait de tourner ses pensées vers lui ? Se souvenait-il encore de son odeur et de sa voix ? Dès que la guerrière de glace fermait les yeux, l’image sombre de son compagnon se dessinait, traçant au fusain ses traits sauvages de roi, son profil oriental et sa haute taille toute en finesse pourtant. Elle l’aimait d’un feu brûlant, si bien que chaque rafale, en plus d’amener un vent violent, amenait aussi son odeur, si forte et bonne. Insouciante, la grande jument galopait à corps perdu, sans penser même à la menace d’un quelconque prédateur, tant il lui était bon de se saouler de cette liberté qui lui tendait les bras. Matin ou soir, elle ne savait pas. Elle ne savait plus non plus combien de kilomètres elle avait parcouru. Elle savait juste qu’ici, elle se sentait bien, et qu’ici et partout ailleurs, elle aimait son compagnon.

Le Désert Blanc.
Naît-on bon ou mauvais ? Bientôt, LED aperçut la silhouette claire de la jument. Elle courait à un bon train, et le jeu n’en était que plus envoûtant. Dans un ultime effort, le mâle tendit ses muscles, forçant l’allure jusqu’à la dépasser, et se mit en travers de son chemin, lui barrant la route alors qu’il grognait déjà. Bientôt, le silence se fit de nouveau, et le cri rauque de l’animal résonnait dans l’immensité, alors qu’il avait découvert ses crocs, laissant voir de tranchantes canines qui criaient famine. Ses courtes oreilles noires étaient plaquées sur son crâne osseux, alors qu’il défiait sa proie de son regard bleu au fulgurant magnétisme.

Le Désert Blanc.
Ainsi, le Chasseur et la proie se retrouvaient une énième fois, en un ultime face-à-face où l’un perdrait. LED avait joué franc jeu, se signalant avant d’attaquer. Aussi, il semblait attendre que la jument se manifeste, ce qu’elle ne tarda pas à faire. La guerrière de Glace plaqua à son tour ses oreilles sur son crâne, tout en soutenant le regard du fauve. Elle ne tremblait pas, bien que sachant pertinemment qu’à la fin de ce combat, un seul d’eux deux repartirait, blessé mais vivant, laissant derrière lui un cadavre inanimé, encore chaud et dont la vie venait à peine de s’échapper. La belle dame blanche s’éleva de tout son haut, tranchant l’air frais de ses sabots, et donnant le départ à ce combat mortel.
Le fauve s’élança, cherchant à agripper l’épaule ou le corps de l’équidé. En une fraction de seconde, le tableau se transforma. Tout ne devint qu’une tache mobile qui s’agitait de temps à autre, faisant gicler par moment quelques gouttes écarlates au sol, alors que le silence était entrecoupé de cris et de souffles rauques. Parfois, une patte sortait de la mêlée, ravalée quelques secondes après, tandis qu’un sabot s’extirpait à son tour. C’était une véritable cacophonie que celle qui régnait ici, animant de nouveau les guerres d’hantant.
Ils se battirent ainsi durant de longues heures, chacun pris dans des tourmentes différentes. LED, repartirait-il avec sa proie ? Sorrow, pourrait-elle à nouveau danser avec le Maître de l’Ombre ? Aurait-elle un jour la joie d’être mère ? En se perdant au milieu de ces questions, son attention au combat diminuait, et bientôt, elle sentit sur son antérieur la brûlure des griffes du fauve agrippé à son corps. Derechef, elle envoya ses puissantes mâchoires vers la nuque de l’animal, cherchant à broyer les os durs et forts. Un cri aigu s’échappa de la gueule de l’animal, alors qu’il lâchait prise. Elle ne l’avait pas tué, mais ils étaient tout deux exténués par la violence de la lutte. Encore une fois, ils se jaugèrent du regard, promenant aussi leurs yeux sur les alentours, et découvrant une mare écarlate tout autour d’eux.
Pourtant, LED lança un nouvel assaut, attrapant la jument à l’encolure, et plantant ses crocs avec force. Un hurlement de terreur vida les poumons de Sorrow, alors que déjà, des gerbes de sang s’épanchaient de son encolure devenue rouge. Elle riposta avec toute la violence du monde, arrachant la peau de la pauvre bête jusqu’au sang. Fatigués, gravement blessés, ils se regardèrent, le souffle court, l’œil humide et leurs plaies béantes suintant.
Soudain, ils s’écroulèrent. Dans une étrange étreinte, ils fermèrent tout deux les yeux, sombrant dans le tourbillon enflammé du combat, alors que leur sang vermeille coulait encore sur la neige.

Dans le Désert Blanc, LED et Sorrow allièrent leur force, s’offrant ainsi leur vie après s’être battus pour prendre celle de l’autre.