Photo Finish. [Bewitched Princess. Premier post à BH (prends qui tu veux!) et LIBRE ensuite.]

Enfin, ses muscles raides l'avaient portés jusque la banquise. Fière de son voyage, elle porta son regard autour d'elle. Et la tristesse la prit à la gorge. Ses paupières se plissèrent sous l'effort qu'elle faisait pour ne pas pleurer. Puis ses larmes débordèrent, malgré ses efforts, silencieuses. Elle réussissait à étouffer les lourds sanglots qui lui montaient de manière ordonnée. Non, elle n'aurait pas cette faiblesse, de pleurer comme une pouliche. Elle repensa à leurs instants de bonheur. Un sourire pâle étira ses lèvres et les larmes redoublèrent d'intensité. Finalement, elles se tarirent. Son voyage avait touché à sa fin. L'élégante princesse était enfin arrivée. Ses lèvres s'entrouvrirent et elle murmura, pour elle même:

« J'y suis arrivée, Farrow. Je te l'avais promis. Je t'aime. »

Alors, elle se détourna et contempla l'étendue blanche. Doucement, elle se mit en marche, le regard quelque peu perdu dans l'étendue.

Il n'en avait que trop rêvé de cette étendue blanche le jeune étalon, longtemps, il s'était vu galopant à toute allure, le vent glacé du Nord lui fouettant le visage, alors que ses sabots martelaient le sol. Zanzibar, jeune Chef de clan, avançait aujourd'hui vers ce rêve. Son corps de flammes était luisant, et le soleil dessinait mille nouveaux reflets, jouant sur ses muscles saillants. Fin, le jeune étalon marchait avec légéreté. Enfin, il s'élança. La banquise sous ses sabots craquaient, dans cet immortel mugissement sourd, éternelle plainte, éternel chant pour ceux qui savaient écouter. L'entier avançait à toute allure, trop sûr de poouvoir déployer ses ailes pour s'envoler, trop sûr de pouvoir toucher les nuages et chatouiller les étoiles. Plus il avançait, plus ses foulées étaient longues et puissantes, et il se confondait avec une flèche de feu. Il s'embrasait le jeune animal, il allait toujours plus vite et il se grisait de sa vitesse. Plus rien ne comptait, en ce doux rêve où nul autre que lui ne se trouvait.

Erreur.

Il aperçu, perdue au milieu de l'immensité, la frêle silhouette d'un équidé. Zanzibar planta ses sabots dans le sol, glissant sur plusieurs mètres, et parvenant tout de même à garder son équilibre. Il voulu se signaler d'un bref hennissement, mais quelque chose, une petite voix, lui souffla de ne rien faire. Il prit le trot pour poursuivre son chemin et se rapprocher de l'inconnue. Quelle surprise le frappa alors qu'il distinguait enfin le visage plein de larmes de la jument, surprenant par la même occasion les mots clairs et lourds qui sortaient de la bouche dessinée dans un triste sourire. Il poussa un hennissement bref et bas, pour dire qu'il était là, et s'approcha de la jument grise, qui n'était assurément pas du clan de la glace. Il s'arrêta à quelques centimètres seulement d'elle, et lâcha, alors que des volutes blanches s'échappaient de ses naseaux:

"Bonjour... Quel mal vous prend donc?"

Il s'autorisa à poser ses yeux noisettes pailletés d'or dans ceux de l'arabe, et la regarda fixement, avec cette expression particulière qui signifie que nous ne sommes pas un danger, que nous ne voulons que le bien de l'autre, qu'il n'a rien à craindre...

Elle sursauta en l'entendant. Elle recula vivement. Il s'était tant approché! Depuis si longtemps elle n'avait pas eu de contact avec un autre cheval, si proche! Elle s'ébroua finalement, l'air de lui dire qu'elle n'avait pas vraiment peur de lui, qu'elle avait juste été saisie de sa proximité. Après tout, elle ne craignait rien avec lui. Il le lui montrait et, de plus, elle était devenue une combattante hors pair. Quand bien même il l'aurait surpassé, elle n'avait plus peur de la mort. Vivre ou mourir, quelle différence? Elle ronfla doucement de ses naseaux finement dessinés. Elle soutint sans ciller le regard du mâle.

« Bonjour... Je suis arrivé au bout d'une promesse, voilà tout. »

Elle redressa un peu la tête. Partie, sa fierté. Partie, sa joie. Partis, tous les sentiments qui la transportaient. Elle était comme une coquille vide. Elle n'était plus rien. Elle étouffa un sanglot qui remontait et la camoufla dans un soupir triste au possible. Son regard se voila de tristesse et de douleur et elle détourna la tête. Elle prit une profonde inspiration. Tout serait-il toujours aussi dur, ici? Tout la rapporterait-il au beau Farrow, inévitablement? Parviendrait-elle un instant ne serait-ce qu'à mettre de côté son indicible chagrin pour faire face à la vie? Voilà qui était une question bien fondée et à laquelle il semblait impossible de répondre. Elle porta de nouveau son regard sombre sur celui, plus clair et lumineux, de l'étalon.

Zanzibar ne bougea pas alors que la jument claire reculait vivement. Il se rendit compte qu'il s'était bien trop approché pour un premier abord, surtout qu'elle semblait totalement nouvelle et déboussolée. Maintenant qu'il était chef, il se devait de ne plus faire ce genre d'erreur, et peut-être même devrait-il bientôt arrêter de marcher sur les terres des autres clans, puisque tout tremblait d'instabilité en ces instants. Mais aux vues de la douleur que la belle semblait ressentir, il ne put s'empêcher d'essayer de comprendre.

"Excusez-moi, je me suis approché bien vite. Je me prénomme Zanzibar! Et vous?"

Pendant longtemps il avait eu mal, il avait perdu en une nuit ses parents, alors qu'il n'avait que quelques mois, et puis ses amis aussi. Mais maintenant, après s'être exilé dans l'ombre, maintenant qu'il était revenu et qu'il avait clamé sa naissance, maintenant qu'il avait pris des responsabilités, il se devait de reprendre le dessus, il se devait d'être fort pour son clan. Mais face à la jument, l'entier de flammes n'arborait pas sa mine fière et son panache de jeune mâle plein de vigueur. Tout son corps était au repos, et il avait même baissé la tête, pour lui montrer qu'en aucun cas il ne souhaitait lui faire de mal. Il recula même, afin de faire un pas vers elle, dans un étrange paroxysme.

Elle observa à la dérobée l'étalon qui était parvenu certes rapidement à ses côtés. De robe flamboyante, d'une constitution plus épaisse que la sienne sans pour autant être lourd, bien élégant d'ailleurs, il respirait la jeunesse et la royauté. Qui était-il? Jeune meneur, peut-être? Jeune étalon d'un autre horizon pour elle qui n'avait connu que le bien différent Farrow. Lorsqu'il la laissa se reculer, elle le considéra autrement, plutôt comme un jeune prince qui n'avait pas encore goûté au pouvoir de soumettre ses jeunes congénères. Elle esquissa un pâle sourire lorsqu'il s'excusa, se présentant ensuite.

« Vous n'avez pas à vous excuser, c'est moi qui ai eu une réaction démesurée. Enchantée, Zanzibar, je suis, pour ma part, Bewitched Princess. Peut-être ne pourrez-vous me renseigner mais... Où sommes-nous? »

On sentait à quel point cette question était vitale, pour elle. Elle le scrutait de son regard légèrement triste, le corps souplement détendu, sans aucune crainte qu'il puisse soit la blesser, soit la tuer, ou bien même l'asservir. Était-elle encore maîtresse d'elle même dans ces moments? Sûrement pas, trop anéantie par cette perte. Ainsi, quand il s'approcha, après un recul, elle souffla de ses larges naseaux, calme.
Zanzibar, quand bien même vous seriez dangereux, je ne chercherais à me défendre de rien.

Un roi. Certes, il n'avait pas le sang de Shiki, mais il tenait sa place par l'hérédité. Si Zénith n'était pas né sur ces terres, il avait gagné la présidence du Crépuscule après un combat contre Hell Demon, qui lui avait légué ses terres, le faisant roi. Pourtant, le jeune étalon de flammes tenait un autre royaume, dans un autre pays, un royaume sur lequel sa famille avait toujours eu la main, depuis la nuit des temps. Mais cet endroit inconnu ne comptait pas pour lui: aussi, il ne vivait que pour le Crépuscule. Mais qui pouvait le comprendre? Il était satisfait rien qu'en parcourant ses terres, son coeur était comblé de bonheur alors qu'il traversait les marais, souillant sa robe d'une épaisse boue marronnasse. Mais il était heureux de ces terres qui l'avaient vu naître, lui, aujourd'hui Roi, fort et fier, lui qui ne fut un jour qu'un jeune poulain, naît sous les lumières incandescentes d'un Crépuscule. Je me suis perdu, si tu savais. J'ai souffert et j'ai pleuré, mais j'ai appris que la vie avait un tout autre secret, et si je veille encore mes morts, je marcherai la tête haute pour tous ceux qui sont restés debout.

"Disons donc que l'incident est clos, même si j'endosse à moi seul l'erreur. Vous êtes dans le haut royaume de Wild Horses, et plus précisément sur les terres du clan de la Glace, dans le Désert Blanc. Ce territoire est dirigé par Stelmaria, une jument de petite taille, à la robe rouge de sang. Elle est redoutable. On la surnomme la Renégate ou la Maudite. Elle est l'héritière des Thars, une grande famille qui a toujours régné sur ce territoire. Voulez-vous que je vous explique les alliances, les clans, les noms et les croyances de ces terres?"

Il la regardait avec insistance, alors qu'elle semblait happée par une vague de tristesse insaisissable.

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