Je ne pardonnerai pas

[Libre]

Sous mes yeux effarés, les jours passent, défilent, me volent le précieux Temps qu'il me reste à vivre. Et pourtant, chaque jour amène avec lui mon plus grand plaisir: le Crépuscule. Que dire devant de si pures couleurs? Le ciel pleure et rit en même temps, les sentiments se mélangent et se consument. Quand certains y voient de la Haine, j'y lis de la souffrance et des regrets... Depuis longtemps, maintenant, j'ai mal. Je me suis toujours fait trahir, par les plus proches... Zénith, cet étalon qui aura brisé tant de vie, n'aura pas épargné la mienne, celui qui fut son fils, et qui ne l'est plus que par un sang qu'il hait. Je rêve toujours de la douceur de ma mère, de son portrait si délicat et bon... Mais je sais à présent que cette sensibilité était en fait de la douleur. Il y aura ensuite eu Black Moon, celle qui m'avait promis de veiller sur moi comme si elle avait été ma mère. Partie. Enfin, il y a eu Dancing, qui m'avait dit qu'il serait pour moi un père aimant. Enfuit. Que me reste-t-il donc, sinon de la Haine, de la Douleur et du Mépris pour eux? Et voilà qu'ajourd'hui, on me dit que Zénith revient, sans Naïade, mais qu'il se présente de nouveau aux portes de notre Empire. Il ne fera pas main-basse sur notre terre, j'y jouerai ma vie.

Au milieu des écharpes blafardes, la silhouette de flammes du jeune étalon se détachait. Lancé dans un galop rapide, chacune de ses foulées faisait gicler la boue chaude, qui s'aggripait alors à sa robe, la souillant d'une immonde couleur maronnasse. Mais rien ne semblait pouvoir le calmer, le ralentir. Zanzibar avait beau déraper sur la boue, il demeurait debout, à chaque fois un peu plus fort, plus sûr. Le fils de celui qui fut chef de ce clan avait la rage au ventre, il avait à la fois mal et envie de rire. Mais son rire ne serait que sarcastique, et teinté d'un effroyable accent lugubre. S'il le croisait, il voulait que Zénith meurt. Qu'il meurt d'avoir abandonné le Crépuscule, de l'avoir abandonné lui, d'avoir blessé sa tendre mère... Décidé, le jeune animal avançait, les yeux fous, l'écume moussant à sa bouche.

[je vais recommencer doucement hein]

C'était un retour. LE retour. Le grand étalon dapple foulait de nouveau cette terre qu'il avait hérité d'un ami, après s'être battu comme un diable pour sa vie, et parce qu'il avait mal, parce qu'à l'époque, il avait eu besoin de laisser couler ses sentiments venimeux, ceux qui l'empêchaient d'y voir clair, ceux qui étaient suite à la "mort" de Gaïa, qui avait en fait survécu à ses blessures. Sa croupe portait encore sa longue balaffre, qui ne la quitterait jamais. Mais son corps, en plus d'avoir vieilli, portait maintenant de nouvelles cicatrices, milliers de points aciers sur son corps guerriers. Tandis qu'il avançait au galop, ses crins blancs ondoyants sur son encolure cuivrée, il entendit le bruit sourd d'une galopade sur le sol. Zénith dilata ses naseaux, et s'imprégna de l'odeur mâle qui rôdait en son ex-territoire. Avait-il l'amnbitiion de le récupérer? Et ou était sa compagne?

Il marchait d'un pas serein dans les boues chaudes, maculant sa robe de cette matière sale et collante. L'étalon dapple ne semblait nullement inquiet par les brumes qui couraient, et encore moins par le son de la galopade qui se rapprochait de lui. Bientôt, le corps de flammes d'un jeune étalon virulant se dressa devant lui et, une fois que ce dernier eut retouché le sol, en croisant son regard doré, reconnut son fils. Son coeur loupa un battement, tandis que son poitrail se serrait de douleur et de peine. Que son fils avait grandit! Qu'il était beau, fort et fièr! Il avait aussi gagné en assurance, et semblait plus remonté que jamais. Contre qui? Contre lui. Mais comment pouvait-il lui dire qu'il avait été obligé de partir, qu'il avait été obligé de le quitter, de l'abandonner ici? Il ne le pouvait pas, pas encore, pas maintenant. Des larmes montèrent à ses yeux, et il répondit, d'une voix tremblante et hâchée par la douleur:
"Z... Zanzibar! Essayes de comprendre! Je... Tu étais plus en sécurité ici!"
Son fils, entendrait-il sa détresse?

A peine son fils avait-il prononcé ses paroles qu'il sût, qu'il fut convaincu au plus profond de lui que jamais, non, jamais son fils ne lui pardonnerai son absence. Comment lui faire comprendre qu'il avait été obligé de s'exiler, de s'enfuir, de quitter ces terres et son sang pour sauver les ruines de son passé? Il ne pouvait l'expliquer, car il ne le comprenait pas lui-même. Zénith était rentré chez lui pour voir mourir des souvenirs chers qu'il savait par avance insauvables. L'étalon dapple était immobile, et seuls quelques muscles tressaillaient encore, alors qu'il avait arqué son col, comme pour mieux protéger son visage contre les acerbes paroles de son fils. Son fils, son doux fiston qui ressemblait tant à son grand-père! Il était son sang, ses gènes, il était lui...! Zénith ne pouvait se permettre de perdre encore une fois un membre de sa famille. Après tout, il était son père, il pouvait donc user de ce titre. Abuserait-il de la patience à bout de Zanzibar? C'était pourtant son dernier recours!

"Zanzibar! Je ne te le demande pas, mais comprend! Tu devrais savoir qu'un adulte à des obligations, et qu'il se doit de les respecter! Je ne partirai pas d'ici, tu devras me tuer d'abord!"

Sa voix grave avait ébranlé le sol, et, arrogant comme à son habitude, il avait redressé la tête, ses yeux brillants d'une lueur de défi et d'espoir. Zanzibar était son fils, et il se devait de le récupérer. Qu'il le tue s'il ne voulait plus de lui!