A Quoi Bon? (PV Elixir)

Colchiques dans les prés
Fleurissent, fleurissent
Colchiques dans les prés
C'est la fin de l'été! //SBAF//

Je galope, galope, galope encore. Dans ce champ fleurit je galope. Mes pas font trembler la terre. Les ronces me griffent les jambes mais je ne sent rien. Je continue à galoper, encore et encore. Mon souffle est court, je transpire, mes jambes tremblent. Mais je galope encore, je continue et continuerai jusqu'à la fin des temps. Dans ce monde mortel, personne ne peut m'aider. Personne ne comprends ma douleur. Mon mal de vivre. Et personne ne comprends que c'est à cause de vous que je suis comme ça. Oui, à cause de vous tous! Vous m'avez détruit. Si bien que je ne ressent plus la douleur. Si bien que plus rien ne peut me faire de mal. Tout mon corps se met à trembler. Et alors? Je ne m'arrêterais pas. Je continuerais à galoper encore et encore jusqu'à tomber de fatigue. De toute façon, si je meurt, je ne manquerais à personne. Alors à quoi bon? Quel est le sens de ma vie? Ma vie si frêle, si fragile! J'en pleure. Oui, mes yeux sont brouillés de larme, si bien que je ne sais plus où je vais. Mais je m'en fiche. Et j'accélère. Je me maltraite encore plus. Je vais tomber, je le sent. Mais j'accélère encore et encore, mon cœur battant la chamade.

[Avec Mirage ♥]

L'herbe bruisse calmement devant Mirage. Immobile, l'étalon immaculé aux contours nets observe. Son regard glisse sur le sol verdoyant, suivant des courbes imaginaires. Parfois, son regard semble s'arrêter sur une fleur, dont la couleur est plus vive que les autres, avant de repartir vers la suite de son chemin invisible. Mirage ne sourit pas. Il n'est pas maussade pour autant. Il a toujours porté cette expression, qui ne révèle ni joie, ni peine, qui ne révèle rien en fait, avec aisance. Elle lui va bien, elle l'habille de neutralité. Seuls ses yeux le trahissent, quelquefois. D'un brun sombre, ils ne semblent pouvoir exprimer qu'une infinie douceur. Qui pourrait l'imaginer, lui, avoir des ennuis ou même se battre?
Il s'avance posé, de son pas calme, ses sabots écrasant l'herbe les uns après les autres, successivement. Son allure est mesurée, parfaitement maîtrisé. Et dans son monde où tout a sa place, il est Roi. Mais un Roi seul, en est-il vraiment un?
Le bruit sourd de sabots martelant le sol se fait entendre. L'étalon blanc tend l'oreille, écoute, détermine la provenance des ondes sonores et se dirige vers celles-ci. Il l'aperçoit alors. Et là, sans se départir de son calme habituel, il s'avance vers l'équidé, partant dans un trot calme, léger. On ne pourrait pas le deviner en le voyant mais l'étalon doit se concentrer pour ne rien laisser transparaître. Ecran blanc sur ses émotions, sur ses pensées. A force de vivre sans parler, il a finit par développer un sens pointu de l'observation, au point de s'oublier lui même. Il ne veut pas s'imposer, alors il s'arrête, à une distance raisonnable de l'inconnu, attendant un signe quelconque de sa part.

Une ombre immaculée m'observe, immobile. C'est de ses yeux inexpressifs qu'il me regarde, sans bruit. Je m'arrête, trempée de sueur. Je ne peut m'arrêter de frissoner. Mes jambes fines tremblent. Je m'approche de l'inconnu, cet étalon immaculé dont les longs crins retombent sur son encolure d'une manière parfaite. Je m'arrête à quelques mètres de lui, adoptant une atitude aussi neutre que la sienne. Je tremble encore. Je n'en peut plus. Mes naseaux frémissent. Je n'aie qu'une envie : me laisser tomber dans cette herbe fine parsemées de petites fleurs blanches. Mais je reste debout. Ou plutôt, je lutte pour rester debout. Mais je sait qu'à un moment ou un autre, je m'écroulerais à terre. Je vais sûrement me faire rejeter encore une fois. Mais je m'en fiche. Ce sera si simple, plus tard, lorsque je sauterais d'une falaise. Je n'en pleure même plus. Si c'est mon destin, c'est cela qui m'arrivera.

Mirage la regarde s'avancer et silencieux, roue son encolure, salut respectueux et poli. Il la dévisagea de son regard perçant, gravant les traits de la jument dans sa mémoire. Elle tremblait. Il ne faisait pas froid pourtant.. S'il avait pu, il lui aurait demandé ce qui n'allait pas, lui demandant la permission de l'aider. Oh, qu'il aurait aimé pouvoir parler, il aurait pu être un ami, un confident. Quelqu'un de confiance. Au lieu de quoi, il vivait reclus d'une certaine manière, prisonnier de son silence. Froid glacial dans sa vie. Il y avait bien Blue.. Mais sa soeur commençait à voler de ses propres ailes et du statut de frère aimant, il avait l'impression de passer à celui de fardeau. Un nouveau tremblement l'agite, alors Mirage ne tient plus. Bravant les lois qu'il s'est fixé lui-même, il s'avance et la rejoins en quelques foulées. Il aurait pu s'arrêter devant elle ou partir, laissant la belle inconnue seule au milieu de la clairière, mais il ne fait rien de tout cela, il s'aligne à elle, frôlant son corps de ses poils immaculés. Ca n'a l'air de rien comme ça, mais Mirage vient de lui donner accès à une partie de son Royaume, la permission de le prendre pour soutien, lui offrant une épaule sur laquelle s'appuyer. Et là, il n'avait plus qu'une seule envie, un désir noble, issu de la plus pure des innocences; celui de la voir cesser de trembler. Et c'est sans arrière pensée que l'étalon blanc aux extrémités noires pressa délicatement son corps chaud contre celui plus frêle de la jument. Il ne la connaissait pourtant pas mais se sentait animé de cette volonté de la voir sourire.

Des pensées confuses se bousculent dans mon esprit si troublé, si flou. Je ne parviens plus à penser. J'ordonne à mes jambes fines d'arrêter de trembler, mais elles ne m'écoutent pas. Mon souffle rauque ralentit néanmoins peu à peu, mon coeur affolé calme sa transe folle et douloureuse. Je maudit à cet instant les larmes salées qui s'écoulent le long de mon chanfrein, essayant désespérément de les cacher. Que dois je faire?
Je jette un coup d'oeil au bel étalon d'ivoire collé à moi. Ses yeux bruns, si doux, si calmes... Auraient-ils quelque chose de différent? Son regard si profond, où règne le respect, la gentillesse, la bonté. Non, il n'est pas comme les autres, je le sens. Comme si son coeur s'était lentement ouvert au mien, me laissant percevoir le fond de son âme.
Mon corps encore parsemé de frissons rigoureux, je m'appuie très légèrement contre lui, puis presse délicatement mes naseaux contre son encolure en guise de remerciement.
Je baisse lentement la tête, ferme les yeux puis respire profondément. Quelle que soit la gravité des choses, cela fait du bien de reprendre mon souffle. Si seulement...