I want to dance with you, again! [PV-Elixir<3]

Dans le silence velouté du soir, une ombre noire se glissait au travers des écharpes de brume, dispersant les quelques esprits errants qui hantaient sans doute les marais. Un galop rapide, tonique; sous sa peau de satin noir, ses muscles nerveux se gonflaient. Il dérapait de temps à autre, mais il gardait l’encolure droite, la tête haute et les yeux brillants. Pourtant, ces derniers temps, il s’était montré abattu, plus bas que terre. Et voilà qu’il revenait peu à peu à lui. Fringuant, comme avant. Avant l’arrivée de Si Beau, alors qu’il venait seulement d’apprendre –où de réapprendre- le sens de l’amitié, de l’amour; bien qu’à l’époque il n’avait toujours pas déclaré ses sentiments à la jument cremello qui le reniait aujourd’hui, l’empêchant d’approcher ses poulains. Mais ce soir, alors que l’azur sombre était éclairé par un millier d’étoiles plus brillantes les unes que les autres, il était là: vif, agile, rapide, et beau. Beauté si emblématique qui caractérisait les Shikaku. Ce petit plus qui n’appartenait qu’à eux, et qui captivait le reste du monde… Et les traits de ce puissant guerrier à la robe nuit se reflétaient aujourd’hui dans le visage délicat d’une petite pouliche baie, sa fille: Bliss. Son fils n’avait, quant à lui, pas beaucoup pris de ses caractéristiques physique, il ressemblait bien plus à sa mère. Et l’espace d’un instant, Black Hole ferma les yeux, s’enivrant de l’odeur résineuse et âpre des lieux. Il sentait dans sa bouche un goût métallique, prémices d’une Apocalypse? Il fit quelques pas, à l’aveuglette, avant d’ouvrir ses yeux pour repartir de plus belle. Et ses pensées s’égarèrent vers sa famille. Famille qu’il s’efforçait de protéger malgré tout. Il était toujours là, derrière les ombres du jour, les fantômes des Nuits. Il était cette âme solitaire qui faisait fuir le Mal, il était ce père déchu plus terrifiant que les maux de l’Univers! Pourtant, la jument aux yeux d’azur n’avait pas eu de mal à charmer un autre étalon, à s’essayer à ses complexes pas de danses, sensuels et rythmés, qui font naître le désir. Regrets. Et alors que ses souvenirs, que son esprit se noyait dans une essence noire et collante, un point de lumière apparut. Souvenir agréable, réconfortant, magnifique et, surtout, magnétique… Elixir. Il se souvenait à la perfection des courbes gracieuses de son corps, de l’harmonie parfaite de son visage, de ses traits délicats et fins, de la splendeur de son regard; de la profondeur de son être… Elixir, celle qui lui avait prêtée son oreille, celle qui avait dansé, pour la première fois, avec lui. Lui, Démon, Ange Déchu. A cette pensée, une esquisse de sourire apparue sur ses lèvres noires. Il ne l’avait pas vu depuis bien longtemps maintenant, pourtant, il avait essayé. Mais sa vie avait basculé entre temps. Mais elle lui manquait, cette jument grise…


Sur ses pas, telle l’ombre de son ombre, un fauve galopait. Les pattes velues de la chasseuse se maculaient de boue, mais la promenait loin, à une allure soutenue. Et sur son visage de déesse, cette même expression figée, avec ce dessin au niveau de la bouche qui tirait toujours vers le sourire sarcastique. Elle courait, prédateur en alerte, sur les talons du puissant guerrier noir. Et sur le paysage morbide, elle promenait ses yeux blancs, livides. En ces temps incertains, elle était là, au côté de celui qui était, et qui serait, son plus vieil ami. Et d’ailleurs, tous deux avaient un secret commun, lourd secret qui les rendait plus forts! Plus forts que la Mort?

Éclairée par le soleil du couchant, une jument pas si vieille que ça s'engouffra dans la partie marécageuse de la forêt. Elle surveillait les alentours du coin de l'oeil tout en trottant. La succession rapide de ses minuscules foulées sonnait comme le rythme des tambours africains, un rythme entraînant, énergique; une musique qui lui donnait envie de danser. Inconsciemment la jument se mit à exécuter quelques mouvements aériens, déviant sa course tantôt à droite tantôt à gauche. Elle était bien dans sa peau, se sentait libre, se sentait vivre.
Après tout, pourquoi aurait-elle bien pu s'inquiéter? Elle n'avait plus trop entendu parler des Shikakus, en même temps.. Elixir avait du quitter la réunion des chefs à la clairière dès le commencement. Mirage était venu en urgence car Blue était faible. En effet la jument grise avait eu de graves problèmes de santé dont la cause restée inconnue. Après avoir veillé sur la jeune jument pendant un bon bout de temps celle-ci avait finie par se rétablir. Elixir venait tout juste de quitter la jument et comptait bien se mettre au courant des derniers évènements qui avaient marqués les terres. C'est pour ça qu'aujourd'hui elle avait décidé de se rendre sur les terres du crépuscule. Enfin, ce n'était pas pour être au courant des nouveautés qu'elle était venue ici; mais pour se dégourdir un peu avant d'aller à la pêche aux infos. Vers qui se tournerait-elle? Vers sa famille? Non, elle n'en avait pas. Peut-être vers ses amis qui sait? Elle en avait peu. Il y avait bien sûr Renji, le second du soleil, Pépite d'Or, gestante la dernière fois qu'elle l'avait vue, et Black Hole. Mais le Shikaku noir était-il vraiment son ami? Après tout, ils ne s'étaient pas beaucoup vus et ces derniers temps, elle n'avait pas eu de ses nouvelles. Et dire qu'elle avait appris sa futur paternité par Pépite d'Or.. Elixir souffla bruyamment en revenant à la réalité. Comptait-elle vraiment pour quelqu'un ou n'était-elle qu'une ombre qui passait avant de sortir aussi sec de la vie des gens? Elle renâcla avant de repartir d'une démarche plus lente quoique tout aussi énergique. Elle s'enfonça dans les marécages, évitant soigneusement les sables mouvants. Une odeur lui parvint, une odeur qu'elle connaissait et qu'elle avait parfois espéré; celle de son Shikaku préféré. Indécise, elle s'arrêta. Devait-elle aller à sa rencontre ou bien faire demi-tour? Elle ne savait quelle décision était la bonne. Fuir était une preuve de lâcheté mais comment savoir si l'étalon noir voulait vraiment la revoir? Elle restait plantée là, partager entre deux feux.

Black Hole continuait sa course nocturne, virant à la suite d’un fourré, sautant au-dessus d’une branche, mais toujours debout. Et il repartait, une fraction de seconde en pause, avant de s’élancer, l’encolure tendue, les muscles gonflés, le cœur battant. Et dans son sillage, sa silencieuse amie. Oh, qu’aurait-il fait sans elle? Pour lui, Tueuse Amor était plus qu’une amie. Au même titre qu’Elixir, d’ailleurs. Et dans ces heures de tourments, où la Vie retrouve la Mort, où le Crime embrasse le Secours, il pensait à elle. L’étalon noir n’avait jamais été très doué pour dire, pour exprimer ses sentiments, mais pourtant, à elle, il aurait aimé dire qu’elle était plus qu’une simple amie, il aurait voulu lui dire que jamais il ne pourrait l’oublier, que jamais il ne la laisserait tomber. Mais ce qu’il aurait voulu hurler, c’était qu’elle pouvait compter sur lui, être sûre, et que les doutes qu’elle aurait pu avoir quant à lui devaient être dissipés. Et alors qu’il filait telle une flèche de Ténèbres, le vent frais du soir lui apporta l’odeur adorée et recherchée. Elle était là, la jeune jument grise qui tenait ses pensées. Juste là. Il s’arrêta, brisant son farouche élan, cassant le rythme éperdu de sa course, les battements de son cœur redoublant de force. Il regarda autour de lui, posant ses grands yeux noirs sur les alentours, perçant les écharpes brumeuses. Il la vit alors, cette silhouette fine et élégante, si souvent pensée. Il hennit, doucement. Murmure cristallin et suave qui alla, désinvolte et arrogant, se perdre dans les douces vapeurs du soir. Magie. Le Shikaku allait s’élancer vers elle, quand une idée lui traversa l’esprit. Il obliqua, disparaissant derrière un groupement d’arbres, et laissa passer quelques minutes tout au plus. Là, il se retrouva derrière elle, et, silencieux comme le prédateur qui guette sa proie, il la frôla. Elan vif et maitrisé, qui poussa son corps nerveux contre celui de la jument, qui fit de ce frôlement brûlante caresse. Il se posta alors face à elle, frissonnant. Black Hole se tenait comme ces jeunes étalons, les membres relativement écartés, allure joueuse qui, dans cette nuit qui arrivait, lui donnait des allures de jeune Prince. Il avait légèrement arqué son col, ce qui lui donnait un air malicieux. Et dans ses yeux sombres, une étincelle s’alluma. Heureux, il l’était. Mais elle? Après tout, il ne pouvait savoir, il ne l’avait même pas mise au courant pour la naissance de ses poulains, et, sur ce point, il se sentait honteux. Il ronfla des naseaux, et, avec toute la délicatesse du Monde, il approcha son chanfrein rectiligne de celui de la jument. A un centimètre près, leurs naseaux se seraient touchés. Mais il n’aurait voulu pour rien au monde l’obliger, il lui laisserait donc le choix. Au lieu de cela, il laissa échapper dans un murmure suave:

« Désolé, Elixir… »





Tueuse Amor s’était arrêté quelques mètres plus loin, debout et solide sur ses membres puissants. Elle glissa sur le duo un regard pétillant, les oreilles orientées vers eux. Au moindre signe des équidés, elle s’en irait, pour les laisser évoluer. Elle laissa cependant échapper un feulement sourd, guise de bonjour envers Elixir. Pour confirmer qu’il n’y avait aucun signe d’agressivité, elle inclina la tête, respectueuse.

Immobile et indécise, Elixir était plongée dans ses pensées. Elle repensait à cette merveilleuse journée où elle et Black Hole s'était rencontrés. Elle s'en voulait encore d'avoir stoppé leur danse. Elle n'osait bouger, ne voulant briser cette danse à nouveau. Les images défilaient dans sa tête, moments de magie, de tendre folie.. Elle avait l'impression alors que tout était possible. Le retour à la réalité et au présent fut rude, provoqué par un doux hennissement. Elle redressa la tête. Cet hennissement lui était-il destiné? Un sentiment de déception profonde l'envahie quand la jument se rendit compte de l'éloignement de l'odeur de Black Hole qui était moins présente dans l'air. La jument se raidit. Il avait donc choisi de partir. Avait-il senti qu'elle était là où était-il parti sans la percevoir? Cela semblait plutôt improbable.. Elle se sentit mal tout à coup. L'hypothèse la plus probable était qu'il avait décidé de partir en sentant son odeur. Elle respirait avec peine soudain, comme si l'oxygène en était venu à manquer. Son "ami" l'avait volontairement ignorée, préférant continuer son chemin plutôt que de s'arrêter un instant pour la saluer. Une vague d'amertume la saisit. Elle ne pouvait décidément compter sur personne..Elle frémit de désarroi en constatant que sa vie se résumait à un isolement casi-constant. Qu'avait-elle fait pour que tout le monde la fuie ainsi?
Un bruit infime se fit entendre derrière la jument. Elle n'eut pas le temps de se retourner qu'un étalon la frôla. Caresse furtive et rapide, aussi douce qu'elle était stimulante. La jument frissonna, c'était lui! Dans cette clairière baignée d'une lumière douce, leurs deux odeurs se mêlaient, mélange subtile et délicieux, agréable et sensuel. Elle se redressa pour l'accueillir, un sourire chaleureux éclairant son visage fin. Elle crut imploser tant sa joie était grande. Pas un seul instant elle ne s'était attendu à cela et maintenant, elle regrettait d'avoir douté de lui. A l'avenir, elle lui ferait confiance. Elle le regarda, ne pouvant détacher son regard de cet être qui lui était si cher. Il s'approcha et murmura des excuses de sa voix virile mais tellement douce. Elle avait tellement espérait le revoir et voilà qu'il était là devant elle. Euphorie. Les yeux pétillants, elle finit le chemin qui les séparait, appuyant sa tête contre la sienne, ses yeux toujours plantés dans ceux de l'étalon noir.
"Tu n'as pas à l'être."
La jument murmura ces paroles d'une voix emplie d'émotion. Elle le pensait sincèrement, il n'avait pas à être désolé.

Leur première et seule rencontre jusqu'à maintenant, souvenir séraphique, merveilleux. Aurait-on pu rêver mieux? Elle l'avait cherché, aperçu parfois du haut d'une colline, imaginé dans toute sa splendeur, mais jamais elle n'avait saisi l'ampleur de ce besoin pressant d'être avec lui. Quelle était donc cette magie qui les avait lié? Comment une danse avait-elle pu tisser ce lien entre eux? Elixir ne voulait pas vraiment savoir. Il fallait parfois laisser les mystères secrets pour mieux en profiter. Combien de temps avait-elle attendu ici où là que l'étalon obsidienne passe? Combien de fois avait-elle rêvé de lui, de leur précédente rencontre? Et maintenant, elle l'avait devant elle, en chair et en os. En muscles surtout. Elle aussi en avait pris d'ailleurs. Elle le détaillait tout en gardant ses yeux d'un noir d'encre rivés sur ceux de l'étalon. Elle reconnaissait tout en lui; l'aura de puissance tranquille qu'il irradiait, son sourire doux dont on devinait qu'il ne l'était pas toujours, sa musculature fine et développée et ce regard qui vous transperçaient, comme s'il devinait tout de vous.
Elle avait appris la naissance de leur descendance. Deux jumeaux de sexes différents. Elle aurait tant donné pour l'apprendre de sa bouche à lui, savoir de ses mots ce qu'il avait ressenti.. Mais elle ne lui en voulait pas, comment l'aurait-elle pu? Il était là, et cela effaçait bien tout le reste.
J'aurais tout fait pour te revoir.. J'ai attendu tu sais, mais jamais tu n'étais là. Promets moi que tu resteras. J'ai besoin d'être sûre.. Je ne peux plus espérer sans cesse de croiser un fantôme. Tu m'as manqué..
-Oui tu n'étais plus là..
Ce n'était ni une question, encore moins un reproche. Juste un fait. Elle en avait souffert mais maintenant il était là. Et ça valait le quoi d'attendre. Envolée sa peine, envolés ses remords. Ils étaient ensemble maintenant, plus rien ne comptait. Seule leur joie commune, sentiment d'euphorie léger comme plume, avait de l'importance maintenant. Il ne fallait pas tout gâcher avec des remords et de l'amertume, ça ne servait à rien. Peut-être l'avait-il chercher lui aussi? Il était heureux de la revoir, il ne pouvait en être autrement. Elle ne savait comment exprimer la joie dans laquelle elle se noyait tant elle était immense. Tel un tsunami, son bonheur balayait tout.
-Mais tu es là maintenant.
Elixir respirait lentement comme si elle avait peur de briser cet instant magique. C'était de la joie pure qu'elle ressentait. Une de celle qu'on ne pouvait feindre et qu'on ne ressentait que rarement. Black Hole s'appuya un peu plus contre elle. Contact délicat et puissant à la fois. Le revoir était délicieux.
-Je vais bien..
..maintenant. Elle n'osait lui retournait la question mais le fit quand même. Elle s'était inquiétée. Elle connaissait sa nature et savait qu'il était un combattant hors pair mais un accident et si vite arrivé.. Elle reprit la parole, un tremblement léger dans sa voix trahissant son inquiétude.
-Et toi?
Elle avait tellement de choses à lui dire, à lui demander qu'elle ne savait par où commencer. Les mots avaient du mal à sortir sous le coup de l'émotion. La jument était secouée par les évènements. Elle avait fini par se faire une raison, à se résoudre à ne plus le chercher. Cette rencontre avait tellement inattendue que le retrouver l'avait surprise.

Oh oui, rattrapons le! Ne le laissons pas filer, profitons en. Goûtons à chaque seconde sans penser à la suivante, sans penser aux conséquences.. Le passé n'avait plus d'importance, l'avenir restait incertain, seul l'instant présent comptait alors pour la jument. Elle frémit en percevant la douceur et l'entrain de la voix de l'étalon à la parure de nuit. Il lui communiquait son bonheur, qui s'ajoutait à celui déjà grand d'Elixir. Elle le regarda, parcourant son corps avec une avidité à la limite de la décence. Elle l'avait tellement espéré, tellement cherché.. Et maintenant, il était là, devant elle, plus rayonnant, plus captivant encore que dans son souvenir. Il la happait tout entière comme un ouragan dévastateur et en cet instant, elle était sienne. Plus rien autour n'avait d'importance. Peu lui importait l'heure qu'il était, combien d'étoiles brillaient dans le ciel.. Non, plus rien n'avait d'importance, la banalité du quotidien encore moins. Euphorique, elle était prête à tomber avec lui, à tomber pour lui. Ce n'était pas uniquement dû aux charme captivant des chevaux de son espèce, c'était plus, beaucoup plus que ça. Elle ronfla imperceptiblement des naseaux, preuve d'une tension extrême.
Ne repars pas alors, reste. Reste avec moi, ne m'abandonne plus! Même si je sais que tu devras partir, pour Pépite, pour vos enfants.. Je le sais, c'est ton devoir de veiller sur eux, de repartir protéger ta famille.. Mais mens-moi, jure moi que tu seras là, promets moi que tu resteras.. Après tout, les promesses ne sont pas toujours faites pour être tenues.. Si? J'aurais mal, je serais déchirée quand tu partiras, et on recommencera à se chercher sans se trouver, butés que nous sommes. Je t'en voudrais, te détesterais, je te haïrais.. Mais je t'en prie, mens-moi, rien qu'une fois, une seule.. Prouve moi que je t'ai manqué, et reste à mes cotés, je ne demande rien de plus pour être comblée..!
L'étalon noir soupira, sa voix sensuellement douce jurant avec les paroles qu'ils prononçaient. Le regard de la jument se tenta d'une légère et transparente inquiétude. Que pouvait-il bien lui être arrivé? Elixir plongea son regard brûlant dans celui de l'étalon. Traversée de toute part par des sensations, des sentiments plus intenses les uns que les autres. Son coeur s'accéléra, battant la chamade, lorsqu'il s'éloigna. Non, il ne pouvait pas repartir, pas après ça. Elle voulut lui crier, le supplier de rester.. Mais il ne partait pas, non, puisqu'il revenait, plus beau, plus attirant que l'instant précédent. Elle susurra d'une voix douce, tremblante.
-Tant que tu va mieux..
Je ne sais quel angoisse te ronge, mais ta peine semble pourtant bien présente, voilée par la joie, certes, mais elle demeure là, en toi. Nous sommes réunis maintenant, et tu te colles à moi, quel délice que ta chaleur..! Comment pourrais-je te laisser partir désormais? Tu es là, bien présent!
La jument ne put retenir un frisson sous la caresse de Black Hole. Elle sentait son souffle chaud effleurer ses poils clairs. Alors elle se redressa encore plus, rouant son encolure, son toupet laissant à voir ses yeux resplendissants d'une étincelle nouvelle, plus vive que toutes les précédentes. Panachant légèrement sa queue, elle se détacha de lui, appuyant ses naseaux noirs contre les siens, plus sombres encore. Et elle le caressa à son tour, parcourant la ligne délimitant les muscles de son encolure, son contact se faisant de plus en plus léger, lui laissant le choix, de l'accepter ou, au contraire, de le rejeter.

Et je voudrais tant pouvoir m'endormir sur ce long fleuve tranquille, agîté par moment par l'Ouragan de la passion; j'aimerai tant goûter à ce moment qui ne devrait connaître de fin, sans m'attarder sur les conséquences. Vivre ces secondes qui s'offrent à nous, et les aimer, les partager avec toi. Rien ne comptait plus, sinon le fait qu'elle se trouvait là, juste devant lui, habillée de ce même habit soyeux et doux; magnifiée de ses grands yeux noirs. Elle allait bien, il le savait; et rien que cette certitude lui procurait une joie sans borne. En un instant, il était parvenu à oublier ses peines et ses souffrances, et à juste aimer ce moment, cet instant tant béni, tant cherché; cet instant qui les avait fait se retrouver. Oh, combien de fois l'avait-il pensé, alors qu'il errait en solitaire, guerrier au corps noueux, à la recherche peut-être d'adversaires; ou d'elle, de cette reine légère et fragile, qui possédait néanmoins une force folle, déstructrice et douce... Derrière chaque rocher, chaque arbre, chaque ombre, chaque joyau de ces terres, il avait prié pour tomber sur elle, sur sa présence, son contact, sa voix, son coeur et son âme. Et quelle déception de ne trouver que du vide, que du néant, que de l'espace qui le séparait un peu plus d'elle! De toujours se butter à cette terrible réalité de ne plus la voir, de ne plus sentir son si suave parfum! L'étalon noir ferma les yeux, s'enivrant encore de son odeur, savourant ce contact brulant, le fermeté de son corps, et le tressaillement qui s'en échappait. Bonheur, son être était chamboulé, balloté en tout sens, il voguait, il planait; son corps vibrait avec une telle folie! Oh, il n'avait jamais ressenti une telle tension, il ne s'était jamais laissé aller à ce point là... Même l'ardeur des combats lui semblait fade à côté de ce qu'il ressentait, là, à cet instant précis. Et qu'elle était belle cette nymphe aux reflets aciérés, cette muse à la voix pure et au regard profond! Belle, douce et affolante, son regard avide léchait la moindre de ses courbes féminines, ces courbes qui la définissaient si bien!
Et je ne voudrai pour rien au monde repartir, t'abandonner encore; j'ai eu bien trop mal, et sans toi, je me perds, je ne m'appartiens plus, je dérive et je meurs... Je retournerai voir mes enfants, pour leur apprendre le monde, mais je serai là, encore, à tes côtés. Et peut-être que tu viendras avec moi pour aller les voir, pour les rencontrer; et peut-être que vous deviendrez inséparables! Quand à celle qui m'a empêché de les voir... J'étais perdu, oui; mais plus parce que je m'étais fait tromper, abuser, une fois de plus... Je suis allé trop vite, trop rapidement! Mais je ne voulais pas! Je ne referai plus les mêmes erreurs... Et je suis là, juste là, mon corps contre le tien, mon regard dans ton regard... Et cette promesse, je l'honorerai, même s'ilm'en coûte la vie! Je te le jure Elixir, je resterai à tes côtés, quoi qu'il arrive... Et tu n'auras pas à me haïr, car je ne partirai pas, maintenant que je t'ai retrouvée!...
Plus qu'une promesse, c'était au-dessus des mots, au-dessus de n'importe quelle autres sensations. Il ne serait parti pour rien au monde, il aurait eu trop mal, et surtout, il aurait eu peur de lui faire mal à elle, à celle qui le tenait éveillé, à celle qui le possédait. Et bLack Hole était prêt à tous les sacrifices pour rester avec elle, pour être là, dès qu'elle en aurait besoin, pour la soutenir, pour l'épauler dans les coups durs, mais aussi pour la faire sourire et rire, pour la voir danser à ses côtés, et pour l'admirer, elle, la Muse Aciérée. Alors oui, il le lui promettait: il ne repartirait pas.
"A tes côtés, je recommence à respirer..."
Sa voix tramblait, tant il était secoué par l'émotion qui l'étreingnait. Avait-il seulement déjà ressenti quelque chose d'aussi fort? Il se sentait libre à ses côtés, il n'avait aucune contrainte, aucune obligation; et tout ce qu'il disait, il le pensait du plus profond de son être. Oui, le Shikaku disait ce qu'il pensait, sans avoir peur de rien. Avec elle, il pouvait dire ses peurs et ses craintes, sans avoir peur d'être jugé. Elle l'acceptait comme il était. Et quelle joie pour lui de sentir le corps de la belle frissoner, et de la voir se mouver ainsi, réptilienne et ardente. Et il ne put que tressaillir à sa caresse, succomber au torrent de flammes qui dévalait dans son coeur. Son coeur qui recommençait à battre, tandis qu'elle promenait son nez bouillant sur sa robe nuit. La rejeter? Ô grand jamais! Il avança, une foulée à peine, se pressant un peu plus contre elle, et, de façon sensuelle et légère, il laissa ses naseaux noirs aller de son encolure jusqu'à son épaule, avant de remonter vers son garrot, alors que lui-même frissonnait. Magie qui s'emparait d'eux, les faisant tourbilloner, planer sur le même délice de sensations! ô, qu'elle lui était chère!

[Désolé du temps de réponse, avec les cours, la séparation avec mon copain, et quelques problèmes de santé - Je vais mieux maintenant, et puis c'est les vacances - je n'ai pas pu être aussi présente que je l'aurais souhaité.]


Il était là, celui qu'elle avait cherché en vain, juste là, à ses côtés. Elixir s'obligea à ralentir sa respiration. Elle se consumait du désir de le frôler, de l'éteindre, de réitérer cette danse passée dont le souvenir l'avait souvent tenue éveillée, le souffle court. Et comme un phénix renaissant de ses cendres, elle vivait désormais, elle réapprenait à vivre. Sa présence lui devenait plus essentielle à chaque seconde, comme l'assouvissement d'un besoin vitale. Émotion violente, douce mais douloureuse, de cette douleur inévitable et amère, celle de l'absence à venir.
D'amour ou d'amitié, quels étaient ses sentiments qui l'étreignaient? D'où lui venait cette irrépressible envie de sa présence? En cet instant, elle était autre, plus forte mais plus fragile aussi, plus audacieuse, moins fermée. Elle voulait s'ouvrir à lui, se dévoiler, se découvrir. Comment avait-il fait pour la changer à ce point? Elle, la jument distante, secrète de peur d'être blessée, elle, qui pour rien n'au monde n'aurait voulu montrer ce qu'elle ressentait? Et malgré ses désirs, malgré son envie, une réticence muette persistait. Elle aurait voulu se brûler avec lui, mais à quel prix? Il souffrirait, et cette seule pensée suffisait à la freiner, à l'empêcher de trop se mouiller.
Ne m'abandonne plus et je resterais avec toi, je te soutiendrais, crois moi. Je serais là, discrète et silencieuse, telle une ombre. Tout va tellement mieux depuis que tu es là.. J'ai peur de ton départ, de ton absence, que deviendrais-je? Je ferais mon possible pour que tu ne t'en ailles. J'ai tellement peur.. Je ne me reconnais plus moi-même, je ne veux plus de moi, si tu n'es pas là.
Les paroles de l'étalon sonnaient à ses oreilles comme une promesse, un secret précieux et fragile. Et en une phrase il venait de résumer ce qu'elle ressentait. Il se plaça contre elle, la réchauffant alors qu'elle était déjà bouillante. Elle laissa les naseaux noirs de l'étalon la caresser un instant avant de s'éloigner de quelques pas, rouant son encolure et piaffant légèrement. Invitation muette à un jeu dont ils étaient les seuls maîtres.

[Ne t'inquiète pas, je comprends. Désolée pour ton copain... En tout cas, si tu as besoin de parler, je suis là! ]

Libre. Est-ce donc cela, la Liberté? Je crois, oui. Oh, si tu savais comme je me sens bien à tes côtés, Elixir! Toutes les barrières du Monde s'écroulent, plus rien ne résistent, tout renaît et recommence à respirer... Je crois que je vis, que je ressens toutes ces choses qui m'avaient pendant si longtemps fuit! Je crois... Non, je suis maintenant sûr. Et ce qui s'écrit maintenant, c'est l'assurance. Ni la spéculation, ni la croyance, juste la vérité, dans sa plus pure forme, dans son plus simple habit, ou plutôt, nue. La vérité nue telle qu'elle devrait toujours l'être!
Son corps, plus noir que l'essence de la plus profonde des nuits, était juste là, comme un exaltante promesse agrippée à ses flancs clairs. Un serment, un secret, mais quoi qu'il en soit, plus que des mots. Black Hole était alors porté par des flots de frissons qui, un par un, remontaient le long de son solide dos, embrasant ses reins, enflammant le moindre de ses muscles. Il n'était plus qu'une boule compacte d'énergie qui se consummait de l'intérieur, distillant une insoutenable chaleur. Mais qu'il était alors puissant, le Shikaku aux yeux abyssaux, qu'il était grand et beau et fort dans son manteau d'ombre... Et cette étincelle de folie qui dansait tout au fond de son regard. Oui, c'était bien lui, comme à sa toute première journée ici, son arrivée. Emoustillé par tant de nouvelles choses, par tant de nouvelles sensations, par un Monde si différent du sien. Il était cela, un novice dans ce qu'il ressentait. Pourtant, il savait, le farouche animal, il savait bien ce qui le guettait, du coin de l'oeil, du bout des doigts. Mais sa vie ne pouvait être vivante qu'ainsi: il fallait transgresser les règles, changer les lois, plier le destin pour se l'approprier, contredire le choix des divinités, échapper à la Mort... Tant de défis qui revenaient vers lui au galop, et qui lui tournaient autour, alors qu'il se croyait de nouveau bien jeune. Qui était alors cet étalon? Le nouvel arrivant, ou le Père?
Un pas seulement de la part de la belle, et, déjà, son corps devint démon. Démon du jeu et de la danse, ou sensualité et douceur trouvaient si bien leur place! Tout ne serait que gestes tendres et bonheur, folle euphorie qui le tenait, et qui le faisait perdre pied dans un abîme de joie. Alors, il roua son large col de mâle, ses crins jais le voilant à la façon d'un rideau de soie, ses yeux étincelèrent, et, comme s'il était pris par la magie, il commança à piaffer, sur un rythme rapide. Maîtrise et puissance se bataillaient, mais, bientôt, il n'y eu plus que place à la complicité. Elle et lui, avec, pour spectateur et ennemi, le reste du Monde...