Ecoute chanter le silence [Libre]

Ecoute Chanter le Silence

Le jour se levait. L'océan reflétait les coloris gris et pastels du ciel, alors que l'astre paraissait du côté des terres, dans le dos du grand cheval qui se tenait là. Il s'était arrêté, juste pour un instant, au sommet de la falaise. En ce point le plus haut où l'on peut contempler l'océan, sans jamais le voir en entier. Pas de frontière. rien qu'une entité sauvage.

Plus de limites, plus de barrières. C'était là le seul inconvénient à cette vie en harde. Mais on pouvait aisémment l'outrepasser. Le grand étalon respectait les codes e tles règles à suivre. Il ne violait pas le territoire d'autrui, ne provoquait pas ces conflits puérils qui pouvaient donner lieu à de sanglantes luttes. Au final, cela ne servait qu'à attiser les flammes d'une vengeance prochaine. Très peu pour lui. Franchement, très peu.

Mais...

Les temps changeaient sur les terres des clans. Les Shikaku avaient triomphé. Plus rien ne serait pareil. un sifflement s'échappa de ses lèvres. Son sang de guerrier bouillonnait dans ses veines. Il combattrait, lui aussi. Il se promit ne pas céder, ne garder la tête haute. Quitte à en mourir. Il défendrai sa vie. Ol défendrai son clan. Il défendrait Black.

Que de souvenirs en ce lieu chaotique! Le Pic du Diable, comme elle aimait à se le dire silencieusement; juste pour elle, juste pour son coeur. Leur première rencontre... Et aujourd'hui encore, la jument truitée galopait; bien moins rapidement, et seule. Mais les sensations étaient là: l'air iodé aux âpres ralents qui s'infiltrait dans ses bronches; le claquement sonore de ses sabots nus sur la roche. Que de merveilles découvrait-elle en ce lieu. Ne manquait alors plus qu'un être, et son bonheur aurait été multiplié. Il manquait Black. Le grand étalon noir à la vigueur et à l'ardeur peu communes, aux yeux noirs jais, et si doux, si beau, si lui... Mais il était là, en pensées du moins. Dès qu'elle fermait les yeux, Sorrow Life voyait son portrait se dessiner. Qu'elle l'aimait cet étalon!

Et alors qu'elle filait droit devant, se précipitant, entourée par l'abîme qui semblait la guetter; elle distingua une silhouette qui se découpait clairement au bout de l'allée rocheuse. Elle s'arrêta. Et regarda, de loin, avant d'hennir doucement et de continuer son chemin vers lui au trot. A son odeur, elle était sûre qu'il venait du Clan de Black, du Maître de l'Ombre.

[Arf, c'est pas vrai, je croyais avoir posté mais visiblement il y a eu un problème... tout effacé.... --']

Une odeur inconnue. Un claquement de sabots sur la pierre battue par des générations de vents, par des milliers de sabots. Des milliers de chevaux qui avaient tous cette même envie de poser leurs yeux sur l'immensité de l'océan. Poésie des vague. Lumière du ciel. Agressivité des pics pointus qui parsemaient la falaise. Peut-être même certains avaient trouvé la mort ici. Peut-être se l'étaient-ils donné, face à la mer, en un dernier élan de désespoir, se croyant soudain pégase. Triste chanson.

Blapshème tourna la tête, légèrement. Il vit approcher, entre ses mèches sombres, une jument claire, à la robe truitée. Elancée, elle se mouvait sans peine, avançant d'un trot cadencé vers lui. Il resta immobile, le temps qu'elle parvienne à sa hateur. Une bourrasque plus forte que les autres vint siffler, jouer dans sa longue crinière noire. Il ne la quitta pas des yeux, sombre colosse perché sur la falaise.

L'odeur de la nouvelle venue chatouilla ses naseaux, maintenant qu'il se trouvait à proximité. Il eut la confirmation qu'elle n'était pas de son clan. Visiblement, elle n'était pas timide, et l'avait abordé avec une franchise qui le mettait presque mal à l'aise. Lui, l'éternel insociable. Il aurait sans doute pu être solitaire, le Blasphème. Mais Black l'avait accepté au sein de son clan et le massif étalon noir s'y était intégré avec une facilité qu'il n'aurait lui-même pas soupçonnée.

Comme quoi.

Il salua d'un léger signe de la tête la nouvelle venue, histoire de ne pas paraître complètement impoli.

La jeune jument s'arrêta à proximité de l'étalon, elle savait qu'elle n'avait rien à craindre: il appartenait au Clan de l'Ombre, et elle à celui de Glace; ils étaient donc alliés. Elle se posta juste au bord du Pic, et darda sur la surface platine de l'Océan son regard abyssal. En ce matin naissant, l'onde possédait cette si particulière couleur métallique, envoûtante et aux reflets tristes. Oui, en regardant la mer ainsi vêtue, il semblait à la jument que cette dernière était triste. Trop de regards d'amoureux déchus. Trop de refus face à une vie détruite. Trop d'échecs qui se retrouvaient plongés dans ses flots sombres. Pourtant, l'Océan n'était pas entouré que de sinistres fins. Il y avait aussi des rencontres qui se nouaient face à lui, des amours qui naissaient, des Vies qui commençaient... Elle s'ébroua, chassant sur la ligne épurée de l'horizon ses pensées, pour qu'elles aillent accompagner les quelques nuages épars qui se trouvaient la.

Elle fit un quar de tour, se retrouvant une nouvelle fois face à l'étalon noir. Elle planta alors son regard noir dans le bleu de l'entier, et laissa échapper de sa voix éthérée:

"Sorrow Life..."
La jument truitée savait bien que parfois, les mots sont de trop, et qu'en faire abstraction laisse parler l'âme. Alors, elle décida de ne rien ajouter, et de le laisser répondre ou non, de faire comme il lui plaisait. Les silences en disent long, et ils valent souvent bien plus que les belles paroles toutes faites. Elle reposa alors son regard sur l'onde, sans un mot ni un souffle, silencieuse face à cette Aurore qui naissait à peine.

"Sorrow Life..."

Joli nom. Blasphème ferma les yeux, comme pour acquiescer. Le regard sombre de la jument grise avait déjà dérivé avec les vagues. Les yeux froids de l'étalon me suivirent. De nouveau, le silence tomba, rythmé par le bruit lointain, en contrebas, des vagues qui s'écrasaient contre la pierre. Le chat du silence en cette aurore de rencontre.

"Enchanté."

On allait en s'améliorant. L'étalon détailla de nouveau Sorrow Life. Elle était légèrement plus petite que lui, plus fine aussi, avec des crins mi-longs. Son regard, si sombre dans cette parure claire et mouchetée, était... fascinant. Sans chercher à l'éviter, Blasphème rabattit une oreille et, secouant sa longue crinière, lança de sa voix grave :

"Blasphème."

Le vent soufflait toujours, par instants, capricieux au possible, jouant dans les crins des deux équidés, fouettant leur corps immobile. Blasphème tourna un peu plus la tête vers la jument grise, laissant de côté le soleil levant, juste pour un instant. Mais il ne dit rien. Comme s'il attendait.

Avait-elle pourtant vraiment quelque-chose à répondre ?

C'était comme une liqueur. Un mélange à la fois fort et apaisant, un envoûtement qui naissait d'un silence limpide, haché de temps à autre par le tumultueux fracas des vagues contre les roches du Pic du Diable. Apaisement. Avait-elle réussi à échapper à la Triste Vie que sa mère lui avait promise? Elle le pensait. Depuis qu'elle avait croisé Black, le Danseur de Ténèbres, tout prenait un sens, tout prenait une couleur, tout s'éclaircissait... Elle laissait son regard aller à sa guise, le promenant de l'Abîme déchaînée jusqu'aux cieux clairs.
Avec le temps, elle avait perdu l'habitude de répondre aux formules toutes faites qui ne servent en général qu'à se montrer courtois. Bien sûr, elle n'était pas en train de juger le grand étallon noir qui se tenait face à elle, bien au contraire. Elle s'octroya néanmoins le droit de ne pas lui retourner de formule de politesse.
Quand le guerrier de l'Ombre du nom de Blasphème soutaint son regard, un sourire s'ébaucha sur son visage fermé, qui s'apparentait à celui d'une reine blessée. Rares étaient ceux qui soutenaient son regard de glace, si intense et noir. Blasphème. Joli nom. Elle ne connaissait pas son histoire, mais le fait que leurs noms aient pour racine du négatif ne lui déplaisait pas. Peut-être que le bagage de vie et de douleurs de l'étalon ressemblait au sien?

Et dans le doux silence trompeur d'une Aurore naissante, Sorrow Life se demandait s'il fallait briser le silence. Et elle l'aurait volontier fait, à l'exception prêt que, dans ses rencontres, c'était presque toujours à elle que revenait le dur labeur de lancer l'échange. Elle aimait les mots crus, les mots vrais. Loin d'elle les paroles toutes faites.

Le silence se prolongea, s'étirant, comme s'il profitait de cette compagnie bine étrange. Les quelques mots qu'avaient prononcé Sorrow Life avaient fait comprendre au guerrier de l'Ombre qu'elle non plus ne s'attardait pas en conversations puériles, clichées, de celles que l'on échange sans y penser. Leur dialogue avait été court, et pourtant aussi profond que s'il s'était étalé en phrases inutiles, ne servant qu'à enjoliver le coeur même du sujet. Sans doute les deux équidés allaient-ils bien s'entendre.

Elle ne semblait pas disposer à briser le silence. Etrangement, alors que les bourrasques allaient et venait, jouant avec leurs crins, Blapshème éprouva un sentiment étrange. Il avait soudain comme... envie de ocnnaître d'avantage celle qui lui faisait face. Etait-ce son regard, qui l'avait tant noyé qu'il ne pouvait plus remonter ? Etait-ce cette sensation de n'être pas seul à balayer les formules toutes faîtes pour aller simplement dans la bonne direction ? Cette jument exerçait sur lui une attirance des plus... douteuses. Il inspira profondément, lentement, gonflant ses naseaux, fermant les yeux durant un instant. Puis...

"Je sais que l'alliance passée entre nos Clans peut expliquer votre présence ici..."

Que fais-tu sur ce Pic, belle jument ? Pourquoi le hasard a-t-il fait que nous nous y sommes retrouvés ?

La question était largement posée.

Court échange qui lui avait pourtant permis de jauger son protagoniste. Pour se comprendre, ils n'avaient qu'user de leur noms. Rien d'autre, aucun superflus pour s'apercevoir qu'ils voguaient -peut-être- sur la même longueur d'onde. Comme elle avait renié son passé, elle reniait ces phrases trop longues qui se résumaient pour la plupart du temps en un simple mot. Pourtant, Dieu savait à quel point les mots avaient de l'importance pour cette jument qui semblait à la fois forte et fragile, sous son manteau blanc parsemé de truitures acajou. Fragile au milieu de ces bourrasques de vent frais, ses crins blancs et ocres balayés. Et pourtant, tellement forte dans sa robe claire, tellement forte de son regard sombre et vide, de ses yeux assassins et aux reflets tristes. Elle était comme Reine. Reine d'un autre monde, reine blessée et sans doute déchue, mais Reine qui avait trouvé son salut au côté d'un Roi, son sombre amant... Elle ferma un instant les yeux, voyant ces images qui faisaient battre son coeur, un peu plus fort...

Et quand elle les rouvrit, ce fut pour les planter une nouvelle fois dans ceux de l'étalon. Elle possédait cet étrange pouvoir de 'rentrer' dans les regards, de s'y perdre avant d'en ressortir... Aussi simplement que celà. Le connaître? Cette idée ne lui était pas une des plus déplaisantes. Aussitôt, la bride du sourire discret de son visage s'effaça, tuant toute expression. Visage froid aux traits si purs, si sauvages... Quel démon, quel fantôme pouvait bien habiter cette Nymphe! Elle le fixa, encore, le temps de voir ses naseaux noirs se dilater, de voir ses paupières de satin voiler ses yeux bleus.

"J'aime cet endroit, plus que les autres..."

Phrase pleine de sous-entendus dont elle seule pouvait connaître le sens, au milieu de ce duo. Mais phrase qui expliquait sa présence à l'étalon noir.

Le Hasard? Fait-il bien les choses, d'après toi, guerrier de l'Ombre?

[Up', il faut que ça avance ]

[U-U Excuse-moi...]

N'importe quel esprit aurait été assailli de question suite à la réponse - aussi mystérieuse que fut la question - de Sorrow Life. Mais l'étalon se doutait qu'elle ne souhaitait pas forcément s'ttarder sur le sujet. Un malheur quelconque, un secret de ceux que l'on garde enfoui dans son coeur, le souvenir d'un instant qui ne se partageait pas. Il respectait son silence, comme elle avait adroitement interprété le sien.

"Je vois."

Ces deux simples mots n'avaient aucune connotation négative ; le ton de k'étalon n'avait pas été méprisant ; il s'agissait d'un simple constat. Mais ce la l'amena progressivement à se poser lui-même sa propre question. Il connaissait déjà la réponse, mais un regard à l'océan lui fit comprendre qutre chose. Un élément nouveau dans la signification de ce lieu déjà tant chargé. Histoires d'autres. Il ne put s'empêcher de faire revenir ses iris froids vers la jument truitée. Si quelqu'un avait pu, à travers son regard, lire ce qui se tramait dans son esprit si bien caché, il y aurait découvert une étrange perplexité. La situation semblait progressivement le dépasser, bien qu'il ne laissât rien paraître.

Le silence s'éternisait, et l'étalon éprouvait l'étrange envie d'entendre à nouveau la voix de Sorrow Life. Les émotions se mêlaient dans son âme, comme il ne les avaient jamais viues. La moitié du regard caché sous son épais toupet, il médita un instant, les yeux dans le vague. Puis la fixa de nouveau. Un infime changement s'était opéré dans ses froides prunelles. Un changement dont il était la victime plus que l'instigateur.

"Bien des destinées se sont vus réalisées sur ce Pic." Lança-t-il doucement.

[Tkt ]

Oh, qu'elle aurait aimé s'attarder sur sa rencontre, qu'elle aurait aimé lui dire pourquoi le Pic était sa préférence... Et pourtant, la belle jument de Glace eu cette noble retenue de ne rien dire, et de laisser couler, de laisser glisser; pour poursuivre et apprendre d'avantages, apprendre plus sur lui, sur ce guerrier de l'Ombre au nom si emblématique, à la carrure si noble. Elle le regardait, sans rien dire, laissant le vent jouer à loisir dans ses crins ocres, et toujours immobile, avec seulement de temps à autre un léger frisson sur sa robe de velours. Rien d'autre. Juste ce regard profond, à l'écho empreint de tristesse. Peu, mais assez, voulait-elle croire, pour qu'il puisse comprendre. S'il aimait les mots crus, s'il aimait les silences qui parlaient; alors, il comprendrait les regards...
Respect. Elle cligna lentement des yeux à sa réponse, comme un remerciement muet, comme un approbation de sa façon d'être; comme si elle avait le pouvoir de le juger; et comme si son jugement l'atteindrait. Elle n'en savait rien, et ne s'attarderait sur cette question, pas maintenant, pas encore... Et alors que l'Aurore irradiait ses rayons doux et chauds sur leur corps, elle se prêta à laisser passer un bref sourire sur ses lèvres grises, alors qu'un nouveau frisson s'emparait d'elle. De froid? Peut-être, le vent ne déperrissait pas. Ou peut-être la raison était autre.
C'est alors qu'il la regarda, posant ses iris froides dans ses yeux sombres. Et elle crut, l'espace d'un bref instant, y voir comme une vague de nostalgie, de regret, peut-être... Elle l'écouta, l'oreille attentive.

"Et la vôtre, s'est-elle réalisée?"

Sa voix éthérée semblait flotter dans l'air frais, douce phrase ailée qui irait voleter là-haut, au côté des nuages de mousselines roses, si doux au regard, si chèrs au coeur...

La question était douce, mais elle atteignit l'étalon au coeur. Sa première réaction fut le replis. Il resta silencieux. Etait-il donc si transparent ? Ou Sorrow Life avait-elle simplement posé cette questions en écho à la phrase qu'il avait laissé s'envoler au-dessus de la mer ?

il avait de nouveau entendu sa voix. N'était-ce pas ce qu'il cherchait ? Non. non, certainement pas. rien n'imporatit, dans sa froide existence, que la rpotection de son clan, et ses longues méditations quant au passé et à l'avenir. etait-il intelligent ? Le ne pouvait lui-même porter un jugement à sa personne. Ses réflexions le menaient parfois sur de bien étranges sentiers, il en avait conscience. Mais ce jour-là, elles perdaient leur saveur, s'égarant, s'étiolant sous l'emprise d'unenouvelle sensation. Il baissa légèrement la tête, rabattant complètement le rideau d eson toupet d'encre sur son regard gris. Il laissa ses yeux, à travers les mèches noires, aller de l'océan à la jument grise. Réfléchit de nouveau, longuement. Elle ne le craignait pas. Elle n'avait pas été impressionnée par sa carrure, par sa taille si peu ordinaire, par ses yeux de glace au travers desquels il était bien difficile de discerner un coeur pourtant si brûlant.

Le vent dévoilà à nouveau son regard à la jument. Il ne it d'autre issue que de lui répondre. Mais quelle réponse apporter ? il ne se confiait jamais. Tout son vécu, toutes ses craintes, ses plus infimes secrets étaient enfermés dans cette coquille de marbre noir qu'il affichait au quotidien. personne n'avait jamais voulu de lui, excepté Black. Et pourtant, il n'osait se faire moins distant. se cachait-il ? Au final, peut-être n'était-il qu'un froussard étalon qui se cachait derrière sa carapace... Cette réflexion lui déplu profondément, et il se piena lui-même. Mais si la vérité était telle... Devait-il l'accepter... ?...

"Je ne sais pas."

La réponse fut simple, et plus sincère que chacun des mots qu'il avait pu prononcer jusque là.

Phrases courtes mais profondes, chaque mot devenait arme ou caresse, selon leur déstinée. Mais dans la bouche de Sorrow, ils n'étaient que caresse, que douce requête légère, qui venait, voyageant d'un être à l'autre, comme un bateau voguant calmement sur une mer bleue et claire, pourtant agîtée en son centre par un ouragan. La jument truitée le regardait toujours, de ce regard sombre et intense, dans lequel brillait tout de même un semblant de chaleur. Regard assassin qui mêlait pourtant de la douceur, harmonie de ses grands yeux noirs avec son corps plus clair.
N'ayant de réponse spontanée, elle laissa son esprit glisser vers les méandres de la réflexion. Et elle, l'avait-elle réalisée, sa destinée? Sans doute que non. Pour l'heure, elle était dans l'illégalité, elle trompait les heures de tristesse qui auraient dût s'abattre sur elle, faisant éclater son coeur, la tuant de l'intérieur. Illégalité bien heureuse qu'elle savourait, alors que sûre de l'appui de Black, de son soutien. Et voilà qu'elle rencontrait à présent un être sensible, un être qui, sous certaines coutures, lui était semblable. Et tout ce qu'il gardait au fond de lui, elle pouvait le comprendre, le penser, l'appréhender. Que ce soit de la tristesse, de la peur, de la haine; ou de la joie, de l'euphorie; elle pouvait, et voulait, tout comprendre. Sans le forcer, au non, elle ne savait que trop à quel point ces souvenirs pouvaient faire mal. Mais apprendre ce qu'il lui laisserait voir, ce qu'il lui autoriserait à entrevoir, à comprendre. Elle secoua la tête, son toupet clair parsemé d'ocre voilant l'espace de quelques instants son regard, avant de glisser sur son front, dégageant une fois encore ses yeux. Là, elle s'autorisa à sourire, une fois encore; sculptant son visage comme elle l'avait déjà fait, quelques minutes plus tôt. S'il voulait parler, il pouvait être sûr qu'avec elle, tout resterait secret. Sorrow Life croyait qu'il partageait son sentiment, celui de penser le comprendre, tant leur sensations semblaient semblables. Mais s'était-elle trompée sur ce qu'elle ressentait? Avait-elle vu faux jusque là? L'avait-elle pris pour quelqu'un d'autre? Pour quelqu'un qu'elle aurait aimé rencontrer? Non, elle refusait de s'être ainsi trompée, de s'être laissée aller à son imagination. Car si elle s'était belle et bien laissée bernée, ce serait ces vieux démons qui auraient signés leur retour. Alors, elle décida de faire un pas, comme pour lui dire qu'elle le comprenait, et qu'elle ne le jugerait pas.

"Alors, nous nageons dans un doute semblable, Guerrier."

Voix éthérée, encore, quoique qu'un peu plus faible. Comme s'il s'agissait là d'un rêve qui menaçait de s'éloigner, comme s'il tendait une perche à l'étalon noir pour le retenir...

Blapshème laissa la voix de Sorrow Life s'effacer doucement. L'appelation avait attiré son attention. Il ne sut cependant comment l'interpréter de façon exacte. S'il s'était agit d'une autre jument, sans doute aurait-il pris cela pour un signe de respect profond. Garder le nom voilé quand on en sait la teneur produit toujorus son effet, quel qu'il soit. L'étalon redressa la tête, arquant l'encolure. Les muscles roulèrent sous son pelage satiné, et il leva les naseaux au vent, les ouvrant en grand, laissant la brise pénétrer le coeur même de son être. L'air était chargé d'une odeur salée, lourde, mais étrangement apaisante. La conversation avec la jument truitée lui donnait une semblable impression. Chacun d'eux avait leur passé, aussi lourd soit-il, et leurs mots étaient chargé d'un sens bien plus grand que ne l'avouait la simple longueur de leurs phrases.

Cette harmonie entre eux, dans un contraste si profond et unique qu'il en semblait presque avoir été prévu, sous la lumière de cette aurore, laissiat planer un sentiment de paix et d'équilibre, remué parfois par les démons anciens. Lui, le grand étalon sombre aux yeux de glace. Elle, la jument claire au regard de jais. L'accord pouvait faire sourire tant il était impressionnant. ils se faisaient face sans un mot, immense silhouette noire et carrée face à celle, longiligne, de la jument grise.

Les vagues continuaient à marteler sans s'en lasser le bas de la falaise. Mais leur bruit semblait peu à peu s'atténuer. La marée devait sans doute descendre, aussi lentement que durait leur conversation. Si tant était que l'on pouvait appeler cet échange de mots une conversation. Pour bien d'autres, ce n'aurait été qu'un futil échange de mots. mais pour ces deux équidés là, cela signifiait tout autre chose.

Un sourire presque semblable se dessinait, léger, sur les lèvres sombre de Blapshème et sur celles de Sorrow Life. Il plongea à nouveau dans son regard. Il n'avait rien à répondre de vocal à la phrase qu'elle avait prononcée. non. Un clignement de paupière suffirait. Un regard, une étincelle dans ce sombre néant au milieu de son regard. Il souffla doucement.

Alors, un bruit léger attira son attention. Son oreille tressaillit. Il tourna les yeux, e tla tête suivit. une oreille en arrière, à l'écoute de la jument, l'autre pointée vers l'avant, il jeta un regard long sur les alentours. Il rabattit complètement les oreilles lorsqu'il distingua uen silhouette claire, qui allait furtivement, rampant presque contre le sol, s'approchant doucement mais sûrement vers eux. un félin, sans doute. Quelque prédateur que l'approche de l'hiver rendait trop audacieux. L'étalon attendit.

Tout se mêlait dans cette appellation, que ce soit le respect ou l'admiration; ou, encore une fois, le point commun. Au fil du temps, elle avait appris à se battre comme à se défendre, à attaquer pour se protéger. Et nul doute que, tout comme elle, l'étalon noir faisait de même. Pour eux, le Combat était une seconde nature, un autre oxygène encore plus doux et fort à la fois; une morsure vivifiante qui les faisait tenir, tenir des heures durant, sans jamais dépérir, en poursuivant sur la même lancée, le même chemin, sans jamais pouvoir s'arrêter. L'ivresse du Combat, qu'il savaient aujourd'hui "encadré" par la sagesse qui s'insuflait en eux, à mesure que les Lunes se succédaient. Vieillir. Bien étrange idée qui vint, en une seconde, se jeter aux murs de ses pensées. Et, comme il venait de lui arriver, Sorrow Life se laissa submerger par ses réflexions. Avait-elle, à cette heure, peur de vieillir? Non, plus maintenant, elle n'en avait plus peur depuis qu'elle savait le soutien et l'amour du Maître de l'Ombre, depuis qu'elle l'avait à ses côtés. Vieillir et mourir lui étaient bien égales, maintenant qu'elle aimait, de nouveau. Elle s'éboua, une nouvelle fois. Son toupet resta cependant sur un de ses deux yeux, voilant son regard; ce qui ne l'empêchait de fixer encore Blasphème, de voir le contour sain de ses muscles se desssiner sous sa peau de velours.

Harmonie brute qui les rendait rois de cet autre monde, de ce monde qui, juste pour eux, semblait s'ouvrir. Là, les mots prenaient un autre sens, les couleurs, les odeurs... tout changeait, rien n'était plus simple, tout prenait un sens, que ce soit les rayons encore pâles, les nuages si doux, l'odeur iodée si forte, le vent si frais... S'abandonner aux sensations, en ayant la certitude de ne pas être jugé par celui qui se tient en face de nous, tant il nous est semblable, tant il nous est même. Sourire, lus franc cette fois, plus audacieux, peut-être. Et toujours ce subtil regard, qui mêlait sans doute défi et respect, chaleur et confiance, prémice d'une amitié, peut-être... Regard qui ne pouvait s'interpréter ainsi que si on le regardait en profondeur. Le frôler ne pouvait suffir, il fallait le pénétrer, y entrer, s'y noyer, s'y égarer, s'y perdre... Libre à celui qui cherche d'en ressortir.

Les regards suffisaient, et parlaient une autre langue, celle que les mots ne peuvent exprimer, tant elle est riche et profonde, subtile et belle... Une étincelle, un éclair, et ce fût tout pour qu'elle comprenne. Assimiler une réponse se traduisit en un lent mouvement de ses paupières blanches, qui vinrent voiler son regard. Long clignement d'yeux, qui voulait dire qu'elle avait compris, qui voulait dire tant de choses que les mots n'exprimeraient pas. Là, elle savait qu'il la comprenait.

Alors qu'il tournait la tête pour regarder derrière, elle laissa glisser son regard sur l'habile silhouette qui se détachait pourtant des roches. Prédateur en quête de proie? Elle arqua son encolure, quelques muscles élastiques s'y dessinant, et ses crins soyeux dansant sur son col. Là, ses naseaux dilatés frémirent. Combat qu'elle allait sans doute partager avec lui...

La silhouette s'approchait, souple et à pas mesurés. La lumière jouait sur son pelage, y créant d'éphémères arabesque dorées. C'aurait pu être beau à regarder, s'il ne s'était pas agi d'une créature qui pouvait tenter de s'en prendre aux deux équidés. De plus, sa silhouette n'était pas totalement inconnue à l'étalon sombre... Serrant les dents, il jura mentalement. Impossible. C'était im-pos-si-ble. ou alors il était véritablement né sous une mauvaise étoile.

Et pourtant, c'était bien vrai. Alors que le félin approchait, Blapshème reconnut les rangées de taches noires qui s'alignaient sur ses flancs, sa silhouette de petite taille, mais longue et élancée, et les reflets clairs qui ondulaient sur ses flancs souples. Il n'aurait aps cru se trouver une nouvelle fois en présence de ce félin, qui l'avait pris en chasse lorsqu'il se trouvait dans les Hautes Pierres. L'avait-il suivi jusque là ? L'évènement remontait à une bonne dizaine d'aubes, c'était impossible. Ou du moins, la probabilité qu'un félin soit doté d'une telle persévérance était très, très faible. Pourtant, celle de le rencontrer une nouvelle fois aurait dû l'être aussi.

Il rabattit les oreilles, complètement. Ce geste léger lui donna un air plus agressif et moins avenant. Sans trop savoir quoi faire tant que la bête se trouvait à une telle distance, il attendit. Fut-il naïf un instant ? Peut-être, lorsqu'il espéra que le grand chat ne se décide finalement à aller voir ailleur s'il y était et laisse les deux équidés poursuivre leur dialogue quasi-silencieux. Mais c'était visiblement trop demander. Blasphème secoua la tête, en un geste parfaitement contrôlé, qui lança un instant autour de lui sa longue et lourde crinière, le rendant noble, imposant.

Son encolure s'arquait un peu plus, imperceptiblement. Ses muscles se gonflaient sous la peau satinée de son poitrail, sa tête gagnait en hauteur, sa silhouette en majesté ; il avait cette pose qu'ont si facilement les étalons lors de la présence d'un rival. Dans le cas présent, il comptait surtout sur sa force pour protéger la jument qui se trouvait à ses côtés. Peut-être était-elle une combattante, elle aussi, mais une sorte d'instinct chevaleresque le poussait à s'interposer entre elle et la menace éventuelle que présentait le félin. Il ne voulait cependant pas lui donner l'impression qu'il la jugeait comme faible. Mais, l'interprèterait-elle ainsi ? Il espéra qu'elle comprenne. Ils s'étaient si bien entendus jusque là, si le terme "entendu" était bien juste.

Il fit un pas, un unique pas en avant, sans quitter le félin de ses yeux clairs.

C'était comme un souffle d'énergie, une flamme brûlante qui l'emportait en son coeur, ravivant son corps jusque là engourdi par le froid. Une flamme qui venait réveiller son instinct, qui venait chatouiller son orgueil. Sorrow Life n'était pourtant pas un de ces grands guerriers dont le nom faisait trembler quiconque, comme Stelmaria, Equinox, son amant, Black, Odyssée, et, plus récemment, Black Hole. Non, elle était une simple guerrière qui aimait se sentir bouillir des joies du combat, mais elle était incapable de se mouvoir avec la même grâce que ces guerriers de légende. Pourtant, alors qu'elle regardait le félin clair se raprocher, un sentiment opressant s'abattait sur elle, la poussant en avant, bien plus qu'elle ne l'aurait voulu. La jument truitée s'efforça tout de même de rester à hauteur de l'étalon, comme soudainement consciente des pensées de ce dernier. Mais elle ne voulait pas, non, elle ne désirait pas reculer; Sorrow voulait que cette danse mortelle soit leur combat, leur victoire. Une pierre de plus à leur amitié qui se batissait à peine. Mais docile, elle se calma un peu, essayant de repousser le feu de l'envie qui était venu la brûler. Ses grands yeux noirs glissèrent dans ceux bleus de l'étalon de l'Ombre; oui, elle lui faisait confiance, et s'il jugeait bon de l'écarter de cette joutte, alors, qu'il fasse. Résignée. Elle fit un pas en arrière, contre le vent qui s'emplifiait, chassant tous ses crins d'ocres vers l'avant. Frissonante, elle retombait dans cette semblante fragilité qui l'habillait si bien, elle, la grande dame blanche aux truitures acajou.

[court, dsl]

Elle fit un pas en arrière. Leurs regards se croisèrent de nouveau, un instant. Le grand cheval souffla bruyamment. Puis ses yeux froids retombèrent sur celui qui s'approchait un peu trop vite, trop sinueusement à son goût. Les naseaux froncés, Blapshème frappa le sol de son large sabot. L'autre hésita une seconde, puis reprit son avancée. L'équidé pouvait désormais distinguer ses pupilles verticales, qui les fixaient sans trop qu'il ne sache pourquoi. Il n'était pas si maigre et ne semblait pas mourir d efaim. Pas au point de sortir ainsi de ses terres pour aller s'attaquer à deux chevaux. C'était bien étrange. Et troublant au plus haut point. Jamais encore l'étalon n'avat été confronté à pareille situation. Le félin approcha. Le brun gronda et fit un pas lui aussi.

Il y eut un instant de flottement, durant lequel tous deux se fixèrent. L'un mince et doré, l'autre massif et noir. Puis, comme avec une extrême lenteur, le félidé se ramassa sur lui-même. Le cheval se tendit et plissa les yeux. Le vent cessa de souffler juste un instant. Puis le grand chat bondit.

L'étalon l'attendait. Il se cabra et le cueillit d'un coup de sabot, l'envoyant au sol. Rapide, l'autre se remis sur ses pattes et se coula vers le grand corps noir. Blasphème se laissa retomber, tentant de le piétiner. Le martèlement de ses sabots sur la pierre froide claque durement à ses oreilles. Il restait pourtant silencieux, bien que les traits crispés de son visage ne trahissent la flamme qui l'habitait. Il vit du coin de l'oeil le félidé tenter d'atteindre son arrière-train et pivota rapidement, dans une grande gerbe de crins, pour aller faire claquer ses dents près de l'oreille de l'animal, qui bondit en arrière en feulant bruyamment. Va-t-en d'ici ! Blapshème s'avança et jeta sa tête vers lui pour l'intimider, les oreilles disparues dans sa crinière.

Je t'aurai ! Le félin le prit soudian de court et lui sauta à la gorge avec une vitesse fulgurante. Le guerrier tourna le cou juste à temps pour recevoir le corps souple et doré au niveau du garrot. Il sentit aussitôt les griffes acérées du fauve pénétrer sa chair et il secoua la tête avec vigueur. L'autre glissa, planta d'avantage encore ses ongles dans le grand corps noir qu'il tentait de dominer. Le sang brilla sous le ciel pourtant gris, tandis que le vent s'acharnait à faire voler en large arabesques les crinières des équidés.

Blasphème sauta sur place, parvenant à faire lâcher prise au félin, qui roula au sol. L'étalon gronda et se plaça de nouveau devant la jument, ignorant les picotements de ses entailles qui dégoulinaient. Quelques gouttes tachèrent la pierre. Mais qu'importait. Que vas-tu faire, désormais ? Il eut la satisfaction de voir que ses coups avaient porté, et qu'une large blessure s'ouvrait sur l'arrière-train du fauve. Mais en serait-il affaibli. Blasphème lança un regard à Sorrow Life, rapidement. Veux-tu entrer dans la danse ?

Sorrow Life s'était donc résignée à ne pas intervenir, luttant intérieurement contre le feu du combat qui la brûlait, la faisant frissoner. De ses grans yeux sombres, elle observait les mouvements experts du jeune fauve. Etrangement captivée par la scène, elle ne présentait pas de marque d'agressivité particulière, juste des étincelles qui scintillaient dans ses yeux, tant elle était prise dans la danse guerrière des deux mâles. Lentement, elle se laissait charmer par ces intenses moments ponctués de face-à-face silencieux, où chacun d'eux semblait jauger l'autre, découvrant soit de longues canines effilées, soit des oreilles rabattues sur un crâne solide. Bien sûr, à chaque élancement de guerrier de l'Ombre contre le félin, Sorrow sentait comme un pincement au coeur, espérant que tout se passerait bien; et, chaque fois, ils revenaient, se dévisageant, s'enorgueillant des blessures qu'ils avaient causé à l'adversaire. Elle, silencieuse et interdite, elle se contentait de regarder, d'admirer, bien que diverses sensations pulsaient en elle, la tentant à chaque seconde d'avancer.

C'est alors que le félin eut une prise sur l'étalon, l'entaillant de ses poignards couleurs ivoires. Elle laissa échapper un grongnement, qui ronfla dans l'air lourd, tandis que de fins ruisseaux de sang coulaient des plaies de l'étalon. Alors, il y eu de nouveau comme un temps calme, et Blasphème jeta un regard, court et intense, à la guerrière blanche, qui compris derechef le message. Faisons de cette danse la nôtre.
Et, légère, elle s'élança, ses sabots ocres frappant la pierre noire avec fracas. Sorrow avait légèrement arqué son col, ce qui présentait au félin un chanfrein bien droit et rectiligne. Tout de suite, l'animal aux pommelures noires cracha, alors qu'il la regardait avec ses grands yeux prédateurs. L'attaque fut détonnante, plus rapide qu'un coup de feu, plus brûlante et acerbe. De ses lourdes pattes agiles, la fauve s'aggripa à l'encolure blanche de la belle, faisant gicler quelques gouttes écarlates. Sorrow, à cet instant, perdit tout ce qu'il pouvait y avoir de raisonnable en elle. Son dilemme était clair: soit elle s'en débarrassait, soit il la tuait. Alors, elle se cabra, décollant ses antérieurs fins et noueux du sol. La, l'animal poussa un rugissement féroce, en même temps qu'il renforçait sa prise. Enfin, la jument de Glace tenta de le désiquilibrer, avant de s'écraser au sol. Dexter, l'attaquant fit un bond, se sauvant de l'écrasement. Encore plus virulent, il se contenta pourtant de la regarder se relever, des balafres écarlates sur son encolure. Non, elle n'avait pas dit son dernier mot.

Ils se tenaient tous les deux, côtés à côtes, leur pelage de satin taché de pourpre. Face au prédateur, qui ne semblait pas en mener large, au final. C'était du moins l'impression que l'on pouvait en avoir de loin. Deux géants face au serpent de félin qui les lorgnait de ses prunelles ambrées. Mais Blapshème, de ses yeux froids, devinait qu'il cachait autre chose. Il les avait blessés, et aura pu tout aussi bien achever la jument truitée quelques instants auparavant. Blasphème était honteux. Il n'avait pas été assez vif. Ses sabots avaient claqué la pierre entre la grise et le fauve, un souffle après que celui-ci ne s'y soit jeté. Par les Dieux, qu'il était rapide. Et cela ne faisait que faire enfler la haine qui embrasait peu à peu l'esprit du grand brun.

La danse devenait dangereuse. Il n'aimait pas ça. L'odeur du sang se mêlait désormais à celle des deux équidés, s'infiltrait par-dessus celles de l'Ombre et de la Glace dans leurs naseaux délicats. Pourquoi ce félin était-il revenu ? S'il avait pu l'atteindre plus facilement, il l'aurait envoyé d'une ruade vers les eaux salées et meurtrières qui s'agitaient en dessous. Mais le destin en avait voulu autrement. Une pellicule brillante recouvrait désormais les reins et l'encolure du guerrier, le faisant paraître plus imposant encore. un nouveau coup. Esquive. C'était trop facile.

De nouveua, il fit de son grand corps une barrière entre la grise et le doré. Celui-ci semblait se faire plus serpent que félin lorsqu'il se tordiat au sol, glissant et échappant aux sabots coupant par des mouvemenst vifs et précis. Laisse-nous en paix ! Peut-être Blapshème était-il maudit ? Pourquivi par cette ombre qui le destinerait à toujours blesser ceux à qui il tenait. Non, non, non, il en devanit paranoïaque, allant chercher les ennuis là où il n'y en avait pas. Il secoua la tête. La métamorphose avait été progressive. Il semblait s'être changé en une sorte de démon, aux yeux flamboaynts, au souffle puissant et au pas agressif. Les deux équidés paisibles et tranquilles qui s'étaient avancés vers le Sommet du Pic semblaient avoir fissuré leur carapce et laissaient entrevoir une nature bine plus sombre. Une âme assaillie de tourments.

S'était cabré légèrement, Blasphème se laisas retomber sur ses quatre membres. Les sabots claquèrent sur le roc avec un crissement désagréable. Le corbeau s'était reposé, sans replier ses ailes. Une inspiration profonde gonfla son poitrail. L'air pénétra en résonnant dans sa cage thoracique. Eloigne toi. Un silence. Tu n'es pas le bienvenu ici. Un souffle profond. Les secondes s'égrenaient comme volait le vent, et une étrange immobilité avait saisi les combattants. Le sang perlait aux entailles.

"Va-t-en."

La voix de l'étalon résonna comme le gong après le combat. Retraite, guerrier. Tu as perdu. Ses prunelles claires fixées avec intensité sur le félin, il demeurait sans bouger, stature d'obsidienne fouettée par le vent. De ces simples mots se dégageait une haine et une autorité que lui-même n'auarit jamais soupçonné posséder. Son âme n'était pas pure et une part de noirceur semblait s'en être échappée. Il arqua légèrement l'encolure, avançanat hardiement son front de quelques centimètres en direction du prédateur. Tu ne peux me haïr comme je te hais. Il tourna pratiquement le dos à Sorrow Life désormais.

Le grand chat feula. L'attente faisait peser à chaque seconde la tension encore d'avantage.
Une inspiration.
Silence.

Blasphème attendit. Et le temps semblait ralentir, s'étirer, déguster ce face à face de l'or et des ténèbres.

Puis soudain, l'étalon frappa le sol de son antérieur. Un claquement sec. L'échine hérissée, le félin recula d'un pas. Puis d'un autre. Enfin, il fit un bond en arrière et leur tourna le dos, s'enfuyant sans un bruit et disparaissant bien vite. L'étalon ne quitta pas sa silhouette des yeux, alors qu'elle disparaissait entre les rochers. Le reverrait-il ? Il avait l'étrange pressentiment que son chemin croiserait, un jour ou un autre, celui de cette créature. Il resta immobile, encore un peu. Le vent fit gonfler son épaisse crinière. Une goutte pourpre s'écrasa sur le sol.

Alors il se retourna vers la jument grise.