Manger, Manger, Manger! [Black]

Hestia se promenait, elle avait faim, trèèèèès faim!!! Guidait par la douce odeur de l'herbe, elle finit par arriver dans une plaine pleine d'herbe. Oh oui, de la bonne herbe bien grasse, exactement ce dont elle avait envie. Elle en arracha une touffe, puis une autre, et encore une autre. Cela faisait bien une bonne heure qu'elle mangeait et pourtant, elle n'était toujours pas rassasiée. Le ciel commençait à se voiler, mais, trop occupée à manger, Hestia ne le remarqua pas. Jusqu'au moment où une énorme goutte lui toùba sur la tête. Elle se redressa vivement. Et là, surprise! Des tas de gouttes tombaient partout autour d'elle. Elle eut un hoquet de surprise. Depuis combien de temps se goinfrait-elle?
La foudre tomba non loin et la jeune jument pris ses jambes à son cou en hennissant de terreur.

Black trottait sur la plaine lorsqu'il sentit cette odeur d'ozone caractéristique des prémices d'un orage. Loin de fuir comme les faisaient les autres, l'étalon noir s'arrêta et posa ses yeux sur le ciel voilé, qui avait pris une teinte bleu de gris sous laquelle le monde semblait comme plus contrasté. L'étalon ronfla des naseaux, il aimait tant ce paysage, ses terres sous le ciel sombre d'une tempête!
Les premières gouttes tombèrent et le mâle alla se réfugier sous un arbre, n'aimant guère être mouillé. D'expérience il savait bien que la pluie ne durerait pas, et que la tourmente allait prendre le dessus. Effectivement, l'averse devint bruine puis s'apaisa tandis qu'il émergeait de sous sa cachette.
Black dilata ses naseaux finement ourlés, humant avec plaisir l'odeur entêtante de la terre trempée, si particulière, et celle des végétaux, qui clarifiait les pensées et éveillait l'esprit. Puis le vent se leva, ébouriffant les crins soyeux et noirs de l'étalon, et il redressa la tête, d'un port de tête royal, piaffant, ses muscles pleins d'une vigueur nouvelle, ses sabots foulant la terre meuble avec impatience.
Et vint l'orage. Le ciel presque noir, bleuté, gris, les nuages sombres, les arbres qui se courbaient devant lui sous l'assaut des éléments, les branches dansant en un bruit d'écume, les bêtes allant s'abriter...Il resta seul au cœur de la tourmente, plein d'une vitalité exubérante que la tempête instillait en lui.
Lorsque la balafre du premier éclair déchira le ciel, l'étalon noir se ramassa sur lui-même et se lança, après une puissante cabrade doublé d'un bond, dans un galop fou, oreilles pointées vers l'avant et tête haute. Il accéléra encore sous les éclairs et dans les bruits d'orage, et le tonnerre de ses sabots se confondit avec celui du ciel, tandis que le vent contre lequel il courait faisait claquer ses crins noirs. Black fila comme une flèche, comme soûl de sa vitesse, de sa puissance, galopant sans but sinon celui de se défouler et de courir, de goûter sa force et sa vigueur. Un cri le fit dévier en la direction de l'animal apeuré qui hennissait, et il galopa ventre à terre, le paysage défilant autour de lui.

Il déboula devant une jument alezane galopant à toute allure, mais de terreur, tel un diable surgissant des ténèbres, des nuages, un démon porté par le vent, une apparition magique générée par les forces de l'orage, à l'aura charmeuse, instillant le danger et la noirceur, envoûtante. Virant, plein d'énergie, il vint près de la femelle et accompagna sa course folle en l'agrémentant de cabrioles vigoureuses, violentes, aux gestes parfaitement contrôlés, et de hennissements charmeurs. Il cherchait autant à trouver une partenaire de jeux qu'à distraire la jeunette de l'orage.

Le ciel ne s'apaisait point. L'orage battait son plein. Le ciel était zébré d'éclairs irréguliers. Et un étalon de la nuit surgit juste devant elle. Loin d'arrêter sa course folle, Hestia piqua un sprint, il lui avait fait une peur bleue! Mais, loin de rester sur place, l'étalon l'accompagnait. Il avait l'air d'aimer l'orage et il cabriolait en hennissant. Petit à petit, les cabrioles de cet inconnu commencerent à calmer Hestia qui faillit s'y mettre aussi. Mais elle ne s'arrêta pas, sa course folle contre l'orage se transforma en un jeu contre l'inconnu qui avait surgi de nulle part. Brutalement, elle vira à droite, juste pour tester le temps de réaction de l'étalon.

Près de lui, la jument inconnue accéléra soudainement, comme paniquée par cette soudaine apparition. Et c'était vrai, qu'il devait avoir l'air effrayant, démon surgi de l'orage, yeux flamboyants, col arqué et naseaux fumants. Levant haut les genoux, Black frappa fort le sol en courant. L'orage faisait courir une étrange ivresse dans son corps massif.
Près de lui, elle se prenait au jeu et sa peur diminuait, il le sentait. Elle n'était pas loin de partager sa sauvage exaltation, et son excitation grandissante décuplait encore celle de l'étalon noir, qui secoua sa tête aristocratique en un hennissement joyeux, un défi au monde entier.
Soudain, sous ses sabots, elle vira. Un autre que Black aurait pu en être surpris, mais l'étalon, entraîné au combat, avait des réflexes proches de ceux d'un fauve, et il fonça aussitôt à la suite de la femelle, porté par ses membres musclés. Le grand mâle, arrivant à côté, arqua le col pour mordiller son garrot, provocation et invitation au jeu.

Sa peur se transformait en adrénaline. Sa surprise en bonheur. Il ne s'était pas laissé surprendre et l'avais suivi. L'orage battait dans la plaine, jouait avec les ombres. Le souffle court, la jument ne ralentissait pas, repoussant ses limites. Elle n'avait jamais était très endurante, encore quelque chose qu'elle devrait penser à changer! Il lui mordilla le garrot, alors elle tourna la tête vers lui et lui hennit dans la tronche. Avant de piller net pour repartir dans le sens opposé dans une ruade joyeuse.

Il l'entendait respirer fort à ses côtés mais, visiblement, elle n'avait pas l'intention de ralentir. Lorsqu'il lui mordilla le dos, la jeune alezane lui dédia un hennissement que le mâle entendit par-dessus le vent violent, avant de piler et repartir à fond de train. Sa queue fouetta au passage le visage de l'étalon, qui voûssa le dos en un bond puissant, des quatre fers, pour ensuite filer, comme une fusée.
Black rattrapa encore la femelle et, passant devant elle, eut une cabriole digne d'un poulain, commencée comme un saut, finie d'une ruade puissante mais contrôlée, qui ne toucha pas la femelle, et repartit à fond de train à la perpendiculaire, surexcité par le vent et l'ozone.
Il était endurant, lui, entraîné à la vie sauvage, et ses poumons puissants, son coeur massif fonctionnaient à la perfection, lui permettant de jouir de son corps musclé avec plaisir.

La jument essaya de le rattraper, n'y parvint pas. Alors elle s'arreta et le regarda jouer comme un poulain. Elle hennit joyeusement en repartant au trot à sa suite. Certes, elle ne pourrait pas le rattrapper mais au moins s'en rapprocher. Courir lui avait fait du bien. Hestia n'avait plus peur de cet orage qui déchirrait le ciel. Elle en était reconnaissante à l'étalon noir. Grâce à lui, plus jamais elle ne s'enfuyerait devant la foudre. Le vent violent ébourrifait ses crins, les faisait voler autour d'elle. Elle hennit de nouveau en avançant vers l'endroit où se trouvait l'étalon.

Entendant le hennissement de la jument alezane, Black stoppa ses folles gambades et posa ses yeux, noirs, perçants, sur la jeune femelle qui s'avançait. Elle était plutôt jolie, quoiqu'un peu inexpérimentée, cette petite jument qui le rejoignait dans un trot aérien, et sa peur venait de disparaître. Ses crins volant autour de son col gracieux lui donnaient l'air d'une fée là où lui semblait démon, et bien qu'il eût déjà un amour emplissant son cœur, Black fut sensible à la candeur de la jeune femelle. Une attirance presque uniquement physique.
S'inclinant devant elle lorsqu'elle l'atteint, il s'adressa à la femelle de sa voix charmeuse, suave et sauvage:

"Gente dame...quel est donc votre nom? Pour ma part je suis Black."

Hestia avançait vers l'étalon. Il ressemblait à un démon, noir au milieu de l'orage qui grondait. Lorsqu'elle arriva à sa hauteur, l'inconnu s'inclina devant elle et se présenta. Black.. Ce nom lui disait quelque chose.. N'était-il pas le dominant du clan de l'ombre? Odyssée lui avait brievement parlé de lui.
-Enchanté Black, je suis Hestia. N'êtes-vous pas le dominant du clan de l'ombre?
Elle s'ébroua et sourit à Black.

Black fut agréablement surpris par la façon qu'avait la dénommée Hestia d'entrer directement dans le vif du sujet, sans s'embarrasser de précautions oratoires ou de civilités. D'autre part, sa question dénotait également sa perspicacité et sa vivacité d'esprit, puisque souvent, les chevaux qu'il croisait pour la première fois lui demandaient bêtement son Clan. Elle souhaitait juste une confirmation, et sa façon de faire ne déplut pas au mâle noir qui sourit en fixant la jument alezane, lui rendant sa mimique, mais d'une façon plus charmeuse:

"Effectivement, Hestia, bien deviné. Je suis bien le dominant du Clan de l'Ombre. Quant à vous...ma nièce Odyssée m'a parlé de vous, vous êtes solitaire, n'est ce pas?"

Cela étonnait Hestia qu'Odyssée et parlait d'elle à son oncle car elle ne l'avait que rarement. Odyssée était donc la nièce de Black. Donc, si elle avait tout compris, la jument grise était soit la fille soit de Sun Star soit celle de Liberty. Pourtant, elle avait préférée devenir solitaire. Odyssée lui avait même confié qu'en cas de conflit elle sera dans le camps de son amant, Aglow Star,.. Mais n'était-il pas dans un des clans opposés à ceux de Liberty et de Sun Star? Dans ce cas, elle serait donc opposée à son père ou sa mère..
-En effet. Je ne savais pas qu'Odyssée était votre nièce.

A vrai dire, Odyssée parlait beaucoup à son oncle, ou plutôt père de coeur, au hasard de leurs rencontres. En tant que solitaire, rares étaient les chevaux qui la chassaient de leurs terres, à l'exception de Sun Star et Liberty qui se méfiaient d'elle. Encore que, la mère la jument d'argent n'aurait probablement pas eu le coeur de chasser son enfant. Toujours était-il qu'Odyssée avait accès à de nombreuses informations, dont elle n'hésitait pas à faire part à ses deux grands amis chefs, Black et Stelmaria, avec d'autres nouvelles parfois plus personnelles. Ainsi le chef de l'Ombre avait appris que de nouveaux solitaires foulaient les terres de Wild Horses, ou que la compagne de l'ambigu Zénith était bien plus candide que lui, douce et sensible. Il ne s'agissait cependant pas de trahison et Odyssée se taisait sur les secrets et les détails non nécessaires.
Odyssée, sa nièce? Par adoption, oui, mais la jument grise se considérait plus comme sa fille, il le savait bien, et hésitait quant à ce qu'il devait répondre à Hestia.
Black choisit de biaiser:

"Nous sommes elle et moi très proches. Vous l'avez donc rencontrée?"

Hestia repensait à sa rencontre avec Odyssée. La jument grise lui avait beaucoup appris sur le fonctionnement des clans. Cela allait sûrement lui servie dans le futur. Si ils étaient si proches, pourquoi ne faisait-elle pas partie de son clan. A vrai dire, elle ne connaissait pas beaucoup de cheveaux faisant partie du clan de l'ombre, aucun même a part Black.
-Oui je l'ai rencontrée.
Elle se baissa pour broutter quelques touffes d'herbe.

C'était qu'Odyssée aimait bien davantage la liberté, sa liberté. Et la jument grise préférait amplement le droit qu'elle avait, de parcourir toutes les terres, à la servitude obligée d'un Clan, dès lors qu'on n'en est pas le chef. L'étalon noir hocha la tête, puis glana une touffe d'herbe mouillée. Autour d'eux, la tempête s'était calmée, le vent soulevait les crins du mâle, et la terre mouillée exhalait une odeur qui clarifiait l'esprit. Le ciel, la lumière revenue, tout était contrasté, et évoquait un tableau peint par un grand maître. Black sourit, plein de vitalité, puis reprit à l'attention d'Hestia:

"Tu es donc solitaire...tu es ici depuis longtemps?"

Hestia huma l'air, elle appréciait cette odeur de terre mouillée et de fin d'orage. Elle sourit à l'étalon. Le vent soulevait leurs crins, surtout ceux de Black. C'était..particulier, il avait l'air un peu fanfaron comme cela et en même temps dangereux.
-Non, je suis arrivée il y a peu.
Elle s'ébroua délicatement et observa les alentours. Après l'orage, tout était désormais d'un calme surprenant. Elle savoura ce doux moment. Elle leva la tête et regarda le ciel, le soleil revennait, les nuages noirs s'éloignaient, laissant la place à d'autres, plus clairs. Un arc en ciel commençait à se formait. L'alezane resta là à le regarder.

Un véritable tableau de maître...Black lev la tête et admira à son tour les alentours, le regard lointain, les naseaux dilatés, oreilles pointées sur son front large. Une brise légère, bien différente du vent violent qui rugissait dans la tourmente, soulevait ses crins sur son col arqué et faisait onduler sa longue queue soyeuse. Ainsi tendu, tout entier à sa contemplation, ses muscles ciselés dansant sous sa peau frémissante, il était tout simplement beau, séduisant mâle au charisme surprenant.
Black porta son regard noir sur l'arc-en-ciel, là-haut, panthéon de couleurs, aux formes élancées et pures. Il prit soudain une profonde inspiration, et souffla:

"Nulle beauté ne peut égaler celle de la nature, après un orage...quand tout a été ravivé, couleurs, contrastes, quand l'air est purifié et l'atmosphère rafraîchie par l'eau, quand le calme après la tempête est plus serein que jamais..."

La jument ne bougeait pas, comme hypnotisée par la beauté de l'arc en ciel. Elle émit un léger soupir de bien-être. Hestia écouta les paroles de l'étalon. Il avait entierement raison, tout était magnifique, calme et serein en cet instant. Elle ne l'avait pourtant jamais remarqué, car elle se cachait dès que l'orage approchait. Elle se contenta d'hocher la tête en réponse à Black. Elle ne détachait pas le regard de cette belle vision.

L'étalon noir se garda bien de rompre le silence, le moindre bruit, le moindre mot aurait fait éclater la féérie de la scène telle une bulle de savon qui disparaît d'un coup. Il resta donc immobile, tête droite dans la brise et naseaux dilatés, juste contemplatif et heureux. Puis l'arc-en-ciel reflua dans les cieux, les nuages recouvrirent l'instant de pureté dont les deux chevaux avaient été témoins privilégiés, et Black s'ébroua comme sortant d'un rêve, puis se tourna vers son interlocutrice en souriant:

"C'est une des raisons pour lesquelles j'aime l'orage."

Doucement, le rêve s'évanouit. Doucement, Hestia revint à la vie. L'alezane tourna la tête vers l'étalon noir. Il avait vraiment une bonne raison d'aimer l'orage. Elle aussi l'aimait maintenant, grâce à lui. Elle sourit à Black.
- Oui, une très bonne raison..
Elle baissa legerement la tete et soupira legerement. Elle regardait l'étalon reconnaissante. Ses yeux exprimait sa reconnaissance envers lui. Il lui avait fait decouvrir quelque chose de splendide, de magique; il lui avait fait comprendre qu'on pouvait admirer cette violence, celle qu'elle fuyait et qu'elle ne suivrait plus.

La gratitude se lisait dans ces yeux liquides qui étaient rivés sur ceux de l'étalon, et Black l'y reconnut. Le grand mâle arqua le col et inclina la tête, en une révérence élégante, et souffla d'une voix comme toujours enjôleuse, mais sans aucune volonté de séduction:

"Heureux de vous avoir appris à apprécier l'orage, très chère."

Il se redressa et poursuivit, sérieux cette fois, la tête haute, le regard tendu vers l'horizon, les crins volant dans la brise légère:

"Quelquefois, la peur nous empêche d'apprécier un spectacle pourtant sublime, et quelquefois aussi, c'est cette même beauté qui nous empêche d'éprouver de la peur. Je ne crains ni l'orage, ni la tempête, lorsque les vagues immenses se jettent en éclaboussures sur la plage, ni le volcan qui gronde, ni la lave qui brille dans la nuit des crevasses, car la beauté supplante le danger."

Il tourna la tête vers Hestia, à nouveau:

"Avez-vous déjà ressenti semblable chose?"