Alors c'est ça?... [Libre]

L'azur était délaissé de nuages, l'horizon las du moindre signe de vie. Là s'étendait un désert blanc qui allait jusqu'au point de rencontre de Gaïa et d'Ouranos, et cette étendue blanche allait plus loin, jusqu'au bout du monde. Dangereuse, mystérieuse, malicieuse mais en même temps envoûtante, attirante, magnétique. Rien. Que du blanc, encore et encore. Un léger bruit, puis le Feu arrive...

Le Feu marchait en silence, ses petites foulées étaient cadancées, énergiques. Ses yeux noisettes captaient le moindre mouvement, même minime. Il s'arrêta, lui le rêve de feu, l'ange du Crépuscule. Lui, Zanzibar. Enfin il pouvait s'évader, il pouvait goûter à la liberté!! Enfin surveillée...

Liberté surveillée pas Sweet qui avait promis à Zénith et GaÏa de veiller sur leur fils quoi qu'il l'arrive, où qu'il soit. Cette tâche n'était pas rendue facile par le jeune poulain qui ne prononçait mots. C'était à croire qu'il était muet: il n'avait prononcé que trois mots depuis sa naissance. Sweet observait les moindres recoins, tournait autour de Zanzibar, le devançait de quelques mètres, s'arretait, repartait.

Gaïa n'avait pus se résoudre à laisser Zanzibar sans présence parentale, elle suivait le petit duo, épiait leur moindres faits et gestes. Elle était tellement heureuse d'avoir eu Zanzibar, mais le fait qu'il ne prononce mots l'inquiétait. Zénith lui avait dit de ne pas s'en faire mais... C'était au-dessus des forces de la jument. Il fallait que son fils parle.

Zanzibar était perdu dans ses pensées, il avait eu bruit que ce déset était propriété de la Régénate, la Maudite, la jument rouge, Stelmaria. Et d'une façon étrange, elle fascinait le rêve alezan...

Le Désert Blanc. Désert non pas par son climat mais bel et bien par son vide. Vide de végétation, a part quelques edelweiss perçant la couche de glace, puis celle de neige pour tendre leurs fragiles pétales vers un soleil dont les rayons ne les réchauffaient pas assez... Vide de faune, aussi. Pas un cheval à l'horizon. Qui se serait risqué ici ? Le froid polaire promettait de noircir les membres et la solitude n'attirait pas vraiment les équidés... Il n'y avait rien, rien que du blanc, de la neige a perte de vue. Non. Pas si vide. Pas si blanc. Invisible, slalomant entre les congères, jouant dans son domaine, le danger rodait. Quelques taches noires se découpaient de temps en temps, simple reflet d'un rêve oublié. Puis ce fut l'assaut.
Un félin de trois mètres de haut bondit dans une explosion de poudreuse, ses crocs plus blanc que neige découverts dans une gueule rouge, écrin parfait pour de tels armes... Le léopard des neiges bondit vers le loup. Quiconque pénétrait dans le Désert Blanc était un casse-croûte potentiel.

Derrière le félin en question surgit un autre animal, d'une taille légèrement inférieure à celle du mâle mais tout aussi impressionnante, à savoir, approchant les deux mètres. Ses oreilles étaient pointées vers l'avant avec attention, et ses yeux d'un vert étincelant luisaient tandis que l'once détaillait les deux animaux lui faisant face. Un Wolf blanc, probablement Arctique, et un poulain.
Par principe, étant liée à un cheval, Edelweiss ne touchait pas aux équidés, en revanche, le loup était un ennemi atavique, et elle se dressa face à lui, crocs découverts:

"Plus un pas, canin, où je me sers de toi pour apprendre à mes petits à chasser."

Elle tourna la tête vers le brouillard et l'immensité blanche. Tharaman et elle avaient emmené en vadrouille leurs deux chatons, Pluie d'Etoiles et Pelage de Brouillard. Peut-être que Brouillard était parti explorer les environs...Edelweiss ne craignait pas pour lui, il était accompagné de Griffe d'Abîme, le vétéran.

Plus un souffle du côté du duo. Le temps s'était comme arrêté. Sweet se plaça entre le poulain et le léopard. Il était tendu, il ne faisait pas le poids. Puis vint un second léopard, où plutôt deux autres léopards. Sweet montrait les crocs, il avait sorti ses griffes, mais cela ne servirait à rien. Il lacha sur un ton neutre:

"Désolé de troubler votre famille, veuillez m'excuser, moi et lui."

Il détourna la tête quelques instants, un regard rageur vers Zanzibar: voilà où l'inconscience du poulain les entraînait.

"T'es content de toi?"

Zanzibar était émerveillé par les deux fauves, ils étaient plus qu'exeptionnellement grands, forts, beaux. Il avança, dépassa Sweet Dream, mais respecta une certaine distance entre les carnivores et lui.
Il tourna sa délicate tête vers le loup, se contenta de lui lancer un regard sévère, méprisant, mais ne dit rien. Il reporta son intention sur les magnifiques spécimènes qui se tenaient devant lui. S'inclina avec autant de grâce que son corps de poulain lui permettait.

Gaïa s'était rapprochée, et se tenait à côté de Sweet, elle allait s'intercaler entre son poulain et les léopards quand...

Une voix bourrue les interrompit :

" Tharaman, cesse de terroriser les chevaux, veux-tu ? Surtout que tu ne trouverais pas grand chose à manger sur les animaux des autres Clan en ce moment... "

Une jument fit son apparition. Petite, environ 1m50 au garrot, mais impressionnante tout de même. Premièrement, sa musculature, bien développée, roulait sous un poil épais et satiné, témoin de la forme olympique de la femelle. Deuxièmement, la couleur même de ce poil : rouge. pas un brun vaguement rougeâtre comme certains chevaux, non, un beau rouge sang, vif, parcourut de reflet pourpres. Ses crins, longs et noirs, se balançaient gentiment sur son encolure et son toupet trop long cachait par moment un regard doré pailleté saisissant. Ensuite, la cicatrice argentée qui barrait sa joue gauche, quatre sillons laissés par des griffes semblables à celles de Tharaman et Edelweiss. Trois balzanes hautes ornaient fièrement ses postérieurs et son antérieur gauche.

Stelmaria s'approcha du groupe d'une démarche trainante, presque paresseuse. Son air de poney tout droit sortit du pré ne trompait toutefois pas : c'était une tueuse. Elle était taillée pour combattre. Le chef du Clan de la Glace salua cordialement les chevaux présents, donna un coup de nez sur la patte de Tharaman et adressa un sourire chaleureux à Edelweiss. Les civilités passées, la jument rouge se planta fièrement à côté des deux léopards et posa un regard d'indifférence feinte sur les trois intrus : une jument grise, un poulain, surement le sien, et un loup, blanc. Et aucun n'était du Clan de la Glace.

" On ne se ballade pas en toute impunité sur le territoire des chevaux du Nord, encore moins dans le Désert Blanc... qui êtes vous ?"

Tharaman bailla à s'en décrocher la mâchoire, signalant là son manque d'intérêt totale, puis planta des yeux d'or dans ceux du poulain qui l'approchait. Immobile, il se contenta d'observer le frêle animal s'avancer avec courage... ou inconscience, vers lui.

Sweet voulait se replacer devant Zanzibar, il avait entendu parler de la jument rouge, et à ce qu'on disait à son sujet, mieux ne valait pas la rencontrer. Il découvrit ses crocs, prêt a bondir, il s'avança...

Mais Zanzibar lui barra le chemin, trop fasciné par le spectacle pour accepter qu'un loup lui barre la vue. Il leva légérement la tête afin de regarder celle de Stelmaria. Il était plus que captivé par la jument et les léopards. Il se réinclinat, cette fois ci seulement pour la Rénégate.

"Stelmaria..."

Laissa-t-il échapper dans un murmure qui trahissait son admiration.

Gaïa s'avança, bien décidée à ramener Zanzibar en lieu sur.

"Veuillez nous excuser, il est encore jeune, il ne sait pas ce qu'il fait..."

Quand elle entendit son fils parler, elle fut légérement soulagé, enfin pas totalement car il ouvrit la bouche juste pour prononcer le nom de la Maudite.

"Vien Zanzibar on rentre, ton père ne sera pas content d'aprendre ce que tu as fait."

Mais le poulain de Feu ne bougeait pas d'un poil, il se contentait d'observer Stelmaria sous toutes ses coutures, enfin il touchait son but: voir la Chef du clan de la Glace. Mais pourquoi en fait? Parce que. Elle le fascinait, par les histoires qu'on lui avait raconté sur elle, mais aussi par sa réputation.

"Zanzibar!"

Gaïa avait beau s'égosiller, le poulain était figé comme une statue.

Face à l'once blanche, le loup aussi pâle montrait les crocs, mais son air manquait de conviction et Edelweiss estima qu'il avait choisi une solution intéressante lorsqu'il s'excusa. Elle écouta le mâle réprimander le poulain en songeant à la façon dont Griffe d'Abîme gourmandait le couple dominant d'un air bourru, puis riva ses yeux brillants sur le poulain en question qui s'avançait pas à pas, comme fasciné.
L'once se tapit, ce qui lui permit d'amener sa tête à environ un mètre trente et de moins dominer le poulain.

"Intéressé par les léopards, petit?"

Puis l'once tourna la tête en voyant débouler leur amie Stelmaria. La jument rouge, à son habitude, fit une entrée plus que remarquable, et salua les deux léopards avec familiarité. Edelweiss lui rendit son salut dans un ronronnement amical, et, retournant au poulain, vit les yeux du jeune fixés avec admiration sur la Renégate.
Soudain bondit le loup, le Wolf Arctique, devant le poulain. Il montra les crocs à la Renégate et Edelweiss se dressa, poussant un grondement bas de gorge, enfin, bas pour elle, mais qui résonna aux environs et vibra dans sa poitrine, et celle des autres, tant son volume était surprenant:

"Le loup, je t'ai dit de ne pas bouger. Si tu crois qu'un Wolf Arctique a le droit, non seulement d'errer dans le Désert Blanc, mais en plus de menacer le Thar allié aux Léopards..."

Elle montra les crocs, poignards d'ivoire, et sortit les griffes d'une de ses pattes. Elle n'avait pas l'intention de tuer le canidé, mais, depuis qu'elle était mère et lieutenante, l'once, quoique pas dénuée de diplomatie, défendait farouchement le territoire des léopards, consciente de la menace que les Wolfs Arctiques, lors de leurs raids, pouvaient faire courir à ses petits.
Le poulain, Zanzibar, s'était entre temps avancé vers la Jument Rouge, et Edelweiss lui jeta un regard. Nota avec amusement que la jument grise avait beau s'égosiller, il ne bougeait pas d'un poil, comme insensible aux ordres de sa génitrice. L'once blanche ne broncha pas, laissant le poulain se débrouiller avec la Jument Rouge, elle se contenta de détourner la tête pour chercher du regard et des oreilles ses deux petits. Si sa position la posait comme vulnérable à une attaque du Wolf, elle n'en avait cure, étant capable d'écraser un canidé, et sachant bien que les intrus seraient massacrés. Ils ne faisaient pas le poids...
Bon, ils étaient où, ces deux diablotins? Et sa fille, qui avait décrété préférer les suivre, elle et Tharaman, plutôt que Griffe d'Abîme, où était-elle donc passée?

Ici. Avec un feulement féroce, une boule de fourrure pas plus grosse que Sweet Dream bondit sur Edelweiss qui était tapie et qui lui offrait ainsi son dos. Pluie d'Etoile s'agrippa à l'épaisse fourrure de maman et lui mordit l'oreille avec un cri de guerre retentissant :

" YEEEEEAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAARRRRRRRRRRRRRRRRRRG !!!!"

Stelmaria observa le poulain s'avancer vers elle comme si elle avait été une apparition irréelle. Silencieuse, elle observa Sweet Dream bondir et s'interposer entre Zanzibar et elle. La Renégate ne bougea pas d'un poil, mais imperceptiblement, sa musculature s'était durcie. Elle pointa ses petites oreilles vers le poulain qui, faisant fi des appels angoissés de sa mère et de l'air menaçant du loup blanc, venait de la saluer par son nom en s'inclinant gracieusement.
La Maudite attendit qu'il se redresse puis, répondant au salut du jeune, elle se dressa sur ses postérieurs, le dominant de toute sa hauteur. Sa fine silhouette s'élança vers le ciel gris, semblant défier le soleil. Ses antérieurs battirent un moment l'air, puis la jument rouge se laissa retomber au sol.
Elle s'adressa ensuite à Gaïa qui paraissait de plus en plus inquiète pour son petit :

" Le rejeton de Zénith, hein...? "

Puis elle abaissa un peu son encolure musclée et planta un regard doré dans les yeux du poulain et lui sourit :

" Tu t'appelles Zanzibar, c'est ca ?"

Zanzibar ne comprenait pas l'inquiétude de sa mère et a vrai dire, il s'en moquait pas mal. Seul le spectacle qui s'offrait à lui l'interressait.

"Plus que par les Wolfs."

Lança-t-il pour répondre à la femelle léopard et pour faire noter à Sweet qu'il fallait qu'il se calme.
Il suiva le mouvement de la jument rouge de la tête, il la trouvait sublime, mais en même temps terrifiante, surprenante. Il ne laissait rien paraitre de sa peur qui était minime par rapport au plaisir qu'il éprouvait quand à la vue de cette surprenante jument.

Sweet n'appréciait pas les manières du poulain.

"Je te déconseille de faire ça Zanzibar!
Je ne menace pas, je protège."

Il ferma la bouche, rentra les griffes, il ne faisait vraiment pas le poids, même si Gaïa était là... L'ennemi était grand, tout comme le danger.

"Zanzibar! Ca suffit, tu dépasses largement les limites!"

Rien n'y faisait, son fils était comme hypnotisé, il ne répondait plus qu'aux questions des léopards et à celles de la Régénate, Gaïa en avait plus qu'assez.

"Oui, il est le fils de Zénith, mais je ne comprends pas d'où lui vient se fichu caractère."

Elle regarda son fils d'un oeil sévère, il allait obéir oui?

Non, il n'allait pas obéir, loin de là. Quand la jument abaissa son encolure et lui souria, il fit de même, le regard d'or de la jument l'envoutait. Il fit une minuscule foulée en direction de la jument, effleura les naseaux de cette dernière avec son petit nez alezan. Recula légérement, elle avait l'air si gentille.

"Oui, et je suis honoré de faire ta rencontre."

Il parlait d'une voix douce, mais déjà pleine d'assurance.

Avec la patience que possède toute mère féline, Edelweiss laissa sa fille la confondre avec une grosse proie, et même lui dévorer l'oreille. Elle ne se plaignait pas de sa nouvelle condition de punching-ball et prenait même plaisir à jouer avec ses deux petits. Présentement, la femelle argentée roule sur le flanc pour choper sa fille entre ses pattes puissantes, et ronronna pour manifester son plaisir de s'amuser avec l'intrépide Pluie d'Etoiles. Sa langue toucha le pelage duveteux de bébé de la petite tandis qu'elle lui adressait un sourire.
Avant de lui bondir dessus à son tour, mais en gardant un œil sur Sweet.

"Un fichu caractère, dites-vous, demoiselle? Alors il s'entendra bien avec Stelmaria."

La voix, charmeuse et froide, s'était élevée dans le désert vide, et surgit soudain devant les trois chevaux et les fauves un magnifique étalon noir. Noir comme une nuit d'hiver, sans lune ni étoiles, un couleur d'ébène luisante dont les reflets roulaient sur ses muscles et dessinaient les contours d'un corps harmonieux.
D'un trot altier, léger, l'étalon vint se planter aux côtés de Stelmaria, non sans avoir auparavant salué Gaïa d'une révérence, et redressa la tête, au port royal, au bout de son col de cygne. Il était grand, bien plus que la Jument Rouge, et d'une vigoureuse sauvagerie. Sa tête, fine, aristocratique, était empreinte de caractère, ses yeux noirs perçants, ses oreilles mobiles. Son toupet soyeux chatouillait son front lisse, et ses naseaux ourlés humaient l'air, attentifs. Une brise légère agitait, sur son encolure gracieuse, sa crinière mi-longue, raide, tandis que sa queue portée haut et imposante caressait ses membres postérieurs. Membres secs, noueux, portant un corps musclé, à la robe de satin, un corps ciselé de muscles et parcouru de cicatrices, un corps de combattant, un vrai mâle!
Son aura était saisissante, et nul ne lui restait indifférent, en bien ou en mal. Il exhalait le danger, la puissance, l'ombre aussi, mais en même temps qu'un charisme renforcé par sa confiance en lui-même, et qu'un charme certain. Envoûtant et attirant comme l'est un serpent hypnotique ou la démarche ensorcelante d'un grand fauve, Black se campa devant le poulain et le dévisagea de ses yeux d'ébène:

"Zanzibar, c'est ça? Bonjour, je suis Black."

Il se cabra à demi devant le poulain, salut de combattant à combattant, une façon comme une autre de manifester du respect au jeune, avant de venir effleurer de ses naseaux le bout de nez délicat du petit.

Sweet ne savait vraiment plus quoi faire... La meilleure solution était encore de rester en retrait et d'attendre, il serait prêt à intervenir, et devant la mauvaise volonté du poulain à obéir à sa mère et à lui, il ne pouvait rien faire. Il se contenta de regarder la scène, Zanzibar ne perdait rien pour attendre...

"Plus que fichu! VIENS ZANZIBAR!!!!!!!!!!"

Elle avait beau hurler, le pousser pour qu'il rentre, il ne bougeait pas d'un poil. Mais qu'avait-elle fait pour mériter un poulain aussi têtu. Que faisait Zénith? Pourquoi n'était-il jamais là quand on avait besoin de lui?
Attendre, il ne lui restait plus qu'à attendre...

Zanzibar continuait de fixer le Régénate quand un splendide étalon noir arriva, le jeune poulain était très impressionnait par le physique de l'étalon, un physique ravageur, qui inspirait la menace mais qui impressionnait tant le poulain. Il leva la tête pour voir celle de l'étalon, et comme il l'avait fait pour Stelmaria, il suivit le mouvement du cheval de la tête. Le jeune animal essaya de l'imiter, sans grand succès: ses antérieurs décolèrent à a peine dix centimètres du sol. Pour compenser, il arqua l'encolure et salua d'une façon plus neutre, moins impressionnante mais qu'il réussissait beaucoup mieux. Quand l'étalon lui adressa la parole, il ne put s'empecher d'afficher un grand sourire, et répondit en un murmure empli d'admiration:

"Oui, honoré de faire la connaissance d'une légende vivante..."

Il avait les yeux grands ouverts, il voulait se souvenir à jamais de ce moment, il voyait la Régénate et Black en même temps, que pouvait-il avoir de plus?
Quand Black lui effleura le bout du nez, un frisson parcouru l'échine du petit. Il était tellement heureux.

[j'attends juste mémère Stelmy^^]

[gnagnagnaaaa --']

Stelmaria tourna une oreille vers Black puis, par jeu, tendit l'encolure vers lui et, aussi vive qu'un serpent, happa une des mèches noires de sa crinière qu'elle tira légèrement, par jeu. On avait beau les voir amants, ils n'étaient rien d'autres qu'amis. Très bons amis. Qu'importait que leur façon de s'amuser ne sois pas universelle ? Ou celle de montrer leurs sentiments ? Ils savaient ce qu'ils pensaient l'un de l'autre, c'était amplement suffisant. Quant aux rumeurs, ils avaient tôt fait de les faire taire...

La jument rouge sourit envoyant l'étalon toucher le nez de Zanzibar. Lui d'habitude si renfermé, quoique exubérant, se montrait en ce moment étrangement extraverti. Enfin, étrangement... Non, pas quand on connaissait les raisons de son attitude. Et Stelmaria avait rapidement deviné ce qui n'allait pas. Ce qu'elle avait gardé pour elle. Elle respectait bien trop son ami pour se permettre un quelconque commentaire. Elle se contentait de lui faire comprendre que s'il avait besoin d'elle, elle serait là. Elle appuya légèrement son épaule contre celle de Black et lui sourit, puis reporta son attention sur le jeune.

Black sourit au poulain:

"Deux légendes! N'oublies pas Stelmaria, elle risquerait d'être jalouse..."

D'un sourire taquin il happa lui aussi une mèche du long toupet de son amie et tira dessus, puis fit mine de s'offusquer et, se cabrant, envoya ses sabots dans la tête de son amie sans retenir son geste. Il connaissait Stelmaria, il savait qu'elle était assez vive pour l'éviter, et lui aurait pu stopper son geste en cas de besoin.
Stopper son geste en cas de besoin...Black se laissa retomber. Il n'avait pas su stopper son geste, lorsque Hell Demon s'était trouvé sous ses sabots...bon sang, il n'oublierait jamais la sensation des os craquant sous son pied, par accident, et le regard, le dernier regard de son fils. Haine mâtinée d'une horrible compréhension...et le terrible vide ses prunelles lorsqu'il s'était effondré à ses pieds, mort, tué, par son propre père...Black frémit et sentit l'épaule de Stelmaria contre la sienne. Tournant les yeux vers elle il sut qu'elle l'avait percé à jour. La Jument Rouge avait tout deviné au sujet de la mort de son fils, il le savait, et elle avait probablement deviné sa rupture avec Magie Noire.
Oui, il était bien exubérant en ce moment. Mais cette exubérance était fausse, un mur, un rempart qu'il bâtissait. En parlant, en se montrant sociable il fuyait la solitude qui le poussait à réfléchir. A se souvenir. De la mort de son fils, ou de sa dernière rencontre avec Magie Noire, les insultes, les mots blessants, les accusations et cette terrible incompréhension mutuelle. Il avait eu la réelle impression que, toutes ces années durant, sa compagne avait aimé un rêve, un fantasme, en aucun cas lui. Comme si elle ne l'avait jamais vraiment vu. Ironie du sort, c'est lorsqu'il se livrait, à nu devant elle, qu'elle le traitait de menteur. La séparation avait été brutale, la blessure ouverte en lui, le gouffre béant, affreusement douloureux, et Black se parvenait pas à oublier cela. Alors il parlait, voyait d'autres personnes, pour ne pas être seul, pour oublier le dernier regard de son fils et ne pas avoir à se détester pour cet acte, oublier qu'il ne pouvait pas se le pardonner, oublier les mots durs de Magie Noire et la tristesse de celui qui reste, abandonné. Ne pas y penser, ne pas remuer le couteau dans la plaie...
Pourtant il n'était pas tout seul. Il avait ses deux petits-enfants qui ne dédaignaient pas le voir, le saluaient lorsqu'ils le voyaient, il avait aussi Snow, et Equinox, et Stelmaria. Les deux meilleurs amis du monde, complices, compagnons de jeux, frère et sœur d'armes, confidents aussi...Black jeta à son amie un regard trouble, devinant qu'elle avait suivi ses pensées au moins dans les grandes lignes, puis un sourire timide et fragile, rapide, en lui rendant sa pression d'épaule. Ses yeux disaient: je ne peux pas parler. Sois juste présente, s'il te plaît.

Zanzibar admirait la scène avec de grands yeux, effectivement, sur ce coup il n'avait pas été très habile...

"Elle n'a pas de quoi l'être. Elle est tellement..."

Les mots manquaient au poulain, il y avait tellement de choses à dire, il poursuiva tout de même:

"Elle est aussi unique que vous. Vous êtes égaux, complémentaires..."

Oui c'était cela, ils formaient un duo d'amis formidable, il y avait une alchimie...